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14/09/2019

« Une femme à Dien Bien Phu », Geneviève de Galard, Convoyeuse de l’Air, éd. Les Arènes

 

 

« C’est impossible, dit la Fierté,

C’est risqué, dit l’Expérience,

C’est sans issue, dit la Raison,

Essayons, murmure le Cœur »

William Arthur Ward

 

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En cet après-midi d'avril 1954, Haas, jeune légionnaire allemand, affiche toujours un moral d'acier. Pourtant, s'il veut tenir debout, il est obligé de s'appuyer de son moignon sur mon épaule...

Caporal au 2e BEP, Haas a été blessé il y a trois semaines. Atrocement mutilé par des éclats d’obus, il a dû être amputé des deux bras et d’une jambe. Et pour éviter le risque d’infection, les moignons ont été laissés à vif. Chaque pansement provoque ses hurlements. Avoir dix-huit ans à Dien Bien Phu...

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Hôpital souterrain de Diên Biên Phu. Opération du Dr Grauwin

Ce jour-là, profitant d'une accalmie, mon jeune légionnaire avait manifesté le désir de respirer un peu d'air frais à l'entrée de l'antenne chirurgicale qu’il n'a pas quittée depuis le jour de son opération. Il m'avait demandé de l'accompagner. Nous voilà donc partis tous les deux dans le long couloir sombre, moi le soutenant de mon mieux en m’efforçant de ne pas raviver ces douleurs, lui sautant à cloche-pied, s'appuyant sur moi.  Sa volonté et son courage me bouleversent plus que je ne peux le laisser paraître. 

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Geneviève de Galard à Diên Biên Phu

Le jeune garçon contemple à mes côtés le paysage désolé du champ de bataille. La rizière autrefois verdoyante, aujourd'hui poussiéreuse et labourée de débris d'acier ; les pitons si chèrement défendus, mais dont la terre ne renferme plus qu'un vaste cimetière ; les sombres collines où guettent les canons vietminh ; et cet enchevêtrement de tranchées et ce réseau de barbelés qui ont transformé la plaine en une gigantesque toile d'araignée. Il me dit alors :

« - Geneviève, quand tout cela sera terminé, je vous emmènerai danser. ».

***

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« Une femme à Dien Bien Phu », Geneviève de Galard, Convoyeuse de l’Air.

Difficile d’aborder ce livre sans émotion. Tout est dit nous semble-t-il avec les quelques extraits de cette humble recension. Nous ne complèterons que par une anecdote, rapportée par Mme de Galard elle-même lors d’une conversation :  alors qu’elle visitait les patients de l’Institut des Invalides où elle avait longtemps œuvré, elle y retrouva une amie, notre cousine Anne Broquet, ancienne « reine-mère » des Convoyeuses de l’Air, condamnée par la maladie. Celle-ci lui dit « Geneviève, j’ai égaré ton livre. Pourrais-tu me rapporter un exemplaire ? Sa relecture va me donner du courage ».

Aux éditions Les Arènes.

Paru en 2003 mais se trouve toujours facilement, y compris d’occasion, à des prix très raisonnables.

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Avec Geneviève de Galard et son époux le Colonel Jean de Heaulme.

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Pierre-Noël de Cornulier-Lucinière, 1er BPC, 19 ans, parachuté sur Diên Biên Phu en mai 1954, mort dans les camps vietminh en juillet.

Hommage

Aux morts pour la France à Diên Biên Phu et dans les camps vietminh,

Aux blessés,

A tous « Ceux d’Indo »,

A nos chères Convoyeuses de l’Air, à la mémoire de leur chef la LCL Anne Broquet

Couchée par terre sur des parachutes, je ferme les yeux mais je ne dors pas. Je suis minute par minute ces heures tragiques. La radio rend tout proche le drame. Je vis avec les combattants les moments d'espoir extraordinaire, lorsqu’un point d’appui est repris, et les moments affreux, lors des adieux émouvants d’un commandant d’unité :

« Les Viets sont à dix mètres. Embrassez nos familles. Terminé pour nous. »

Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu

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Geneviève de Galard, libérée par le Vietminh

Son visage est recouvert de pansements, ses mains sont bandées comme celles d’une momie. Dès que je le peux, je viens lui glisser un petit mot, lui apporter une boisson ou une cigarette que j’allume moi-même. Le jeune homme, dont le moral est excellent, finit par mettre de l’animation et apporter un peu de gaieté autour de lui. Lorsque son état est stabilisé, il s’essaie, de ses pauvres mains mutilées, à jouer de l’harmonica, et il y réussit, à la plus grande joie de ses camarades.

*

Ces souvenirs continuent de hanter mes songes et mes nuits, chaque fois que j'ai à en parler. Ils portent une part d’enfer. Et pourtant, je parviens toujours à retrouver un coin de lumière en les évoquant. Quand un petit air d'harmonica se met à me trotter dans la tête, je ne pense plus qu'à la tendresse du regard de ces hommes dont j’ai essayé d'atténuer la souffrance.

Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu