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14/09/2019

« Une femme à Dien Bien Phu », Geneviève de Galard, Convoyeuse de l’Air, éd. Les Arènes

 

 

« C’est impossible, dit la Fierté,

C’est risqué, dit l’Expérience,

C’est sans issue, dit la Raison,

Essayons, murmure le Cœur »

William Arthur Ward

 

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En cet après-midi d'avril 1954, Haas, jeune légionnaire allemand, affiche toujours un moral d'acier. Pourtant, s'il veut tenir debout, il est obligé de s'appuyer de son moignon sur mon épaule...

Caporal au 2e BEP, Haas a été blessé il y a trois semaines. Atrocement mutilé par des éclats d’obus, il a dû être amputé des deux bras et d’une jambe. Et pour éviter le risque d’infection, les moignons ont été laissés à vif. Chaque pansement provoque ses hurlements. Avoir dix-huit ans à Dien Bien Phu...

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Hôpital souterrain de Diên Biên Phu. Opération du Dr Grauwin

Ce jour-là, profitant d'une accalmie, mon jeune légionnaire avait manifesté le désir de respirer un peu d'air frais à l'entrée de l'antenne chirurgicale qu’il n'a pas quittée depuis le jour de son opération. Il m'avait demandé de l'accompagner. Nous voilà donc partis tous les deux dans le long couloir sombre, moi le soutenant de mon mieux en m’efforçant de ne pas raviver ces douleurs, lui sautant à cloche-pied, s'appuyant sur moi.  Sa volonté et son courage me bouleversent plus que je ne peux le laisser paraître. 

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Geneviève de Galard à Diên Biên Phu

Le jeune garçon contemple à mes côtés le paysage désolé du champ de bataille. La rizière autrefois verdoyante, aujourd'hui poussiéreuse et labourée de débris d'acier ; les pitons si chèrement défendus, mais dont la terre ne renferme plus qu'un vaste cimetière ; les sombres collines où guettent les canons vietminh ; et cet enchevêtrement de tranchées et ce réseau de barbelés qui ont transformé la plaine en une gigantesque toile d'araignée. Il me dit alors :

« - Geneviève, quand tout cela sera terminé, je vous emmènerai danser. ».

***

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« Une femme à Dien Bien Phu », Geneviève de Galard, Convoyeuse de l’Air.

Difficile d’aborder ce livre sans émotion. Tout est dit nous semble-t-il avec les quelques extraits de cette humble recension. Nous ne complèterons que par une anecdote, rapportée par Mme de Galard elle-même lors d’une conversation :  alors qu’elle visitait les patients de l’Institut des Invalides où elle avait longtemps œuvré, elle y retrouva une amie, notre cousine Anne Broquet, ancienne « reine-mère » des Convoyeuses de l’Air, condamnée par la maladie. Celle-ci lui dit « Geneviève, j’ai égaré ton livre. Pourrais-tu me rapporter un exemplaire ? Sa relecture va me donner du courage ».

Aux éditions Les Arènes.

Paru en 2003 mais se trouve toujours facilement, y compris d’occasion, à des prix très raisonnables.

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Avec Geneviève de Galard et son époux le Colonel Jean de Heaulme.

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***

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Pierre-Noël de Cornulier-Lucinière, 1er BPC, 19 ans, parachuté sur Diên Biên Phu en mai 1954, mort dans les camps vietminh en juillet.

Hommage

Aux morts pour la France à Diên Biên Phu et dans les camps vietminh,

Aux blessés,

A tous « Ceux d’Indo »,

A nos chères Convoyeuses de l’Air, à la mémoire de leur chef la LCL Anne Broquet

Couchée par terre sur des parachutes, je ferme les yeux mais je ne dors pas. Je suis minute par minute ces heures tragiques. La radio rend tout proche le drame. Je vis avec les combattants les moments d'espoir extraordinaire, lorsqu’un point d’appui est repris, et les moments affreux, lors des adieux émouvants d’un commandant d’unité :

« Les Viets sont à dix mètres. Embrassez nos familles. Terminé pour nous. »

Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu

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***

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Geneviève de Galard, libérée par le Vietminh

Son visage est recouvert de pansements, ses mains sont bandées comme celles d’une momie. Dès que je le peux, je viens lui glisser un petit mot, lui apporter une boisson ou une cigarette que j’allume moi-même. Le jeune homme, dont le moral est excellent, finit par mettre de l’animation et apporter un peu de gaieté autour de lui. Lorsque son état est stabilisé, il s’essaie, de ses pauvres mains mutilées, à jouer de l’harmonica, et il y réussit, à la plus grande joie de ses camarades.

*

Ces souvenirs continuent de hanter mes songes et mes nuits, chaque fois que j'ai à en parler. Ils portent une part d’enfer. Et pourtant, je parviens toujours à retrouver un coin de lumière en les évoquant. Quand un petit air d'harmonica se met à me trotter dans la tête, je ne pense plus qu'à la tendresse du regard de ces hommes dont j’ai essayé d'atténuer la souffrance.

Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu

 

 

 

 

 

 

 

15/07/2017

« Ceux de 40 »

« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, éd. Albin Michel

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux, autoédité

« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, éd. Librinova

« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, éd. Les Archives dormantes

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs – Droits réservés.

 

A la mémoire de mes grand-pères Roger Broquet et Maurice Camut, 69e BC, et de mon oncle Pierre Dusausoy, 2e RSA, combattants de 40.

 

 

Combien d’hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts

sans qu’on en ait parlé ?

La Bruyère

 

Ils étaient de la bonne bourgeoisie provinciale, nés pour porter gants blancs et Casoar, ou maçons aux mains calleuses. Ils étaient descendants de boyards, à leur aise au Ritz, ou petits paysans vendéens guinchant aux bals musettes …

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Tout les éloignait, si ce n’est cet orage grondant à l’Est, discours éructant, bannières claquant au vent. Alors, les uns comme les autres ont pris les armes et ont combattu. Nous connaissons l’issue : la guerre fut drôle, puis éclair.

Certes personne n’a oublié la défaite de 40. Par contre, les hommes qui ont mené le combat, on en parle bien peu. On les a presque moqués ! Qui d’ailleurs connait le nombre de soldats français tués en mai-juin 40 ? 60 000 en 5 semaines ! Et 120 000 blessés. C’est beaucoup pour une armée qui, d’après nos « facétieux » amis anglo-saxons, aurait immédiatement agité le drapeau blanc…

Pour l’illustrer, voici quatre beaux récits qui ont le mérite, outre de réparer une injustice criante, d’aborder des parcours variés : 2ndes classes ou officiers, fantassins, sapeurs, cavaliers, légionnaires ou marsouins ; certains, après la bataille, se remettant de leurs blessures ou survivant tant bien que mal dans les stalags, d’autres participant à la glorieuse victoire finale ou à la défense de l’Empire. Après-guerre, ils retrouveront leurs chantiers de maçonnerie, leurs champs de blé, ou mèneront d’autres combats, dans les rizières et le bled. Ainsi va la vie.

Ils garderont cependant tous ce point commun : l’honneur d’avoir défendu la patrie. Combien peuvent s'en honorer ?

Hommage à « Ceux de 40 ».

« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, marsouin, méhariste, para-colo.

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Tirailleurs sénégalais, 1940. Photo ECPAD

C’est au mois de juin [40] que nous montâmes en ligne, si l’on peut ainsi dire d’un front qui, rompu, n’existait plus et que le haut commandement s’efforçait de rétablir de cours d’eau en cours d’eau. Le nôtre fut la Dordogne (…) Ma section fut chargée de défendre un pont au droit d’un charmant village. N’ayant de voisin visible ni d’un côté, ni de l’autre, ma responsabilité me parut immense. J’étais décidé à l’assumer.

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Tirailleur sénégalais, 1940. Photo ECPAD

Le pont était de petite taille mais suspendu et je n’avais les moyens ni de le défendre ni de le faire sauter. J’entrepris de déposer les poutres du tablier, travail qui n’excédait pas la force de mes trente Africains. Quand il comprit ce que j’avais décidé de faire, la maire du village tenta de s’interposer. Il fit valoir au gamin que j’étais que la guerre était perdue et que sauver l’honneur ne valait la destruction de son village, promise par la stupide résistance que je préparais.

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Claude Le Borgne en Mauritanie, après la Bataille de France

J’étais jeune il est vrai [18 ans]. Face au maire et sans la moindre hésitation, je sortis de son étui mon pistolet et, l’en menaçant, lui déclarais que la mission que j’avais reçue serait accomplie, quoi qu’il en coûte à son charmant village. Telle fut, dans cette malheureuse campagne, la seule occasion que j’eux de mettre l’arme au poing.

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Plutôt qu'une autobiographie classique, « Route de sable et de nuages » s'apparente à un recueil de pensées, nées de la longue, brillante et quelque peu atypique carrière du général marsouin Claude Le Borgne : Saint-Cyrien au cursus écourté par la Blitzkrieg, sous-lieutenant tout minot (18 ans), il est lâché avec une poignée de tirailleurs sénégalais "à vue de nez" dans la débâcle de 40. Reprenant son cursus d’officier en Afrique du Nord, la reconquête métropolitaine se passera de lui : il est méhariste dans les sables de Mauritanie, au contact, avec ses goumiers et tirailleurs, des tribus-seigneurs maures. Abandonnant ses "chameaux" pour les ailes de Saint-Michel, il fait la campagne d'Indochine comme para. C'est ensuite l'Algérie, qui le laisse meurtri. Il poursuit cependant sa carrière, à Madagascar, puis dans l'Europe nucléarisée de la Guerre-Froide.

Du haut de ses 94 vaillants printemps, beaucoup d'humour, de recul et de sens de l'analyse. Un livre profond, qui s'avère le témoignage remarquable -distillant un rien de nostalgie- d'un militaire trait d’union entre France d'hier et d'aujourd'hui.

Claude est le frère du GAL Guy Le Borgne, autre figure de l'Armée française. 

Aux éditions Albin Michel.

Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, ou sur les sites du Net.

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Avec le GAL Claude Le Borgne, grand monsieur, au Salon des Ecrivains-Combattants 2016

Il est bien connu que le vieillard, sentant sa mort prochaine, voit le monde courir à sa perte du même pas que lui. Nul n’ajoute foi à ses jérémiades. Il en va toujours ainsi.

Pourtant, le tocsin que branle le vieux pourrait bien être, pour la première et dernière fois, le bon.

Essayons, fût-ce sans espoir, de le faire entendre…

***

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux

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René Brondeau, 1er RCA, au Maroc avant-guerre

11 mai - On pouvait lire maintenant, sur chaque visage, la même anxiété. Les Allemands n’étaient pas loin. Plus bas, des maisons écroulées fumaient depuis des heures. Dès que la nuit tombait, la même peur, la même angoisse, étreignait les sentinelles.

12 mai - Les canons des panzers tiraient sur leurs défenses ébranlant la terre qui se soulevait dans un vacarme d’apocalypse. Après des heures de combat les hommes avaient senti l’épuisement les gagner, mais ils résistèrent courageusement. René vit tomber deux camarades. L’un d’eux gémissait. L’autre semblait avoir été tué. Ils parvinrent à repousser l’ennemi mais au prix de dizaines de tués. Le régiment avait perdu surtout des appelés, des pères de famille. René en fut très ému. Il s’était immédiatement identifié à ces soldats tués, car il était père lui aussi, et depuis si peu !

13 mai - Les panzers apparurent. C’était une gigantesque armada bruyante et enfumée, qui fonçait droit vers le régiment…

Didier Hertoux d’ap. René Brondeau, sur la ligne de front Trilemont-Huy

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A gauche René Hertoux, cuisinier et trompette du 91e RI, 1938

Sommes-nous toujours à la même heure ? Que faut-il que je fasse pour que les heures se remettent en marche ? J’ai comme un souvenir ou une sensation, ou une vision qui m’effleure et qui monte et se diffuse comme de la vapeur autour de mon corps. Dans le ciel il y a des nuages d’eau et de chaleur. Et dans cette buée, je vois la tristesse des soldats se mélanger. On ne peut plus rien distinguer mais la tristesse fait une passerelle entre les soldats. Mais ces soldats ne bougent pas. Ils attendent tout le temps. Et puis, à un moment, ils disparaissent tous. Je ne les vois plus. Je suis triste de ne plus les voir, mais je ne sais pas pourquoi. Et je sens qu’eux aussi, ça les rend triste. Je suis au pays de nulle part, au pays du temps qui se perd. Que se passe-t-il ? J’ai envie de m’enfuir de moi et de me faufiler dans un univers heureux, comme dans un rêve. Ça y est ! J’y suis ! (…) Je reconnais la ferme. Mais je n’entends rien. C’est bizarre. Il y a quelque chose qui n’est pas normal.

