21/08/2019
« Démineur », ADC (er) Victor Ferreira, Légion étrangère, éd. Louis de Mareuil
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteur et éditeur. Droits réservés.
« C’est dans les grands dangers qu’on voit les grands courages »
Jean-François Regnard, poète, 1655+1709
« Notre ami de la Légion étrangère, Victor, récidive en publiant ce livre-regard : cette fois sur les démineurs, après s’être penché sur ses frères d’armes dans « Légionnaire ». On ne sera pas surpris de retrouver dans ces pages les deux « organes » essentiels qui lui permettent, derrière les visages, de chercher les âmes : le cœur et l’œil. Le coup de cœur et le coup d’œil ! Ces deux instantanés combinés disent beaucoup de choses en peu de place et permettent de partager l’aventure de ces hommes-courage, de ces démineurs qui se portent au-devant du danger, par amour des autres, par fraternité, par goût du défi, par recherche de la solidarité, de l’adrénaline en situation extrême ou pour repousser les limites du danger. »
COL (r) Pierre Servent, préface à « Démineur »
C’est ma première opération extérieure. J’en avais une idée préconçue du fait de tout ce que m’avaient raconté les anciens, sur le mode « Tu verras là-bas… ». Finalement, je découvre un monde assez différent. Et je mène des actions inimaginables pour moi auparavant. La tâche est immense pour ramener la paix dans ce pays. Pour ma part, je sais que je vais sonder le sol, un travail long et minutieux. Je me suis beaucoup investie, et pendant des mois, pour réussir ma formation. Je ne vais certainement pas gâcher cette occasion de montrer ma valeur. Je n’ai pas encore découvert d’engin, mais j’en ai très envie. Je veux savoir comment va battre mon cœur.
Charlotte, 19 ans, Kidal, Mali
Il faut être humble et sur ses gardes face au risque. Nous sommes tous confrontés à la même limite : la mort. Pour continuer à m’en sortir vivant, je redouble d’ingéniosité et je développe mon expertise. Même si la religion est importante pour moi, quand j’ai besoin d’aide, je choisis la logique, la science et le savoir. Cependant, depuis que je suis EOD, je traîne toujours avec moi le même petit sac d’intervention. Il est bien amoché mais je ne pars jamais sans lui.
Greg, 45 ans, Saint-Christol
Régulièrement, je prends le temps de le baigner, de le frotter, de lui masser les coussinets (ils sont protégés en opération par des chaussons qui limitent les effets de l’abrasivité du sol). Il me semble même que mon chien veille sur moi. Il m’observe sans cesse et, lors de mes absences, je sais qu’il ne reste pas tranquille. Je m’occupe parfois mieux de Fils que de moi.
Henry, 30 ans, et son chien Fils, Gao, Mali.
Je n’ai aucune idée du nombre d’engins que j’ai neutralisé. Suffisamment pour en avoir des sueurs froides en tout cas. Il arrive parfois que l’ennemi acculé pose l’engin n’importe comment… Sur le moment, je suis dans ma bulle. Je ne me rends pas tellement compte du danger. Seulement après, une fois l’IED neutralisé, des gouttes dégoulinent sur mon front.
Nicolas, 40 ans, Montauban.
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« Démineur », ADC (er) Victor Ferreira
Dans le même esprit que « Légionnaire » et toujours aux éditions Louis De Mareuil, un recueil de photos-portraits prises sur le vif et sans artifices – marque de l’artiste - accompagnées de textes-interviews. On y retrouve bien sûr des sapeurs, mais aussi des plongeurs-démineurs, des spécialistes de la Police, de la Sécurité civile, en France, au Mali... Joliment qualifié, et de manière pertinente, de « livre-regard » par Pierre Servent dans la préface.
Nous « croyons » savoir (par l’ami Victor lui-même J) qu'il ne s'agit que du début d'une série. Tant mieux ; le format est intéressant et la qualité est là, pour un prix abordable (20€).
Mais nous ne dévoilerons pas la prochaine arme abordée…
Disponible ici.
« Légionnaire » a été abordé ici et « La Légion dans la peau » là.
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Hommage
A tous les démineurs morts pour la France, morts en service commandés,
aux blessés,
à leurs proches et camarades.
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Depuis que je suis dans le métier, beaucoup de choses ont changé. A commencer par les moyens de détection et les appareils de plongée. Ce qui ne change pas, c’est l’action finale : il faut toujours un plongeur pour aller coller la charge contre la mine…
Martial, 50 ans, Brest
19:46 Publié dans Marins, Mili-Photo, Sapeurs | Lien permanent | Commentaires (0)
14/03/2018
« Journal d’un reporter militaire - 10 ans d'opérations à travers l'objectif », ADJ Sébastien Dupont, ECPAD, Armée de l’Air, éd. de la Flèche
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.
Si tes photos ne sont pas assez bonnes,
c’est parce que tu n’es pas assez près.
Robert Capa
Quelques grognons voient en la « photo militaire officielle » un pur outil de propagande… C’est troublant : Quel serait leur sentiment si l’armée ne publiait aucune image de ses opérations ?
Evidemment, nous ne partageons pas cette opinion. Nous adorons ces photos, si importantes pour le lien « Armée-Nation ». Et cela va même au-delà : certaines d’entre-elles, n’en déplaise, ont rejoint le panthéon de l’art.
Mais que savons-nous des hommes et des femmes de l’ECPAD, des SIRPA, cachés derrière leurs objectifs ? Pas grand-chose, il faut l'avouer.
Voici un livre qui change la donne ; une plongée inédite dans la vie d'un "soldat de l'image", l’ADJ Sébastien Dupont. Il était, il est vrai, idéalement placé pour prendre la parole au nom de tous ses camarades photographes, vidéastes, reporters militaires : son parcours est impressionnant, de la prise d'otage du Ponant au large des côtes somaliennes, à la charge héroïque au Mali, en passant par les sanglantes embuscades afghanes.
Gardons enfin en mémoire que dans "soldats de l'image", il y a avant tout "soldats" et qu’ils partagent tous les risques du combattant. Nos pensées vont dès lors vers le Sergent Sébastien Vermeille, photographe du SIRPA-Terre, mort en Afghanistan.
© Sébastien Dupont/ECPAD
Je commence mon intégration. Cela veut dire des prises de contact tout en douceur et bien sûr sans appareil photo. Pas facile, ici tout le monde se connaît, une nouvelle tête est vite repérée. J'explique pourquoi je suis là parmi eux, quelle sera l'utilisation des images mais aux mots « communication », « appareil photo », « vidéo », « média », les visages se ferment et les bouches se taisent. Et je ne parle pas de réseaux sociaux d'Internet : ici, ce sont de véritables gros mots. Les Forces Spéciales ont été nourries dès le biberon à la Secops, « la sécurité des opérations ». Keep your secret, secret.
Mali
© Sébastien Dupont/ECPAD
Avant que la colonne ne reprenne la route, j'en profite pour faire des images au plus près de la réalité du terrain, comme celles des gars qui se rasent devant les rétros de leurs véhicules, ou encore le café que l'on fait chauffer dans le quart. Rien de sensationnel au sens journalistique du terme, mais des tranches de vie que nous partageons depuis des semaines, tous grades et toutes fonctions confondus. La vie du soldat en zone de conflit et aussi ponctuée de scènes ordinaires.
Mali
© Sébastien Dupont/ECPAD
Le convoi s’arrête. Un VLRA s’est à nouveau ensablé. Je débarque et photographie les gars qui dégagent à grands coups de pelle le sable autour des roues pour placer des plaques de désensablement. Le désert ne se laisse pas dompter facilement. Parfois, je laisse de côté mes appareils et, sans qu'on me le demande, je manie à mon tour la pelle et les plaques surchauffées par le soleil. Dans certaines situations, il est plus important de donner un coup de main que de faire des Images. C'est aussi de cette manière qu'on se fait accepter.
Mali
© Sébastien Dupont/ECPAD
C'est l'embuscade ! Les tirs s’intensifient. On est pris à partie de face et sur le flanc. Il faut absolument rompre le contact et se replier vers les VAB avant que les insurgés ne réussissent à s’imbriquer dans notre dispositif (…) A l'aide de leurs lunettes de tir, certains tentent de repérer les positions ennemies. Je vais les aider à ma manière : je positionne l'appareil photo sur le muret qui nous protège et je fais une série d'images à la volée. Je zoome ensuite sur l'écran où l'on distingue à moins de cent mètres des fenêtres d'où pourraient être postés les Talibans.
Afghanistan
Vidéo de Sébastien Dupont/ECPAD
« On se replie ! On se replie ! Go ! Go ! Go ! ». Une roquette anti-char va être tirée, histoire de calmer le camp d'en face. Le coup est lâché, une vague de poussière est soulevée et s’engouffre vers nous (…) Je me replie avec les premiers, le boitier calé à la hauteur de la poitrine et l'index sur le déclencheur...
Afghanistan
Autoportrait. © Sébastien Dupont/ECPAD
Ce soir, le désert, la poussière et l'adrénaline ont laissé place aux salons feutrés de la résidence personnelle du CEMA. Une réception « petits fours et Champagne » où se retrouvent de hautes, très hautes autorités civiles et militaires. Vêtu d’un costume sombre, j’évolue de manière discrète entre les invités et les photographie flûtes de Champagne à la main, tout en gardant un œil sur le maître des lieux. A tout moment, il peut vouloir une photo particulière et je dois répondre présent. Je regarde la scène qui se déroule sous mes yeux et je pense qu'il y a encore deux semaines je dormais par terre dans la brousse au fin fond de l'Afrique. Étrange Sensation.
Paris
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Formé à l’Ecole d’Enseignement Technique de l’Armée de l’Air, Sébastien Dupont intègre comme photographe en 2005 l’ECPAD (Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense). Pendant 8 ans, il multiplie les OPEX, déployé 12 fois, dont en Somalie où il couvre la libération des otages du Ponant, 4 fois en Afghanistan, 2 fois au Mali ou aux EAU (Opération Chammal contre l’Etat Islamique)… Il rejoint ensuite la cellule communication de la BA 126 en Corse et vient d’être muté au Centre de Recrutement de l'Armée de l'Air de Montpellier. A son actif, plusieurs milliers de photos et de vidéos, l’imposant comme un des photographes majeurs des opérations menées par l’Armée française.
Avec Sébastien Dupont, garçon bien sympathique, à l’enthousiasme communicatif, aux Salons des Écrivains-Combattants et du Livre de Paris 2017.
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« Journal d’un reporter militaire - 10 ans d'opérations à travers l'objectif », ADJ Sébastien Dupont, ECPAD, Armée de l’Air
ISBN 978-2955837207 – Prix 22,90 € - Format 24x16, 244 pages.
Aux éditions de La Flèche
Disponible ici.
L’ADJ Sébastien Dupont reçoit des mains du GAL Le Talenet le prix littéraire « Capitaine Thomas Gauvin » de l’association des Ecrivains-Combattants. Novembre 2017, mairie du XV°.
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Hommage
Au SGT Sébastien Vermeille, SIRPA-Terre, mort pour la France en Afghanistan,
A tous les photographes, vidéastes, reporters des Armées, morts pour la France, mort en service commandé,
A Yves Debay, mort en Syrie,
A tous les photographes, vidéastes, reporters civils, morts en zone de combat,
Aux blessés,
A leurs proches.
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© Sébastien Dupont/ECPAD
J’ai essayé d’être en osmose avec ceux que je photographiais, de faire un travail plus humaniste qu’artistique, même si la qualité graphique de l’image fait partie de sa force et de son impact dans les mémoires (…) La photo n’est finalement pour moi qu’un moyen de me rapprocher de ces hommes et de ces femmes, de les comprendre, de leur donner, en quelque sorte, la parole. Si mes images ont été là pour traduire leur message, je n’aurai pas été totalement inutile.
ADJ Sébastien Dupont
10:59 Publié dans Afghanistan, Mali, Mili-Livre, Mili-Photo, SIRPA, communicants | Lien permanent | Commentaires (4)
15/03/2017
« Légionnaire », ADC (er) Victor Ferreira, 4e RE, 13e DBLE, 3e REI, 2e REI ; LTN (r) Bertrand Constant, 2e REP ; Mareuil Editions
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.
Et le temps passera. Ces hommes, anonymes sous le képi blanc, continueront de défiler majestueusement et de se battre comme ils l'ont toujours fait, relevés par d'autres hommes au même képi blanc, ayant toujours dans les yeux le reflet de cette foi intérieure qui ennoblit la Légion.
Maréchal Juin
Au GRLE, Fort de Nogent
Ce n’est pas un scoop, Une Plume pour L’Epée aime les Légionnaires. Nous les côtoyons d’ailleurs régulièrement, comptant bien des amis bérets verts, ayant nos habitudes au fort de Nogent pour Camerone, à la popote des Caporaux-Chefs, visitant la Crèche, guinchant au bal de Miss Képi Blanc, etc. Mais vous, les connaissez-vous ?
Voici un bien joli livre qui peut vous éclairer et « tuer » quelques « légendes urbaines » sur la Légion (ramassis d’anciens délinquants, tueurs en puissance et autres blablabla). Après le très beau "La Légion dans la peau", notre ami Victor Ferreira a repris son bâton de pèlerin et son appareil-photo : parcourant pendant deux ans les bases béret-vert, jusqu’en Côte d’Ivoire. Il a « flashé », sans artifice car c’est sa marque de fabrique, des visages de jeunes et d’anciens. Posant à chaque fois les mêmes questions, il a confié les enregistrements à un autre Légionnaire, Bertrand Constant, qui a rédigé les textes d’accompagnement.
« Légionnaire » est superbe de simplicité, tant pour les photos que pour les textes. Et c’est heureux, car ces hommes n’ont aucun besoin « d’amberlification »…
« - Qu’est-ce que tu veux dans la valise ?
- Ben, pas grand-chose, cigarettes, affaires de toilette, mes bricoles habituelles…
- Mais, on dirait que tu pars pour l’Armée ?
- Oui, Maman, je pars à la Légion. »
Evidemment, elle a pleuré. Et moi aussi.
Jean, 72 ans, de Hongrie
J’ai souffert en arrivant mais je commence à m’adapter. Je sens que ça vient, que je vais trouver mes marques. En fait, j’aime tout ici. On me force à faire des choses que je n’aurais jamais pensé pouvoir faire. On me dit de le faire, j’essaie et j’y arrive. Chaque jour il y a une progression. Maintenant je crois en mes capacités, j’ai confiance en moi.
Saikou, 25 ans, de Guinée-Conakry
En arrivant au 2e REP, j’ai toujours été volontaire, je n’ai jamais reculé. Parfois, je ne comprenais pas tout, mais je disais « oui » et ensuite je trouvais les solutions. C’est ça l’esprit Légionnaire ; être bon, même quand on ne l’est pas.
Milos, 28 ans, de Serbie
Je me suis engagé à 36 ans. Certains disent que c’est trop vieux mais ça dépend juste de ton état d’esprit (…) J’étais plus vieux que ceux qui s’étaient engagés en même temps que moi mais j’étais à 200%. Je suis passé « à la niaque ».
Gilles, 45 ans, de France
On essaie chacun de notre côté d’honorer au mieux la Légion Etrangère et je dois dire qu’elle nous le rend bien. C’est notre refuge, notre famille toujours présente quand ça ne va pas. Il m’arrive de douter, de ne pas savoir quel chemin prendre et, dans ce cas-là, je m’assois et je regarde longuement mon béret vert. Je ne dirais pas que c’est un miracle mais, étrangement, tout revient dans l’ordre.
Fabien, 25 ans, de France
Je suis très fier d’être Légionnaire parce que, dans mon pays, la Légion Etrangère est une légende, un mythe ! Et aujourd’hui, moi, le jeune Ukrainien sans boulot, je fais partie de cette légende.
Taras, 30 ans, d’Ukraine
Je suis passé deux fois tout prêt de la mort. Parfois, j’ai peur juste à l’idée d’une troisième fois. C’est normal.
Patrice, 45 ans, de France
Quand mon ex-femme a eu un cancer du sein, j’ai voulu démissionner en urgence pour m’occuper d’elle. Je voyais l’enfer arriver. Mais la Légion a été plus intelligente que moi. Mes chefs m’ont dit : « Non, ne démissionne pas, il y a des solutions. Tu es Parisien, on va te mettre en poste à Paris ». Et ils l’ont fait.
Jonathan, 34 ans, de France
Tu peux être n’importe qui, commando ou astronaute ou médecin ou tout ce que tu veux, quand tu arrives à la Légion, c’est fini. Tout le monde repart à zéro. C’est extraordinaire.
