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16/11/2013

« D’ombre et de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson, Ed. Albin Michel

 

Photos et texte © Thomas Goisque, Sylvain Tesson, CNE Jean-Gaël Le Flem. Publiés avec l'aimable autorisation des auteurs. Tous droits réservés.

 

 

Lorsqu’Allah eut créé le reste du monde, il vit qu’il restait encore une grande partie de rebut, de morceaux dépareillés qui n’allaient nulle part.

Alors, il les ramassa et les jeta sur la Terre.

Ils devinrent l’Afghanistan.

 

Dicton afghan, rapporté par le padre Ducourneau dans « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Editions EdB.

 

 

Après « Haute-Tension » consacré aux Chasseurs alpins du 27e BCA en Afghanistan, le photographe Thomas Goisque et l’auteur Sylvain Tesson ont souhaité revenir sur le conflit afghan, qu’ils ont vécu de l’intérieur : treize ans de guerre, autant de voyages au pays de l’insolence. « Nous avons côtoyé quotidiennement ces hommes, dans la servitude et la grandeur de leur mission, dans le temps dilaté de la vie au camp ou dans la tension de l’accrochage. »

A l’heure du désengagement français, « D’ombre et de poussière » se veut un livre bilan, mais pas un livre jugement :

« Ce livre ne prétend pas expliquer le conflit. Nous laissons ce soin-là aux experts qui prospèrent toujours sur les décombres des pays en guerre.

L’Afghanistan a fait tellement gloser que nous ne voulions pas rajouter notre pierre au tas de gravats des explications savante. »

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Le poste, la patrouille, l’opération sont les trois axes choisis par Thomas et Sylvain, pour décrire le conflit asymétrique auquel se sont livrés les soldats français en Afghanistan.

Un témoignage d’une esthétique visuelle saisissante, accompagné d’un texte percutant qui plonge son lecteur dans cette guerre, à la fois réelle et invisible, où la force ne suffit pas pour obtenir la victoire, où tout n’est qu’incertitude et apparence derrière une brume de lœss.

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Ils ne connaissaient pas ce royaume insolent et somptueux où se jouait une guerre insaisissable.

Un tourbillon d’ombre et de poussière.

Si la poussière parlait combien de secrets révèlerait-elle ?

 

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« Comme un pompier qui n’aurait jamais eu de feu à éteindre, nous attendions une opportunité réelle de jauger notre professionnalisme, de vivre ce qui justifie tant d’entrainements. Malgré la gravité de la situation, c’est dans cet état d’esprit que nous sommes partis. »

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Sur cette terre Immémoriale, haut lieu du bouddhisme, tournait la monstrueuse roue de l’histoire.

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Il est 6 heures du matin, le soleil s'est hissé au-dessus des herses de l'Hindou-Kouch. Déjà, il brille férocement. "Le soleil est aveugle", écrivait Malaparte. Aveugle envers ceux qui combattent sous sa lumière, indifférent à l'enfer que les hommes inventent dans son ombre. […]  

 L'aube révèle le décor que la tragédie s'est choisi : une montagne de rouille couronnée de neige, un désert de lœss qui sert de tapis aux éboulis de grès et l'oasis jade d'un village - amande dans la poussière. L'Afghanistan est la patrie de l'éternel retour : les armées s'y succèdent, s'y enlisent, en repartent. Et reviennent.

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Dans les camps tricolores se répartissaient les huit cents soldats composant les GTIA constitués des composantes de toutes les unités de l’armée de terre. […]  Ainsi les deux armées, française et afghane, dont le destin était de combattre de concert, se côtoyaient-elles en opération et dans la vie quotidienne.

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Il y avait les semailles. Il y avait les moissons.

La guerre ne connaissait pas de saisons dans la solitude des labours afghans. 

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Patrouiller c’est progresser en terrain miné en manifestant l’équanimité. S’enfoncer dans l’inconnu en feignant la force tranquille. 

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La guerre se déroulait dans un mikado humain et cette intrication était une obsession.

Ils menaient la bataille parmi les lavandières, sur le chemin des écoliers. 

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A l’approche de la patrouille, claquement d’ailes bleues. Les femmes se dispersaient. 

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Les talibans usent de cette technique vieille comme la lâcheté : se replier derrière le rempart de l’innocence. 

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L’air se déchirait des rugissements des hélicoptères.