René Hertoux à l’hôpital, après ses trois graves blessures reçues au combat.

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Didier Hertoux, ancien officier para des Forces Spéciales, aurait pu aborder sa propre carrière (on le souhaite, cela dit en passant…), et pourtant il a choisi de retracer les parcours de son père René Hertoux, 91e RI, 124e RI, et de son beau-père René Brondeau, 1er RCA, 11e RDP, 1er GFM, pendant la campagne de France, la défaite, l'internement dans les Stalags.

Ces deux René, humbles bonnes gens, se sont comportés avec un immense courage : le premier est grièvement blessé au combat, plusieurs camarades tués à ses côtés ; le second lutte avec le 11e Régiment de Dragons Portés, laminé par la déferlante des panzers et des Stukas, puis avec le 1er Groupe Franc du CNE de Neuchèze auprès des cadets de Saumur. Fait prisonnier, il s’évade de son stalag ; repris, il est envoyé à Rawa-Ruska et n’est libéré qu’en 45.

Jamais sans doute les deux René n’auraient imaginé faire l’objet d’un livre. Et pourtant il existe bel et bien, ce livre (et est de plus fort joliment écrit.). Une belle œuvre de mémoire.

Disponible auprès de l'auteur (18,50€ port compris - bénéfices au profit de l'association des blessés de l'Armée de Terre). didier.hertoux @ gmail.com. Bon de commande ici.

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1985, René Hertoux reçoit la médaille militaire. Trop ému, son discours est lu par son fils Didier

Un soldat sort sa blague à tabac. D’un index dur il bourre sa pipe. Un autre, entre ses doigts courts et noueux, roule habilement une cigarette. Sous la peau cornée de leur pouce, la molette râpeuse d’un briquet fait jaillir la flamme. Ils ont des mains d’ouvrier, des mains de paysan ; un type d’homme commun tiré à des milliers d’exemplaires à travers l’Europe. Un type d’homme identique à ceux d’en face.

René Hertoux, mai 40

***

« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, fils du GAL Serge Andolenko, légionnaire

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Dimitri Amilakvari, Serge Andolenko et sa mère

C’est là qu’est grièvement blessé mon ami de toujours, le prince Obolenski, engagé lieutenant du 12e Régiment Etranger, deux balles de mitrailleuse dans le poumon, pour avoir ramené sur son dos son capitaine blessé entre les lignes.

C’est là qu’est exécuté d’une balle dans la nuque mon camarade de promotion Alain Speckel, avec sept autres officiers et deux de ses hommes, pour avoir tenté de protéger ses tirailleurs sénégalais du massacre par les allemands.

C’est là, à Stonne, bataille oubliée alors que l’une des plus dures de la seconde guerre mondiale, selon les Allemands eux-mêmes, que les 42 000 Français du 21e Corps d’Armée tiennent tête aux 90 000 Allemands des VIe et XVe Korps. Du 15 au 17 mai, le village est pris et repris 17 fois.

C’est juste à côté, à La Horgne, que la 3e Brigade de Spahis marocains et algériens, à cheval, affronte une brigade de la 1ère Panzer Division.

C’est là que se distingue le Général Juin lors de la défense de Lille, retardant les Allemands vers Dunkerque, permettant aux Anglais de s’éclipser.

C’est là que le Général de Lattre de Tassigny, commandant la 14e DIM, se bat pied à pied du début à la fin de la campagne jusque dans la région de Périgueux, resté invaincu.

C’est là que la ligne Maginot, prise à revers, se bat pour certains ouvrages jusqu’après l’armistice.

C’est là que l’Armée des Alpes réduit à néant l’attaque italienne et bloque les Allemands devant Grenoble.

C’est là que l’Armée de l’Air abat près de 1 000 avions allemands qui feront défaut pour la Bataille d’Angleterre

C’est là que meurent près de 100 000 Français, en cinq semaines.

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Voici une bien jolie biographie : celle du Général Serge Andolenko, par son fils Pierre. Personnage haut en couleur, Russe-blanc réfugié en France, Saint-Cyrien, le général a servi aux 1er, 3e, 4e, 5e et 6e RE, et comme homme du Renseignement, 2ème bureau de la 3e DIA. Pacification du Maroc, du Levant, Syrie face aux Australiens et Français Libres (dont son camarade le Légionnaire-prince Amilakvari, dans le camp gaulliste – chapitre certes dramatique de l’histoire française, mais qui nous vaut de savoureuses anecdotes, Amilakvari et Andolenko réussissant à se contacter au téléphone, d’un côté du front à l’autre, grâce à un légionnaire [« - Comment as-tu fait ? - Je m’ai démerdé »] et s’arrangeant pour que leurs hommes ne se retrouvent pas face à face et obligés au combat !). Revenu dans le giron allié, c’est la glorieuse campagne d'Italie et la reconquête de la France. Chef de corps du 5e Etranger pendant la guerre d'Algérie, il vit la guerre-froide comme attaché militaire à Vienne.

On peut s'étonner que son nom ne résonne pas avec plus d'éclat, si ce n'est à la Légion. Mais il est vrai qu'une certaine omerta a perduré pour les officiers restés fidèles au gouvernement de Vichy. Triste ; le devoir de mémoire ne peut être sélectif.

Ajoutons que le texte de Pierre est très complet, tout en se lisant comme un roman d’aventure (c’est un compliment).

La première édition du livre est épuisée, mais une seconde est en projet avec un nouvel éditeur. Nous contacter pour mise en relation avec l'auteur.

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Avec Pierre Andolenko, 2016

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Entre deux attaques, passé en deuxième ligne, je déjeune avec trois de mes lieutenants. Nous sommes sur une crête, pour rester attentif à tout mouvement possible. Au milieu du casse-croûte, l’artillerie commence à tirer et nous voyons, à intervalles réguliers, des paquets d’obus remonter vers nous. La dernière volée tombe à moins de cent mètres. Et là, quelques secondes qui durent des siècles, et dans la tête : « Lequel d’entre nous va se coucher le premier ? Pas moi en tous cas, j’aurais trop l’air d’un con ! ». Et nous nous regardons tous dans les yeux. Et nous nous disons tous, les uns aux autres « Je suis mort de trouille, mais je ne me coucherai pas ! ». Et la volée suivante tombe sur la crête, derrière nous. Stupide, bêtise, mais qu’est-ce qu’on est bien vivant après ça !

***

« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, 8e RG, 1ère CMT, 38e RG

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Sapeur Lucien Violleau

Janvier 1937 – Dimanche soir, bal de la Saint-Vincent à la salle des fêtes. Pas de permission de spectacle car « garde d’écurie », mais cela ne m’a pas empêché d’y aller et de me coucher à deux heures du matin. Une visite du lieutenant-colonel vétérinaire est annoncée pour la semaine suivante. Pansage et fayotage. Dimanche soir, permission de spectacle : bal à Saint-Martin, retour à trois heures du matin. Aventure survenue à Théveneau sur le bord d’un mur avec une pétasse de Montoire : fou rire tout le lundi.

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Sapeur Lucien Violleau

Mai 1940 – Un violent bombardement m’a fait passer des minutes terribles ; les premiers obus allemands sont tombés à cinq cent mètres de nous (…) J’ai juste le temps de traverser la route pour rejoindre le central [de communication], un premier obus est tombé à cinquante mètres, puis se rapprochant, une douzaine, dans un rayon de 20 mètres. Un autre est tombé au centre du village, enflammant une maison. Enfin, le plus terrible est tombé dans un angle de grange, à l’endroit même où s’était réfugié le sergent-chef Duny. L’obus lui coupe un bras, près de l’épaule, et le pauvre chef expire quelques minutes après. Une drôle de panique s’ensuit (…) Toutes les lignes téléphoniques sont coupées.

Tout laissait prévoir ce bombardement… Le quartier général entier de la division et beaucoup d’officiers s’étaient installés, avec toute les lignes téléphoniques, très en vue du terrain occupé par les Boches. En un mot, tous les soldats croient, soit à une trahison, soit à un haut-commandement incapable. Le moral est à zéro.

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Chambrée de Stalag

Décembre 1944 – Un certain soir de décembre 1940, je débarquais sur la terre ennemie. Quatre années de captivité dans le pays chleu. Combien d’heures de découragement, de désespoir, tristes, inhumaines ? Malmené, travail par tous les temps, à contrecœur, contre mon intérêt. Combien d’injustice, de privations, matérielles et morales, de réflexions moqueuses et insolentes endurées ? Combien d’heures de bonheur, de joies perdues et qui ne se rattrapent jamais ? Combien de larmes, de soupir au pays ? Quel poids de haine un cœur de prisonnier peut-il accumuler, pendant quatre longues années, contre ses inhumains geôliers ?

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Lucien Violleau prisonnier en Allemagne

Mars 45 - A six heures du soir passe à toute allure une chenillette allemande descendant du front. Peu après, c’est des chars des autos, à toute allure également. Puis arrive une grande nouvelle, apportée par un soldat allemand à pied, sale, dans un état poussiéreux incroyable, boitant, avec un soulier sans talon. Et voici la nouvelle, bonne, à tel point bonne qu’on a tous douté, même devant la réalité de la fuite éperdue. Et cette nouvelle, dont on aurait tous chanté et dansé de joie, la voici : les Américains sont à six kilomètres ! Ce soldat allemand nous dit : « Maintenant la guerre est finie, enfin, c’est temps ».

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« 2710 jours » est le journal intime d'un jeune agriculteur vendéen, conscrit de 1937, emporté dans la tourmente de 40 et qui passe 5 ans en captivité en Allemagne. De l’insouciance, voire l’ennui, du service militaire, ponctué heureusement par les bals musettes, au travail forcé, le froid, la faim, les brimades des Stalags, en passant par la drôle de Drôle de Guerre et l’ouragan de la Blitzkrieg. Le texte, écrit à l’origine sur des cahiers d’écolier, outre l’évident intérêt historique, rend le personnage extrêmement attachant. Une petite merveille de livre. Tout ce qu’on aime.

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Le petit-fils de Lucien, Damien Pouvreau (à l’origine de la publication du livre, qu’il nous a gentiment dédicacé, et qui a fourni les photos inédites qui illustrent cet article) s'est inspiré du journal de son grand-père pour composer l'album "2710 jours de ma jeunesse" et créer un spectacle musical, actuellement à l'affiche du Grenier à sel d'Avignon, tous les jours à 20h et jusqu'au 27 juillet, dans le cadre du festival d'Avignon (sélection pays de la Loire). Voir ici. Le devoir de mémoire prend de bien heureuses formes.

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Page FaceBook de Damien Pouvreau ici. Vidéo

« 2710 jours » est publié par Les Archives Dormantes, très sympathique maison.  Disponible ici.

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Lucien Violleau

Avril 1941 – Les civils allemands ont une foi sans limites dans la victoire finale, une admiration sans borne pour Hitler, qu’ils portent aux nues par leurs paroles et leurs gestes. Ils ont remplacé les formules de politesse "bonjour", "bonsoir", "au revoir", "salut" par le "Heil Hitler" qu’ils prononcent tout naturellement, à chaque instant avec grand respect. C’est le cri à la mode. Les hommes, en se saluant ainsi, lèvent la main "à la Hitler". La folie.

***

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Hommage

Aux combattants de 39-40

60 000 soldats français morts au combat,

7 500 Belges, 6 000 Polonais, 3 500 Britanniques, 3 000 Néerlandais, 1 300 Norvégiens,

150 000 blessés.

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2CL René Hertoux, 124e RI, vétéran de 39-40, blessé de guerre, médaille militaire, croix de guerre, citation à l’ordre de l’Armée, 3 citations à l’ordre du régiment.

La voie de l’honneur est un chemin étroit et peu fréquenté. Les plus anonymes y sont capables de coups d’éclats, et le banal peut se teinter de sublime. L’historien a fait son œuvre et pour décrire la débâcle de 1940 et l’effondrement de la France, il a analysé, recoupé, enquêté. Avec le recul, le sens de l’histoire peut se redessiner. Les héros discrets peuvent enfin y trouver leur place, car leur courage solitaire et obstiné force l’admiration.