Jorge, 67 ans, du Portugal
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Victor Ferreira nait en 1963 au Portugal. En 1984, il s’engage dans la Légion Etrangère, pour laquelle il sert plus de 20 ans, aux 4e RE, 13e DBLE, 3e REI, 2e REI. Il est notamment déployé au Tchad, en RCA et en Bosnie. Lors de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, il est aide de camp du GAL Lecerf. Il quitte l’institution en 2007, alors adjudant-chef. Victor est désormais photographe professionnel.
Bertrand Constant est Saint-Cyrien. Optant pour la Légion, il commande une section de combat du 2e REP pendant 3 ans. Il quitte l’armée en 2000 pour une carrière de comédien. En parallèle à ses tournages réguliers, il développe des projets pour la télévision et le cinéma en tant que scénariste et réalisateur.
Avec Bertand et Victor lors de la soirée du lancement du livre, à la librairie Fontaine Haussmann, novembre 2016.
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« Légionnaire », Victor Ferreira (photos) et Bertand Constant (texte)
ISBN 978-2372540216 – Prix 20 € - Format 22x17, 200 pages.
Aux éditions Mareuil
Disponible ici.
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Pour mémoire, nous avons abordé le superbe premier livre de Victor « La Légion dans la peau » ici.
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Hommage
A tous les Képis Blancs.
Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense
Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé
N'est pas cet étranger devenu fils de France
Non par le sang reçu mais par le sang versé ?
Pascal Bonnetti
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Non, cela n’a pas été facile de devenir Légionnaire,
On le devient en souffrant : sueur, sang, larmes…
Simplement voilà, c’était la voie, chance dernière.
Travailler avec des êtres différents, frères d’armes,
Route droite, unique, fraternelle, dans l’honneur ;
Aventuriers fiers. Merci, Légion, pour ce bonheur.
Extrait d’un poème de Pedro, postface à « Légionnaire », Victor Ferreira, Bertrand Constant
17:45 Publié dans Légionnaires, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)
31/01/2015
« Outremer », Charles Fréger, photographe. Ed. Villa Noailles & Archibooks
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez les réutiliser.
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Joachim du Bellay
Farfouillant sur le Net à la recherche d’illustrations pour nos textes, nous sommes tombés un beau jour sur ce cliché d’un Légionnaire tendant la traditionnelle ceinture bleue de son camarade, en plein désert. Ce fût une vraie baffe artistique, un sentiment difficile à exprimer, mais une certitude : ce cliché avait sa place au Panthéon des photos mili. Hélas, l’auteur n’était pas mentionné.
Alors, évidemment, nous avons mené notre enquête : quel photographe pouvait se cacher derrière ce cliché d’un esthétisme extrême ? Il a été facile a trouver : Charles Fréger. Mais là, heureuse surprise : nous n’avions pas qu’une photo « coup de maître » à nous mettre sous la dent, mais une œuvre d’ampleur, débutée il y a quinze ans : des centaines de photos, près de 25 livres, toute une série de portraits de groupes dont les membres sont indentifiables par le port d’un uniforme ou d’une tenue particulière, dont évidemment les militaires.
Mais trêve de blabla. Faites-vous votre propre idée. Plongez dans « Outremer ». Laissez vagabonder votre imagination. Reflux des vagues, vent dans les élingues, cris des mouettes, crissement du sable…
Base navale de Toulon, 2012-2013
Ils avaient pris la mer, des histoires de sirènes dans la tête.
Base navale de Nouméa, 2012
Parfois ils cherchaient par-dessus bord leurs silhouettes qui longeraient la coque du bateau fendant les eaux.
Base navale de Nouméa, 2012
Au loin, ils guettaient la terre.
Djibouti 13e DBLE, 2011
Ils l’avaient imaginée toute de sable immaculé et ce cieux innocents.
Base navale de Nouméa, 2012
Prodigue, elle leur tendrait des colliers de fleurs blanches.
Base navale de Nouméa, 2012
La destination, quand bien même elle leur était connue, ne pouvait se résumer au point sur la carte et ils le savaient.
Base navale de Nouméa, 2012
Arrivés à terre, ils continueraient à tanguer dans les eaux de l’inconnu.
Porte-avion Charles de Gaulle, 2012
Et ce mystère, ils ne cherchaient pas à l’élucider pour rien au monde, c’est là leur voyage.
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Charles Fréger est né en 1975. Alors qu’il est étudiant aux Beaux-Arts à Rouen, un bateau de la Marine nationale fait escale et il s’essaie aux portraits de Marins. Un déclic se produit : « En une journée, tout a basculé. J'ai vu que c'était mon monde. Je travaillais déjà sur la sérialité. Dans l'uniforme, il y avait quelque chose de conceptuel, de froid, que j'aimais ». Dès lors, il ne photographie que des groupes dont les membres sont indentifiables par le port d’un uniforme ou d’une tenue particulière : militaires, sportifs, majorettes, chasseurs tribaux… Parcourant le monde depuis le début des années 2000, il dresse un inventaire intitulé « Portraits photographiques et uniformes », œuvre d’art majeure, unanimement reconnue dans le monde artistique.
« Fréger ne revendique pas de discours critique ou politique, il explore en artiste le portrait comme genre, en revisite constamment l’histoire et les méthodes à la façon d’un peintre officiel au service de lui-même, de tout-un-chacun et du monde entier. Si académisme il y a dans son protocole, c’est volontaire, comme pour interroger encore le portrait d’apparat, car il part toujours de là : un portrait où les modèles doivent être des sujets restitués dans leur identité mais aussi leur dignité. »
Didier Mouchel, Chef de projet photographie, Pôle Image Haute-Normandie
Site de Charles Fréger ici.
Page FaceBook officielle de Charles ici.
ISBN 978-2357332768 – Prix 30 € - Format 26,5 x 20 – 111 pages
Projet en résidence hors-les-murs, 2010-2013, dans le cadre du programme de résidences artistiques initié par la villa Noailles en 2004.
Coédité par l’association Villa Noailles et Archibooks
Site ici.
Se trouve facilement, par exemple en le commandant chez votre libraire préféré(e) ou sur le Net.
Parmi la vingtaine de livres publiés par Charles et que vous retrouverez ici, outre « Outremer », trois sont consacrés au monde mili :
« Légionnaires », publié en 2002, composé bien évidemment de portraits de képis blancs, « Merisotakoulu » en 2003 sur les marins finlandais et « Empire » en 2009, dédié aux gardes nationaux et royaux (31 régiments ; Royaume-Uni, Espagne, Italie, Monaco, Suède, Vatican, etc.). Inutile de vous dire que nous souhaitons aborder ces livres à leur tour, en attendant avec une impatience que nous ne dissimulerons pas les futurs projets de Charles.
***
Hommage
Aux morts pour la France dans les Théâtres d’Opérations Extérieurs.
Aux morts pour la France dans les départements et territoires d’Outre-mer, notamment en Nouvelle-Calédonie dans les années 80 et en luttant contre l’orpaillage en Guyane.
A ceux morts en service commandé.
Aux blessés.
Djibouti 13e DBLE, 2011
« J'aime l'idée de photographier l'immuable »
Charles Fréger
11:55 Publié dans Légionnaires, Marins, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)
28/12/2014
Ceux d'Afghanistan, 2001-2014
2nde édition - Photos et extraits © leurs auteurs. Droits réservés.
Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.
Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue.
Jean Lartéguy
« Afghanistan », un mot qui restera à jamais gravé dans notre histoire. Mais « Afghanistan » n’est pas qu’un mot. « Afghanistan » n’est pas non plus qu’un morceau poussiéreux d’Asie ou règne depuis des siècles le fracas des armes. « Afghanistan » n’est pas qu’une mosaïque de peuples à l’esprit fier et combattant. « Afghanistan » n’est pas qu’une somme de traditions que nous, Occidentaux, pouvons juger archaïques. « Afghanistan » n’est pas que la mauvaise nouvelle du soir, annoncée d’un air apitoyé par le journaliste-star qui enchaîne, sans transition et retrouvant le sourire, avec la météo des plages.
« Afghanistan », c’est aussi une femme qui verse des larmes de joie, retrouvant son mari après six mois de stress et d’insomnies. C’est un homme sportif qui se demande comment vivre désormais, cloué dans un fauteuil roulant. C’est une femme qui pleure sa tristesse infinie, contemplant le lit de son fils, qui demeurera vide à jamais. C’est une femme fière d’avoir sauvé la vie de cette petite afghane, là-bas. C’est un homme qui s'est élancé sous le feu, pour secourir son frère d’armes blessé. Et cela le fait sourire, quand on le traite de héros.
« Afghanistan », c’est aussi ce soldat, et celui-ci, et celui-là…
Alors que sonne le désengagement, glas pour certains, joyeux carillon pour d'autres, que cette guerre est déjà, dans l'esprit de beaucoup, une "vieille histoire", nous avons voulu rendre à ces soldats l’hommage qu’ils méritaient.
Cependant, nous n’avons pas souhaité écrire sur eux, au-delà de ces quelques phrases d’introduction. Nous avons préféré nous comporter en porte-voix, leur laisser la parole, dans sa diversité : un kaléidoscope d'impressions, finalement plus complémentaires que contradictoires.
Écoutons-les et lisons-les. Ils méritent toute notre attention. Car « Afghanistan », par-dessus tout, c’est eux.
Photo Sébastien Joly, réalisateur d'Aito– Guerriers du Pacifique. Le photographe à gauche est le regretté Yves Debay.
Combien d’hommes peuvent se targuer d’écrire l’Histoire , sinon d’en être acteur ?
Qui aujourd’hui vit intensément, non pas au travers d’un écran, mais ressentant les choses réellement ?
Qui est prêt à accepter la peur, le contact de la mort, le sacrifice de sa famille, pour la maigre gloire personnelle qu’est la fierté de servir son pays ?
CNE Brice Erbland, 1er RHC, « Dans les griffes du Tigre ». Ed. Les Belles Lettres
Photo Sébastien Joly.
Je ne suis pas venu ici pour une médaille. Je suis venu parce que j'en ai reçu l'ordre. Parce que c'est mon travail. Parce que la solde, presque trois fois supérieure à celle que je perçois en France, va nous permettre de réaliser des projets. Parce que je savais qu'avec cette mission j'allais être, pendant six mois, au cœur de mon métier de militaire. Parce que je savais que j'allais me confronter au combat, connaître les giclées d'adrénaline, la peur aussi.
SGT Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, “Journal d’un soldat français en Afghanistan”. Ed. Plon
Photo Nicolas Mingasson, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » Ed. Acropole.
La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer. Et mourir.
CCH Emmanuel Gargoullaud, RICM, « L’Afghanistan en feu ». Ed. Economica
Photo EC 2/3 « Champagne »
En Afghanistan, nous ne savions jamais à quoi nous attendre en l’air. Le stress se vivait pendant la mission, directement au contact des hommes pris sous le feu ennemi. Le stress ne venait pas de la peur de mourir, mais de la rapidité des actions à mener, de décisions prises en l’espace de quelques secondes. Dans nos cockpits, nous étions immergés au cœur des combats. Là-haut, les équipages étaient le dernier maillon de la chaîne. Ils endossaient la responsabilité technique du tir et, en cas d’échec, ils devaient répondre de leurs actes.
CDT Marc « Claudia » Scheffler, EC 2/3 « Champagne », désormais Lieutenant-Colonel à l’EPAA, « La guerre vue du ciel ». Ed. Nimrod.
Photo Sébastien Joly.
J’éprouve une admiration infinie pour tous les soldats français présents en Afghanistan. Ces quatre mille hommes (…) effectuent un travail grandiose. Quelles que soient les considérations politiques qui, forcément, les dépassent, quelle que soit la stratégie qui n’est pas toujours celle que la France aurait souhaitée, quel que soit le contexte qui revêt parfois des couleurs de guêpier, ces hommes vivent ici une mission noble.
Padre Richard Kalka, aumônier militaire, « Dieu désarmé ». Ed. LBM
Dessin de Bertrand de Miollis – œuvre originale offerte par l’artiste au Chasseur. « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan ». Ed. Gallimard.
Dans ce pays, comme dans d'autres théâtres de crise, il n'y a pas de coupure franche entre les amis et les ennemis, entre les insurgés les plus fanatiques et les partisans les plus convaincus du gouvernement légitime (...) Si ligne de partage il y a, c'est dans le cœur de chaque Afghan.
COL Benoît Durieux, 2e REI, in "Captain Teacher", CNE Raphaël Krafft, 2e REI, animateur de Radio Surobi. Ed. Buchet-Chastel
Photo Jean-Christophe Hanché, « Kapisa » [épuisé].
Il est très dur de faire du social aujourd’hui avec des gens qui tireront sur vos camarades demain.
ADC Jean-Claude Saulnier, 2e REP, « Une vie de Légionnaire ». Ed. Nimrod
Photo Sébastien Joly.
Chaque terroriste sait comment utiliser nos règles d'engagement à son profit. La question essentielle est simple: qui est prêt à aller le plus loin dans cette guerre? (...) Si vous ne souhaitez pas vous impliquer dans une guerre qui risque de dégénérer, alors, gardez-vous bien de vous y laisser entraîner.
Navy SEAL Marcus Luttrell, USA. « Le survivant ». Ed. Nimrod.
Photo Jean-Christophe Hanché.
Nous ne sommes que de passage, nous ne pouvons prétendre changer ce monde auquel nous sommes trop étrangers.
LCL Geoffroy de Larouzière-Montlosier, 1er RTir, « Journal de Kaboul ». Ed. Bleu-Autour
Photo Thomas Goisque, « D’ombre et de Poussière » éd. Albin Michel & « Haute tension » éd. Gallimard.
Les soldats ont rempli la mission qui leur était donnée, en pacifiant la zone dans laquelle ils intervenaient. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.
LCL Bernard Gaillot, 13e BCA, "De l'Algérie à l'Afghanistan", ed. Nuvis.
Photo Thomas Goisque.
[On] me demandait mon ressenti par rapport à notre présence ici. J’étais convaincu de notre nécessité, mais j’étais inquiet de l’opinion publique. La population française semblait peu préoccupée par ses soldats qui donnaient leur vie pour la sécurité nationale, voire internationale (…) Cela nous blessait. Nous avions le sentiment d’avoir combattu pour rien, sachant qu’au fond de nous, ce n’était pas le cas.
ADJ Sylvain Favière, infirmier-para (désormais réserviste), « Ma blessure de guerre invisible ». Ed. Esprit Com’
Photo Olivier "Wali" Lavigne-Ortiz, "L'autre côté de la lentille", éd. OLOrtiz.com
Au fil des mois, le corps et l’âme du soldat finissent par être marqués. Je m’en suis sorti avec quelques rares égratignures. La guerre ne m’avait pas tant changé. Elle avait simplement confirmé ce que j’avais toujours été au fond de moi : un soldat. Quand les personnes me demandent comment a été mon expérience en Afghanistan, je vois dans leur expression qu’ils s’attendent à une réponse triste et négative. Ils sont surpris et sourient quand je leur réponds que l’Afghanistan a été la plus belle expérience de ma vie.
CPL Olivier « Wali » Lavigne-Ortiz, R22eR, Armée canadienne.
Photo Sébastien Joly.
Je repensais à Tagab. Je ne réalise pas que je n’y retournerai plus jamais. J’ai l’impression que je vais me réveiller, tôt ou tard, dans mon petit box, avec Fab dans le lit au-dessus de moi… J’ai vraiment l’impression d’avoir oublié quelque-chose là-bas, d’y avoir laissé je ne sais quoi.
CCH Julien Panouillé, 1er RCP, « 197 jours – Un été en Kapisa ». Ed. Mélibée
Photo José Nicolas – « Afghanistan – Task Force Lafayette » Ed. L’esprit de tous les combats.
Et je me pris à rêver que j’étais sur le terrain avec les gars, les accompagnant une dernière fois pour écraser l’ennemi.
SGT Paul ‘Bommer’ Grahame, The Light Dragoons, rattaché au Mercian Regiment, Royaume Uni, « Appui feu en Afghanistan ». Ed. Nimrod
Photo Thomas Goisque.
L’expérience afghane a laissé en moi des blessures indélébiles, mais elle a aussi renforcé les fondements de mon engagement. Le sens profond du pacte qui nous unit s’est dévoilé dans les vallées touraniennes : une confiance absolue entre les hommes, l’esprit collectif poussé jusqu’à sa dernière extrémité. Avec l’amour, il s’agit à mon sens du lien humain le plus fort qui soit.
LTN Nicolas Barthe, 21e RIMa, désormais Capitaine au RICM après un passage au RSMA Guadeloupe, « Engagé ». Ed. Grasset
Photo José Nicolas.
