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15/11/2019

« Entre mes hommes et mes chefs – Journal d’un lieutenant au Mali », CNE Sébastien Tencheni, EEI 2/12e Cuirs, éd. Lavauzelle

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

« Il est plus beau d’éclairer que de briller »

Saint Thomas d’Aquin

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EEI 2 - Escadron Leclerc

Ça y est, me voilà parti avec mes hommes, dans l'immensité du désert et tel un oiseau, je déploie mes ailes, formant un V inversé avec mes VBL. Quelle magnifique sensation de liberté au milieu de cet océan de sable. Des paysages tellement différents défilent sous mes yeux : le sable fin d'un jaune éblouissant laisse la place à une terre noire et d'un coup, on se croirait au pied d'un volcan, la chaleur aidant mes pensées à s'évaporer. Puis, en un instant apparaissent des arbres, des petits nuages de verdure au milieu de ce ciel jaune, nuages grignotés par des troupeaux de dromadaires et enfin le campement, petit à petit, se dévoile derrière les vagues de chaleur. Le chef de peloton reprend la place qu’il avait laissée un moment à ce visiteur du ciel, car la mission prime sur l’évasion.

Mali, 1er Juin 2014

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La [Force de réaction rapide] est mise en alerte, car un Mirage 2000 risque de se crasher dans la région de Gao. Je sais que tout est prêt, que chacun de mes hommes est au courant, mais l'excitation monte tout de même, comme avant tout départ en mission. C'est assez bizarre comme sensation : il y a un mélange de peur, due aux responsabilités et aux risques, et d'envie d'aventure, de découverte. Cette sensation vous prend le bas du ventre, des nœuds se forment, une sorte de mal-être apparaît, mais il est rapidement compensé par un cœur qui bat la chamade et vous rend impatient. Vous n'attendez qu'une seule chose : un ordre de départ.

9 juin 2014

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J'avais convenu de récupérer des cartons de rations (…) Ce petit transfert m'a permis de voir un fait de comportement que la psychologie sociale pourrait étudier : l'effet d'une femme dans un environnement d'hommes. Alors que mes hommes transportaient les cartons un par un, tout en traînant les pieds à cause de ce travail fastidieux que je leur ordonnais d'effectuer, voilà qu'un personnel féminin du détachement des transmissions, qui plus est charmant, arrive ; je vois tout d'un coup mes jeunes éclaireurs rouler les manches de leur t-shirt jusqu'aux épaules, faisant paraître leurs biceps, porter maintenant deux cartons et avoir un grand sourire sur leur visage à chaque passage devant leur nouvelle motivation. Il a fallu que je remercie donc cette personne d'avoir permis d'accélérer cette manœuvre logistique…

19 juin 2014

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Qu'il est difficile de se forcer à rester à sa place, de voir les autres personnels aider à soulever ce VBL, à extraire le blessé. Mais il le faut lorsqu'on est chef. Si je m'en vais, qui commandera le peloton ? Qui donnera des ordres de sécurisation de site ? Qui rétablira le dispositif de mes VBL si la situation change ? Qui donnera des ordres d'ouverture de feu si nous nous faisons attaquer ? Etre chef peut paraitre parfois dur. Peut-être les hommes me voient-ils comme un chef indifférent, sans compassion ? Il faut cependant faire avec. C'est dans ces moments-là que l'on comprend ce que l'on appelle la solitude du chef. Sentiment difficile à supporter, mais nécessaire pour mener à bien des hommes.

16 juillet 2014

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« Entre mes hommes et mes chefs - Journal d'un lieutenant au Mali », par le CNE Sébastien Tencheni, EEI 2/12e Cuirs.

Très sympathique journal de marche d'un jeune officier, témoignage inédit sur les missions d'un escadron d'éclairage et d'investigation sur VBL, au Mali et Niger en 2014, beaucoup de liberté dans le propos, envers ses chefs, ses hommes, la France...

Lecture vivement recommandée.

Aux éditions  Lavauzelle, 21€, disponible ici

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Avec le capitaine Sébastien Tencheni au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2019.