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux

 

 

 

 

24/05/2016

« La tombe d’Hanoï », Henri Ansroul, 1er BCCP ; « 5e Promo au rapport », Christian Hager, EETAT, ENSOA ; « Des mots, pour des maux », Jean-Louis Martinez, soldat, poète et artiste.

Extraits publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

Tous les soldats n’ont pas l’aura d’un Marcel Bigeard ; tous les soldats n’ont pas la plume d’un Hélie de Saint-Marc…

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C’est un fait. Mais en quoi cela rendrait leurs témoignages moins intéressants ? Peut-on imaginer un récit de vétéran d’Indo « de trop » ? Un texte rapportant la vie dans l’Ecole des Techniciens de l’Armée Terre à la fin des années 60, n’est-ce pas totalement inédit ? Un militaire ne pourrait-il être, également, artiste et poète ?

C’est l’objectif que nous nous fixons avec ces « milibiblis » : sortir de l’ombre des livres écrits sans la moindre prétention mais avec le cœur, souvent autoédités, donc pouvant souffrir d’un manque de « visibilité ».

Ces ouvrages, éminemment personnels, auraient pu rester dans l’imaginaire de leurs auteurs, être confinés au cercle familial, voire sous la forme d’un manuscrit s’empoussiérant dans un tiroir ; cela aurait été fort dommage : le devoir de mémoire ne s’arrête pas à lire et honorer les hommes  que l’Histoire a eu la bienveillance de conserver dans ses tablettes.

« Tout homme est une exception ».

Hélie de Saint-Marc

 *

 « La tombe d’Hanoï », Henri Ansroul, 1er BCCP, éd. Les Archives Dormantes

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Henri Ansroul en Indochine, photo famille Ansroul

La première chose que vous faites en arrivant dans une ville, après si longtemps, c’est d’aller voir les filles. Les Indochinoises nous semblaient si belles, quel dépaysement ! Pousse-pousse, chaleur, bruits, klaxon, cette foule qui bouge sans cesse ; on avait envie de se mettre dans le bain tout de suite, sans penser à ce que nous étions venus faire ici.

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A chaque fois que je bougeais, je me faisais allumer. Je commençais à me faire du mouron. Puis le sergent nous fît des signes devant : dans les arbres. Et de son arme, il envoya une rafale dans le milieu de ces arbres. Je tirai aussi, deux ou trois autres en ont fait autant. Surprise, étonnement, nous avons vu un paquet de branches tomber. Ces salauds camouflés avec des bouts de branches, nous tiraient dessus. On en a vu descendre trois ou quatre (…) Quelques instants plus tard, j’ai reçu une pierre avec un mot : « on décroche » (…) Les copains qui sont partis avant moi se mettaient en position pour couvrir les autres qui n’avaient pas encore reçu l’ordre. Puis ça y est, c’est mon tour. Les fesses serrées, le trou du cul à zéro, j’attendais le signal.

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Beaucoup ont dû croiser Henri Ansroul, humble garagiste breton, sans se douter de son passé de combattant d'Indochine, valeureux commando-para du 1er BCCP. Il a désormais rejoint ses camarades de la tombe d’Hanoï. Le manuscrit qu’il avait pris soin d’écrire aurait pu rester « dans la famille » ; cela aurait été regrettable : sans esbroufe, Henri a un certain talent pour rendre le fracas des combats dans la moiteur indochinoise. Saluons donc l’initiative de ses enfants et petits-enfants qui, avec le soutien de la nouvelle maison d’édition Les Archives dormantes, complète d’une jolie manière la milibibli « Ceux d’Indo ». Disponible chez votre libraire, éventuellement sur commande, ou sur les sites du Net. Par exemple ici. 

Site des éditions Les Archives Dormantes ici.  

Page FaceBook .  

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Hanoï, tombe d’André, camarade d’Henri. Photo famille Ansroul

J’ai trouvé une place pour mettre mon hamac. J’étais tellement faible que je restais des heures dedans, bercé par le roulis. Je me disais que maintenant c’était vrai : je rentrais, le bateau ne ferait pas demi-tour. J’avais encore peur, quand même.

***

« 5e Promo au rapport », Christian Hager, EETAT, ENSOA, TheBookEdition

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Christian Hager à Issoire.

- Vous n’allez quand même pas prétendre que c’est propre !

- Si, mon Lieutenant.

- Puisque c’est si propre, si je vous donne l’ordre de boire dans les urinoirs. En êtes-vous capable ?

- Non, mon Lieutenant.

- Et pour cause, ils sont dégueulasses !

J’aurais donné cher pour savoir ce qui n’allait pas. J’avais beau scruter les urinoirs à la loupe, je ne voyais rien d’anormal.

- Etes-vous certain d’avoir une bonne vue ? repris le Lieutenant. (…/…)

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Cette autobiographie évoque un contexte atypique : celui  de l'Ecole d'Enseignement Technique de l'Armée de Terre, EATAT/EETAT/ENTSOA d'Issoire, AEETAT de Tulle, mais aussi ENSOA de Saint-Maixent, à la fin des années 60. De l’inédit donc. De plus, Christian, dans un style d’une réjouissante simplicité, rend bien l'ambiance de l'époque à travers les yeux d'un jeune-homme : la découverte de la vie militaire, les profs, les camarades, les trains de nuit, les sorties, les nuits blanches place Clichy, les filles... Le résultat est très sympathique et rappellera bien des souvenirs aux aînés, techniciens passés par l'école, mais plus généralement EVAT et appelés.

Et par tous les Saints ? Vive les techniciens !

Disponible auprès de l'auteur ici. 

Page FaceBook de l’auteur .

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Ecole des Techniciens de l’Armée de Terre

(…/…) Le Lieutenant n’avait pas l’air d’apprécier nos réponses. Il gardait son calme, mais on le sentait prêt à sortir l’artillerie lourde. Il nous montra un léger dépôt de calcaire sur le pourtour d’un trou d’évacuation. C’était l’objet du délit qui nous valut deux tours de consigne et la présentation de la corvée de lavabos et d’urinoirs en tenue de sortie, chemise blanche, cravate noire et gants blancs, chaque matin à 7h35, pendant deux semaines.

***

« Des mots, pour des maux », Jean-Louis Martinez, autoédité

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J’étais, je suis, et je resterai

ce soldat qui saluait lorsque les couleurs étaient hissées.

J’étais, je suis et je resterai

ce soldat qui frissonnait lorsque la Marseillaise était chantée.

J’étais, je suis et je resterai

ce soldat qui se redressait lorsque le respect lui était donné. 

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Autoportrait

Oui je le resterai, je soutiens et soutiendrai

mes camarades si malmenés.

Je le resterai, afin qu’ils restent ancrés dans le cœur des Français.

Je le resterai, pour que leurs proches soient à tout moment protégés.

Pour les protéger d’un monde individualiste exacerbé.

Qui ne se réveille que quand la mort

Vient à sa porte

Le déranger.

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Les dessins et les textes de notre ami Jean-Louis Martinez sont désormais bien connus de la fraternité militaire, étant largement diffusés sur le Net ; mais les avoir sous forme d’un livre, c’est mieux ! "Des mots, pour des maux" est le deuxième opus, dessins-poèmes-textes-coups-de-gueule, tout aussi réussi que le premier, "Soldat protecteur de notre liberté" (abordé dans une milibibli ici). C'est humble, cela parle au cœur, c’est attachant. On aime vraiment beaucoup, tant l’œuvre que l’homme.

Disponible sur le site de Jean-Louis ici. Attention, très peu d’exemplaires encore en stock !

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10/12/2015

Commandos-Paras en Indochine, Fusiliers-Marins en Algérie et Gendarmes en Afghanistan

Extrait publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

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« L'épreuve du guerrier », CDT (h) Jean Arrighi, Commando-Para, régiment de Corée et Légionnaire. Indo Editions

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Commando-Parachutiste du 8e GCP 1953. Photo issue du Net.

Lorsque les deux têtes roulèrent dans le trou, on eût dit que les voix infernales, subitement assourdies, se taisaient et s’éloignaient ; ce fut comme si la nuit, brusquement, envahissait le monde, comme si la civilisation d’un seul coup s’en retirait et comme si, enfin, une ombre gigantesque, poussée par la mort, descendait dans la fosse pour y fermer les yeux de ces martyrs…

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« L'épreuve du guerrier » par le CDT (h) Jean Arrighi. Un grand ancien ; que l'on en juge : Guerre d'Indochine au sein des Commandos-Parachutistes, Commandos Nord-Vietnam et Régiment de Corée, prisonnier du Vietminh après les combats de la RC19 entraînant l'anéantissement du GM100, Guerre d'Algérie après avoir intégré la Légion...

Le livre est une suite de récits, instants vécus par l'auteur ou rapportés (par exemple un très intéressant rappel des combats contre les Japonais en 1945, histoire aussi tragique que méconnue). Il s'agit aussi d'un plaidoyer pour les soldats impliqués dans ces guerres de « décolonisation ». C’est admirablement écrit, avec de belles envolées lyriques rappelant un certain Hélie de Saint-Marc…

Chez Indo Editions, disponible ici. 

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Avec le Commandant Jean Arrighi, Salon des Ecrivains-Combattants 2014

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 Le GM100 anéanti sur la RC19. Photo issue du Net.

Et alors, perdu dans ma contemplation, parmi ces cadavres et tous ces feuillets épars au vent, mouillés des larmes des familles, des femmes et des fiancées, il me semblait entendre, venant à moi de fort loin, de très très loin, vieille Europe et Afrique confondues, un agglomérat de gémissements de douleur, des cris de désespoir, que ces deuils soudain trop nombreux me renvoyaient en échos prodigieux, plaintifs, insoutenables. Tous ces faire-part de détresse, repoussés et jetés alors sur la route, enlevés comme par un vent de colère, trainant au hasard sous mes pieds plus heureux, j’évitai de les piétiner, comme j’évitai les corps de ce charnier maudit.

***

 

« Aurore aux portes de l'enfer », Lucien-Henri Galéa, DBFM. Editions Lavauzelle

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Halftrack en Algérie. Photo issue du Net.

« - Eh !!! Attention !!! »

Suivi de sa queue de flamme, un obus de bazooka arrive droit sur l’engin. Lulu donne un grand coup de botte sur la tête du chauffeur qui hurle et, fort heureusement, accélère. L’obus frôle l’arrière. Le jet de flamme brûle les yeux d’Arthur qui reste pétrifié, avant d’exploser dans le no man’s land. HT2 n’a pas attendu tout ça pour cracher des tous ses tubes de mitrailleuses en direction du départ de feu.

Les engins se découpent en ombre chinoise, sur le ciel à présent bien éclairé par cette pute de Lune. Un deuxième obus file vers HT2, heurte un poteau du réseau, explose dans un bruit fracassant en projetant des débris dans tous les azimuts. (…) A ce moment, des cris s’élèvent du no man’s land. Accompagnés par un tir de mitrailleuses lourdes, une vingtaine de Fels montent à l’attaque.

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« Aurore aux portes de l'enfer » par Lucien-Henri Galéa, Fusilier-Marin. Un récit romancé, retraçant l'épopée d'une bande de camarades, engagés volontaires en 1960, de leur formation à Siroco (école des FM à Alger) aux patrouilles et combats le long de la frontière marocaine, à bord de leurs Half-Tracks. Un bon récit, bien mené, qui se lit d'une traite, rendu très vivant par les nombreux dialogues écris "comme on cause" et qui aborde un secteur méconnu du théâtre d'opération algérien. Un bel hommage aussi aux Fusiliers-Marins, dont les témoignages sont (encore trop) rares.

Aux éditions Lavauzelle. Disponible ici.

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Lucien-Henri Galéa,18 ans, Bab el Assa 1961. Collection de l’auteur.

Neuf mois ! Il faut neuf mois pour faire un petit homme. Ici, en neuf mois, il ne reste qu’un seul survivant des Dalton. Ce survivant, ce n’est pas un petit homme ; c’est un autre homme, un mutant, qui a compris que la guerre n’est pas un jeu et que la gueuse à la faux frappe sans discernement, les copains comme les ennemis. Que Dieu maudisse ces politiques qui, le cul bien à l’abri, envoient leur jeunesse se faire trouer pour des chimères, et une fois que leur jeu pervers leur a pété à la gueule, les renvoie sans un mot de remerciement à la niche. Lui est riche. Riche des souvenirs que lui ont laissés ses copains. Ils seront à ses côtés tout au long de sa vie.