J’ai vu le mal. J’ai vu des enfants déchiquetés par des bombes. J’ai vu des blessés aux membres dilacérés par les explosions. J’ai vu des corps que le feu avaient rendus méconnaissables. Derrière chacun de ces blessés, il y a un autre homme qui a armé une bombe, qui a visé et tiré avec son arme, qui a fait exploser sa ceinture piégée (…). Je n’avais jamais capté auparavant autant d’intentions homicides qu’ici. Je te tue, tu me tues, il se tue, nous vous tuons, vous nous tuez, ils se tuent.
Et j’ai vu le bien. Je n’ai jamais vu autant de dévouement la patience de soustraire un homme à la mort. Sur le terrain, de jour comme de nuit, des brancardiers secouristes, des infirmiers et des médecins risquent leur vie pour sauver celle des autres. Cinq d’entre eux l’ont déjà donnée. Malraux écrivait : « Je cherche cette région cruciale de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ». J’ai vu et éprouvé cette fraternité.
Professeur (Général) Patrick Clervoy, Service de Santé des Armées, « Dix semaines à Kaboul ». Ed. Steinkis.
Photo Alphonse-Bernard Seny – « Le temps de l’action » Enfin!Editions.
Je repense à l’opération « Dinner out » [conquête de la vallée d’Alasay], au Caporal-Chef Belda qui doit être fier de nous, à toutes nos familles qui nous ont attendus avec calme, patience et dignité. Je regarde ces chefs de section, les Lieutenants Lazerges, Chantrel et Brunet, l’Adjudant Bouaouiche et leurs commandants d’unité, les Capitaines Minguet et Gruet et je pense à tous leurs camarades officiers, sous-officiers, chasseurs, légionnaires, artilleurs, cavaliers, transmetteurs, à tous mes Tigres de la Kapisa. Je mesure toute la chance que j’ai eue de commander des soldats de leur valeur. Ce sont eux les artisans de nos succès et les vrais vainqueurs de la Kapisa.
Tout le reste n’a que peu d’importance.
COL Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger », « Task Force Tiger ». Ed. Economica
Photo Marlene Kuhn-Osius, « Objectif Afghanistan » [épuisé].
La guerre, je l'ai fréquentée en d'autres lieux en tant que reporter. J'ai attendu de nombreuses fois qu'elle survienne pour rassasier ma soif d'adrénaline, me rappeler ou rappeler aux autres que j'existe, m'exalter de vivre un moment extraordinaire, historique parfois, ou simplement pour avoir de quoi écrire un article. (...) [Mais] être acteur à la guerre, c'est autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je me rends compte que les militaires, finalement, quand ils sont sains d’esprit et "bien tassés dans leurs bottes", n’aiment pas la guerre, ou du moins, l’aiment parfois moins que nous [les journalistes]. Et c'est heureux.
CNE (r) Raphaël Krafft, COS, journaliste rattaché au 2e REI, animateur de Radio Surobi, « Captain Teacher », Ed. Buchet-Chastel
Photo José Nicolas.
Aujourd’hui la mission est terminée, le fanion [du GTIA] Raptor a rejoint définitivement les murs de la salle d’honneur du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes. Mais l’on dit qu’à chaque visite, à chaque souvenir évoqué en sa présence, il retrouve ses couleurs vives et l’aigle sur le tissu reprend son vol suspendu pour « fondre du ciel » à jamais. On dit même qu’il se met alors à parler de ces hommes et de ces femmes qui sont allés jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs convictions, de ces hommes et de ces femmes qui ont gagné là-bas, loin de leur pays, le seul combat qui vaille la peine d’être vécu, celui que l’on livre contre soi-même, pour les autres, jusqu’au sacrifice de sa vie.
COL Renaud Sénétaire, 1er RCP, commandant le GTIA Raptor, auteur de « Les aigles dans la vallée », Ed. Mélibée. Préface à « 197 jours – Un été en Kapisa », CCH Julien Panouillé, 1er RCP. Ed. Mélibée.
Photo Alphonse-Bernard Seny.
J'étais fier de commander mes hommes, me souciant de leurs tâches et surtout de leurs préoccupations. J'étais heureux d'être avec eux au bar, le soir, en rentrant de mission, une fois que tout était terminé, que la pression était tombée, avant de recommencer tôt le lendemain. Heureux de ne faire qu'un avec eux. Heureux car ils me le rendaient bien et l'on pouvait sentir entre nous, sans que cela ait été décidé, une complicité de ce lien particulier et fort qui unit les hommes après qu'ils ont traversé ensemble des épreuves qui ne peuvent être fidèlement narrées.
CNE Philippe "Stang" Stanguennec, CoTAM, "Au service de l'espoir", Ed. L'Esprit du Livre.
Photo Alphonse-Bernard Seny.
J’ai commandé des soldats exceptionnels. J’ai commandé des hommes qui savent aujourd’hui ce qui est essentiel et ce qui n’est qu’accessoire. J’ai commandé des hommes qui ont grandi. J’ai eu l’honneur d’être parmi eux.
Et l’Afghanistan ? Qu’adviendra-t-il demain de ce pays terrible où quatre-vingt-huit de nos frères d’armes ont laissé leur vie ? Nul de ne peut le prédire. Mais une chose est sûre : aujourd’hui, les cerfs-volants flottent de nouveau dans le ciel afghan.
COL Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, commandant le GTIA « Wild Geese ». Préface à « Le temps de l’action », Alphonse-Bernard Seny. Enfin!Editions.
Photo Nicolas Mingasson.
Chacun, un jour prochain, regagnera, qui sa famille, qui ses parents ou ses amis. De nouveau, la vie « quotidienne » reprendra le dessus, mais n’y aura-t-il rien de changé en nous ? Ce séjour de cinq mois ou plus, parfois beau, parfois laid, parfois joyeux, parfois triste, n’aura-t-il laissé aucune trace dans nos vies ? N’aura-t-il pas façonné, d’une impression qui nous était insoupçonnée au départ, notre façon d’appréhender le monde, et celle dont on veut vivre et aimer en ce monde ? Peut-être même que notre cœur a été mis à nu et que notre vie émotionnelle, sentimentale, affective et amoureuse s’en est trouvée transformée et pourquoi pas transfigurée ? La fragilité de l’existence que nous avons pu « apprécier » ici ne va-t-elle pas nous apprendre à aimer « différemment » ceux qui nous sont chers et même ceux que nous n’aimions pas assez, jusqu’ici ?
Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Ed. EdB.
Photo Nicolas Mingasson.
Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés, sans tenir de propos sacrilèges ?
Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’armes.
CNE Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA in « D’ombre de de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson. Ed. Albin Michel
SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA. Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.
La guerre d’Afghanistan s’achève et ses protagonistes entrent peu à peu dans l’oubli. D’autres conflits font leur apparition, au Mali ou ailleurs. Mais les blessés de guerre porteront toute leur vie le vivant témoignage de leurs batailles. Quatre ans plus tard, ma blessure est toujours là et ma souffrance physique quotidienne. Je ne pense pas m’en débarrasser un jour. Lorsque mon nerf me lance, j’ai le sentiment que ma jambe coupée est toujours là et que c’est elle qui me fait souffrir. Les médecins appellent cela « le membre fantôme ». Je serre les dents, je me plie en deux sous la douleur et j’attends que la souffrance passe. Ce fantôme va et vient plusieurs fois par jour et apparaît sans prévenir. Avec le temps, j’apprends à vivre avec lui. Cela fait partie de mon sacrifice. Je ne m’en plains pas et je ne regrette rien.
SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA, « Blessé de guerre », autoédité.
Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.
Perdu, déstabilisé, isolé dans sa souffrance, il est ainsi depuis son retour d’Afghanistan, voici plus de deux ans… Seul le désespoir empêche de croire à des jours meilleurs. Or toute la richesse du cœur de l’homme se résume à l’espérance que nous ne devons jamais perdre. Il nous faut espérer pour lui et avec lui, car l’espérance est souvent ce qui reste quand tout est parti à vau-l’eau. Le travail d’accompagnement sera long, mais il n’est pas permis de croire à son échec.
Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « L’autre combat ». Ed. EdB.
Photo Philippe de Poulpiquet.
Je pense d’abord aux familles, à celles et à ceux qui ont perdu un proche, aux blessés graves, à toutes les personnes dont la vie sera irrémédiablement différente. Elles nous donnent des leçons quotidiennes de courage et de modestie. L’institution, je pense, en tire des leçons de vérité. Lorsque les cercueils sont alignés devant vous, vous prenez la réalité en pleine figure (…) A titre personnel, ces cérémonies d’hommage m’ont appris une plus grande humilité. J’ai un garçon qui part dans quelques jours en Afghanistan. Et je me dis : « Et si cela m’arrivait, à moi ? Si notre garçon devait être tué là-bas ? ». Frappé en plein cœur, comme toutes ces familles que nous avons tenté de réconforter, saurions-nous alors nous comporter plus dignement que beaucoup d’entre elles ?
Général de corps d’armée Bruno Dary, ancien Gouverneur Militaire de Paris. Postface à « Afghanistan – Task Force La Fayette », José Nicolas. Ed. L’esprit de tous les combats.
Photo José Nicolas.
On ne se débarrasse pas des morts. Ils sont là. Ils forment un cortège amical et funèbre qui nous attend désormais de l’autre côté du miroir.
Padre Christian Venard, « Un prêtre à la guerre ». Ed. Tallandier
***
Bibliothèque francophone « Ceux d’Afghanistan »
Non exhaustif.
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Photos Thomas Goisque.
Certains pourront toujours prétendre que nous n’avons influé sur rien, que ces dix années de guerre en Afghanistan ont été inutiles, mais il suffirait que germent les quelques graines d’espoir que nous avons semées lors de nos mandats successifs, pour que rien n’ait été inutile.
Et même si rien ne germe, pourquoi devrions-nous regretter d’avoir essayé ?
Pourquoi devrions-nous renier ceux qui ont été tués ou blessés, en essayant ?
SCH Yohann Douady, 2e RIMa, « D’une guerre à l’autre ». Ed. Nimrod
Hommage
Aux morts pour la France en Afghanistan
31 août 2004 - CPL Murat YAGCI - 1er RPIMa
21 octobre 2004 - 1CL Thierry JEAN BAPTISTE - 3e RH
21 octobre 2004 - MDL Simah KINGUE EITHEL ABRAHAM - 3e RH
11 février 2005 - CPL Alan KARSANOV - 2e REI
17 septembre 2005 - CCH Cédric CRUPEL - 1er RPIMa
4 mars 2006 - PM Loïc LEPAGE - Commando Trépel
15 mai 2006 - 1CL Kamel ELWARD - 17e RGP
20 mai 2006 - ADC Joël GAZEAU - 1er RPIMa
20 mai 2006 - CCH David POULAIN - 1er RPIMa
25 août 2006 - PM Frédéric PARE - FORFUSCO
25 août 2006 - CCH Sébastien PLANELLES - CPA 10
25 juillet 2007 - ADC Pascal CORREIA - 1er RCP
23 août 2007 - MDL Stéphane RIEU - 1er RHP
21 septembre 2007 - ADC Laurent PICAN - 13e BCA
18 août 2008 - SGT Damien BUIL - 8e RPIMa
18 août 2008 - CPL Kévin CHASSAING - 8e RPIMa
18 août 2008 - ADJ Sébastien DEVEZ - 8e RPIMa
18 août 2008 - CAL Damien GAILLET - 8e RPIMa
18 août 2008 - SGT Nicolas GREGOIRE - 8e RPIMa
18 août 2008 - CPL Julien LE PAHUN - 8e RPIMa
18 août 2008 - SGT Rodolphe PENON - 2e REP
18 août 2008 - CPL Anthony RIVIERE - 8e RPIMa
18 août 2008 - CPL Alexis TAANI - 8e RPIMa
19 août 2008 - CPL Melam BAOUMA - RMT
22 novembre 2008 - ADC Nicolas REY - 3e RG
11 février 2009 - CDE Patrice SONZOGNI - 35e RAP
14 mars 2009 - CCH Nicolas BELDA - 27e BCA
24 mai 2009 - CCH Guillaume BARATEAU - 9e CCT / 9e BLBMa
1er août 2009 - CCH Anthony BODIN - 3e RIMa
4 septembre 2009 - CCH Johan NAGUIN - 3e RIMa
6 septembre 2009 - SGT Thomas ROUSSELLE - 3e RIMa
27 septembre 2009 - CPL Kévin LEMOINE - 3e RIMa
27 septembre 2009 - ADC Yann HERTACH - 13e RDP
27 septembre 2009 - BCH Gabriel POIRIER - 13e RDP
27 septembre 2009 - CCH Ihor CHECHULIN - 2e REI
8 octobre 2009 - SCH Johann HIVIN-GERARD - 3e RIMa
11 janvier 2010 - ICS Mathieu TOINETTE - 402e RA
12 janvier 2010 - LCL Fabrice ROULLIER - 1e BM
13 janvier 2010 - MDC Harouna DIOP - 517e RT
9 février 2010 - CPL Enguerrand LIBAERT - 13e BCA
8 avril 2010 - CPL Robert HUTNIK - 2e REP
22 mai 2010 - CBA Christophe BAREK-DELIGNY - 3e RG
7 juin 2010 - SCH Konrad RYGIEL - 2e REP
18 juin 2010 - BCH Steeve COCOL - 1er RHP
6 juillet 2010 - ADJ Laurent MOSIC - 13e RG
10 août 2010 - 1CL Antoine MAURY - 1er RMed
23 août 2010 - CNE Lorenzo MEZZASALMA - 21e RIMa
23 août 2010 - CCH Jean-Nicolas PANEZYCK - 21e RIMa
30 août 2010 - ADC Hervé ENAUX - 35e RI
15 octobre 2010 - ICS Thibault MILOCHE - 126e RI
17 décembre 2010 - CBA Benoît DUPIN - 2e REG
18 décembre 2010 - MA Jonathan LEFORT - Commando Trepel
08 janvier 2011 - SGT Hervé GUINAUD - RICM
19 février 2011 - CCH Clément CHAMARIER - 7e BCA
24 février 2011 - ADC Bruno FAUQUEMBERGUE - CFT
20 avril 2011 - CCH Alexandre RIVIERE - 2e RIMa
10 mai 2011 - 1CL Loïc ROPERH - 13e RG
18 mai 2011 - 1CL Cyril LOUAISIL - 2e RIMa
1er juin 2011 - SGT Guillaume NUNES-PATEGO - 17e RGP
10 juin 2011 - CCH Lionel CHEVALIER - 35e RI
10 juin 2011 - LTN Matthieu GAUDIN - 3e RHC
18 juin 2011 - CPL Florian MORILLON - 1er RCP
25 juin 2011 - CCH Cyrille HUGODOT - 1er RCP
11 juillet 2011 - BCH Clément KOVAC - 1er RCh
13 juillet 2011 - CNE Thomas GAUVIN- 1er RCP
13 juillet 2011 - ADC Laurent MARSOL- 1er RCP
13 juillet 2011 - ADC Emmanuel TECHER -17e RGP
13 juillet 2011 - ADC Jean-Marc GUENIAT - 17e RGP
13 juillet 2011 - SGT Sébastien VERMEILLE – SIRPA-Terre
14 juillet 2011 - MA Benjamin BOURDET - Commando Jaubert
7 août 2011 - CCH Kisan Bahadur THAPA - 2e REP
7 août 2011 - CPL Gerardus JANSEN - 2e REP
11 août 2011 - SGT Facrou HOUSSEINI ALI - 19e RG
14 août 2011 - CNE Camille LEVREL - 152e RI
7 septembre 2011 - CNE Valéry THOLY - 17e RGP
14 novembre 2011 - 1CL Goran FRANJKOVIC - 2e REG
29 décembre 2011 - ADC Mohammed EL GHARRAFI - 2e REG
29 décembre 2011 - SGT Damien ZINGARELLI - 2e REG
20 janvier 2012 - ADC Fabien WILLM - 93e RAM
20 janvier 2012 - ADC Denis ESTIN - 93e RAM
20 janvier 2012 - SCH Svilen SIMEONOV - 2e REG
20 janvier 2012 - BCH Geoffrey BAUMELA - 93e RAM
27 mars 2012 - CDE Christophe SCHNETTERLE - 93e RAM
9 juin 2012 - MAJ Thierry SERRAT - GIACM
9 juin 2012 - ADJ Stéphane PRUDHOM - 40e RA
9 juin 2012 - MLC Pierre-Olivier LUMINEAU - 40e RA
9 juin 2012 - BCH Yoann MARCILLAN - 40e RA
7 août 2012 - ADC Franck BOUZET - 13e BCA
5 août 2013 - ADJ Gwénaël THOMAS - BA 123
Photo US Army
Hommage
Aux soldats de l’ISAF de toutes nationalités, nos frères d’armes, morts en Afghanistan,
2356 américains, 453 britanniques, 158 canadiens, 54 allemands, 48 italiens, 43 danois, 41 australiens, 40 polonais, 34 espagnols, 27 géorgiens, 25 néerlandais, 21 roumains, 14 turcs, 11 néo-zélandais, 10 norvégiens, 10 tchèques, 9 estoniens, 7 hongrois, 5 suédois, 3 lettons, 3 slovaques, 2 finlandais, 2 jordaniens, 2 portugais, 1 albanais, 1 belge, 1 lituanien, 1 sud-coréen,
Aux milliers de soldats de l’Armée Nationale Afghane, nos frères d’armes, morts pour leur pays,
Aux contractants, journalistes, morts en Afghanistan,
Aux blessés dans leur chair, dans leur psychisme.