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L’Escadron d’éclairage et d’investigation de la 2e Brigade blindée / EEI 2 est l’héritier des traditions de l’Escadron de Protection du Général LECLERC, créé à Témara au Maroc en 1943 en même temps que la 2e Division blindée.

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Hommage

A l’ADC Dejvid Nikolic, 1er REG, mort pour la France au Mali pendant le déploiement du CNE Tencheni,

A tous les morts pour la France dans la bande Sahélo-Saharienne,

Aux blessés,

Aux victimes du crash au Mali du vol 5017 d’Air Algérie le 24.7.2014.

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Nous nous arrêtons une première fois à l'ouest de Bourem pour déjeuner et pour changer une roue du VBL d'Azur 10. Il a également eu une panne avant l'arrivée en ville. Serait-il devenu le nouveau Murphy ? Nous reprenons la route et je croise de nouveau ces paysages magnifiques et encore une fois, je repense à ma lecture de Terre des hommes et posant les yeux vers le ciel, je vois le pilote Saint-Exupéry au-dessus de moi, avec son avion de l'aéropostale, en train de battre des records afin de relier les hommes. Je suis dans son ombre, même vitesse, même destination, même route. Tout comme lui, périodiquement, je regarde ma carte, ma boussole, ma jauge carburant. Tout comme lui, je me repère en gardant le fleuve Niger sur ma gauche, avançant le doigt sur ma carte à chaque traversée de village. Tout comme lui, j'admire ce paysage alternant les dunes, les broussailles, les arbustes, puis les baraques, les troupeaux, les hommes. Tout comme lui, nous apportons de l'espérance aux hommes, lui, en les libérant de leur isolement, transmettant les nouvelles de la Terre ; nous, en les libérant du joug djihadiste, assurant la protection bienveillante de la France.

Capitaine Sébastien Tencheni

 

 

 

 

 

 

16/10/2019

Littérature militaire, rentrée 2019

 

Rentrée milittéraire en fanfare, portée par une multiplication des salons et des soirées rencontre/dédicace, ce qui n’est pas pour nous déplaire ! Dans ce sympathique contexte, revenons sur nos belles rencontres et retrouvailles, lors des salons portés par l’Institution, via la Délégation au Patrimoine de l'Armée de Terre (DELPAT), le Pôle Rayonnement de l’Armée de Terre (PRAT), le Service Historique de la Défense (SHD), aux Invalides, à l’Ecole Militaire, au Fort de Vincennes ; par des éditeurs, notamment Nimrod, Louis de Mareuil et Pierre de Taillac ; ou encore du fait d’initiatives de vétérans, comme le salon de l’Ecrivain-Soldat ou du Mémorial de l’OTAN…

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Débutons par une jolie découverte : « Le choix de l'engagement - Vingt-cinq ans au service de la nation », ouvrage collectif des Saint-Cyriens de la promotion CBA de Cointet (91/94), représentés ici par le Colonel Jean-Hervé L'Hénaff et le Lieutenant-Colonel Marcel Joussen-Anglade. Quelle bonne idée que ce livre, chaque coauteur ayant abordé, avec son ressenti, sa vision et son style propre, la notion d'engagement. C’est original et très intéressant. Ajoutons que ce fût une belle rencontre.

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Le livre étant auto-édité par la promo, nous contacter pour mise en relation.

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Avec le Capitaine Guillaume Malkani, 6e RMAT, excellent camarade et bel ambassadeur de l'arme du Matériel. Nous avons abordé ses deux livres « Par l'ardeur et le fer – Paroles de soldats-maintenanciers » et « L’idéal de Jean Lartéguy », ici.

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Scoop : un 3ème livre est en gestation, sur un sujet qui nous plait *beaucoup*…

L’actualité de Guillaume peut être suivie sur ses pages FaceBook ici et .

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Grégoire Thonnat, auteur de la très successful série des « Petits quizz » et le Colonel Cyrille Becker, 13e BCA, à qui l'on doit deux très beaux historiques sur les bataillons de Chasseurs et les origines de l'alpinisme militaire, tout ceci aux Éditions Pierre de Taillac.