***

 

« POMLT, Gendarmes en Afghanistan », COL Stéphane Bras, EGM 11/3, 13/3. Editions Anovi

Photos inédites issues de la collection du Colonel Bras. Droits réservés. Merci de ne pas les diffuser sans son aval (nous consulter).

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Ces hommes [de la Police afghane] font d’abord preuve d’un courage exemplaire. Habitués aux situations les plus difficiles après trente années de guerre, ils ne nous ont jamais opposé le moindre refus pour partir en opérations. C’était d’ailleurs parfois à nous de les freiner, tant leur courage pouvait tourner à l’inconscience et à la catastrophe programmée.

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Je ne dépeins pas non plus une image idyllique de l’ANP [Afghan National Police]. Durant les sept mois du mandat, il nous a régulièrement fallu rappeler à l’ordre, avec tact et diplomatie, nos partenaires afghans. Ainsi les policiers, et leurs chefs en tête, sont incapables de planifier la moindre opération. Tout se prépare dans l’improvisation la plus totale.

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Un béret bleu-roi en Afgha, cela vous dit quelque-chose ? Non, ce n'est pas l'ALAT et son cobalt... c'est celui des Gendarmes ! Très peu le savent, on en conviendra. [Pour les fans d'uniformologie : béret de la FGE, Force de Gendarmerie Européenne].

Et qui sait que, pendant la campagne, de 100 à 200 gendarmes étaient déployés pour former la police du pays ? Pas grand monde non plus, on en conviendra aussi. Et c'est injuste.

Saluons donc l'initiative de cette publication du (très sympathique !) COL Stéphane Bras, qui, en 2010, dirige des gendarmes mobiles de l'EGM 11/3 de Rennes et 13/3 de Pontivy en Kapisa et Surobi, dans le cadre des POMLT (Police Operational Mentor and Liaison Team / Équipe de Liaison et de Tutorat Opérationnel de la Police). Il aborde tous les moments de l'OPEX : mise en condition en France, stratégie pour l'essentiel à inventer, relève des hommes du 17/1 de Satory et 23/9 de Chauny, missions avec les policiers afghans, éternelle dualité "confiance/méfiance" (infiltration talibane/tir "Green on Blue"), adaptation obligatoire au contexte "culturel" (horaires fantaisistes, corruption "raisonnable"), rapports avec les Terriens de la Brigade Lafayette ; ses impressions sur tout cela...

Indispensable pour compléter sa bibliothèque sur les Afghaners ; les Gendarmes en étaient ! Il ne faut pas l'oublier et nous saluons leur action.

Aux éditions Anovi, disponible ici.

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Avec le COL Stéphane Bras au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr, 2015

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Nous nous sommes régulièrement posé la question de la corruption et de la confiance que nous pouvions accorder aux policiers. J’ai fini par penser que la corruption était un facteur culturel en Afghanistan et qu’il s’avérait utopique de vouloir la faire disparaitre totalement. Lorsque les gendarmes de Tora ont entrepris la mise en œuvre de postes de contrôle sur la Highway 7 par les policiers qu’ils « mentoraient », ces derniers ont accueilli très favorablement cette idée, expliquant qu’ils pourraient ainsi récupérer de l’argent et des denrées auprès des conducteurs arrêtés ! Dans ces conditions, et même si cela peut paraître choquant hors du contexte local, nous avons opté pour un respect strict de nos valeurs lorsque nous accompagnions les policiers (…) tout en étant ni dupes, ni naïfs sur les pratiques lorsqu’ils évoluaient seuls. Au final, je dirais que « nos » policiers étaient « raisonnablement » corrompus…

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Au centre, le Colonel Stéphane Bras

Progressivement, les Afghans nous gratifieront d’accolades et de poignées de mains interminables pour nous témoigner leur sincérité. Ils nous appliqueront en fait leurs us et coutumes et je verrai dans ces effusions et autres démonstrations chaleureuses une forme de respect réciproque (…) Je m’amuserai de cette façon si particulière de saluer en me gardant bien de prévenir mes supérieurs de la forme d’accueil qui leur sera réservée. Car quoi de plus surprenant pour un général ou un colonel de gendarmerie qui rencontre pour la première fois un officier de l’ANP que de se voir embrasser par un grand gaillard barbu !

***

 

08/10/2015

« Les Chemins de Diên Biên Phu », Franck Mirmont, Heinrich Bauer, 2e BEP, Jean Carpentier, 28F, Jean Guêtre, CNV 45, Pierre Latanne, 5e BPVN, Bernard Ledogar, 6e BPC, Jean-Louis Rondy, 1er BEP. Ed. Nimrod.

Extraits et photos (*) publiés avec l’aimable autorisation des auteurs et des éditions Nimrod. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez en réutiliser.

 

Ce sera une guerre entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s'arrête, l'éléphant le transpercera de ses puissantes défenses. Seulement le tigre ne s'arrêtera pas. Il se tapit dans la jungle pendant le jour pour ne sortir que la nuit. Il s'élancera sur l'éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux puis il disparaîtra à nouveau dans la jungle obscure. Et lentement l'éléphant mourra d'épuisement et d'hémorragie. Voilà ce que sera la guerre d'Indochine.

Ho Chi Min

 

Les grandes batailles - en premier lieu les grandes défaites - finissent toujours par s’inscrire dans l’imaginaire collectif parées d’une aura opéra-tragique-aux-accents-wagneriens. Diên Biên Phu ne fait pas exception à la règle : L’Indochine et son mal jaune ; des paras pain-pour-les-canards ;  un ange prénommé Geneviève ; des collines-holocaustes portant des noms de fiancées, « Anne-Marie », « Eliane », « Huguette » ; des prisonniers « walking dead »… 

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Nous inscrivant dans cette dynamique, nous aurions pu aborder le livre de Franck Mirmont et de ses six co-auteurs vétérans d’Indo en mode « romantique » : parachutage charge-chevaleresque à l‘Azincourt, corps à corps à-coup-de-pelle-bêche à l’Alésia, dernier carré on-vous-em* à la Waterloo, crépuscule d’un Empire à la Sedan. Cela aurait certainement « fonctionné » car tout cela est compris dans cette bataille. Cependant, nous l’aurions vécu comme une forme de malhonnêteté : c’est que, voyez-vous, « Ceux de Diên Biên Phu » - en tous cas les rares survivants des combats et des camps - sont là. Nous avons eu l’honneur de croiser leurs regards. Nous avons écouté leurs silences. Nous  avons lu « Les Chemins de Diên Biên Phu ». Alors, nous renvoyons tout romantisme aux calendes thermopyliennes pour prendre à notre compte leur part d’effroi, ce qu’eux-mêmes vivent toujours, au jour le jour, 60 ans après ;  de prendre notre part de « cela ».

Avant de prendre contact avec chacun de ces « anciens », je ne savais rien de leur vie ni de leurs opérations. Je n’avais pas cherché à rencontrer des héros, des guerriers ou des soldats d’exception. Je voulais juste parler de « gens ordinaires » que le destin avait projetés au cœur de la guerre d’Indochine. J’ai découvert combien la route qu’ils avaient parcourue avait été longue. A plusieurs reprises, ces « gens ordinaires » avaient été confrontés à des événements ou à des drames extraordinaires. A ce que le légionnaire hongrois résumait d’un simple mot : « cela » ; un mot qui lui faisait baisser la tête et noyait ses yeux tant il refermait à lui seul de souvenirs et de violence.

Franck Mirmont

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PC du COL Gaucher, 13e DBLE. © Nimrod/Rondy

Le Général Cogny réclame le silence.

« Vous allez être parachutés au-dessus de cette zone reproduite ici en miniature et qui se situe à 300 kilomètres à l’ouest d’Hanoï. Il s’agit de réoccuper cette région au cœur du pays thaï, vide de toute présence française, et d’y créer une base aéroterrestre, un bon point d’amarrage à partir duquel l’Armée pourra rayonner et contrôler, sinon empêcher, les déplacements du Viêt-Minh (…) Imprégnez-vous de la géographie du lieu, de sa topographie, des emplacements et des points caractéristiques qui vous aideront à vous repérer en arrivant au sol.

Un dernier mot. Cette zone a pour nom Diên Biên Phu. »

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Lessive dans la rivière Nam Youm. © Nimrod/Rondy

La troupe prend ses habitudes. Très tôt le matin, après la petite sortie équestre à travers le cantonnement du Lieutenant Decours, excellent cavalier, qui a récupéré un petit cheval thaï, c’est le départ vers le « chantier » [construction du camp retranché]. A midi, pause casse-croûte avec le monotone ordinaire de Fleury Michon, jusqu’au jour où, lassé de manger l’éternel bœuf-carottes ou mouton-haricots des boîtes de rations, le caporal-chef F. fait la surprise de ravitailler la section en viande fraîche et de servir de bons biftecks grillés appréciés par tous, même par le Lieutenant Decours. Et ce dernier, d’une naïveté désarmante, se désolera de ne plus  trouver son cheval, qu’il ne reverra jamais – et pour cause.

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Le médecin Lieutenant Rondy sur l’épaisse couche de remblais constituant le toit de son infirmerie-blockhaus, construite solidement à son initiative, suscitant quelques moqueries (A quoi bon ?). Une des rares  constructions du camp à avoir résisté au bombardement viêt-minh. © Nimrod/Rondy

Ignorants du danger qui couve, les officiels viennent se faire prendre en photo à Diên Biên Phu avant de s’émerveiller devant les camps de tente, les alvéoles à découvert de l’artillerie lourde, la piste d’atterrissage et ses avions parfaitement alignés ou encore les quelques abris creusés qui résistent parfaitement aux infiltrations de pluie, mais dont la structure ne saurait arrêter un obus.

(…)

Au cours de cette même période, les tirailleurs annamites reçoivent un nombre incroyable de télégrammes les rappelant dans leurs foyers, pour des raisons de santé. Un père est malade, une mère est souffrante, une grand-mère  est en train d’accoucher, une tante est mourante… Parallèlement, les paysans thaïs de la vallée commencent à prendre le large. Au fil des jours, des villages entiers se vident et finissent par être complètement désertés.

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Un C119 de transport détruit lors des premiers bombardements. © Nimrod/Rondy

17h10, l’artillerie viêt délivre toute sa puissance de feu. Une véritable grêle d’obus s’abat sur le camp avec précision et de manière ininterrompue. Lorsque les premières salves tonnent, les légionnaires du 1er BEP sont tout d’abord persuadés qu’il s’agit de l’artillerie du point d’appui Isabelle qui a ouvert le feu au sud, tant cette densité de feu leur semble impossible du côté viêt-minh. Mais il faut rapidement se rendre à l’évidence puisque ces tirs pulvérisent leurs propres positions. Les obus tombent par paquets de quatre ou de huit pour une efficacité maximale, à raison d’une dizaine d’obus à la minute pendant plusieurs heures. Plusieurs avions qui n’ont pas le temps de décoller sont foudroyés dans leurs fragiles alvéoles. Un dépôt d’essence s’embrase. L’intensité du feu continue d’augmenter dans un crescendo incroyable jusqu’à ce que la nuit tombe en se teintant de lueurs rouges.

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Tandis que le C119 brûle en arrière-plan, les véhicules et les infirmiers ramassent les blessés. © Nimrod/Rondy

Jean-Louis Rondy voit apparaître les premiers « fantômes » de Diên Biên Phu. Ces hommes au visage hagard et au treillis déchiré ou ensanglanté sont les rares légionnaires du 3e bataillon de la 13e DBLE à avoir échappé à la chute de leur point d’appui Béatrice, submergé vers 2 heures du matin à l’issue de combats au corps à corps venus solder cinq assauts successifs. Moins d’une vingtaine d’hommes, sur plus de 400, ont survécu aux vagues de bodoïs [fantassins viêt-minh] qui sont venues s’échouer contre leurs barbelés.

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[Le Légionnaire Matzke] a reçu une balle en plein visage qui lui a arraché la moitié de la mâchoire et les caillots de sang qui se forment dans sa gorge risquent désormais de l’étouffer. Le médecin lieutenant Rondy réagit tout de suite. Il sort un fil et une aiguille de sa trousse de secours, perce la langue du blessé et relie celle-ci au treillis de l’homme en tirant sur le fil afin que la langue pende en dehors de la gorge sans entraîner d’étouffement. Le lieutenant Desmaizières, qui assiste à la scène, interroge Rondy sur les soins qu’il vient de prodiguer.