Photo Sébastien Joly
A la mémoire des civils afghans.
C'est sûr que nous vivons des temps difficiles, mais je regarde les choses de façon pragmatique : Il y avait deux écoles à Surobi en 2002, il y en a plus de vingt aujourd'hui. Il ne faut pas être ingrat. Les gens oublient vite. Moi, je me range dans le camp de ceux qui apportent le savoir et l'éducation.
Aziz Rahman, animateur de Radio Surobi,
radio "communautaire" en langue pashto fondée par le COL Durieux, 2e REI.
« Captain Teacher », CNE (r) Raphaël Krafft, COS rattaché au 2e REI, Ed. Buchet-Chastel
***
La 52e promotion de l’EMIA s'est baptisée « Ceux d'Afghanistan »
Nous avons apporté notre soutien à leur projet d’ériger une stèle à Coëtquidan, en mémoire des 89 soldats français morts pendant le conflit.
Outre les fonds pour le monument, les Dolos ont réuni 15 000 € qu'ils ont offerts à Terre Fraternité, association qui vient en aide aux blessés et familles endeuillées.
Nous vous avons conté cette belle aventure, à laquelle nous sommes fiers d'avoir participé, ici.
Mais le soutien, comme le devoir de mémoire, doit continuer ! Rejoignez comme nous un autre beau projet, initié par le LTN Youri Féral : "1 Run ou 1 don pour nos blessés de guerre".
***
Photo Sébastien Joly
Comme nos camarades des autres armées, les aviateurs ont affronté avec courage les risques de leur action en Afghanistan. Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui l’ont payé de leur vie, de tous ceux blessés dans leur chair et dont le mérite n’a d’égal que la noblesse de leur mission.
Général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, Chef d’état-major de l’Armée de l’Air. Préface à « Afghanistan – Regards d’aviateurs », CNE Charline Redin, SIRPA-Air, désormais ECPAD.
Photo Thomas Goisque.
Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan.
Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre. Préface à « L’Afghanistan en feu », CCH Emmanuel Gargoullaud, RICM. Ed. Economica
Photo Thomas Goisque.
S’il vous arrive de rencontrer un de ces soldats, je suis convaincu qu’il appréciera que vous lui disiez merci. Merci pour son service. Merci pour son sacrifice. Nos soldats méritent de se faire dire merci.
Ils sont ce que ce pays a de plus noble. Ils sont ce que ce pays a de mieux.
LCL Steve Jourdain, Royal 22e Regiment, frère d’armes québécois. « Mon Afghanistan », Ed. Athéna.
14:11 Publié dans Afghanistan, Mili-Hommage, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2014
« Le temps de l’action – Un épisode de l’histoire du 92e Régiment d’Infanterie », Alphonse-Bernard Seny, photographe, Enfin!Editions
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.
A moi, Auvergne !
Devise du 92e RI “Les Gaulois”,
attribuée au caporal Dubois du régiment d’Auvergne, lors de la bataille de Kloster Kampen contre l’armée anglo-prussienne, 1760, guerre de Sept ans.
Début 2012, le 92e Régiment d’Infanterie, constituant la base du Groupement Tactique Interarmes « Oies sauvages », s’entraîne sur sa terre d’Auvergne. Son déploiement en Afghanistan approche. Parmi les Gaulois, un drôle de personnage déambule, sans Famas, mais un appareil photo en bandoulière : Alphonse-Bernard Seny. Ainsi commence une belle aventure, qui trouvera son apogée en Surobi. Témoignage de cette page d’histoire, un livre photo comme on les aime : « Le temps de l’action ».
Et c’est toute la vie des Gaulois et du GTIA qui s’expose à nos yeux, de bien belle manière : au rythme des 250 pages, on passe de l’entraînement dans les brumes auvergnates aux patrouilles sous soleil brûlant de l'Afghanistan; des convois sous tension à bouffer la poussière, à la vie dans la base, « soulevage » de fonte et repas appétissants (ou pas) ; des traits tirés par l’épuisement physique et mental, aux sourires lumineux lors des rares instants de détente ; de la promiscuité dans le VBCI ou la chambrée, à l’immensité désertique de la Surobi, qui pourrait être sublime si la mort ne se cachait pas derrière chaque caillou…
Tout cela en grand format, porté par un traitement chromatique malin : couleurs froides pour l’Auvergne, chaudes pour l’Afghanistan.
L’un des livres photo les plus réussi sur les troupes françaises au pays de l’insolence.
Alphonse-Bernard Seny en Afghanistan
Quelques pages du livre, accompagnées des mots du Colonel Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, 2010-2012, commandant le GTIA en Afghanistan.
Voici venu le temps de l’action
Nous avons gravi des collines, trébuchés sous des sacs trop lourds. Nous nous sommes relevés et nous avons repris notre chemin.
Nous avons arpenté des pistes sans fin, parcouru des villages écrasés par le ciel et de verdoyants vergers de grenadiers.
Nous avons été éblouis par le soleil qui brûlait la terre et nous avons écouté le silence de la montagne.
Nous nous sommes préparés, sans peur, mais avec une légitime appréhension. Serions-nous prêts à cette rencontre avec l’ennemi ? Serions-nous prêts à cette rencontre avec nous-même ?
C’est alors qu’est venu le temps de l’action.
COL Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, commandant le GTIA « Wild Geese », Afghanistan, 2012.
***
Photo © Benoît Schaeffer / Divergence
Alphonse-Bernard Seny débute sa carrière de photographe dans les années 70 mais évolue rapidement vers la réalisation, vidéo-clips, publicités, films d’entreprise. A la fin des années 80, il réalise un film documentaire sur les enfants abandonnés de Saigon. Conquis par le Vietnam, il s’y installe pendant 7 ans et participe à la création d’un hôtel de luxe sur l’ancienne base des forces spéciales américaines de Nhatrang. De retour en France, il reprend sa carrière dans les médias, dont un documentaire plusieurs fois primé sur le photographe Tim Page, à qui l’on doit des images mythiques sur la guerre du Vietnam. Pas à pas, il revient vers son premier amour, la photographie. On lui doit par exemple le projet « Charlie won’t surf », exposition de photos sur les traces de la guerre en Extrême-Orient, avec l’effet toujours dévastateur de l’agent Orange sur les générations successives. En 2011, il est autorisé par l’armée française à suivre le 92e RI de Clermont-Ferrand, de son entraînement à son désengagement de Tora. Fruit de cette immersion : un lien affectif fort avec les Gaulois, et un livre remarquable, Le temps de l’action, qui concourt sans équivoque au titre de plus bel ouvrage photo sur l’engagement français en Afghanistan.
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Prix : 61,80€ (direct éditeur). ISBN 979-10-92076-00-4 format 24x30, 260 pages couleurs
Pour vous procurer le livre, voir ici.
Disponible également chez Prividef, ici.
Site d’Alphonse-Bernard Seny ici.
Page FaceBook du 92e RI ici.
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Le Tigre du CNE Brice Erbland, auteur de « Dans les griffes du Tigre », en Afghanistan - Ceci est attesté par Brice lui-même, d’après le code de l’hélicoptère visible sur d’autres photos.
A gauche et à droite, votre serviteur avec Alphonse-Bernard : au Festival International du Livre Militaire 2013, Saint-Cyr Coëtquidan, et lors du vernissage de son exposition "Charlie Won't Surf", le 10 octobre dernier, galerie "Espace réduit", Paris XI°. Au centre, à l'Ecole Militaire lors des journées du patrimoine 2013. Photo © Natachenka
L’armée, ce n’était pas trop mon truc. Question d’époque. Un rien de rébellion aussi ? Je suis fils d’officier. Et pourtant, il fallait que j’y vienne, après m’être intéressé à ce qui « entourait » l’armée, les traces de la guerre par exemple, ou Tim Page. Au final, mon passé rock n’ roll m’a peut-être servi. J’y suis allé au culot, et cela a marché. Lors de ma première rencontre avec le Colonel, j’étais un rien tendu. Je ne savais trop à quoi m’attendre. Et puis le courant est passé, avec lui, puis avec ses hommes. J’ai eu pratiquement carte blanche. Tout s’est fait très naturellement, pas à pas. Oui, ma vision sur ce milieu à part a changé. J’avais conscience qu’en Afghanistan, sans eux et leur protection, je n’étais rien. Evidemment, une telle aventure laisse des traces. Ce sont des gens extraordinaires et se rapprocher de l’armée m’a peut-être aidé à mieux comprendre mon père.
Basé sur une conversation au F.I.L.M avec Alphonse-Bernard
Hommage
Aux Gaulois du 92e RI morts pour la France,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc
Au cœur de notre France
Existe un pays de montagnes
Où l'on entend encore les échos des grandes batailles.
La vie et la mort s'y côtoient encore.
Quand nos armes sont sur le terrain
S'il faut, ennemis, nous referons Gergovie.
"Nos pères les Gaulois", chant du 92e RI
J’ai commandé des soldats exceptionnels.
J’ai commandé des hommes qui savent aujourd’hui ce qui est essentiel et ce qui n’est qu’accessoire.
J’ai commandé des hommes qui ont grandi.
J’ai eu l’honneur d’être parmi eux.
Et l’Afghanistan ?
Qu’adviendra-t-il demain de ce pays terrible où quatre-vingt-huit de nos frères d’armes ont laissé leur vie ?
Nul de ne peut le prédire.
Mais une chose est sûre : aujourd’hui, les cerfs-volants flottent de nouveau dans le ciel afghan.
Colonel Gilles Haberey
Livre photo, 92e Régiment d’Infanterie, Les Gaulois, Régiment d’Auvergne, GTIA Wild Geese, Surobi.
11:49 Publié dans Fantassins, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (4)
01/12/2014
« L’autre côté de la lentille », CPL Olivier « Wali » Lavigne-Ortiz, R22eR, Canada, éd. OLOrtiz
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez les réutiliser.
« Tu peux tuer toutes les hirondelles,
tu n'empêcheras pas le printemps de revenir. »
Proverbe afghan
Après-midi du 14 juillet, sur l’esplanade des Invalides, après l’émotion de la rencontre tant attendue avec le LCL Steve Jourdain, au gré de la discussion : « Tu connais le livre de Wali ? – Nan – C’est un ancien tireur d’élite. Vétéran d’Afgha. Photographe. Tu devrais le contacter… »
Nos fidèles lecteurs savent déjà toute l’affection que nous portons à Steve Jourdain. La magie de cette relation fraternelle, établie par-dessus l’Atlantique, en quelques jours et par de simples échanges de messages, allait-elle se répéter avec son jeune compatriote Wali ? Le lien indéfinissable qui unit la communauté militaire et tous ceux qui revendiquent en faire partie, quand bien même civils, n’est-il qu’une vue de l’esprit ? Non. Cette fraternité est un fait : L’accueil du tireur d'élite est plus que chaleureux. Quelques échanges de mails comme avec Steve et déjà le sentiment de s’adresser à un ami. Magique.
Et puis nous recevons le livre. On le feuillette. On le lit. Et là encore, de la magie…
Je vous amène vers ces endroits où les lentilles que l’on voit sont celles attachées sur une arme. Plus qu’une mission de combat, bienvenue dans ce tour guidé et protégé derrière une infaillible vitrine de papier. Bienvenue dans cette patrouille alternant entre l’hiver et l’été ; près de ce que certains appellent l’enfer, mais surtout près de la beauté. Bienvenue dans une des contrées les plus dangereuses du monde. Voilà non pas les images d’une belle guerre, mais les belles images d’une guerre.
La guerre, quoique parfois nécessaire, est toujours un échec de l’humanité. Les plus grandes victoires militaires sont aussi les plus grandes défaites humaines. La guerre est comme une partie de poker, à l’exception qu’ici, même le gagnant y perd quelque chose. A la guerre, impossible de se refaire. On ne reprend pas ce que l’on a perdu. Les mères ne reverront plus leur fils. Les sœurs n’embrasseront plus leur frère. Les familles des gagnants, comme celles des perdants, vivront à jamais avec le douloureux souvenir du grand départ vers le royaume des morts.
D’un côté il y a les bombes et les embuscades. Il y a le fanatisme. Il y a l’ennemi. De l’autre, il y a les enfants qui jouent et des bergers qui conduisent leurs bêtes aux pâturages. La beauté se trouve même dans les pays en guerre.
Entre l’objectif de mon arme et celui de mon appareil photo, il y a le soldat et le photographe. Il y a le guerrier et il y a l’artiste. Je portais mon arme comme un homme ; je jouais avec mon appareil photo comme un enfant.
En une seule patrouille, on peut traverser tous les états d’esprit. On voit un enfant se lever dans les vagues d’une mer de blé et, quelques instants plus tard, un homme travailler à l’ombre d’un arbre penché. On passe du sifflement des balles au chant des oiseaux dans les champs. Du cadavre d’un combattant au regard candide d’un parent. Des larmes d’un soldat au charme d’une rivière sous un pont de terre. Du camouflage couleur désert aux vignobles tapissés de raisins verts. Du sang au rouge du soleil levant. Du désespoir à l’espoir.
Un photographe est tel un magicien. D’un simple clic, il peut faire disparaître la laideur et arrêter le temps. Il peut isoler la beauté d’une toute petite fleur et l’enlever des ardeurs d’un désert. Il peut faire oublier une bataille aux générations à venir. Il peut rendre muet le calvaire des coups de feu et des explosions...
… il peut capturer une âme prisonnière de la guerre et la placer dans un livre telle une œuvre sacrée dans la galerie d’un magnifique musée. Il peut rassembler des morceaux de l’enfer et les assembler en une mosaïque digne du paradis. Il peut recruter l’image de plusieurs orphelins isolés et lever une armée à la conquête des cœurs du monde entier.
J’ai aimé ce pays, sa culture, ses gens. J’ai choisi de m’attarder à sa beauté. Malgré la guerre. Malgré mon métier de soldat. Car cette belle contrée est bien plus que des véhicules blindés et des soldats casqués.
***
Olivier Lavigne-Ortiz nait en 1981 à Montréal. Tireur d’élite du Royal 22e Régiment, seule unité d’active québécoise de l’armée de terre canadienne, il est déployé en 2009 en Afghanistan. Il y retourne l’année suivante pour former la police afghane. Son surnom de « Wali » lui est donné par les Afghans qui peinent à prononcer son prénom. Soldat mais aussi artiste éclectique, Olivier est auteur (on lui doit le conte philosophique « Le voyageur sans nom »), compositeur de musique classique, réalisateur et évidemment photographe, pour le compte du R22eR et à titre privé.
Son site WEB ici.
Mon premier déploiement s’est effectué en tant que tireur d’élite au sein du Royal 22e Régiment. C’était en 2009. J’y suis retourné en 2010 avec une équipe de conseillers avisés pour former la police afghane. En tout, j’y ai passé 16 mois. Sans hésiter, j’y serais resté pour le double du temps.
Wali
Souvent, nous avons refermé les livres sur l’Afgha – soyons honnêtes – profondément émus, à commencer par celui de Steve, « Mon Afghanistan ». Avec « De l’autre côté de la lentille », nous l’avons fait avec le sourire, avec un sentiment d’espérance. Et ce n’est finalement pas si contradictoire, car le livre de Wali fait écho à celui de Steve : au-delà du fracas des armes, gardons en mémoire que tous nos soldats (français, canadiens, la nationalité compte-elle ?) se sont investis, ont soufferts, ont été blessés, ont perdu parfois la vie, pour une seule chose : pour que l’Afghanistan ressemble, enfin et exclusivement, à l’image qui prime dans « De l’autre côté de la lentille » : le sourire des enfants.
ISBN : 978-2981232434 – Prix 24€ – format 21,6x21,6 - 170 pages.
Site WEB ici.
Le livre se trouve facilement en France, Belgique, Suisse, Luxembourg, par exemple via Amazon.fr
Pour mémoire, nous avons abordé « Mon Afghanistan », récit autobiographique du 2nd auteur du R22eR, notre camarade le LCL Steve Jourdain, ici.