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P1000244.JPGAvec le grand camarade Légionnaire Victor Ferreira, que l'on ne présente plus.

Ses trois beaux livres-photos ont été abordés sur le blog : « La Légion dans la peau », « Légionnaire », « Démineur ». Suivez les liens pour découvrir son travail.

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Avec Jean-Pierre Hutin, notre Léopard de Bigeard préféré J.  Nous avons abordé son premier récit sur la guerre d’Algérie, « Les enfants de Sidi-Ferruch », ici. Il est revenu sur ses campagnes dans « Bigeard Boys – Sous la casquette, la démesure », dans un style moins « célinien » que pour son premier opus (ledit style pouvant quelque peu déconcerter) (sachant que nous, nous avions adoré…). A noter aussi un roman, « Quand le Malin s’en mêle », largement inspiré par le monde militaire et la vie de Jean-Pierre en Afrique.  

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« Bigeard Boys » aux éditions Dualpha, disponible ici et « Quand le Malin s’en mêle » chez Au Pays Rêvé, .

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Fort sympathique rencontre au salon de l’Ecrivain-Soldat de Peymeinade : le marsouin Gérard Gibelli, RICM, avec lequel nous avons longuement échangé sur son récit sur sa guerre d’Algérie, « Du sable dans les yeux ».

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Livre autoédité ; nous contacter pour mise en relation avec l’auteur.

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Avec l’Adjudant-Chef (er) Philippe B alias Aton et le Major (er) Jean-Luc Riva, auteurs de l’indiscutable succès de l’année – en clair un best-seller : « GIGN, Confessions d'un Ops » aux éditions Nimrod. Nous ne pouvons que vous conseiller d’aller à la rencontre de Philippe et Bruno, l’échange vaut le coup. Suivre le tour de France des rencontres/dédicaces sur la page du livre ici ou celle de Nimrod .

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Nous avons abordé le livre ici

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Soirée dédicace de « Femme de policier d’élite » organisée par les éditions Louis de Mareuil ; de droite à gauche : Mmes Véronique Fauvergue, Catherine Salinas et Caroline de Juglart.

Alors que la parole des militaires et policiers s'est largement libérée, celle de leurs proches reste très limitée. Nous avons donc accueilli avec plaisir ce récit de Mmes Fauvergue et Salinas, respectivement épouses des anciens chef du RAID et n°2 de la BRI. D'autant qu'elles s'y livrent en toute transparence, tant sur leur parcours familial largement impacté par la carrière des messieurs, que sur l'angoisse vécue lors des attentats de 2015, les deux maris en première ligne...

Nota : lors de notre discussion à la soirée de lancement du livre, Mmes Fauvergue et Salinas ont été quelque peu surprises que nous les considérions, elles aussi, comme des "combattant(e)s". Nous le maintenons : sans base arrière solide, sans soutien, sans logistique, sans services, pas d'opération. Or il est clair que ces deux sympathiques dames, comme bien d'autres conjointes, conjoints, parents... ont mené avec courage et abnégation leur "mission" de soutien.

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Chez Louis De Mareuil Editions. Disponible ici

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Retrouvailles avec la LTN (r) Aude Nicolas, auteur d'une biographie définitive sur Général Lasalle, prix des cadets 2019, accompagnée de son éditeur Bernard Giovanangeli. Nous en avons parlé ici.

Aude présentait en outre l’imposant « L’art et la bataille – Les campagnes d’Italie 1800 et 1859 », en l’occurrence sa thèse.

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Pour les fans de l’Empire, les deux livres sont disponibles sur le site des éditions Bernard Giovanangeli ici.

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Avec mon cousin (y a-t-il une ressemblance ? J) Joël Broquet, cofondateur du Partenariat Eurafricain, directeur de la revue « Vivre l'Histoire Ensemble ! » et Jean-Paul Gourevitch, essayiste, connu pour ses études sur les migrations, l'Afrique, l'islamisme radical. Ils œuvrent depuis plusieurs années pour sauvegarder la mémoire des combattants africains, notamment des Tirailleurs sénégalais, au travers d'une jolie exposition itinérante accompagnée de conférences, ainsi que d'un livre très bien illustré « Les forces noires africaines, avant, pendant et après la Grande Guerre ». Nous contacter pour mise en relation.

