15/04/2013
« L’Afghanistan en feu », CCH Emmanuel Gargoullaud, RICM, Ed. Economica
A la mémoire du caporal-chef Bracchi, qui n’a pu quitter ses frères marsouins. Qu’il repose en paix.
Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan.
Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre
Ils sont en train de nous bâtir un bien bel édifice, nos soldats-auteurs. Un monument virtuel car littéraire, mais qui rend magnifiquement hommage à leurs camarades morts pour la France, aux blessés, au dévouement de leurs frères d’armes.
Par leurs témoignages, chacun participe à sa façon : les officiers, c’était courant, mais désormais les sous-officiers et militaires du rang. Réjouissant. Et c’est au tour du Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, marsouin du RICM, d’apporter sa pierre à l’édifice, avec son journal de marche en Afghanistan.
Le Régiment d’Infanterie Chars de Marine ; le plus décoré de l’Armée française… Tout est dit au titre de la gloire et de l’honneur, mais ce livre nous en apprend plus, de par sa vision de l’intérieur.
Devant un VBLL – photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Le Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud appartient au peloton de Commandement et Logistique. C’est un combattant, mais aussi un administratif qui gère la vie de la base. Ce rôle, parfois sous-estimé, est pourtant essentiel : Combien de temps un soldat tiendrait-il, sans retrouver un minimum de confort physique [popote/douche/lit], mais aussi moral, entre deux missions de terrain ? Sans accès internet pour échanger avec sa bien-aimée, sa famille ? Sans pause autour d’une bière raisonnablement fraiche ? Sans la moindre petite fête pour évacuer la pression ?
Je commence ma course pour trouver la Capitaine commissaire, les cartes Internet et téléphoniques, puis le vaguemestre pour le courrier, ainsi que le gérant du foyer pour l’approvisionnement de « La Sirène » [bar du RICM]. Courte nuit marquée par le ronflement de certains et les flatulences des autres.
Devant un T55 ex-soviétique – photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Les parties "action sur le terrain" sont toujours percutantes :
Nous, le groupe 50, avec Centaure et le JTAC, seront installés sur le COP51. Le PAD10 sera en QRF sur la FOB46, avec un groupe Génie de Jaune 30, les EOD. Le peloton AMX10RCR sera en tête du SGTIA et fera la reconnaissance par l’axe Taurus 1.
Je vois d’ici les lecteurs néophytes en jargon militaire : « Heeuuu... ». Ne vous effrayez pas. J’ai cherché dans le livre le paragraphe qui cumulait le plus d'abréviations :)
Emmanuel se parle à lui-même, il utilise donc la langue du soldat ; mais ce vocabulaire a aussi son mérite : il donne du rythme, voire crée un style littéraire original (Mili-Style ?) et, évidemment, tous les acronymes sont expliqués.
photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Entre les chapitres où il décrit sa vie au quotidien, sur la base ou le terrain, Emmanuel prend le temps d’approfondir sa vision de l’engagement de nos troupes en Afghanistan : Il nous parle de l’ennemi Taliban, souvent un groupe d’une dizaine de combattants, connaissance parfaite du terrain, mobilité extrême, réseau de renseignements on ne peut plus efficace (dans tous les récits publiés, les soldats parlent d’Afghans les observant, tout en parlant dans un portable...), possibilité de se fondre immédiatement dans la population, n’ayant que peu (pas ?) de respect pour la vie des femmes et des enfants, n’hésitant pas à en faire des boucliers humains, sachant pertinemment que les occidentaux ne tireront pas…
Il s’intéresse même à la géopolitique, la famille Ben Laden ou l’économie basée sur la culture de l’opium (drogue de Tintin et le Lotus bleu, mais aussi la matière-première de la morphine).
L’opium fait vivre plus de deux millions d’afghans et génère des recettes estimées à 2,5 milliards de dollars, soit 35% du PIB de l’économie afghane en 2005. En 2009, on estimait à 1,6 millions le nombre de personnes impliquées dans ce secteur d’activité. 8% des Afghans sont dépendants de drogue, que ce soit l’opium ou l’héroïne. Le pays produit plus de 80% de l’opium de la planète.
Un fermier indique qu’il peut obtenir, sur une même superficie, 8kg d’opium qui lui rapportent 300€, au lieu de 850 à 1100kg de blé, de culture plus aléatoire, et ne lui rapportant que 200€.
Dans son VAB. photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Nous l’avons dit, notre secrétaire est avant tout un combattant. Pilote de VAB, il est intégré régulièrement à la QRF : Quick Reaction Force/Force de Réaction Rapide, qui intervient en soutien des troupes au contact.
Une explosion assourdissante retentit. Je suis tout d’abord sonné. Mon véhicule est envahi de pierres et de poussière. Je suis recouvert d’une fine couche de terre, lorsque je réalise, au bout de quelques secondes, que nous venons de subir une attaque. Dans l’obscurité, avec mon [dispositif de vision nocturne] OB70, je regarde autour de moi, puis palpe mes bras et mes jambes. Tout va bien.
Tout va bien heureusement pour Emmanuel, mais…
Le Caporal-Chef Hervé Guinaud, descendu pour guider l’un des trois VAB du convoi, a disparu.
Au bout d’interminables minutes, j’aperçois une lampe qui s’agite à une vingtaine de mètres de mon VAB. Aussitôt je réagis, allume ma lampe torche Surfire pour les éclairer et, dans le halo de lumière, j’aperçois un corps.
(…)
C’est bien Hervé.
(…)
Le souffle de l’explosion l’a projeté à 50 mètres du cratère laissé par l’IED.
Il n’a pas souffert.
* * *
Avec « L’Afghanistan en feu », son journal, le Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud s’est parlé à lui-même, mais il l’a fait suffisamment fort pour que nous l’entendions haut et clair. C’est heureux. Une indispensable pierre à l’édifice.
« La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer, et mourir. »
* * *
Engagé en 1995, Emmanuel Gargoullaud intègre le 1er Régiment de Hussards Parachutistes. Neuf ans plus tard, il rejoint le Régiment d’Infanterie Chars de Marine de Poitiers. Il a été déployé en République Centrafricaine, ex-Yougoslavie, Côte d’Ivoire et Afghanistan. Emmanuel est marié et père de deux enfants. Envisageant une carrière civile au retour d'Afghanistan, il a finalement décidé de poursuivre sa vie de marsouin.
Emmanuel, je tiens à te remercier chaleureusement pour l’accueil réservé à mes sollicitations et l’envoi de tes photos perso. Vraiment sympa !
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Hommage
Au Caporal-Chef Hervé Guinaud, mort pour la France en Afghanistan,
A tous les marsouins du Régiment d’Infanterie Chars de Marine, né Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc, morts pour la France,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux Marsouins du RICM.
« Recedit immortalis certamine magno »,
Il revint immortel de la grande bataille !
Devise du RICM
photo © CCH E. Gargoullaud
Livre, récit biographique d'un Marsouin, RICM, Afghanistan
10:28 Publié dans Afghanistan, Marsouins, Bigors, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
" MERCI " mes respects....
Écrit par : CHANTAL MOTTE | 20/04/2013
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