Hommage
A nos frères d’armes canadiens ;
158 ont perdu la vie en Afghanistan.
Aux blessés.
A tous ceux qui ont œuvré et œuvrent toujours pour la paix en Afghanistan.
Je me souviens.
Wali en Afgha.
Au fil des mois, le corps et l’âme du soldat finissent par être marqués. Je m’en suis sorti avec quelques rares égratignures. La guerre ne m’avait pas tant changé. Elle avait simplement confirmé ce que j’avais toujours été au fond de moi : un soldat. Quand les personnes me demandent comment a été mon expérience en Afghanistan, je vois dans leur expression qu’ils s’attendent à une réponse triste et négative. Ils sont surpris et sourient quand je leur réponds que l’Afghanistan a été la plus belle expérience de ma vie.
Wali
14:09 Publié dans Afghanistan, Canada, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)
06/08/2014
« La Légion dans la peau », ADC (er) Victor Ferreira, 2e REI, 4e RE. Ed. La Compagnie Littéraire
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.
Ainsi l’Eternel mit une marque sur Caïn,
afin que quiconque le trouverait ne le tuât point.
Genèse 4,15
Légionnaire et tatoué, cela ne sonne-t-il pas comme une évidence ? « Il était plein de tatouages, que j'ai jamais très bien compris… »
Une évidence et pourtant le sujet n’a jamais été vraiment abordé. Voici qui est rectifié grâce à Victor Ferreira, ancien Adjudant-Chef du 4e RE, devenu photographe professionnel, avec ce livre photo « La Légion dans la peau » (quel joli titre). Un projet-passion, qui a nécessité trois ans de travail, de multiples voyages et un engagement personnel certain, car nous connaissons le rapport « compliqué » du Légionnaire à la photo.
En sus, un parti-pris de l’auteur qui nous plait bien : pas d’esbroufe, pas de « romantisme » (quoi que…). Des clichés pris sur le vif, sans préparation, sans pause, sans lumière artificielle, sans filtre et encore moins retouches. « Alors, t’es OK pour la photo ? Regarde-moi. Clic». One shot. Une sobriété que l’on retrouve dans les légendes : lieu, date, heure. Basta.
Alors, austère, « La Légion dans la peau » ? Que nenni. Le texte tout d’abord : rare, mais de grande qualité : intro-hommage du GAL Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris, préface d’Henri Weill, spécialiste de la Légion s’il en est, postface passionnante du médecin-aspirant Dr Jean-Eric Lundy, 2e REP 85/86, pionnier du sujet comme auteur d’un mémoire d’étude, et enfin quelques textes, courts mais superbes, de l’auteur.
Et puis, il y a, évidemment, les photos. Succession de tatouages, mais au-delà, succession de portraits, et encore au-delà, succession d’hommes, et encore au-delà, succession de regards…
Fascinant.
Les rendez-vous photographiques avec les légionnaires m’ont réservé une multitude de surprises insoupçonnées, des instants d’intimité parfois, avec des hommes que je connaissais ou pensais bien connaître. Ils sont venus librement à moi, nos rencontres se sont déroulées sans préparation, sans artifice technique, sans mise en scène. Ils m’ont accordé un peu de leur temps, de leur vie ou de leurs histoires. Ces dernières font partie de la Légion Etrangère. Le tatouage fait partie du mythe de l’institution car il a du sens pour ces hommes, comme leur engagement et leur attachement à celle-ci.
ADC Victor Ferreira
Camps des Garrigues, 21.9.2011, 13h12
Il glisse sa silhouette fragile entre deux séries de prises de vues. Il m’observe, revient une deuxième fois, m’interroge sur ma relation avec l’Institution, sur mon parcours, et repart. Ne promet rien. Surtout pas de photos. Il réapparait plus tard et comme pour se rassurer m’affirme qu’on se ressemble.
V.F.
Camps des Garrigues, 21.9.2011, 13h48
Point de mystère pour ces marques d’appartenance se référant explicitement à l’Institution Légion Etrangère : ces tatouages d’affiliation comme je les nommais expriment sous une forme cryptée ou fruste, le plus souvent explicite et triomphante, tout un florilège à travers lequel s’affiche l’appartenance à la communauté.
ASP Jean-Eric Lundy
Camps des Garrigues, 21.9.2011, 12h41
Contrairement à une vision communément répandue, le personnage incarnant l’idéal commun dans la Légion s’apparente bien davantage à la mère primitive qu’à l’image paternelle.
J-E.L.
Calvi, 8.2.2012, 14h55
Si l’on sait que « le monde de la Légion verbalise peu mais fantasme beaucoup (*) », on pressent aisément que le tatouage offre un accès privilégié aux non-dits et aux affects.
(*) Carol, 1971 J-E.L.
Laudun, 5.10.201, 14h42
Le Légionnaire n’est pas un homme de verbe : il ne s’agit pas tant de « dire » Camerone que « d’être » Camerone.
J-E.L.
Nîmes, 20.9.2011, 15h30
Il est parfois difficile de savoir de quel côté se place le Légionnaire : « Nous défendrons l’Algérie contre le diable… » était-il chanté résolument tout comme « Nous n’avons pas seulement des armes, mais le diable marche avec nous… ».
J-E.L.
Castelnaudary, 24.11.2011, 14h46
« - Pourquoi ce tatouage ?
- Car la mort n’a pas de religion… »
Orange, 20.7.2013, 6h55
« - Il y a des tatouages que j’ai fini par retirer, car ils ne représentaient plus rien pour moi…
Mais celui-ci fait tellement partie de moi et de ma vie, que je m’interroge parfois sur ce qu’il va devenir, après… »
***
Victor Ferreira nait en 1963 au Portugal. En 1984, il rejoint la Légion Etrangère, pour laquelle il sert plus de 20 ans. Il est notamment déployé au Tchad, RCA, Bosnie. Lors de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, il est aide de camp du GAL Lecerf. Il quitte l’institution en 2007, alors adjudant-chef. Victor est désormais photographe professionnel et vit en Espagne, marié et père de famille.
Site de Victor ici.
Interview de Victor lors de son exposition photo
Jusqu'au 1er septembre, les photos de Victor sont exposées au Musée de la Légion à Aubagne. Voir ici.
Notre première et bien sympathique rencontre avec Victor Ferreira.
« - Vous avez remarqué ? Lorsque l’on feuillette le livre, on regarde en premier lieu les tatouages. Mais après plusieurs passages, qu’est-ce que l’on voit vraiment ?
- Les regards.
- Oui, les regards »
***
Prix : 24€ - ISBN : 978-2876834606 – Format 16x24, 158 pages
Victor a souhaité un prix de vente le plus accessible possible. Merci à lui.
Aux éditions La Compagnie Littéraire
Livre disponible chez l'éditeur ici
***
Toulon, 10.2.2012, 11h46
Hommage
Aux Légionnaires morts pour la France,
Aux blessés.
Sur son cœur on lisait : « personne ».
Il n’savait pas, je lui pardonne …
Edith Piaf, "Mon Légionnaire"
Créé par Marie Dubas en 1936 sur des paroles de Raymond Asso (ancien Légionnaire), et une musique de Marguerite Monnot
***
Calvi, 8.2.2012, 14h54
Autoportrait de l’auteur.
11:07 Publié dans Légionnaires, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (4)
15/12/2013
Ceux d'Afghanistan
Photos et extraits © leurs auteurs. Droits réservés.
Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.
Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue.
Jean Lartéguy
« Afghanistan », un mot qui restera à jamais gravé dans notre histoire. Mais « Afghanistan » n’est pas qu’un mot. « Afghanistan » n’est pas non plus qu’un morceau poussiéreux d’Asie ou règne depuis des siècles le fracas des armes. « Afghanistan » n’est pas qu’une mosaïque de peuples à l’esprit fier et combattant. « Afghanistan » n’est pas qu’une somme de traditions que nous, Occidentaux, pouvons juger archaïques. « Afghanistan » n’est pas que la mauvaise nouvelle du soir, annoncée d’un air apitoyé par le journaliste-star qui enchaîne, sans transition et retrouvant le sourire, avec la météo des plages.
« Afghanistan », c’est aussi une femme qui verse des larmes de joie, retrouvant son mari après six mois de stress et d’insomnies. C’est un homme sportif qui se demande comment vivre désormais, cloué dans un fauteuil roulant. C’est une femme qui pleure sa tristesse infinie, contemplant le lit de son fils, qui demeurera vide à jamais. C’est une femme fière d’avoir sauvé la vie de cette petite afghane, là-bas. C’est un homme qui s'est élancé sous le feu, pour secourir son frère d’armes blessé. Et cela le fait sourire, quand on le traite de héros.
« Afghanistan », c’est aussi ce soldat, et celui-ci, et celui-là…
Alors que sonne le désengagement, glas pour certains, joyeux carillon pour d'autres, que cette guerre est déjà, dans l'esprit de beaucoup, une "vieille histoire", nous avons voulu rendre à ces soldats l’hommage qu’ils méritaient.
Cependant, nous n’avons pas souhaité écrire sur eux, au-delà de ces quelques phrases d’introduction. Nous avons préféré nous comporter en porte-voix, leur laisser la parole, dans sa diversité : un kaléidoscope d'impressions, finalement plus complémentaires que contradictoires.
Écoutons-les et lisons-les. Ils méritent toute notre attention. Car « Afghanistan », par-dessus tout, c’est eux.
Photo Sébastien Joly, réalisateur d’Aito – Guerriers du Pacifique. Le photographe à gauche est le regretté Yves Debay.
Combien d’hommes peuvent se targuer d’écrire l’Histoire , sinon d’en être acteur ?
Qui aujourd’hui vit intensément, non pas au travers d’un écran, mais ressentant les choses réellement ?
Qui est prêt à accepter la peur, le contact de la mort, le sacrifice de sa famille, pour la maigre gloire personnelle qu’est la fierté de servir son pays ?
Capitaine Brice Erbland, 1er RHC, « Dans les griffes du Tigre ». Ed. Les Belles Lettres
Photo Sébastien Joly.
Je ne suis pas venu ici pour une médaille. Je suis venu parce que j'en ai reçu l'ordre. Parce que c'est mon travail. Parce que la solde, presque trois fois supérieure à celle que je perçois en France, va nous permettre de réaliser des projets. Parce que je savais qu'avec cette mission j'allais être, pendant six mois, au cœur de mon métier de militaire. Parce que je savais que j'allais me confronter au combat, connaître les giclées d'adrénaline, la peur aussi.
Sergent Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, “Journal d’un soldat français en Afghanistan”. Ed. Plon
Photo Nicolas Mingasson, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » Ed. Acropole.
La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer. Et mourir.
Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, RICM, « L’Afghanistan en feu ». Ed. Economica
Photo EC 2/3 « Champagne »
En Afghanistan, nous ne savions jamais à quoi nous attendre en l’air. Le stress se vivait pendant la mission, directement au contact des hommes pris sous le feu ennemi. Le stress ne venait pas de la peur de mourir, mais de la rapidité des actions à mener, de décisions prises en l’espace de quelques secondes. Dans nos cockpits, nous étions immergés au cœur des combats. Là-haut, les équipages étaient le dernier maillon de la chaîne. Ils endossaient la responsabilité technique du tir et, en cas d’échec, ils devaient répondre de leurs actes.
Commandant Marc « Claudia » Scheffler, EC 2/3 « Champagne », désormais Lieutenant-Colonel à l’EPAA, « La guerre vue du ciel ». Ed. Nimrod.
Photo Sébastien Joly.
J’éprouve une admiration infinie pour tous les soldats français présents en Afghanistan. Ces quatre mille hommes (…) effectuent un travail grandiose. Quelles que soient les considérations politiques qui, forcément, les dépassent, quelle que soit la stratégie qui n’est pas toujours celle que la France aurait souhaitée, quel que soit le contexte qui revêt parfois des couleurs de guêpier, ces hommes vivent ici une mission noble.
Padre Richard Kalka, aumônier militaire, « Dieu désarmé ». Ed. LBM
Dessin de Bertrand de Miollis – œuvre originale offerte par l’artiste au Chasseur. « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan ». Ed. Gallimard.
Dans ce pays, comme dans d'autres théâtres de crise, il n'y a pas de coupure franche entre les amis et les ennemis, entre les insurgés les plus fanatiques et les partisans les plus convaincus du gouvernement légitime (...) Si ligne de partage il y a, c'est dans le cœur de chaque Afghan.
Colonel Benoît Durieux, 2e REI, in "Captain Teacher", Capitaine Raphaël Krafft, 2e REI, animateur de Radio Surobi. Ed. Buchet-Chastel
Photo Jean-Christophe Hanché, « Kapisa » [épuisé].
Il est très dur de faire du social aujourd’hui avec des gens qui tireront sur vos camarades demain.
Adjudant-Chef Jean-Claude Saulnier, 2e REP, « Une vie de Légionnaire ». Ed. Nimrod
Photo Sébastien Joly.
Chaque terroriste sait comment utiliser nos règles d'engagement à son profit. La question essentielle est simple: qui est prêt à aller le plus loin dans cette guerre? (...) Si vous ne souhaitez pas vous impliquer dans une guerre qui risque de dégénérer, alors, gardez-vous bien de vous y laisser entraîner.
Navy SEAL Marcus Luttrell, USA. « Le survivant ». Ed. Nimrod.
Photo Jean-Christophe Hanché.
Nous ne sommes que de passage, nous ne pouvons prétendre changer ce monde auquel nous sommes trop étrangers.
LCL Geoffroy de Larouzière-Montlosier, 1er RTir, « Journal de Kaboul ». Ed. Bleu-Autour
Photo Thomas Goisque, « D’ombre et de Poussière » éd. Albin Michel & « Haute tension » éd. Gallimard.
Les soldats ont rempli la mission qui leur était donnée, en pacifiant la zone dans laquelle ils intervenaient. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.
LCL Bernard Gaillot, 13e BCA, "De l'Algérie à l'Afghanistan", ed. Nuvis.
Photo Thomas Goisque.
[On] me demandait mon ressenti par rapport à notre présence ici. J’étais convaincu de notre nécessité, mais j’étais inquiet de l’opinion publique. La population française semblait peu préoccupée par ses soldats qui donnaient leur vie pour la sécurité nationale, voire internationale (…) Cela nous blessait. Nous avions le sentiment d’avoir combattu pour rien, sachant qu’au fond de nous, ce n’était pas le cas.
Adjudant Sylvain Favière, infirmier-para (désormais réserviste), « Ma blessure de guerre invisible ». Ed. Esprit Com’
Photo Sébastien Joly.
Je repensais à Tagab. Je ne réalise pas que je n’y retournerai plus jamais. J’ai l’impression que je vais me réveiller, tôt ou tard, dans mon petit box, avec Fab dans le lit au-dessus de moi… J’ai vraiment l’impression d’avoir oublié quelque-chose là-bas, d’y avoir laissé je ne sais quoi.
Caporal-Chef Julien Panouillé, 1er RCP, « 197 jours – Un été en Kapisa ». Ed. Mélibée
Photo José Nicolas – « Afghanistan – Task Force Lafayette » Ed. L’esprit de tous les combats.
Et je me pris à rêver que j’étais sur le terrain avec les gars, les accompagnant une dernière fois pour écraser l’ennemi.
SGT Paul ‘Bommer’ Grahame, The Light Dragoons, rattaché au Mercian Regiment, Royaume Uni, « Appui feu en Afghanistan ». Ed. Nimrod
Photo Thomas Goisque.
L’expérience afghane a laissé en moi des blessures indélébiles, mais elle a aussi renforcé les fondements de mon engagement. Le sens profond du pacte qui nous unit s’est dévoilé dans les vallées touraniennes : une confiance absolue entre les hommes, l’esprit collectif poussé jusqu’à sa dernière extrémité. Avec l’amour, il s’agit à mon sens du lien humain le plus fort qui soit.
Lieutenant Nicolas Barthe, 21e RIMa, désormais Capitaine au RSMA Guadeloupe, « Engagé ». Ed. Grasset
Photo José Nicolas.
J’ai vu le mal. J’ai vu des enfants déchiquetés par des bombes. J’ai vu des blessés aux membres dilacérés par les explosions. J’ai vu des corps que le feu avaient rendus méconnaissables. Derrière chacun de ces blessés, il y a un autre homme qui a armé une bombe, qui a visé et tiré avec son arme, qui a fait exploser sa ceinture piégée (…). Je n’avais jamais capté auparavant autant d’intentions homicides qu’ici. Je te tue, tu me tues, il se tue, nous vous tuons, vous nous tuez, ils se tuent.