« Il ne fallait surtout pas qu’il avale sa langue ».

[trois jours plus tard]

Alors que Desmaizières se redresse, un obus éclate devant lui. Il s’effondre, porte machinalement la main à son menton et constate que celui-ci a disparu. Sa bouche n’est plus qu’un immense trou, la peau de ses joues déchiquetées pend dans le vide. Il repense alors au geste qu’a fait le médecin lieutenant Rondy quelques jours plus tôt et il tire sur sa langue pour ne pas s’étouffer avec le sang ou les éclats de dents qui inondent sa gorge. Il rejoint un des chars d’appui tout en trouvant la force d’aider un légionnaire à l’épaule fracassées à avancer. 

[il sera évacué dans un des derniers avions sanitaires à quitter le camp].

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La saison des pluies arrive, transformant les positions et leurs maigres abris en véritables bourbiers. Tout commence à manquer. Les hommes sont en guenilles, d’autres ont vieilli d’un seul coup et d’autres encore ne sont plus capables de résister à la fatigue. Les têtes sont vides, les corps sont épuisés. Un jour, Bernard Ledogar découvre une boîte de ration qu’il dévore aussitôt, tant sa faim est grande. Son repas achevé, il s’endort dans son trou avant d’être bientôt réveillé par une sensation étrange. La boue dans laquelle il est couché semble prendre vie. Des frissons lui parcourent le corps, comme autant de caresses légères et glacées. Il s’agit d’une myriade d’asticots qui viennent d’être libérés par l’explosion du ventre gonflé d’un cadavre, emprisonné dans une gangue de boue, sur lequel il s’était endormi sans s’en rendre compte.

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Charge de « bodoïs », image de propagande.

Les explosions des obus laissent la place à quelques coups de sifflet ou sonneries de trompe. C’est le signal adressé aux bodoïs pour qu’ils montent à l’assaut (…) Il faut les laisser venir jusqu’à mi-pente de la colline, attendre l’ordre d’ouverture du feu, garder les poings serrés contre la crosse du fusil-mitrailleur ou le doigt contre la détente tout en espérant que les barbelés fourniront les quelques précieuses secondes nécessaires pour ralentir cette marée humaine et provoquer des ravages dans ses rangs. 

(…)

A peine les chargeurs sont-ils vidés qu’ils sont aussitôt remplacés pour que les armes puissent rependre leur assourdissant staccato. Les canons des armes chauffent rapidement, à tel point que cette chaleur se propage jusqu’aux chargeurs qui en viennent à bruler les mains des soldats lorsqu’il leur faut les remplacer. Bernard Ledogar tire, tire et tire encore. Il a l’impression que son FM va lui exploser à la figure tant le canon rougeoie dans l’obscurité. Il voudrait bien pisser dessus pour le refroidir, mais il n’en a pas le temps (…) Il a beau tirer, rien ne paraît ralentir l’avancée de l’ennemi. Bientôt, il est à court de munition (…) Bernard Ledogar empoigne sa pelle-bêche.

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Photo ECPAD/Daniel Camus via éd. Nimrod

Un silence de mort règne dans l’abri, avec pour seuls sons insoutenables le grincement lancinant des dents de scie sur la jambe. Subitement, le médecin lieutenant Madelaine ralentit le rythme de son mouvement.

« Heinrich, tu continues ».

Le sergent Bauer s’interroge quelques instants mais, sans poser de question, il prend le relais du médecin en même temps qu’un infirmier le remplace pour continuer à immobiliser le blessé. Tandis que le sergent poursuit l’opération restée en plan, le médecin lieutenant Madelaine va s’adosser contre une paroi de l’abri. Il exhale un long soupir, sort un paquet de cigarettes de sa poche et en allume une. Il tire une première taffe, ferme les yeux en recrachant lentement la fumée, puis renouvelle son geste machinalement.

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Le 7 mai, après les grondements de l’artillerie ennemie qui n’ont cessé de se faire entendre dans toute la plaine, un grand silence vient recouvrir le camp comme un linceul.

***

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Prisonniers de Diên Biên Phu

Bernard Ledogar s’inquiète de sa blessure au bras. Il n’avait jamais osé soulever le chiffon faisant office de bandage jusque-là, mais la plaie lui occasionne désormais des démangeaisons insupportables et il se résout à défaire le pansement pour voir ce qu’il y a dessous. L’odeur de putréfaction qui émane de la plaie lui fait craindre le pire. Alors qu’il déroule la bande de tissu, un flot d’asticots s’échappe de sa blessure pour tomber par terre. 

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Jean Carpentier prisonnier au camp 42 (photo issue d’un film de propagande viêt-minh)

Les trois viêts semblent hésiter un moment sur la manière d’utiliser cet appareil, puis ils se décident. Le nouveau venu s’empare des câbles électriques s’achevant par une pince crocodile et vient fixer celle-ci sur l’un des testicules de Jean Carpentier. Il n’y a cependant pas de ressort sur cette pince et l’homme décide d’en refermer les mâchoires de manière artisanale. Il l’enroule dans un fil électrique qu’il passe ensuite autour d’une tige de fer, puis fait tourner cette tige sur elle-même afin de resserrer la pression sur les mâchoires. La douleur se fait de plus en plus grande, emprisonnant le testicule, l’écrasant, puis finissant par le broyer subitement, à la manière d’une coquille d’œuf.

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Pour s’assurer qu’un malade est bien mort, il suffit de constater l’immobilité du corps lorsque les mouches viennent pondre dans les plaies, la bouche ou les narines du cadavre. Chaque fois que cela est possible, et tant que l’odeur de putréfaction ne vient pas chasser celles des diarrhées ou de vomissures, les infirmiers gardent les cadavres deux ou trois jours de manière à disposer de quelques rations de riz supplémentaires qui leur auraient été servies de leur vivant. Ces morts ne sont enterrés que lorsque l’odeur devient vraiment trop insupportable. 

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Jean Carpentier se sent totalement vidé, dépourvu de toute force physique et morale. Il ne voit plus désormais aucune lueur d’espoir, rien qu’un horizon noir peuplé de fantômes décharnés et dévorés par la vermine. Il éprouve une envie irrésistible de se laisser couler, de disparaitre pour ne plus sentir ses boyaux se tordre sous l’effet de la faim, ne plus affronter l’innommable, ne plus espérer en vain, simplement fermer les yeux et oublier.

 

***

Franck Mirmont est le pseudonyme d’une personne bien connue dans le monde de la littérature militaire. Il ne souhaite pas se mettre sur le devant de la scène, nous respecterons ce vœu. 

AB4_1_DBP.jpgHeinrich Bauer est né en 1930 à Kassel en Allemagne. Elevé dans une « Napola » (les Nationalpolitischen Erziehungsanstalten, internats de l'enseignement secondaire destinés à former l'élite de l’Allemagne nazi), errant de ferme en ferme à la fin de la guerre, il intègre comme nombre de ses compatriotes la Légion. Sergent infirmier, parachuté sur Diên Biên Phu avec le 2e BEP, prisonnier, il survit aux camps. Il quitte la Légion en 1955. 

AB3_DBP4.jpgJean Carpentier naît en 1931 dans la région d’Amiens. Engagé dans la Marine en 1948, il est formé à l’école des apprentis mécaniciens (« Les Arpettes »). Mécanicien volant de la flottille 28F sur Privateer, son avion est abattu lors d'une nouvelle mission sur Diên Biên Phu. Fait prisonnier, il est torturé dans les camps et en conserve de graves séquelles. Il quitte le service actif en 1965, se reconstruisant psychologiquement grâce au soutien de sa chère Josette.

 

AB3_DBP1.jpgJean Guêtre est né en 1920 à Amiens. Engagé dès 1939 au 2e RCA, il débarque à Toulon avec la 1er RCuir. Après la reconquête de la France, il est blessé en Autriche. ADC en Indochine il combat dans le delta tonkinois avec le Commando Nord-Vietnam 45 puis 32 « Senée », tentant de desserrer l’étau sur Diên Biên Phu. Jean Guêtre est malheureusement décédé avant le projet de livre, mais avait pris soin d’écrire ses souvenirs et les transmettre à ses enfants. 

 

AB3_DBP2.jpgPierre Latanne naît en 1929 à Lourdes. EOR, il rejoint successivement les 18e RIPC et 3e BPC. Sous-Lieutenant du 5e BPVN, il est parachuté à deux reprises sur Diên Biên Phu, la seconde fois en plein combat. Gravement blessé, il survit aux camps et poursuit sa carrière dans l’Armée, en particulier au SDECE (Contre-Espionnage) qu’il quitte en 1990 avec le grade de Général. 

 

 

 

AB3_DBP3.jpgBernard Ledogar est né en 1933 en Alsace. Engagé en 1953 au 6e BPC, il est parachuté sur Diên Biên Phu. Force de la nature, combattant valeureux maniant la pelle comme arme de corps à corps, blessé plusieurs fois, il est fait prisonnier et survit aux camps. Il quitte l’armée après la guerre d’Algérie.

 

 

 

AB3_DBP51.jpgJean-Louis Rondy naît en 1926 à Paris. Il fait le coup de feu en 1944 contre l’occupant et s’engage dans la foulée au Régiment de Marche du Tchad avec lequel il fait la campagne d’Allemagne. Intégrant Santé Navale, il est le médecin du 1er BEP à DBP. Survivant des camps – il pèse 43kg à sa libération - il poursuit sa carrière dans l’Armée, notamment en Afrique. 

 

 

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Conférence (passionnante !) au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan – De gauche à droite le COL Rondy, le SGT Bauer, l’éditeur Nimrod. © UPpL'E

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ISBN 978-2915243628 – Prix 23€ – Format 23x15, 576 pages, cahier-photo

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Aux éditions Nimrod, disponible ici

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Le livre est utilement complété par un essai du même auteur : « La Guerre d’Indochine vue par la CIA ». 

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Avec le COL Rondy et le SGT Bauer au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2015. © UPpL'E

Nous tenons à remercier l’auteur qui nous a mis dans la confidence de son projet dès sa genèse (l’œuvre de sa vie, dixit J), nous donnant l’impression de faire partie de l’aventure (nous avons même tenté d’aider à fouiner dans les archives russes sur DBP (Natachenka a ses entrées J)). Nous n’oublierons pas nos déambulations dans Coët’ aux côtés des beaux Légionnaires Jean-Louis Rondy et Heinrich Bauer, se tenant bien droits, recevant, sourire espiègle et regard pétillant, les hommages des Cadets. Nous nous souviendrons de cette longue et touchante conversation avec Jean Carpentier et sa chère Josette. Nos pensées vont vers Pierre Latanne, dont le témoignage est déchirant ; et vers Jean Guêtre, qui veille désormais sur nous et doit être fier de ses descendants qui ont œuvré pour le devoir de mémoire en partageant ses écrits. Et nous allons conserver précieusement notre livre collector car dédicacé par les cinq co-auteurs survivants (superbe cadeau-surprise des éditions Nimrod qui savent à quel point leur attention nous a touchés) avec une mention spéciale pour Bernard Ledogar, dont l’écriture n’a jamais été le fort, mais a tenu à nous manifester son amitié – certainement l’une des plus belles dédicaces de notre milibibli. 

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Avec le COL Rondy et le SGT Bauer lors de la remise du prix des Cadets 2015, Saint-Cyr Coëtquidan. © UPpL'E

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Hommage

Aux morts pour la France à Diên Biên Phu et partout ailleurs en Indochine,

Aux victimes de la barbarie viêt-minh dans les camps [taux de mortalité des prisonniers : 70%]

Aux blessés physiques et psychiques,

A tous les combattants de l’Union Française.

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Le 4 octobre 2013, le général viêt-minh Võ Nguyên Giáp, vainqueur de Dien Bien Phu, disparaissait. Le ministre français des affaires étrangères lui a rendu un vibrant hommage :

J’ai appris avec émotion le décès du Général Giap. Ce fut un grand patriote vietnamien, aimé et respecté par tout son peuple pour le rôle éminent et fondateur qu’il a joué pour l’indépendance de son pays.

Il était profondément attaché à la culture française et parlait d’ailleurs parfaitement notre langue. Le Général Giap fut un grand patriote et un grand soldat. Alors que la France et le Vietnam sont devenus désormais des partenaires stratégiques, je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille et au peuple vietnamien. 

Nous nous réjouissons, nous aussi, de la réconciliation franco-vietnamienne.