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« Les forces noires africaines, avant, pendant et après la Grande Guerre », paru aux éditions SPM et disponible ici

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Le CDT Julien Monange présentait ses deux derniers ouvrages aux sujets originaux : « Arcanes et tranchées », qui allie réalité historique et poésie, et « La légion arabe de 1917 », histoire peu connue d'une force composée de volontaires bédouins et levantins, prisonniers ou déserteurs ottomans, venant en appui des colonnes tribales de l'émir Fayçal et du Colonel Lawrence contre les Turcs.

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« Arcanes et tranchées » publié aux sympathiques éditions Energeia, disponible ici ; « La légion arabe de 1917 » chez CNRS éditions, .

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Notre camarade réserviste citoyen CDT (rc) Pierre Couesnon, accompagné pour l’occasion par le Général La Fayette J, qui œuvre activement pour la conservation de la mémoire de la Poste aux Armées au travers de l’Amicale des anciens et  un historique « Le service postal dans les armées – 1968-2010». Les médias ont changé mais quel soldat n’attend pas avec impatience et espoir, encore aujourd’hui, le vaguemestre et sa lettre ou son paquet rayon-de-soleil ?

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Pour vous procurer ces livres, nous vous invitons à vous rapprocher de l’Amicale de la Poste aux armées ici.

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Le bien connu Henri Weill, journaliste et écrivain, fils de légionnaire, qui présentait son dernier opus, qui est aussi son premier roman : « Moi, Oscar Ziegler, dernier compagnon de la Libération ».

Nous sommes en juin 1940 à Bordeaux, Oscar Ziegler a quitté l’adolescence mais n’a pas encore atteint l’âge adulte. Il pense aussi avec intérêt aux filles qu’il désire sans oser les aborder. Il a des sentiments de jeune homme. Mais le 17 juin, l’ordinaire s’effondre... Le maréchal Pétain annonce à la radio qu’il demande l’armistice. Avec deux amis, qui comme lui ne peuvent envisager la défaite, Oscar choisit de poursuivre le combat. Mais où et comment ?...

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Paru chez Louis De Mareuil Editions et disponible ici

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Et pour conclure, un clin d’œil : nous ne résistons pas à partager une belle rencontre, totalement fortuite, avec un certain SLT Chasseur-alpin, « accessoirement » 11 fois champion du monde et 5 fois médaillé d'or olympique... Tout le monde aura connu notre star nationale Martin Fourcade.

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Souvenir des JO d’hiver 2018 posté sur notre page FaceBook, SLT Martin Fourcade, SGT Pierre Vaultier, CCH Anaïs Bescond, CPL Simon Desthieux et 1CL Richard Jouve.

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07/06/2019

« Médecin en Afghanistan », MC Etienne Philippon, SSA, OMLT 3-Kandak 2, éd. Lavauzelle

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Mari transve mare, pro patria et humanitate, hominibus semper prodesse.

Sur mer et au-delà des mers, pour la Patrie et l'Humanité, toujours au service des Hommes.

Devise de l'Ecole de Santé des Armées

 

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Tous, nous savons que la vie est précaire ici. Nous sommes tous face à notre destin, à la fatalité. En faisant mes derniers préparatifs, j'ai l'étrange sensation, certainement comme mes camarades, de penser, comme avec un voile noir, à l'éventualité cruelle de ne jamais ranger à nouveau mes affaires au retour, tant ce retour est incertain. La sensation est particulière en fermant la porte de mon box. Le mot « servir », que beaucoup ont oublié, nous a réveillés cette nuit. Je pense très fort à ma femme.