Et j’ai vu le bien. Je n’ai jamais vu autant de dévouement la patience de soustraire un homme à la mort. Sur le terrain, de jour comme de nuit, des brancardiers secouristes, des infirmiers et des médecins risquent leur vie pour sauver celle des autres. Cinq d’entre eux l’ont déjà donnée. Malraux écrivait : « Je cherche cette région cruciale de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ». J’ai vu et éprouvé cette fraternité.
Professeur (Général) Patrick Clervoy, Service de Santé des Armées, « Dix semaines à Kaboul ». Ed. Steinkis.
Photo Alphonse-Bernard Seny – « Le temps de l’action » Enfin!Editions.
Je repense à l’opération « Dinner out » [conquête de la vallée d’Alasay], au Caporal-Chef Belda qui doit être fier de nous, à toutes nos familles qui nous ont attendus avec calme, patience et dignité. Je regarde ces chefs de section, les Lieutenants Lazerges, Chantrel et Brunet, l’Adjudant Bouaouiche et leurs commandants d’unité, les Capitaines Minguet et Gruet et je pense à tous leurs camarades officiers, sous-officiers, chasseurs, légionnaires, artilleurs, cavaliers, transmetteurs, à tous mes Tigres de la Kapisa. Je mesure toute la chance que j’ai eue de commander des soldats de leur valeur. Ce sont eux les artisans de nos succès et les vrais vainqueurs de la Kapisa.
Tout le reste n’a que peu d’importance.
Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger », « Task Force Tiger ». Ed. Economica
Photo Marlene Kuhn-Osius, « Objectif Afghanistan » [épuisé].
La guerre, je l'ai fréquentée en d'autres lieux en tant que reporter. J'ai attendu de nombreuses fois qu'elle survienne pour rassasier ma soif d'adrénaline, me rappeler ou rappeler aux autres que j'existe, m'exalter de vivre un moment extraordinaire, historique parfois, ou simplement pour avoir de quoi écrire un article. (...) [Mais] être acteur à la guerre, c'est autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je me rends compte que les militaires, finalement, quand ils sont sains d’esprit et "bien tassés dans leurs bottes", n’aiment pas la guerre, ou du moins, l’aiment parfois moins que nous [les journalistes]. Et c'est heureux.
Capitaine (r) Raphaël Krafft, journaliste rattaché au 2e REI, animateur de Radio Surobi, « Captain Teacher », Ed. Buchet-Chastel
Photo José Nicolas.
Aujourd’hui la mission est terminée, le fanion [du GTIA] Raptor a rejoint définitivement les murs de la salle d’honneur du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes. Mais l’on dit qu’à chaque visite, à chaque souvenir évoqué en sa présence, il retrouve ses couleurs vives et l’aigle sur le tissu reprend son vol suspendu pour « fondre du ciel » à jamais. On dit même qu’il se met alors à parler de ces hommes et de ces femmes qui sont allés jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs convictions, de ces hommes et de ces femmes qui ont gagné là-bas, loin de leur pays, le seul combat qui vaille la peine d’être vécu, celui que l’on livre contre soi-même, pour les autres, jusqu’au sacrifice de sa vie.
Colonel Renaud Sénétaire, 1er RCP, commandant le GTIA Raptor, auteur de « Les aigles dans la vallée », Ed. Mélibée. Préface à « 197 jours – Un été en Kapisa », Caporal-Chef Julien Panouillé, 1er RCP. Ed. Mélibée.
Photo Alphonse-Bernard Seny.
J'étais fier de commander mes hommes, me souciant de leurs tâches et surtout de leurs préoccupations. J'étais heureux d'être avec eux au bar, le soir, en rentrant de mission, une fois que tout était terminé, que la pression était tombée, avant de recommencer tôt le lendemain. Heureux de ne faire qu'un avec eux. Heureux car ils me le rendaient bien et l'on pouvait sentir entre nous, sans que cela ait été décidé, une complicité de ce lien particulier et fort qui unit les hommes après qu'ils ont traversé ensemble des épreuves qui ne peuvent être fidèlement narrées.
Capitaine Philippe "Stang" Stanguennec, CoTAM, "Au service de l'espoir", Ed. L'Esprit du Livre.
Photo Alphonse-Bernard Seny.
J’ai commandé des soldats exceptionnels. J’ai commandé des hommes qui savent aujourd’hui ce qui est essentiel et ce qui n’est qu’accessoire. J’ai commandé des hommes qui ont grandi. J’ai eu l’honneur d’être parmi eux.
Et l’Afghanistan ? Qu’adviendra-t-il demain de ce pays terrible où quatre-vingt-huit de nos frères d’armes ont laissé leur vie ? Nul de ne peut le prédire. Mais une chose est sûre : aujourd’hui, les cerfs-volants flottent de nouveau dans le ciel afghan.
Colonel Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, commandant le GTIA « Wild Geese ». Préface à « Le temps de l’action », Alphonse-Bernard Seny. Enfin!Editions.
Photo Nicolas Mingasson.
Chacun, un jour prochain, regagnera, qui sa famille, qui ses parents ou ses amis. De nouveau, la vie « quotidienne » reprendra le dessus, mais n’y aura-t-il rien de changé en nous ? Ce séjour de cinq mois ou plus, parfois beau, parfois laid, parfois joyeux, parfois triste, n’aura-t-il laissé aucune trace dans nos vies ? N’aura-t-il pas façonné, d’une impression qui nous était insoupçonnée au départ, notre façon d’appréhender le monde, et celle dont on veut vivre et aimer en ce monde ? Peut-être même que notre cœur a été mis à nu et que notre vie émotionnelle, sentimentale, affective et amoureuse s’en est trouvée transformée et pourquoi pas transfigurée ? La fragilité de l’existence que nous avons pu « apprécier » ici ne va-t-elle pas nous apprendre à aimer « différemment » ceux qui nous sont chers et même ceux que nous n’aimions pas assez, jusqu’ici ?
Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Ed. EdB.
Photo Nicolas Mingasson.
Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés, sans tenir de propos sacrilèges ?
Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’armes.
Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA in « D’ombre de de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson. Ed. Albin Michel
SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA. Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.
La guerre d’Afghanistan s’achève et ses protagonistes entrent peu à peu dans l’oubli. D’autres conflits font leur apparition, au Mali ou ailleurs. Mais les blessés de guerre porteront toute leur vie le vivant témoignage de leurs batailles. Quatre ans plus tard, ma blessure est toujours là et ma souffrance physique quotidienne. Je ne pense pas m’en débarrasser un jour. Lorsque mon nerf me lance, j’ai le sentiment que ma jambe coupée est toujours là et que c’est elle qui me fait souffrir. Les médecins appellent cela « le membre fantôme ». Je serre les dents, je me plie en deux sous la douleur et j’attends que la souffrance passe. Ce fantôme va et vient plusieurs fois par jour et apparaît sans prévenir. Avec le temps, j’apprends à vivre avec lui. Cela fait partie de mon sacrifice. Je ne m’en plains pas et je ne regrette rien.
Sergent-Chef Jocelyn Truchet, 13e BCA, « Blessé de guerre », autoédité.
Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.
Perdu, déstabilisé, isolé dans sa souffrance, il est ainsi depuis son retour d’Afghanistan, voici plus de deux ans… Seul le désespoir empêche de croire à des jours meilleurs. Or toute la richesse du cœur de l’homme se résume à l’espérance que nous ne devons jamais perdre. Il nous faut espérer pour lui et avec lui, car l’espérance est souvent ce qui reste quand tout est parti à vau-l’eau. Le travail d’accompagnement sera long, mais il n’est pas permis de croire à son échec.
Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « L’autre combat ». Ed. EdB.
Photo Philippe de Poulpiquet.
Je pense d’abord aux familles, à celles et à ceux qui ont perdu un proche, aux blessés graves, à toutes les personnes dont la vie sera irrémédiablement différente. Elles nous donnent des leçons quotidiennes de courage et de modestie. L’institution, je pense, en tire des leçons de vérité. Lorsque les cercueils sont alignés devant vous, vous prenez la réalité en pleine figure (…) A titre personnel, ces cérémonies d’hommage m’ont appris une plus grande humilité. J’ai un garçon qui part dans quelques jours en Afghanistan. Et je me dis : « Et si cela m’arrivait, à moi ? Si notre garçon devait être tué là-bas ? ». Frappé en plein cœur, comme toutes ces familles que nous avons tenté de réconforter, saurions-nous alors nous comporter plus dignement que beaucoup d’entre elles ?
Général de corps d’armée Bruno Dary, ancien Gouverneur Militaire de Paris. Postface à « Afghanistan – Task Force La Fayette », José Nicolas. Ed. L’esprit de tous les combats.
Photo José Nicolas.
On ne se débarrasse pas des morts. Ils sont là. Ils forment un cortège amical et funèbre qui nous attend désormais de l’autre côté du miroir.
Padre Christian Venard, « Un prêtre à la guerre ». Ed. Tallandier
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Bibliothèque francophone « Ceux d’Afghanistan »
Non exhaustif.
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Photos Thomas Goisque.
Certains pourront toujours prétendre que nous n’avons influé sur rien, que ces dix années de guerre en Afghanistan ont été inutiles, mais il suffirait que germent les quelques graines d’espoir que nous avons semées lors de nos mandats successifs, pour que rien n’ait été inutile.
Et même si rien ne germe, pourquoi devrions-nous regretter d’avoir essayé ?
Pourquoi devrions-nous renier ceux qui ont été tués ou blessés, en essayant ?
Sergent-Chef Yohann Douady, 2e RIMa, « D’une guerre à l’autre ». Ed. Nimrod
Hommage
Aux morts pour la France en Afghanistan
31 août 2004 - CAL Murat YAGCI - 1er RPIMa
21 octobre 2004 - 1CL Thierry JEAN BAPTISTE - 3e RH
21 octobre 2004 - MDL Simah KINGUE EITHEL ABRAHAM - 3e RH
11 février 2005 - CAL Alan KARSANOV - 2e REI
17 septembre 2005 - CCH Cédric CRUPEL - 1er RPIMa
4 mars 2006 - PM Loïc LEPAGE - Commando Trépel
15 mai 2006 - 1CL Kamel ELWARD - 17e RGP
20 mai 2006 - ACH Joël GAZEAU - 1er RPIMa
20 mai 2006 - CCH David POULAIN - 1er RPIMa
25 août 2006 - PM Frédéric PARE - FORFUSCO
25 août 2006 - CCH Sébastien PLANELLES - CPA 10
25 juillet 2007 - ACH Pascal CORREIA - 1er RCP
23 août 2007 - MDL Stéphane RIEU - 1er RHP
21 septembre 2007 - ACH Laurent PICAN - 13e BCA
18 août 2008 - SGT Damien BUIL - 8e RPIMa
18 août 2008 - CAL Kévin CHASSAING - 8e RPIMa
18 août 2008 - ADJ Sébastien DEVEZ - 8e RPIMa
18 août 2008 - CAL Damien GAILLET - 8e RPIMa
18 août 2008 - SGT Nicolas GREGOIRE - 8e RPIMa
18 août 2008 - CAL Julien LE PAHUN - 8e RPIMa
18 août 2008 - SGT Rodolphe PENON - 2e REP
18 août 2008 - CAL Anthony RIVIERE - 8e RPIMa
18 août 2008 - CAL Alexis TAANI - 8e RPIMa
19 août 2008 - CAL Melam BAOUMA - RMT
22 novembre 2008 - ADC Nicolas REY - 3e RG
11 février 2009 - CDE Patrice SONZOGNI - 35e RAP
14 mars 2009 - CCH Nicolas BELDA - 27e BCA
24 mai 2009 - CCH Guillaume BARATEAU - 9e CCT / 9e BLBMa
1er août 2009 - CCH Anthony BODIN - 3e RIMa
4 septembre 2009 - CCH Johan NAGUIN - 3e RIMa
6 septembre 2009 - SGT Thomas ROUSSELLE - 3e RIMa
27 septembre 2009 - CAL Kévin LEMOINE - 3e RIMa
27 septembre 2009 - ADC Yann HERTACH - 13e RDP
27 septembre 2009 - BCH Gabriel POIRIER - 13e RDP
27 septembre 2009 - CCH Ihor CHECHULIN - 2e REI
8 octobre 2009 - SCH Johann HIVIN-GERARD - 3e RIMa
11 janvier 2010 - ICS Mathieu TOINETTE - 402e RA
12 janvier 2010 - LCL Fabrice ROULLIER - 1e BM
13 janvier 2010 - MDC Harouna DIOP - 517e RT
9 février 2010 - CAL Enguerrand LIBAERT - 13e BCA
8 avril 2010 - CAL Robert HUTNIK - 2e REP
22 mai 2010 - CBA Christophe BAREK-DELIGNY - 3e RG
7 juin 2010 - SCH Konrad RYGIEL - 2e REP
18 juin 2010 - BCH Steeve COCOL - 1er RHP
6 juillet 2010 - ADJ Laurent MOSIC - 13e RG
10 août 2010 - 1CL Antoine MAURY - 1er RMed
23 août 2010 - CNE Lorenzo MEZZASALMA - 21e RIMa
23 août 2010 - CCH Jean-Nicolas PANEZYCK - 21e RIMa
30 août 2010 - ADC Hervé ENAUX - 35e RI
15 octobre 2010 - ICS Thibault MILOCHE - 126e RI
17 décembre 2010 - CBA Benoît DUPIN - 2e REG
18 décembre 2010 - MA Jonathan LEFORT - Commando Trepel
08 janvier 2011 - SGT Hervé GUINAUD - RICM
19 février 2011 - CCH Clément CHAMARIER - 7e BCA
24 février 2011 - ADC Bruno FAUQUEMBERGUE - CFT
20 avril 2011 - CCH Alexandre RIVIERE - 2e RIMa
10 mai 2011 - 1CL Loïc ROPERH - 13e RG
18 mai 2011 - 1CL Cyril LOUAISIL - 2e RIMa
1er juin 2011 - SGT Guillaume NUNES-PATEGO - 17e RGP
10 juin 2011 - CCH Lionel CHEVALIER - 35e RI
10 juin 2011 - LTN Matthieu GAUDIN - 3e RHC
18 juin 2011 - CAL Florian MORILLON - 1er RCP
25 juin 2011 - CCH Cyrille HUGODOT - 1er RCP
11 juillet 2011 - BCH Clément KOVAC - 1er RCh
13 juillet 2011 - CNE Thomas GAUVIN- 1er RCP
13 juillet 2011 - ADC Laurent MARSOL- 1er RCP
13 juillet 2011 - ADC Emmanuel TECHER -17e RGP
13 juillet 2011 - ADC Jean-Marc GUENIAT - 17e RGP
13 juillet 2011 - SGT Sébastien VERMEILLE – SIRPA-Terre
14 juillet 2011 - MA Benjamin BOURDET - Commando Jaubert
7 août 2011 - CCH Kisan Bahadur THAPA - 2e REP
7 août 2011 - CAL Gerardus JANSEN - 2e REP
11 août 2011 - SGT Facrou HOUSSEINI ALI - 19e RG
14 août 2011 - CNE Camille LEVREL - 152e RI
7 septembre 2011 - CNE Valéry THOLY - 17e RGP
14 novembre 2011 - 1CL Goran FRANJKOVIC - 2e REG
29 décembre 2011 - ADC Mohammed EL GHARRAFI - 2e REG
29 décembre 2011 - SGT Damien ZINGARELLI - 2e REG
20 janvier 2012 - ADC Fabien WILLM - 93e RAM
20 janvier 2012 - ADC Denis ESTIN - 93e RAM
20 janvier 2012 - SCH Svilen SIMEONOV - 2e REG
20 janvier 2012 - BCH Geoffrey BAUMELA - 93e RAM
27 mars 2012 - CDE Christophe SCHNETTERLE - 93e RAM
9 juin 2012 - MAJ Thierry SERRAT - GIACM
9 juin 2012 - ADJ Stéphane PRUDHOM - 40e RA
9 juin 2012 - MLC Pierre-Olivier LUMINEAU - 40e RA
9 juin 2012 - BCH Yoann MARCILLAN - 40e RA
7 août 2012 - ADC Franck BOUZET - 13e BCA
5 août 2013 - ADJ Gwénaël THOMAS - BA 123
Photo US Army
Hommage
Aux soldats de l’ISAF de toutes nationalités, nos frères d’armes, morts en Afghanistan,
2290 américains, 445 britanniques, 158 canadiens, 54 allemands, 48 italiens, 43 danois, 40 australiens, 38 polonais, 34 espagnols, 27 géorgiens, 25 néerlandais, 21 roumains, 14 turcs, 11 néo-zélandais, 10 norvégiens, 9 estoniens, 7 hongrois, 5 tchèques, 5 suédois, 3 lettons, 2 finlandais, 2 jordaniens, 2 portugais, 1 albanais, 1 belge, 1 lituanien, 1 slovaque, 1 sud-coréen,
Aux milliers de soldats de l’Armée Nationale Afghane, nos frères d’armes, morts pour leur pays,
Aux contractants, journalistes, morts en Afghanistan,
Aux blessés dans leur chair, dans leur psychisme.