Cependant, il nous semble que le ministre aurait dû modérer son éloge funèbre d'un « mais cela ».

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Survivant de Dachau ? Non. Survivant des camps viêt-minh.

Il n’y a qu’une seule chose qui permette à Jean-Louis Rondy de rester en vie. Un sentiment de haine absolu envers ces fanatiques qui, au nom de leur lutte pour l’indépendance et la liberté, cherchent précisément à éradiquer toute indépendance d’esprit et liberté de penser. Il lui arrive parfois de songer au camp de Dachau qu’il avait approché fin avril 1945. Une autre guerre, un autre monde, une autre horreur absolue. Mais au moins, les gardes des camps de concentration n’essayaient pas de convaincre leurs prisonniers de crier « Heil Hitler ! » tandis qu’ils les précipitaient vers la mort.

Franck Mirmont, Les Chemins de Diên Biên Phu.

 

 

 

 

 

 

 

© Blog Milittéraire - Une Plume pour L'Epée. (*) Certaines photos sont issues du Net, sans que nous ayons été en mesure de retrouver les ayant-droits.

 

04/09/2015

Marin sur les fleuves d'Indo & pilote de Corsair en Algérie, chef des FS au Kosovo, Commissaire des armées en CdI, valeureux Poilus et déroute djihadiste au Mali

 

Poursuivons la visite de notre bibliothèque militaire, entamée ici

Cette fois-ci, nous revivons les combats d’un grand-ancien d’Indochine et d’Algérie. Nous accompagnons au Kosovo le chef des Forces Spéciales françaises et en Côte d’Ivoire un Commissaire des Armées. Nous visitons la base de Nancy-Ochey, tanière des Muds alias Mirage 2000D. Nous nous posons des questions sur nos valeureux Poilus et nous concluons, grâce à l'assistant militaire du chef des opérations terrestres de Serval, avec la brillante victoire de nos soldats sur les djihadistes au Mali !

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« De Saïgon à Alger », LV Bernard Bachelot, Dinassaut 6, 14F, 12F

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LCM en patrouille fluviale, Indochine

Certains hommes se sont finalement endormis couchés les uns sur les autres. A la surface du fleuve, l’eau phosphorescente scintille. Les remous font danser le reflet des étoiles et les lucioles transforment un palmier en arbre de Noël. Un souffle d’air fait vibrer le feuillage. Ce frémissement provoque un malaise. Et toujours le croassement lancinant des crapauds-buffles. Les guetteurs viets, tapis dans ces branchages, doivent écouter le passage du convoi. Les oreilles se tendent. Le bruit sourd d’un tam-tam. Est-ce la peur ? Non, le rythme est plus net maintenant : les Viets donnent l’alerte. Deux coups brefs, un coup sourd. Pam, pam, poum… pam, pam, poum… Les doigts se crispent sur les armes.

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Corsair de la 14F partant en mission depuis la base de Telergma dans le Constantinois, Algérie. Photo Bachelot

Le napalm s’enflamme à une vingtaine de mètres au-dessus de la grotte. Bien décidé à réussir ma deuxième attaque, je garde une ligne de vol parfaitement horizontale et attends « le plus tard possible ». J’appuie sur le bouton et tire violemment sur le manche. Le sommet de la falaise apparaît au-dessus du nez de mon appareil, trop haute me semble-t-il pour être franchie. Trop près de la montagne, je ne peux dégager en virage. En un mouvement reflexe, je pousse à fond la manette de gaz et accentue fortement ma pression sur le manche. Ma cellule se met à vibrer violemment, je suis à la limite du décrochage. La falaise fonce sur moi.

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L’exode, Alger, 1962.

Un choc, une blessure. En cet instant ma vie bascule. Un monde – le mien – s’effondre. Des valeurs essentielles auxquelles j’avais appris à croire et à être fidèle – patriotisme, honneur, parole donnée… - ont toutes été violées. Ne sont-elles plus désormais respectables ? Terrible déception qu’accompagne un sentiment de révolte qui, des années durant, me rongera et qui, 45 ans après, reste encore vivace.

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« De Saïgon à Alger » par le Lieutenant de Vaisseau Bernard Bachelot, EN48. Un monsieur discret, rencontré lors du salon des écrivains-combattants 2013, et pourtant un grand ancien : il a combattu de 51 à 53 sur les fleuves de Cochinchine, au sein de la Dinassaut 6, Flottille Amphibie Indochine Sud, avant de devenir pilote de l'Aéronavale, flottilles 14F puis 12F dont il prend le commandement. Formé aux Etats-Unis, c'est aux commandes de son Corsair qu'il intervient lors de la campagne de Suez puis de la Guerre d'Algérie - époque déchirante pour lui, Bernard étant pied-noir, amené à bombarder sa propre maison de famille… L'issue du conflit sonnera d'ailleurs le glas de son engagement militaire. Très beau récit.

Aux éditions L'Harmattan, disponible ici.

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Avec le LV Bernard Bachelot au Salon des Ecrivains-Combattants 2013

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 « L’Europe est morte à Pristina », COL Jacques Hogard, Légionnaire

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Miliciens de l’UÇK [milice indépendantiste Albano-Kosovare]

Une embuscade vient d’être déclenchée par l’UÇK sur un convoi de civils serbes, deux cents tracteurs emportant hommes, femmes et enfants, sur la route reliant Pec à Mitrovica. Je fais effectuer une reconnaissance par un hélicoptère armé qui me rend compte de la position des éléments de l’UÇK. Je lui demande alors de tirer quelques rafales de semonce afin de les contraindre à décrocher et cesser cette agression inqualifiable sur des civils armés. 

Quelques minutes plus tard, je suis, à ma très grande surprise, appelé à la radio par le Général britannique Mason qui m’enjoint de faire cesser les tirs contre ses SAS ! Je réalise alors que les éléments de l’UÇK qui se livrent à cette embuscade (…) sont encadrés – au minimum accompagnés- par mes « frères d’armes » des Forces Spéciales britanniques…

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« L’Europe est morte à Pristina » par le COL Jacques Hogard, Légionnaire, commandant le groupement interarmées des Forces Spéciales françaises au Kosovo, GIFS « Grakaniko », vétéran du Rwanda dont il a tiré un premier récit « Les larmes de l’honneur », que nous avons abordé ici

Dire que le conflit au Kosovo a été « compliqué » est un euphémisme, l’implication occidentale pouvant (devant) faire débat. Jacques ne s’en prive pas, battant en brèche certains choix militaro-politiques Otaniens [il démissionnera d’ailleurs de l’Armée après cette OPEX]. L’Histoire jugera. En attendant, nous ne pouvons qu’espérer que les communautés serbe et albanaise trouvent le chemin d’une coexistence pacifique… Et souvenons-nous des neuf soldats français morts au Kosovo, entre 2000 et 2009. Hommage à eux et aux blessés.

Aux éditions Hugo Doc. A commander chez votre libraire ou sur le Net.

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Avec le COL Jacques Hogard, notamment après sa conférence sur le Kosovo à l’IDC en mai 2014

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« La nuit africaine », Commissaire des armées (CNE) Julien Eche

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La Vierge aux larmes de sang, œuvre de Sandre Wambeke inspirée du livre de Julien Eche

Les Français nous prennent pour des gosses souriants : l'Afrique heureuse, qu'ils disent. Un peu comme si nous n'étions pas assez civilisés pour avoir l'air grave. C'est qu'ici, jeune homme, nous savons dès la naissance que nous sommes mortels comme tous les hommes, et que la finalité, c'est la cendre. Alors la vie doit être heureuse, joyeuse, rythmée et agréable. 

Vous autres Blancs, imaginez repousser sans cesse la mort, elle entre par trop en considération dans vos calculs ; il n'y a pour vous que l'épargne d'une vie, la position sociale, les chimères que votre société a inventé pour plus de richesse qu'il n'est physiquement possible (...) Alors vivez, oui, vivez ! Enchantez la vie des autres et faites en sorte d'être heureux, quoi qu'il vous arrive; Cela n'a rien de primitif. C'est au contraire la plus grande des sagesses.

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« La nuit africaine » par le Commissaire des Armées (CNE) Julien Eche est un récit romancé, inspiré de son déploiement en Côte d'Ivoire peu après la guerre civile : Un jeune officier part à la tête d'une petite unité pour montrer la présence française dans la brousse. Un parcours initiatique, vu initialement par le narrateur comme une aventure "à la capitaine Binger" (qui rallia Dakar à Kong à la fin du XIX°), mais qui, au gré des rencontres et évènements, ira bien au-delà de l'imagerie exotique véhiculée par les affiches ventant la Coloniale dans les années 30. Une belle histoire, bien menée et profonde. Pas seulement une autre vision de l'Afrique, une autre vision du soldat aussi...

Aux éditions L'Harmattan. Disponilbe ici.

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Avec le Commissaire des Armées Julien Eche

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« Dans le repaire du Mirage 2000D – Nancy-Ochey », Alexandre Paringaux, photographe

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Ses équipages sillonnent les cieux des Balkans, de l'Afrique, de l'Asie centrale et de l'Afghanistan. Cette omniprésence repose certes sur des matériels performants, en perpétuelle amélioration, permettant de répondre aux défis technologiques d'engagement toujours plus exigeants. Mais elle repose surtout sur les femmes et les hommes de la base aérienne de Nancy-Ochey qui permettent de répondre en permanence aux sollicitations opérationnelles. Quelle que soit leur spécialité, toutes et tous sont des rouages indispensables dans la performance de la BA 133. Dévoués et pugnaces, ils démontrent au quotidien un engagement sans faille, en dépit d'un environnement difficile. Les opérations menées au Kosovo, en République Démocratique du Congo, en Afghanistan, en Lybie ou encore au Mali attestent de leur engagement militaire et de leur abnégation.

Colonel Louis Péna, Commandant de la Base aérienne 133 « Commandant Henry Jeandet »

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« Dans le repaire du Mirage 2000D – Nancy-Ochey » n’est qu’un exemple parmi toute une série de beaux livres publiés par le photographe Alexandre Paringaux et Frédéric Lert, journaliste aéro de référence. On trouve en effet, dans la même collection, des ouvrages dédiés à ER 2/33 « Savoie », EC 3/3 « Ardennes », la Patrouille de France, les bases de Saint-Dizier, Mont-de-Marsan, Salon-de-Provence, les Forces Aériennes Stratégiques, le porte-avions Foch… Des livres-albums où l’on retrouve évidemment de superbes photos d’avions, mais aussi les hommes qui les font voler, les arment et les entretiennent ; ceux qui font fonctionner la base ; ceux qui la protègent. L’ensemble est visuellement remarquable, accompagné d’un texte fouillé et de nombreuses interviews. A chaque fois une petite bible, tant le sujet est traité avec exhaustivité. Attention, les tirages s’épuisent vite…

Aux éditions Zéphir. Disponible ici

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« Le petit quizz de la Grande-Guerre », Grégoire Thonnat

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De qui s’agit-il ? 

De nos cinq arrière-grands-pères, combattants de la Grande-Guerre en France et Russie ; Abel, Ernest mort pour la France, Gaston, Fiodor et Vassilï

 

Si les taxis parisiens sont rentrés dans l’Histoire avec les « taxis de la Marne », qu’ont-ils fait qui écorne un peu le mythe ?

Ils ont mis les compteurs afin que les autorités militaires règlent la course !

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Avec « Le petit quizz de la Grande-Guerre » de Grégoire Thonnat, nous sortons évidemment de notre  contexte « récit de soldat », mais ce livre mérite un coup de projecteur, bien qu’il soit d’ores et déjà un succès de librairie (25 000 exemplaires vendus). Il est composé d’une centaine de questions/réponses sur des évènements clés, anecdotes, idées reçues... Une manière ludique d’aborder la Première Guerre Mondiale, pour un prix modique (moins de 5€). L'Education Nationale pourrait tout à fait l’utiliser dans la cadre du Centenaire... (puisque l'on parle de pédagogie innovante, passons à l'acte). 

Aux éditions Pierre de Taillac. Disponible ici. A noter, dans le même esprit et par le même auteur, le « Petit quizz de la Marine ».

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Avec Grégoire Thonnat et les éditeurs Pierre de Taillac et Nimrod, aux Invalides pour le centenaire de l’ECPAD

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« Offensive éclair au Mali », CBA Rémi Scarpa, 92e RI

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« Rapaces » de la 4e Cie du 92e RI au combat dans les rues de Gao. Photo ECPAD/Jérémy L, issue du livre.