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Mentoring médical par le MP Philippon

En arrivant au poste médical de Tora, Thomas me dit qu'ils viennent d’évacuer un militaire qui, étant gunner arrière du dernier VAB, s'est pris une balle très superficiellement dans le haut du thorax, à trois cent vingt mètres de l'entrée de la FOB. L'axe est pourtant sûr et surveillé et jamais aucune attaque n’a eu lieu à ce niveau. Le tireur isolé a été vu par la victime, mais trop tardivement. Il pourrait s'agir, d'après ce qui se dit, d'un individu voulant régler un compte à la force française. D’après l'hôpital, où le gars a déjà été pris en compte, c'est bien une balle de 7.62 qui s'est fichée tangentiellement entre la Frag et l’épaule du sacré chanceux. La balle sera retirée sous simple anesthésie locale.

Je constate alors que deux heures après l'incident, c'était moi qui, passant au même endroit, était gunner arrière de mon VAB SAN, dernier VAB de notre petit convoi.

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Soldats français et afghans, opération Snakes’nest, mars 2011. Issue du reportage du Ministère des armées ici. Crédit EMA. 

Nous nous suivons à travers champ, le long d'un muret qui nous arrive au genou. Pascal est derrière moi. Nous sommes en queue de colonne ; quelques soldats afghans nous suivent. C’est le début de l'après-midi, le soleil est resplendissant. Le silence est parfait, les hélicos ne sont pas en Bédraou. Un sentiment de sérénité, de balade du dimanche après-midi et d'abandon m’envahit, sentiment rapidement estompé par mes douleurs musculaires et articulaires. Mais désormais chaque pas me rapproche du Chinook de ce soir. Je récite spontanément un « Je vous salue Marie », en écho à ce bonheur qui me prend. Cette satisfaction est mélangée à une anxiété enfouie. Brutalement, plusieurs rafales claquent.

Opération Snakes’nest, mars 2011

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MP Etienne Philippon

La vie est belle après la bataille. C’est la joie de respirer tranquillement. Je constate que, comme parfois ceux qui sortent des hôpitaux, plus on est passé proche de la mort, plus on a le sens de la vie. Drôle d’euphorie. La minute présente, écrasée jusque-là entre le passé lourd de danger et l'avenir redoutable, cesse d'être toute petite. Les minutes semblent remplir tout le temps de leur plénitude, comme l'espace de notre popote parait avoir l'immensité du monde.

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« Médecin en Afghanistan – Journal de marche d’un médecin militaire ordinaire en opération extérieure »

Très intéressant journal de marche qui complète magnifiquement la bibliothèque des Afghaners par la vision d’un jeune « doc » : le Médecin en chef (LCL) Etienne Philippon, Service de Santé des Armées, par son récit intime et très bien mené, nous éclaire sur la mission d’un médecin de terrain, mais aussi sur le « mentoring » ; il a en effet été intégré lors de son déploiement en 2010-2011 à l'OMLT 3, 56 soldats essentiellement du 4e RCh, ayant pour mission d’encadrer, former et appuyer sur le terrain un bataillon afghan, le Kandak 2, 3e Brigade, 201e Corps de l’Armée nationale afghane (ANA).

Nous en profitons pour saluer respectueusement l’engagement et l’abnégation des hommes et des femmes du Service de Santé, médecins, infirmiers, sans oublier les auxiliaires sanitaires des antennes médicales, des régiments et du Régiment médical.

Aux éditions Lavauzelle, disponible ici

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Avec le MC Etienne Philippon, salon des Ecrivains-Combattants 2016 et Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2018

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Hommage

Au MED Marc Laycuras, SSA, mort pour la France au Mali le 2 avril 2019,

A tous les médecins, infirmiers du Service de Santé des Armées,

Aux auxiliaires sanitaires des antennes médicales, des régiments et du Régiment médical.

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L’OMLT 3 – Kandak 2. MP Philippon 5e à partir de la gauche.

Il fait frais la nuit et l'excitation du retour m’a sorti de mon lit Picot à 4h30. Toute l’OMLT dort encore profondément. Après une bonne douche chaude, je me mets à marcher dans le camp sans croiser grand monde, alors que le jour se lève. Une sensation d’euphorie et de corps léger me prend. J'ai l'impression de ne rien avoir oublié ce mandat. Tout ce que j'ai vécu s'est gravé dans ma mémoire. Ce stratagème de mon inconscient vient peut-être du fait de l'omniprésence du risque. Comme j'ai naturellement craint la mort en Afghanistan, le désir de vivre pleinement est maintenant plus fort que tout, même sans avoir le moyen ici et aujourd’hui de pouvoir l’assouvir. C'est vrai, je ne me suis jamais senti aussi vivant qu’aujourd'hui, ou peut-être n’ai-je jamais ressenti l’envie de vivre aussi intensément.