Photo Sébastien Joly
A la mémoire des civils afghans.
C'est sûr que nous vivons des temps difficiles, mais je regarde les choses de façon pragmatique : Il y avait deux écoles à Surobi en 2002, il y en a plus de vingt aujourd'hui. Il ne faut pas être ingrat. Les gens oublient vite. Moi, je me range dans le camp de ceux qui apportent le savoir et l'éducation.
Aziz Rahman, animateur de Radio Surobi,
radio "communautaire" en langue pashto fondée par le COL Durieux, 2e REI.
« Captain Teacher », Capitaine (r) Raphaël Krafft, rattaché au 2e REI, Ed. Buchet-Chastel
***
La 52e promotion de l’EMIA s’est baptisée «Ceux d'Afghanistan».
Nous apportons notre soutien à leur projet d’ériger une stèle à Coëtquidan, en mémoire des 89 soldats français morts pendant le conflit.
Soutenez-les vous aussi par un don, même symbolique.
Voir ici.
Photo Sébastien Joly
Comme nos camarades des autres armées, les aviateurs ont affronté avec courage les risques de leur action en Afghanistan. Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui l’ont payé de leur vie, de tous ceux blessés dans leur chair et dont le mérite n’a d’égal que la noblesse de leur mission.
Général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, Chef d’état-major de l’Armée de l’Air. Préface à « Afghanistan – Regards d’aviateurs », Lieutenant Charline Redin, SIRPA-Air, désormais ECPAD.
Photo Thomas Goisque.
Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan.
Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre. Préface à « L’Afghanistan en feu », Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, RICM. Ed. Economica
Photo Thomas Goisque.
S’il vous arrive de rencontrer un de ces soldats, je suis convaincu qu’il appréciera que vous lui disiez merci. Merci pour son service. Merci pour son sacrifice. Nos soldats méritent de se faire dire merci.
Ils sont ce que ce pays a de plus noble. Ils sont ce que ce pays a de mieux.
LCL Steve Jourdain, Royal 22e Regiment, frère d’armes québécois. « Mon Afghanistan », Ed. Athéna.
19:18 Publié dans Afghanistan, Mili-Hommage, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (6)
16/11/2013
« D’ombre et de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson, Ed. Albin Michel
Photos et texte © Thomas Goisque, Sylvain Tesson, CNE Jean-Gaël Le Flem. Publiés avec l'aimable autorisation des auteurs. Tous droits réservés.
Lorsqu’Allah eut créé le reste du monde, il vit qu’il restait encore une grande partie de rebut, de morceaux dépareillés qui n’allaient nulle part.
Alors, il les ramassa et les jeta sur la Terre.
Ils devinrent l’Afghanistan.
Dicton afghan, rapporté par le padre Ducourneau dans « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Editions EdB.
Après « Haute-Tension » consacré aux Chasseurs alpins du 27e BCA en Afghanistan, le photographe Thomas Goisque et l’auteur Sylvain Tesson ont souhaité revenir sur le conflit afghan, qu’ils ont vécu de l’intérieur : treize ans de guerre, autant de voyages au pays de l’insolence. « Nous avons côtoyé quotidiennement ces hommes, dans la servitude et la grandeur de leur mission, dans le temps dilaté de la vie au camp ou dans la tension de l’accrochage. »
A l’heure du désengagement français, « D’ombre et de poussière » se veut un livre bilan, mais pas un livre jugement :
« Ce livre ne prétend pas expliquer le conflit. Nous laissons ce soin-là aux experts qui prospèrent toujours sur les décombres des pays en guerre.
L’Afghanistan a fait tellement gloser que nous ne voulions pas rajouter notre pierre au tas de gravats des explications savante. »
Le poste, la patrouille, l’opération sont les trois axes choisis par Thomas et Sylvain, pour décrire le conflit asymétrique auquel se sont livrés les soldats français en Afghanistan.
Un témoignage d’une esthétique visuelle saisissante, accompagné d’un texte percutant qui plonge son lecteur dans cette guerre, à la fois réelle et invisible, où la force ne suffit pas pour obtenir la victoire, où tout n’est qu’incertitude et apparence derrière une brume de lœss.
Ils ne connaissaient pas ce royaume insolent et somptueux où se jouait une guerre insaisissable.
Un tourbillon d’ombre et de poussière.
Si la poussière parlait combien de secrets révèlerait-elle ?
« Comme un pompier qui n’aurait jamais eu de feu à éteindre, nous attendions une opportunité réelle de jauger notre professionnalisme, de vivre ce qui justifie tant d’entrainements. Malgré la gravité de la situation, c’est dans cet état d’esprit que nous sommes partis. »
Sur cette terre Immémoriale, haut lieu du bouddhisme, tournait la monstrueuse roue de l’histoire.
Il est 6 heures du matin, le soleil s'est hissé au-dessus des herses de l'Hindou-Kouch. Déjà, il brille férocement. "Le soleil est aveugle", écrivait Malaparte. Aveugle envers ceux qui combattent sous sa lumière, indifférent à l'enfer que les hommes inventent dans son ombre. […]
L'aube révèle le décor que la tragédie s'est choisi : une montagne de rouille couronnée de neige, un désert de lœss qui sert de tapis aux éboulis de grès et l'oasis jade d'un village - amande dans la poussière. L'Afghanistan est la patrie de l'éternel retour : les armées s'y succèdent, s'y enlisent, en repartent. Et reviennent.
Dans les camps tricolores se répartissaient les huit cents soldats composant les GTIA constitués des composantes de toutes les unités de l’armée de terre. […] Ainsi les deux armées, française et afghane, dont le destin était de combattre de concert, se côtoyaient-elles en opération et dans la vie quotidienne.
Il y avait les semailles. Il y avait les moissons.
La guerre ne connaissait pas de saisons dans la solitude des labours afghans.
Patrouiller c’est progresser en terrain miné en manifestant l’équanimité. S’enfoncer dans l’inconnu en feignant la force tranquille.
La guerre se déroulait dans un mikado humain et cette intrication était une obsession.
Ils menaient la bataille parmi les lavandières, sur le chemin des écoliers.
A l’approche de la patrouille, claquement d’ailes bleues. Les femmes se dispersaient.
Les talibans usent de cette technique vieille comme la lâcheté : se replier derrière le rempart de l’innocence.
L’air se déchirait des rugissements des hélicoptères.
Dans le fond attendre l’intervention d’un hélicoptère, c’est espérer le secours du ciel…
Et la poussière du soir tombait, c’était la nuit et ils organisaient la veille sous les constellations qui avaient déjà tenu compagnie aux sentinelles de tant d’armées !
Nous avons veillé sous des ciels étoilés en scrutant la nuit, aux aguets du moindre mouvement.
-
Ils ne fermaient pas l’œil, la guerre ne dormait pas.
-
Les nuits bruissaient des mouvements des talibans qui tentaient de passer sur le flanc des postes pour rejoindre les villages et les accrochages nocturnes se multiplièrent dans les vallées.
L’aube était une fontaine d’où jaillissait le jour.
Puis aux heures nocturnes ou au petit matin, c’était l’attaque.
Le ballet des hélicoptères , chargeant et déchargeant personnels, blessés et matériel sur les drop zones des camps noyait l’atmosphère dans un nuage de lœss qui ne retombait jamais.
Ainsi allait la vie des postes, oscillant, selon un solfège propre à l’armée, entre les périodes de veille, d’entrainement, d’attente et les opérations coordonnées.
***
Nous avons déjà eu l’opportunité de présenter le photographe Thomas Goisque (à g.) et de l’écrivain Sylvain Tesson (à d.) pour leur précédent livre : « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan », accompagnés alors par l’artiste Bertrand de Miollis.
Cette fois, laissons-leurs la parole :
Laissons aussi cette parole au Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger » :
J’aurai vu défiler beaucoup de journalistes et de reporters depuis le début de ma mission en Kapisa. Certains se sont contentés de surfer sur l’écume de nos journées et de nos opérations. D’autres comme Géraud Burin des Roziers, Thomas Goisque, Sylvain Tesson et Bertrand de Miollis ont pris le temps de nous accompagner, de comprendre ce que nous faisions et d’entrer dans nos vies. Eux auront vu l’essentiel : la générosité, la passion et la richesse de ces jeunes hommes qui sont prêts à payer de leur sang l’idée qu’ils se font de leur métier et de leur dévouement à leur bataillon et leur pays. J’ai beaucoup d’admiration pour ces reporters-là qui sont prêts à partager nos risques et endurer nos souffrances pour simplement témoigner de ce que nous sommes. Ils sont des nôtres et je sais que tous les Chasseurs les considèrent comme tels.
Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger ».
« Task Force Tiger », Ed. Economica.
Prix : 30€ - ISBN-13: 978-2226208248 - Format 28 x 24, 192 pages.
Aux éditions Albin Michel
Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.
Retrouvez les photos de Thomas Goisque sur son site ici.
***
Hommage
Aux morts en Afghanistan,
Aux blessés,
A la mémoire des civils afghans qui subissent depuis des décennies la folie de leurs dirigeants.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc.
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Lettre d’un capitaine
Ce fut d’abord la découverte de ce pays d’une beauté stupéfiante, lieu improbable où l’arc himalayen vient mourir dans le désert. Au hasard des patrouilles, nous avons sillonné ces vallées luxuriantes qui semblent refléter l’état de nature. L’habitat se fond harmonieusement entre les vergers, les champs de grenadiers et d’orge. La population semble encore vivre au rythme des saisons; les hommes entretiennent non sans génie les canaux d’irrigation. Les vieillards nous contemplent sagement avec un air de « déjà vu » cachés, derrière leur barbe. Les enfants, loin d’être apeurés par notre attirail guerrier, s’amusent de notre maladresse.
Quant aux femmes, prisonnières de la burqa, elles évitent nos regards et ne laissent deviner une certaine féminité que par le raffinement de leurs chaussures.
Mais, malheureusement, cette phase ne dure qu’un temps.
Quand les ruelles se vident et que les premières balles sifflent, notre perception du monde change d’un coup. Qu’elles sont longues ces minutes où, dans le fracas des armes, tout le monde cherche à se faire une idée précise de la situation, espérant ne pas entendre ce compte rendu qui tombe comme un couperet : « Blessé, blessé !!! »
Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés, sans tenir de propos sacrilèges ?
Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’arme.
[…]
« Ne sommes-nous pas devenus fous de croire que l’on peut orienter le destin d’un peuple si fier ? »
La guerre révèle les hommes ou les détruit.
Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA
Préface à « D’ombre de de poussière »
23:25 Publié dans Afghanistan, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)
19/10/2013
« Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français », Nicolas Mingasson, écrivain-photographe intégré au 21e RIMa, Ed. Acropole
Extraits et photos © Nicolas Mingasson [sauf mention contraire], publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.
Cette chronique est dédiée à Mme Monique Panezyck, maman du CCH Jean-Nicolas Panezyck, 21e RIMa, mort pour la France le 23 août 2010 en Afghanistan. Avec notre affection.
"La première victime de la guerre, c'est toujours la vérité"
Rudyard Kipling, écrivain britannique.
La fraternité militaire fait souvent preuve d’amertume lorsqu’elle évoque la société civile : incompréhension sur le sens de son engagement, indifférence envers ses sacrifices… Et pourtant, il existe une poignée de ces civils qu’il convient de mettre à part : Un beau matin, ils ont frappé à la porte du Ministère de la Défense. Comme les soldats, ils ont dû prouver leur force, physique et mentale. Comme les soldats, ils ont fait leurs bagages. Comme les soldats ils ont serré dans leurs bras femme, enfants, proches, en leur disant : « Ne vous inquiétez pas, je serai prudent ». Comme les soldats, ils se sont envolés vers des pays où règne le fracas des armes. Mais, contrairement aux soldats, ils n’emportaient qu’appareils photo, stylos et pc portables.
Ils s’appellent Yves, Sébastien, José, Alphonse, Thomas, Sylvain, Bertrand… Ils s’appellent aussi Nicolas Mingasson.
Ce sont des reporters, des photographes, des écrivains, qui loin d’un travail journalistique d’opportunité, ont décidé d’accompagner nos troupes sur le long terme.
Et s’ils n'ont pas été en mesure d’apporter leur soutien aux soldats sur le terrain, c’est au retour qu’ils l'ont fait, en témoignant du sens de leur engagement, de leurs sacrifices…
« Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » est avant tout l’histoire d’une rencontre : celle de Nicolas Mingasson et du Sergent Christophe Tran Van Can, 21° RIMa. Ce dernier s’est porté volontaire pour « accueillir » Nicolas, au grand dam (dans un premier temps) des hommes de sa section.
Durant toute l’année 2010, le photographe-écrivain collera aux basques du Sergent, partageant toute la vie des Marsouins, entraînements, patrouilles, chambrées…
De cette « vie commune » naissent « Journal d’un soldat français en Afghanistan », témoignage de Christophe écrit avec le soutien de Nicolas et « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français », propre ressenti de Nicolas, accompagné de ses photos. Un livre fort, superbement écrit et illustré, très facile d’accès, donc particulièrement conseillé aux non-initiés.
C’est dans un premier temps sur le second ouvrage que nous nous penchons, mais nous reviendrons évidemment sur le premier.
Le Sergent Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, Fréjus
Ils sont ailleurs. Pas seulement loin, mais véritablement dans un ailleurs ; un autre monde qui ne partage rien avec celui où je me trouve : la France estivale des vacances, la France des courses au supermarché, du cinéma, de l’usine ou du bureau… Et je me surprends souvent à penser à eux, au détour d’un rayon ou au comptoir d’un café.
A lui seul, ce paragraphe justifie le sous-titre choisi par Nicolas : « La guerre inconnue des soldats français ». Car qui peut prétendre connaître cette guerre ? Les combattants, les Afghans, quelques initiés, dont Nicolas. Mais le Français moyen ? Comment pourrait-il connaître cette guerre ? Quelques secondes au journal télévisé, et encore, lorsqu’un homme est tombé ; quelques reportages, souvent bons, mais en 2nde partie de soirée...
La guerre est, pour celui qui ne la subit pas, une inconnue. Qui peut mesurer le degré d’abnégation des soldats ? De leurs proches ? Qui peut imaginer le stress, l’épuisement, la crasse et la peur ? Qui peut imaginer le résultat d’un attentat suicide ? Voit-on des morts ? Voit-on des jambes arrachées ? Entendons-nous les cris du copain blessé ?
Inconnue la guerre, et celle-là plus encore : l’Afghanistan, pays lointain géographiquement, culturellement… l’Afghanistan, si éloigné des préoccupations des français…
Alors, on oublie ? On passe à autre chose ? Non. Douze ans de guerre, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes déployés, 88 tués, des centaines de blessés dans leur chair, dans leur psychisme, des familles meurtries, des soldats qui se sentent incompris, quantité négligeable de la république, après tant de sacrifices… Il ne faut pas passer à autre chose. On lit le livre de Nicolas, pour que ne nous soit plus si inconnu ce qu’endurent ces jeunes gens, envoyés au bout du monde, parfois vers la mort. Car ne l’oublions pas, le soldat a certes choisi le métier des armes, mais il est envoyé au combat par nous et pour nous.
Impatients comme des fauves en cage, ils rêvent d’y être déjà, mais voudraient aussi pouvoir reculer le jour de la séparation [d’avec leurs familles]. Ces semaines d’entrainement sont pour eux des voleuses de temps qui les séparent encore des vallées poussiéreuses et brûlantes d’Alasay et de Bedraou.
Ici, rien ne va changer. Mois après mois, les mêmes personnes se promèneront sur les mêmes plages, emprunteront le même tronçon d’autoroute pour rentrer du travail. Et, cet été, les vacances seront joyeuses et reposantes. Mais pour eux ?
Ce soir, ils ne s’extraient pas seulement physiquement du monde commun. Ils en sortent aussi psychologiquement. Même s’ils n’en ont pas encore conscience, ils vont au-devant de l’indicible, de l’inénarrable.
Ils vont passer des heures sous la tente à se préparer, à s’équiper (…) Je suis littéralement fasciné par leur souci du détail. Ils peuvent passer dix minutes à se demander si telle poche aura mieux sa place à droite ou à gauche, si elle n’est pas trop basse, si le câble de la radio ne gênera pas un mouvement ou ne risquera pas d’être arraché. Ils en discutent ensemble, observent comment fait le copain. Ils essaient, défont ce qu’ils viennent de faire, recommencent encore et encore jusqu’à ce que cela leur convienne parfaitement.