Les « Cent jours » de l’offensive les avaient soudés ; la chaleur étouffante n’avait distingué ni les grades ni les armes d’origine ; l’ennemi, tenace et imprévisible, avait été vaincu par l’effort conjoint des combattants, ceux de l’avant, commandés par des états-majors réactifs, des logisticiens et des transmetteurs, des pilotes et des mécaniciens (…) Cette victoire des armes de la France, c’était celle de l’union, chère au cœur du Général de Monsabert  , l’union des armes, des âmes et des cœurs.

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« Offensive éclair au Mali » par le CBA Rémi Scarpa, Gaulois du 92e RI. Ouvrage qui restera comme la référence sur Serval. En premier lieu, qui aurait été plus légitime que le CBA Scarpa, assistant militaire du GAL Barrera commandant les forces terrestres, pour écrire un tel livre ? Ensuite, vous y trouverez toutes les informations sur l’organisation de la force, le déroulement de l’opération au jour le jour, les unités impliquées (avec une large place laissée au Soutien, Transmetteurs, Tringlots, Logisticiens…), le matériel employé, les alliés africains, les insignes et fanions, des plans, les hommages à ceux qui sont tombés… le tout accompagné de témoignages. En sus, des clichés *sublimes* de l’ECPAD ou issus des collections particulières de nos combattants (ce qui en fait aussi un beau livre-photo). « Et c’est pas fini… » J En bonus, un film de 55 mn réalisé par l’ECPAD.

Aux éditions Pierre de Taillac. Disponible ici.

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Avec le CBA Rémi Scarpa, Salon du Livre de Paris 2015 & Prix littéraire de l’Armée de Terre – Erwan Bergot.

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A suivre…

 

 

 

 



24/11/2013

« Récits d’un homme de guerre », Michel Delcayre, 1er RIC, Bataillon de Corée, GM100, 6e RTS, 5e RIAOM, 23e RIMa , 2e RIMa, 1er RIMa. Editions des Cimes

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit. Un effort de la volonté, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.

On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années. On devient vieux parce qu’on a déserté un idéal.

Les années rident la peau, renoncer à la jeunesse ride l’âme.

Les préoccupations, les doutes, les craintes et désespoirs sont les ennemis qui lentement nous font pencher vers la terre, et devenir poussière avant la mort.

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : et après ? Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.

Si un jour notre corps allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de notre âme de vieillard. 

« La jeunesse », Général McArthur.

 

 

 

« J’aime le métier des armes. J’aime l’odeur de la poudre et entendre le fracas des armes, des batailles.

Je suis un homme de guerre. »

Michel Delcayre

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Nous recevons régulièrement des messages d’auteurs nous présentant leur livre nouvellement paru. Nous en sommes toujours heureux et flattés. Notre première démarche, alors, est de nous renseigner sur l’ouvrage, la personne, le sujet traité. L’auteur est-il militaire, journaliste ? S’agit-il d’un récit biographique, d’un roman, d’un sujet historique ?

Lorsque j’ai ouvert le mail du fils de Michel Delcayre, titré « Récits d’un homme de guerre », des mots m’ont immédiatement sauté au visage : mon père Marsouin… vétéran d’Indochine… Bataillon de Corée… Algérie… Sympathisant OAS…  Je ne sais si cela vous intéresse…

Réponse "au pas Chasseur", dans les 2 secondes donc : « Et comment ! »

Ainsi a débuté une nouvelle belle rencontre, des échanges humains sympathiques, et par-dessus tout l’impression d’avoir touché du doigt, au travers d’un homme, l’histoire de l’armée française, dans sa grandeur, mais aussi dans la tristesse du crépuscule d’un empire.

Michel Delcayre, un morceau d’histoire. Rien de moins que cela.

 

1949-1950, 1er RIC, Indochine 

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1951, Indochine, poste de Tenja – Michel en haut à droite, cigarette et képi.

Le 17 octobre 1950, alors qu’aucun renseignement tangible ne laisse penser qu’un danger plane sur la ville, le Colonel fait évacuer Lang Son. L’affolement est tel que, pour ne pas éveiller les soupçons de l’ennemi, le Colonel donne l’ordre de n’effectuer aucune destruction des stocks jusqu’à l’évacuation complète de la ville. On a donc quitté la haute région par Lang Son. On a suivi les ordres en évacuant en catastrophe, alors qu’il n’y avait pas lieu. On s’est tiré comme des poltrons. Le Colonel, sous Napoléon, aurait été fusillé. (…)

Pourquoi avoir lâché Lang Son ? Contrairement à Cao Bang, Lang Son n’était pas encerclé, à ma connaissance de 2e Classe, à l’époque.

C’est maintenant que je réfléchis à tout ça. Quand on est 2e Classe, avec les supplétifs [troupes indochinoises], « Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir ». Mais j’ai désobéi après, parce que j’ai compris.

 

1950-1953, Bataillon français de l'ONU en Corée, 23rd Regiment, 2nd Infantry Division "Indian Head"

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1954, départ de Michel en Corée, sur « La Marseillaise »

Nous avons repris le bateau pour débarquer dans le port  de Pusan, le 9 mars 1953. J’ai fêté mes 22 ans sur un navire de guerre américain. Nous prîmes le train, direction Séoul. Notre bataillon était en ligne depuis quelques 3 semaines. Il faisait entre -25 et -30°C. La guerre de mouvement était terminée. Nous étions en position dans les tranchées humides et froides, décor de tout mon séjour en Corée. Après 2 ou 3 semaines en première ligne, où il fallait casser la glace pour se laver la figure, en négligeant un peu le reste, on descendait en deuxième ligne, où on pouvait prendre une douche.

 

1953-1954, GM100, Indochine

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1954, Indochine, Michel à droite avec deux camarades du GM100

Nous nous sommes retrouvés à Pleiku où opérait un régiment de montagnards, quelques pièces d’artillerie et deux ou trois avions. A quelques kilomètres de là, des plantations de théiers, toujours en exploitation. Une plantation de thé représente un des lieux les plus détestables pour mener un combat organisé. Les arbustes touffus arrivent pour la plupart à hauteur de poitrine d’un homme de taille moyenne. Il était de notoriété publique, les planteurs eux-mêmes le reconnaissaient à demi-mot, que les viets transitaient au travers de théiers pendant la nuit pour déplacer leurs unités ou transporter leur matériel et leur nourriture. Menant une opération, sur renseignement, nous sommes tombés sur deux compagnies Vietminh. Les combats ont été durs, nous avons eu quelques morts et plusieurs blessés. Les viets ont détalé, repoussés par la vigueur de notre unité. L’ennemi essuie au passage un sacré revers, laissant sur le terrain une soixantaine de morts.

Le GM100 reçoit l’ordre de rejoindre la bretelle de Pleirin le 19 mars en détachement armé, vers la région de Do Dak Bot au Tonkin (…) Les viets sont beaucoup plus nombreux que nous. Le rapport de forces est de 3 contre 1. Au cours de l’attaque du bivouac, le capitaine est tué. Il est remplacé par un Caporal-Chef…  je me retrouve chef de section (…) Notre compagnie ou ce qu’il en reste se bat avec bravoure ; je suis au fusil-mitrailleur, déblayant tout devant moi. Je crible les fourrés autant que je peux. J’abats les tireurs embusqués qui viennent aussi de derrière.

Embuscade du PK15, 24 juin 1954. Tout le convoi de véhicules, chars, artillerie, est tombé dans une grosse embuscade. L’état-major du GM100 est anéanti (…) près de 1000 morts ou disparus en 3 heures de combat (…) Dans la nuit, nous, 1er bataillon, avons évacué An Khé en évitant la route, en la débordant par la jungle tout autour. Les viets étaient partout.

 

1955-1957, 6e RTS, Maroc, Algérie

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1955, le 6e RTS au Maroc, Michel au 1er rang, 1er à gauche de la photo

Nous traversons le Moyen-Atlas pour chasser les fellouzes Oulmes sur les pistes. De Mécheria, nous faisons les ouvertures de route. Sergent, je commande un peloton de half-track (…) Nous pointons en direction du sud, vers Aïn Sefra sur la frontière maroco-algérienne. Cette frontière n’en a que le nom. Pas de mur ni de piquet. Du sable, toujours du sable. Nous protégeons la zone des infiltrations du FLN sur des centaines de kilomètres (…) Constamment sur la brèche, à pied à la recherche des fellouzes, nous montons de belles embuscades.

 

1958-1960, 5e RIAOM, AOF, AEF (Mali, Cameroun)

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Michel en 1960, au Cameroun

Nous étions, quelque part, des mercenaires à la solde de la république de Douala (Cameroun). Nous combattions les Bamilékés qui avaient soif d’indépendance. Chez eux, le plan n’existait pas ! Ces mecs-là, bille en tête, fonçaient voir le grand marabout. Les cerveaux envoûtés de palabres nauséabondes : pas de problème, les balles, forcément, ricocheraient sur eux. Avant l’assaut ils ne se gonflaient pas à l’opium mais au vin de palme. Ce breuvage les mettait dans un état de folie pure. La mort ils ne l’envisageaient même pas. Armés de sagaies et de coupe-coupes, ils partaient par centaines au baroud. Ces grappes humaines venaient tomber sous les balles de nos mitrailleurs AA52. C’est triste à dire, mais c’était eux ou nous.

 

1961-1963 – 23e RIMa, OAS, Algérie

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1961-62, Algérie, Michel alors au Commando Capdeville, avec le LTN Poupineau

Le cessez-le-feu approchant, nous avons quitté Affreville. Le Commando Capdeville a été regroupé, puis dirigé vers Alger pour la sécuriser. On appelait ça « Intervention Chicago ». Ça voulait dire que dès qu’il y avait un attentat, nous établissions partout des barrages pour tâcher d’intercepter les « malfaiteurs », nos camarades de l’OAS. Que nous aidions à filer au lieu de les arrêter. S’il s’agissait de terroristes fellaghas, nous avions le remède tout prêt. (…) On voyait bien que c’était la fin des haricots. De Gaulle avait déjà trahi la France, vendu l’Algérie aux felles. Moi, j’étais encore à fond avec l’O.A.S. D’abord, j’étais dégouté depuis l’Indochine, depuis qu’on avait abandonné les Thau, les Nung, tous massacrés par les communistes. Et en Algérie, rebelote ! On laisse tomber les harkis, leurs familles…

 

1963-1964, 2e RIMa, camp d’Auvours 

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1964, Michel lors d’une manœuvre de débarquement à Quiberon

A Auvours, le fossé entre engagés et une minorité d’appelés devenait béant. Ces derniers, jouant les « pauvres victimes » de nos « mauvais traitements », faisaient marcher leurs relations, appelant à l’aide leur papa ou un tonton haut placé, sortant leur plus belle plume pour se plaindre au ‘pitaine, voire plus haut (…) Travailler dans ces conditions m’insupportait au plus haut point.

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Dans le cœur de Michel, quelque-chose s’est brisé. Ce n’est pas un homme de compromis - on l’aura compris - il quitte donc l’armée en 1965. Un temps tenté par l’aventure mercenaire de Bob Denard, il fera finalement ses adieux aux armes.

« Récits d’un homme de guerre » ne s’interrompt pas pour autant. Nous suivons pour quelques chapitres encore le Marsouin  dans sa nouvelle vie civile, sillonnant l’Europe au volant de son camion, s’engageant activement en politique à Dreux, aux côtés du couple Stirbois. 

Bien entendu, avec un tel parcours, on entend en écho des « Hélie de Saint-Marc » et des « Pierre Sergent ». Mais Michel ne revendique pas les honneurs d’un prix littéraire (dont, j'en suis certain, il se « contrefoutrait ») (il emploierait certainement cette formule…). De plus, n’ayant pas tenu de journal de marche, ses souvenirs de premières campagnes sont forcément fragmentaires.

Reste que son témoignage est passionnant, complété intelligemment par des parties historiques le mettant bien en perspective.

Saluons enfin l’honnêteté de Michel, assumant totalement ses choix. Il n'est pas question ici d'apporter un jugement sur ses engagements, mais que vaudrait un récit biographique "politiquement correct", édulcoré ? Quel en serait l’intérêt ? Comme me l’a dit son fils Philippe : après tout, c’est sa vie.

 

Juillet 2005, retour en Corée. 

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2010, Michel Delcayre reçoit la médaille de la Paix par l'ambassadeur de Corée, Hôtel des Invalides.