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Dans le fond attendre l’intervention d’un hélicoptère, c’est espérer le secours du ciel… 

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Et la poussière du soir tombait, c’était la nuit et ils organisaient la veille sous les constellations qui avaient déjà tenu compagnie aux sentinelles de tant d’armées ! 

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Nous avons veillé sous des ciels étoilés en scrutant la nuit, aux aguets du moindre mouvement.

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Ils ne fermaient pas l’œil, la guerre ne dormait pas.

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Les nuits bruissaient des mouvements des talibans qui tentaient de passer sur le flanc des postes pour rejoindre les villages et les accrochages nocturnes se multiplièrent dans les vallées.

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L’aube était une fontaine d’où jaillissait le jour.

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Puis aux heures nocturnes ou au petit matin, c’était l’attaque.

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Le ballet des hélicoptères , chargeant et déchargeant personnels, blessés et matériel sur les drop zones des camps noyait l’atmosphère dans un nuage de lœss qui ne retombait jamais.

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Ainsi allait la vie des postes, oscillant, selon un solfège propre à l’armée, entre les périodes de veille, d’entrainement, d’attente et les opérations coordonnées.

 

***

Goisque Tesson.jpgNous avons déjà eu l’opportunité de présenter le photographe Thomas Goisque (à g.) et de l’écrivain Sylvain Tesson (à d.) pour leur précédent livre : « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan », accompagnés alors par l’artiste Bertrand de Miollis.

 

Cette fois, laissons-leurs la parole :

 

 

Laissons aussi cette parole au Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger » :

Tessson Le Nen.JPGJ’aurai vu défiler beaucoup de journalistes et de reporters depuis le début de ma mission en Kapisa. Certains se sont contentés de surfer sur l’écume de nos journées et de nos opérations. D’autres comme Géraud Burin des Roziers, Thomas Goisque, Sylvain Tesson et Bertrand de Miollis ont pris le temps de nous accompagner, de comprendre ce que nous faisions et d’entrer dans nos vies. Eux auront vu l’essentiel : la générosité, la passion et la richesse de ces jeunes hommes qui sont prêts à payer de leur sang l’idée qu’ils se font de leur métier et de leur dévouement à leur bataillon et leur pays. J’ai beaucoup d’admiration pour ces reporters-là qui sont prêts à partager nos risques et endurer nos souffrances pour simplement témoigner de ce que nous sommes. Ils sont des nôtres et je sais que tous les Chasseurs les considèrent comme tels. 

Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger ».

« Task Force Tiger », Ed. Economica.

 

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Prix : 30€ ISBN-13: 978-2226208248 - Format 28 x 24, 192 pages. 

Aux éditions Albin Michel 

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Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.

Retrouvez les photos de Thomas Goisque sur son site ici. 

***

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Hommage

Aux morts en Afghanistan,

Aux blessés,

A la mémoire des civils afghans qui subissent depuis des décennies la folie de leurs dirigeants.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc.

 

***

Lettre d’un capitaine

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Ce fut d’abord la découverte de ce pays d’une beauté stupéfiante, lieu improbable où l’arc himalayen vient mourir dans le désert. Au hasard des patrouilles, nous avons sillonné ces vallées luxuriantes qui semblent refléter l’état de nature. L’habitat se fond harmonieusement entre les vergers, les champs de grenadiers et d’orge. La population semble encore vivre au rythme des saisons; les hommes entretiennent non sans génie les canaux d’irrigation. Les vieillards nous contemplent sagement avec un air de « déjà vu » cachés, derrière leur barbe. Les enfants, loin d’être apeurés par notre attirail guerrier, s’amusent de notre maladresse.

Quant aux femmes, prisonnières de la burqa, elles évitent nos regards et ne laissent deviner une certaine féminité que par le raffinement de leurs chaussures.

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Mais, malheureusement, cette phase ne dure qu’un temps.

Quand les ruelles se vident et que les premières balles sifflent, notre perception du monde change d’un coup. Qu’elles sont longues ces minutes où, dans le fracas des armes, tout le monde cherche à se faire une idée précise de la situation, espérant ne pas entendre ce compte rendu qui tombe comme un couperet : « Blessé, blessé !!! »

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Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés,  sans tenir de propos sacrilèges ?

Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’arme.

[…] 

« Ne sommes-nous pas devenus fous de croire que l’on peut orienter le destin d’un peuple si fier ? »

La guerre révèle les hommes ou les détruit.

 

Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA

Préface à « D’ombre de de poussière »

 

 

 

 

 

 

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