Dans quelques heures, un foyer américain pleurera son soldat, quelque part en Alabama ou en Arizona. A moins que cela soit au Kansas. Du Black Hawk qui vient de se poser, des Marines extraient le corps d’un soldat. Soudain, le temps se fige autour de nous, les pales de l’hélico semblent tourner dans un vide immense et silencieux. Plus rien n’a d’importance que ce soldat qui ne rentrera pas à la maison. Autour de moi, les gars se redressent un à un et se mettent au garde à vous. Un soldat reconnaît un autre soldat. (…) La réalité du monde extérieur vient de leur sauter à la gueule, comme une vague submerge une digue. Et c’est peu dire que l’ambiance n’est plus la même. Peu à peu, les gars s’enfoncent dans leurs pensées (…) ils sont secoués et se mettent à gamberger. C’est Christophe qui finit par sortir la section de sa torpeur, balançant une énorme connerie à Guigui. Il a réussi son coup, les gars reprennent le dessus.
Je commence à comprendre que l’une de leurs forces est de savoir dresser des barrières autour de leurs émotions pour se concentrer sur l’essentiel : la mission. Et je continuerai à découvrir, dans les mois qui vont suivre, la force de caractère, la volonté que cela exige d’eux.
Impossible d’y pénétrer du regard. C’est à pied qu’il faut s’y enfoncer pour la découvrir. Les chemins qui la parcourent sont étroits et bordés de murets en terre, si bien qu’il est impossible d’y circuler avec des blindés. Leur sentiment d’oppression ne fait que croître à mesure qu’ils s’y infiltrent. C’est un véritable labyrinthe au milieu duquel la population les observe. Les visages sont impénétrables, dénués de toute émotion apparente. Qui est qui ? Qui fait quoi ? Comment le sauraient-ils ? Un seul rôle est clair, celui des soldats. Et ils sont la seule cible non seulement visible mais clairement identifiée. En face d’eux, au contraire, tout est trouble, c’est un véritable brouillard. Insurgé ? Paysan ? Informateur ? Les deux à la fois ? Ca gamberge sévère…
Je comprends leur frustration. Des mois, des années de préparation, un armement comme ils n’en ont jamais eu, l’envie de « faire le boulot ». Ils sont jeunes, téméraires, tout en muscles et bourrés d’hormones. Ils n’ont peur de rien, sûrs d’eux et de leur technique. Ils ont un côté chiens fous mais ne sont pas dupes, il ne s’agit pas de jouer avec le feu. « On fait les malins à vouloir y aller, mais c’est vrai que c’est complètement con. Quand on reviendra avec un gars dans un sac ou avec une patte en moins, on fera moins les finauds. » Mais c’est plus fort qu’eux ! L’envie de vivre l’emporte sur l’envie de survivre. Et vivre, pour eux, à 400 mètres des positions insurgées, c’est combattre.
La peur est une émotion qui se maîtrise. C’est même pour beaucoup la définition même du courage. La contenir au point de pouvoir repartir de l’avant en sachant que les insurgés sont dans la zone, qu’un copain est entre la vie et la mort. Etre capable de sortir d’une ruelle, de s’exposer pour récupérer P, de le mettre à couvert et lui sauver la vie. Quand je leur parle de courage, ils me répondent : « On fait notre job », « N’importe quel gars ici ferait la même chose ». Ces dialogues sont à l’image de ce qu’ils sont : des garçons ordinaires qui, par les valeurs qu’ils ont acquises, par la cohésion qu’ils ont développée et par les situations auxquelles ils sont confrontés, sont capables d’accomplir des actes réellement héroïques.
Il faut de la rage pour sortir de là, une force venue de loin, quelque chose d’animal, de vital. Les uns après les autres, les gars se lancent en tirant une rafale vers la zone des insurgés. Et, dans un même mouvement, toute la compagnie fait corps autour d’eux, en faisant pleuvoir un déluge de plomb sur les talibans. Les poumons en feu les jambes tremblantes, il faut avancer encore et encore. Vingt mètres, dix mètres, cinq mètres… et pouvoir plonger, enfin, de l’autre côté du muret protecteur (…)
Cette journée qu’ils me racontent au mois de septembre, près de deux mois plus tard, est encore toute fraiche dans leur esprit. Il reste dans leur voix des accents d’excitation, de plaisir d’avoir vécu ensemble ces moments extrêmement forts et puissants. D’en être sortis vivants aussi. Quand je les avais quittés fin juin, trois jours seulement avant cette journée de combat autour du pont de Tagab, l’expression « frères d’armes » sonnait creux pour eux. Plus maintenant.
Fin de la garde. Prendre les ordres auprès de l’adjudant Cédric. Les transmettre aux gars du groupe. Au programme du lendemain : protection d’une action CIMIC [civilo-militaire] à Shekut. Départ à 5 heures du matin. Les gars ont à peine dormi la nuit précédente, ils sont crevés. Déjà 22 heures. La douche, l’ordinaire ? L’ordinaire en premier ; à cette heure, il ne devrait pas y avoir encore trop de queue. La douche et enfin son box. Peut-être un tour au foyer pour acheter quelques barres de céréales ou des cigarettes… Ils auraient bien aimé passer un coup de fil en France, mais le réseau est coupé depuis plusieurs heures déjà. Quant à la salle Internet, où il faudra peut-être attendre une bonne demi-heure, peu y pensent. Se coucher. Dormir.
Mais Panezyck ne rejoindra pas l’autre rive. Il s’écroule au bout de quelques mètres, fauché par un tir précis. A quelques dizaines de mètres de lui, un insurgé l’a regardé s’élancer et courir. Et a décidé qu’il ne passerait pas. Pourquoi lui et pas un autre ? Mauvaise question, sans réponse (…) Quelques secondes plus tard, le lieutenant Mezzasalma s’élance au secours de Panezyck alors que tout autour de lui les hommes ouvrent le feu en direction de la zone d’où proviennent les tirs. C’est un acte d’un courage insensé, qui touche à ce qu’il y a de plus sacré entre tous les soldats : être capable de donner sa vie pour les autres. Touché à son tour alors qu’il rejoint le corps de Panezyck, il se bat jusqu’au dernier souffle, tirant ses dernières balles avec son arme de poing.
En raccrochant, je ne peux m’empêcher de m’en vouloir de ne pas être là-bas. C’est un sentiment étrange, difficile à cerner. Un mélange d’empathie et de cohésion avec un groupe au milieu duquel j’évolue depuis des mois. Mais je m’en veux aussi de ne pas y être pour capter ces moments dramatiques qui témoignent de leur engagement. Nous avions plusieurs fois évoqué cette question : devrais-je prendre ou non des photos si l’un d’eux venait à être tué ou blessé. Tous me répondaient que « Oui, évidemment, il faudra que tu fasses des photos ! » Ne pas montrer jusqu’où ils sont prêts à aller leur semblait être une forme de trahison. Mieux, ils ne comprennent pas ou n’acceptent pas la pudeur de leurs chefs et des politiques qui veulent donner à leur guerre un visage qu’elle n’a pas, sans morts ni blessés.
F est déjà nostalgique à l’idée de quitter l’Afghanistan : « Après, c’est sûr, on ne fera que de la merde. »
Je le retrouve plusieurs fois le regard perdu vers la vallée de Bedraou.
Que lui dire ?
2013 : Des éléments du 21e RIMa sont déployés au Mali, dans le cadre de l’Opération Serval. Ils forment le 1er Groupement Tactique Inter Armes avec des unités du 2e RIMa, du 1er RHP, du 3e RAMa, du 6e RG, du 3e RPIMa, du 1er REC et du CPA 20.
Le 28 janvier, après un raid blindé aux côtés de l’armée malienne, ils s’emparent de Tombouctou.
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Nicolas Mingasson
Voilà, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » est refermé.
Alors, me direz-vous, le lecteur connait-il désormais cette guerre ? Et bien non, elle restera pour lui, à jamais, une inconnue, puisqu’il n’est ni combattant, ni civil afghan.
Et pourtant, Nicolas a magnifiquement réussi son projet. Son livre est un incontournable, rejoignant le panthéon des grands récits sur l’engagement français en Afghanistan.
Contradictoire ? Non, car pour le lecteur, quelque chose de formidable ne lui sera plus inconnu, et là est l’essentiel :
Grâce à Nicolas, le lecteur connait désormais les hommes qui font cette guerre pour lui.
Vidéo de Nicolas réalisée en 2010. Retrouvez le Sergent Tran Van Can et les Marsouins du 21e en "live", entre action et émotion.
Nicolas Mingasson
A Nicolas : Merci pour ton accueil, merci pour Christophe, merci pour Lorenzo et Jean-Nicolas, merci pour eux tous.
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Né en 1967, Nicolas Mingasson tombe tout jeunot dans la photo de guerre, inspiré par les Don McCullin et autres Gilles Caron. Reporter à Gamma et France soir, il couvre en 1993 le conflit bosniaque. Il se passionne également pour le monde polaire : expédition à ski au Pôle Nord en 1995, 6 mois dans l’Arctique russe en 2008. C’est à cette occasion qu’il exploite ses talents d’écrivain et publie « Terre des Pôles » en 2008 puis « Sentinelles de l’Arctique » en 2009.
En 2010, Nicolas sollicite l’armée français. Il soumet un projet précis : suivre un unique soldat pendant un an, raconter « les hauts comme les bas », parler du soldat, mais aussi de l’homme qui se cache derrière : mari, père de famille… Ce projet a certainement fait débat, mais Nicolas est finalement autorisé à suivre le Sergent Christophe Tran Van Can, du 21e RIMa, évidemment volontaire. Partageant les mêmes piaules, vivant au rythme exact du groupe, participant à tous les entraînements, Nicolas rejoint à trois reprises les marsouins en Afghanistan dans leur base de Tagab en Kapisa. Il est présent lors du désengagement du régiment, vers Kaboul puis la France. De cette « expérience » naît « Journal d’un soldat français en Afghanistan » co-écrit avec le sergent Tran Van Can (Ed. Plon), puis en 2012 « Afghanistan - La guerre inconnue des soldats français », où il livre son propre ressenti, accompagné de ses photos.
Nicolas vit entre Paris et Sarajevo, est marié et père de trois enfants.
« Journal d’un soldat français en Afghanistan » a reçu en 2011 la mention spéciale du prix de l’Armée de Terre Erwan Bergot, le prix Grand Témoin de la France Mutualiste et le prix de la Saint-Cyrienne, association des élèves et anciens élèves de l’ESM, en 2012. Bien entendu, Une Plume pour l'Epée abordera prochainement ce récit.
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Prix : 21€ - Format 19x26 - 192 pages, tout couleur, ISBN 978-2-7357-0664-7
Aux éditions Acropole
Livre disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.
Site de Nicolas Mingasson ici
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Hommage
Au Capitaine Lorenzo Mezzasalma, 21e RIMa, mort pour la France en Afghanistan,
Au Caporal-Chef Jean-Nicolas Panezyck, 21e RIMa, mort pour la France en Afghanistan,
Aux Marsouins du 21e morts pour la France,
Aux blessés.
Photos © AB
Ces deux vitrines, présentées lors de l’exposition « 45 ans d’opérations extérieures », hôtel de ville de Versailles en 2013, sont composées des décorations et objets personnels du CCH Panezyck, prêtés par sa mère.
Mme Monique Panezyck, dans la chambre de son fils à Versailles. © JP Guilloteau/L'Express
Les soldats français qui se sont battus et qui se battent toujours en Afghanistan ne regrettent rien de leurs choix et de leur engagement. Ils sont même, pour l’immense majorité d’entre eux, fiers et heureux d’avoir rempli la mission que la France leur a confiée. Mais ils sont amers. Amers du manque de reconnaissance de la nation française. Ils rêvent de drapeaux agités à leur retour, d’un peu plus que les trente secondes traditionnelles consacrées par le journal télévisé de 20 heures lors du décès d’un des leurs. Ils rêvent d’une nation qui les soutienne, d’une nation qui reconnaisse les sacrifices qu’ils font pour elle.
Nicolas Mingasson
Ceci n'est qu'une image virtuelle. Mais ne vous y trompez pas, soldats, elle est le reflet du cœur d'une multitude de Français.
Vous les trouvez trop silencieux ? Vous avez raison. Mais prêtez l'oreille :
Pour toutes celles et ceux qui lisent ce texte, vous n'êtes pas des inconnus, et ils vont s'adresser à vous, en prononçant ce mot avec nous :
Merci !
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc
Livre, photos sur les Marsouins en Afghanistan, 21e RIMa
11:39 Publié dans Afghanistan, Marsouins, Bigors, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (8)
29/09/2013
« Dans la vie d’un Bigor – le 3e RAMa », Marlene Kuhn-Osius, photographe
Toutes les photos © Marlene Kuhn-Osius, publiées avec l’aimable autorisation de l’auteur.
"Les régiments d'artillerie de la Marine, faisant le fond de mon corps d'armée, méritaient beaucoup d'éloges pour leur bravoure et leur bon esprit. Jamais soldats ne se sont exposés de meilleur grâce au canon de l'ennemi et n'y sont restés avec plus de fermeté."
Auguste Viesse de Marmont, Duc de Raguse, Maréchal d’Empire, parlant du comportement héroïque des Bigors aux batailles de Lutzen et Hanau en 1813. Mémoires, 1856.
Suivant l’exemple de leurs aînés, les Bigors du 3e RAMa se sont eux aussi exposés aux canons de nos ennemis, en Côte d’Ivoire, Afghanistan, Mali… rendant coup pour coup. Comme le bruit d’un CAESAR ripostant doit être doux aux oreilles de nos soldats sous le feu…
Mais cette fois, il n’y aura pas de riposte, car c’est un inoffensif « Canon » qui les vise, celui de la photographe Marlene Kuhn-Osius.
Sur une bonne idée du LTN Chems-Eddine Bouriche, officier communication et information du régiment de Canjuers, voici un petit livre-photo qui fait honneur à ce beau régiment. Il est vrai que le projet a été confié à Marlene, photographe de grand talent qui a su saisir de vrais instants d’action.
Et autre bonne idée : le livre est disponible, dans sa version numérique… gratuitement ! (Si !)
Laissons la place aux photos de Marlene, légendées par le texte du COL Cluzel, chef de corps en 2011-2013 (auquel vient de succéder le Colonel Reinbold).
Bigor au 3e de Marine, bien plus qu’une vie…
Une vie sous le signe de l’Ancre d’Or, dévouée au service des armes de France.
Une vie sous les plis d’un étendard glorieux de deux siècles de combats.
Les yeux et la foudre d’une brigade prestigieuse, en appui de Marsouins et de Légionnaires qui opèrent vite, fort et loin, de la mer vers la terre, dans les sables d’Afrique et du Moyen-Orient, comme dans les pierres d’Afghanistan, aux confins des eaux claires du Pacifique et des Caraïbes, jusqu’au cœur de ténèbres s’il le faut.
Une vie au sein de la Nation, ancrée sur la terre qui nous accueille, celle que nos anciens du 3e RAC libérèrent avec le Général Leclerc et que nous continuons de protéger pour le bonheur des nôtres.
Une vie d’effort et de rigueur, de veille et d’action.
Un peu de servitude.
Un peu de grandeur aussi.
Celle des hommes de bonne volonté qui vivent en frères d’armes et sourient avec le calme des vieilles troupes.
Une vie opiniâtre.
A l’affût toujours… Jamais ne renonce.
Notre vie.
Colonel Laurent Cluzel
Commandant le 3e Régiment d’Artillerie de Marine, 2011-2013
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Marlène Kuhn-Osius est une photographe indépendante.
« Dans la vie d’un Bigor » est sa deuxième collaboration avec l’Armée de Terre, succédant à « Objectif Afghanistan » dédié aux Marsouins du 21e RIMa. Hélas (pour nous), le livre est épuisé L
Vous retrouverez son travail sur son site WEB : ici.
Pour vous procurer le livre numérique gratuitement (que vous pourrez évidemment imprimer), cliquez ici.
Pour un livre « papier », je vous invite à contacter Marlene via son site WEB.
Page FaceBook officielle du 3e RAMa ici.
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Hommage
Aux Bigors morts pour la France,
Aux blessés.
A l'affût toujours, jamais ne renonce !
Devise du 3e RAMa
Et au nom de Dieu, vive la Coloniale !
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc
Livre, photos sur les Bigors, artilleurs de Marine, 3e RAMa
21:55 Publié dans Marsouins, Bigors, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)