En 2005, le gouvernement Sud-Coréen invite des vétérans du Bataillon de Corée à Séoul. Belle initiative de notre allié asiatique, qui n’a pas oublié ces Français (et tous les autres) qui se sont battus à leur côté pour leur liberté.

"Nous avons trinqué à nos hôtes, à nous aussi les vétérans. Je retiens du peuple coréen qu’il est un beau peuple plein de reconnaissance (je le savais déjà), rempli de joie de vivre. Il nous a accueillis comme faisant partie de sa famille, sincère, chaleureux.

Prenez-en de la graine, peuple de France."

 

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Insigne de la 2nd Infantry Division "Indian Head" porté par le Bataillon français de l'ONU en Corée, conservé en Indochine. 

287 tués dont 18 Coréens - 7 disparus - 1 350 blessés.

Rendons hommage à ces hommes. Ne les oublions pas.

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Delcayre 2010.jpgMichel Delcayre est né en 1931. Poussé par son goût de l’aventure, il s’engage en 1949 dans les troupes Coloniales. Marsouin pour la vie, il participe à l’ensemble des « opérations extérieures » des années 50 et 60, avec les 1er RIC, Bataillon de Corée/GM100, 6e RTS, 5e RIAOM, 23e RIMa , 2e RIMa et 1er RIMa : Indochine (2 campagnes), Corée, Maroc, AEF, Algérie...

Dans les dernières années de la guerre d’Algérie, dans un esprit « à la Hélie de Saint-Marc », refusant l'abandon des Harkis, il soutient le « putsch » des Généraux puis l’OAS.  Il quitte l’armée en 1965 et sillonne dès lors l’Europe comme chauffeur routier, tout en s’engageant politiquement à Dreux, ville où il réside toujours.

Michel Delcayre est titulaire des Médaille Militaire, Croix de Guerre des Territoires Extérieurs, Médailles commémoratives Indochine, Corée, Médaille du Maintien de l’Ordre Maroc, Algérie, Médaille Coloniale Extrême-Orient, Médaille des Nations-Unies Guerre de Corée, Combat Infantry Badge (USA), Médaille des Combattants de la Paix (Corée du Sud).

Il a été soutenu dans son projet d’écriture par son fils Philippe, ancien Marsouin lui-même, EVSOM (Engagé Volontaire pour Servir Outre-Mer), 23e BIMa, Sénégal.

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Prix : 18€ - EAN : 9791091058063 - Format 24x15, 176 pages + cahier photos

 

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Aux Editions des Cimes

Disponible en contactant Philippe Delcayre ici. [dédicace possible]

Page FaceBook "Récits d'un homme de guerre" ici.

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1955, Maroc, Michel Delcayre est décoré de la Médaille Militaire

 

Hommage

Aux morts pour la France en Indochine,

Aux morts pour la France en Corée,

Aux morts pour la France en Algérie,

Aux morts pour la France dans tous les T.O.E,

Aux blessés.

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1950, Michel à droite, sur la RC4.

Le 4 octobre dernier le général vietminh Võ Nguyên Giáp, vainqueur de Dien Bien Phu, disparaissait.

Le ministre français des affaires étrangères lui a rendu un vibrant hommage :

Je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille (…) Le général Giáp fut un grand patriote et un grand soldat.

Même si nous nous réjouissons de la réconciliation franco-vietnamienne, n'oublions pas : 

 

Taux de mortalité des prisonniers de guerre

source : Wikipedia

Prisonniers français morts en Allemagne : 2%

Prisonniers allemands morts en Russie : 37%

Prisonniers russes morts en Allemagne : 57,5%

Prisonniers français morts dans les camps Vietminh 59,9%

Prisonniers de Dien Bien Phu , morts en 4 mois de captivité dans les camps Vietminh : 7 801 sur 11 721, soit 72% .

 

A la mémoire de tous ces prisonniers français en Indochine, traités par le Général Giáp et le Vietminh avec la pire des cruautés.

Nous saluons aujourd’hui la mémoire de ces hommes exceptionnels et présentons nos profondes condoléances à leurs familles. Ils furent de grands patriotes et de grands soldats

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1962, les Harkis du Commando de Michel Delcayre.

A la mémoire de nos frères Harkis, sacrifiés par la France, traités par le FLN algérien avec la pire des cruautés.

Nous saluons aujourd’hui la mémoire de ces hommes exceptionnels et présentons nos profondes condoléances à leurs familles. Ils furent de grands patriotes et de grands soldats

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2013, Michel et le COL Paczka, chef de corps du 2e RIMa, photo © Philippe Delcayre

 

- Citations - 

"Jeune soldat courageux et décidé. Tireur de Fusil-Mitrailleur. S’est révélé à plusieurs reprises un combattant d’élite. Le 8 juillet 1950 dans le massif de Bao Daï (Tonkin), près de Dong Song, a neutralisé par son feu précis un poste rebelle, permettant la prise de 5 fusils. Le 15 juillet à Quai Song, s’est porté résolument à l’attaque d’une crête fortement tenue par l’adversaire. Le 29 juillet, a été magnifique de sang-froid, lors de l’opération de Kep (Tonkin) récupérant au lever du jour, par un coup d’audace 6 fusils au hameau de Ho Tong. Citation à l’ordre du régiment avec attribution de la Croix de Guerre TOE avec étoile de bronze."

"Au cours d’une opération dans la région de Tri Yen (Tonkin) le 12.1.1952 s’est accroché au terrain sous le feu concentré d’armes automatiques et de mortiers rebelles. Citation à l’ordre de la Brigade par le Général Salan."

"Chef de groupe confirmé toujours volontaire pour les missions dangereuses. S’est distingué à plusieurs reprises au cours des opérations dans les secteurs de Mani et Kumhwa (Corée). Le 17 juillet 1953 en particulier a participé à une embuscade dont les éléments étaient pris sous un violent tir de mortiers ennemis. A protégé avec son groupe des éléments amis qui comptaient un tué et trois blessés. Citation à l’ordre du régiment."

"A pu dégager son Commandant de compagnie grièvement blessé et le faire évacuer. Resté le gradé le plus élevé de la Cie, il a regroupé les survivants, effectué des contre-attaques pour récupérer les blessés et a décroché ce qui restait de la 4e Cie en organisant le combat retardateur jusqu’à l’arrivée de la nuit. Il est juste de dire que c’est le CCH Michel Delcayre qui a sauvé la 4e Cie du 1/Corée d’un anéantissement total. Combat entre PK17 et PK11, 1954, Indochine."

"Chef de groupe d’une bravoure au-dessus de tout éloge. A de nouveau fait l’admiration de tous le 24.2.1954 à la [Plantation Indochinoise de Thé, Pleiku] où faisant fonction de sous-officier adjoint d’une section de contre-attaque, tandis qu’un adversaire estimé à plus d’une Cie donnait l’assaut dans les théiers, il n’a pas hésité, pour accroître le rendement de ses tirs, à prendre lui-même un fusil mitrailleur avec lequel, tirant debout, malgré un feu intense, il a abattu plusieurs rebelles dont un tireur de fusil mitrailleur. Citation à l’ordre du corps d’armée par le Général Navarre."

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Michel Delcayre, 1950 et 2010

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux anciens d'Indochine, de Corée, d'Algérie et de tous les T.O.E.

 

 

 

 Récit biographique de soldat, guerre d'Indochine, guerre de Corée, guerre d'Algérie, OAS.

02/09/2013

Hommage au CBA Hélie de Saint-Marc, Légionnaire-para, écrivain.

 

Sans conscience, pas d'honneur.

Sans devoir d'obéir à sa conscience, pas d'honneur.

Honneur brille au drapeau avant Patrie.

Capitaine Magniez, "Sois bon soldat", 1904.

 

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Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant à 19 ans, arrêté par les nazis sur dénonciation et interné au camp de Buchenwald. Est l’un de 30 survivants d’un convoi de plus de 1000 déportés. Saint-Cyrien. Légionnaire. Guerre d’Indochine avec le 3e REI et le 2e BEP. Guerre d’Algérie avec le 1er REP qu’il commande par intérim. Entre en opposition avec la politique menée par le gouvernement. Refuse d’abandonner les français d’Algérie et les harkis. Passe 5 ans en prison avant d’être gracié. Réhabilité dans ses droits civils et militaires en 1978. Ecrivain. Prix littéraire de l'Armée de Terre Erwan Bergot en 1995 et prix Fémina en 1996 pour « Les champs de braises ». Grand-croix de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation, Croix de guerre des TOE avec 8 citations, Croix de la valeur militaire avec 4 citations, Médaille de la résistance, Croix du combattant volontaire de la Résistance, Croix du combattant, Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient », Médaille commémorative de la guerre 1939-1945, Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de Résistance, Médaille commémorative de la campagne d'Indochine, Médaille commémorative des opérations du Moyen-Orient (1956), Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord (1958) avec agrafes « Algérie » et « Tunisie », Insigne des blessés militaires (2), Officier dans l'ordre du mérite civil Taï Sip Hoc Chau. Décède le 26 août 2013.

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Ce soir-là, je regarde le journal de 20h et les chaînes d'information. Combien de secondes accordées  au CBA Hélie de Saint-Marc ? Les avez-vous comptées ?

Alors que les tambours de la guerre ne cessent de gronder, Afghanistan, Libye, Mali… Syrie. A quoi est dû ce silence assourdissant des médias ? Est-ce de l’indifférence ? Indifférence des médias seulement, ou indifférence de la France ?

Si la France détourne son regard lors du dernier voyage d'un vieux soldat, peut-elle encore regarder dans les yeux les jeunes gens qu’elle envoie combattre, pour elle, au bout du monde ? Peut-elle regarder dans les yeux la maman de Jean-Nicolas Panezyck, mort en Afghanistan ? Peut-elle regarder dans les yeux la fille d’Alexandre van Dooren, mort au Mali ?

J'écris cela sans rancœur : Sur le Net, où la parole n'est pas muselée, j'ai vu fleurir des milliers d'hommages. Mots simples de vieux soldats, certes, mais aussi de "ménagères de moins de 50 ans", de jeunes mamans, d'adolescents... Une multitude d'anonymes qui ont salué le Commandant, les yeux dans les yeux. Une France au regard franc. La vraie France.

 

« Reposez en paix Monsieur Hélie Denoix de Saint-Marc...

L’hommage que le journal télé ne vous donne pas, prenez-le de ces quelques lignes.

Merci d’avoir été.

Merci du fond du cœur. »  

Commentaire d'une jeune-femme lectrice de La Plume & L’Epée, sur notre page FaceBook.

 

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Œuvres d'Hélie de Saint-Marc

Les Champs de braises. Mémoires avec Laurent Beccaria, Ed. Perrin.

Les Sentinelles du soir, Ed. Les Arènes.

Indochine, notre guerre orpheline, Ed. Les Arènes.

Notre histoire (1922-1945) avec August von Kageneck, conversations recueillies par E. de Montety, Ed. Les Arènes

Toute une vie, en collaboration avec Laurent Beccaria, Ed. Les Arènes.

L’Aventure et l’Espérance, Ed. Les Arènes.

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Le CBA de Saint-Marc a été inhumé le 30 août dernier.

Lors de la cérémonie religieuse en la primatiale Saint-Jean de Lyon, devant  plus d'un millier de personnes rassemblées pour un dernier hommage, l'une de ses filles s'est ainsi exprimée :

"Tu as préféré l'honneur aux honneurs".

 

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Un homme doit garder la capacité de résister, de s'opposer, de dire "non". Ensuite, il n'a pas à s'excuser. Trop d'hommes agissent selon la direction du vent. Leurs actes disjoints, morcelés, n'ont plus aucun sens. 

CBA Hélie de Saint-Marc

 

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"Le dernier saut du para" 

Dessin publié sur la page FB des « amis d’Hélie de Saint-Marc »

 

«J’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan. J’ai choisi la discipline, j’ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la nation française la honte de l’abandon. Ceux qui comme moi ont vécu, ont combattu en Afrique du nord ressentent davantage cette honte, mais j’espère que beaucoup de Français qui se renseignent la ressentent également et je pense que ceux –là garderont quelque indulgence pour  celui et pour ceux qui n’ont pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle. 

L’Histoire dira peut-être que leur crime fut moins grand que le nôtre ».

Général de Pouilly, déposant au procès du Général Salan.

 

 

 

 

  Livres, commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, 1er REP