MP Etienne Philippon, Kaboul, avril 2011.

 

 

 

 

 

09/05/2019

« Jonquille – Afghanistan 2012 », CBA Jean Michelin, 16e BCP, éd. Gallimard

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Compagnons, 

j'ai voulu vous parler de ces choses

et dire en quatre mots pourquoi je vous aimais.

Lorsque l'oubli se creuse au long des tombes closes,

je veillerai du moins

et n'oublierai jamais.

 

Capitaine Emmanuel de Borelli

 

 

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L'opération s'est bien passée, sans incident. Le soleil se couche paresseusement, mais l’air est encore lourd et je sens un goût de sel et de poussière sur mes lèvres. Un de mes soldats traverse le parking en traînant les pieds. Il porte négligemment sa mitrailleuse sur l’épaule, accentuant une démarche chaloupée. Son visage est couvert de poussière et de sueur, ses chaussures sont sales. Il semble peiner sous le poids d'un gilet pare-balles presque trop grand pour lui. Sa musette est entrouverte et pendouille mollement sur son dos. Dans son cou, on voit dépasser un tatouage approximatif. 

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Photo extraite d’un reportage de l’AFP sur le 16e BC en Afghanistan, 2012. A voir ici

Je le connais bien, je l'ai parfois puni pour des bêtises sans gravité, des retards, une bagarre à la sortie d’un bar le samedi soir. C'est une tête de mule, distrait, maladroit, parfois indiscipliné. C'est aussi un type souriant, rustique, plus à l’aise sur le terrain que dans une salle de cours. Un Jeune soldat, un engagé volontaire comme il en existe beaucoup mais aussi une personne avec un nom, une histoire. Lorsqu'il passe à ma hauteur, il me sourit discrètement et je hoche la tête en réponse.  Il a les traits tirés.

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Un peu plus loin, j'aperçois un groupe d'officiers de l'état-major de la brigade. Ils rentrent de l'Ordinaire et vont retourner à leur poste, certains devant sans doute prendre le quart pour la nuit. Les tenues sont impeccables, les allures sportives et élégantes, les coupes de cheveux millimétrées. Mon petit gars arrive à leur hauteur et se fige dans un garde-à-vous exagérément raide. Les officiers saluent. Il n'est pas très beau mon soldat, mais il redresse la tête, tire imperceptiblement les épaules vers l'arrière pour bomber son torse maigre, puis reprend son chemin en roulant exagérément des mécaniques.

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A cet instant précis, il marche comme si la base toute entière lui appartenait. Il marche avec la fierté d'un César vainqueur. Il marche seul, superbe, immense pour un instant. Peut-être que je l'ai imaginé, mais il y a eu du respect dans le regard des officiers ; un soupçon d’envie même. Il est 18 heures, la fin d'une journée ordinaire, la routine terrifiante d'un été en Afghanistan, et pendant une seconde, mon petit soldat avec sa mitrailleuse sur l’épaule est devenu le centre du monde.

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« Jonquille – Afghanistan 2012 » par le Chef de bataillon Jean Michelin.

La collection « blanche » de Gallimard, s'il vous plait, aux côtés des Hemingway, Camus et autre Céline… voici un livre qui n'était pas passé inaperçu à sa sortie. Une plongée dans la vie de la compagnie « Jonquille » (du nom d'une couleur de tradition des Chasseurs) du 16e BCP en Afghanistan en 2012, époque du désengagement français, au travers de la vision de son jeune commandant.

Alors bien sûr, d'aucuns diront que notre affection revendiquée pour les Chasseurs à pied en général et du 16 en particulier, et le fait de retrouver au fil des pages bien des amis (ou a minima des connaissances), pourraient, un chouïa, influencer notre jugement. Nous avons aussi conscience que certaines parties ont pu agacer des camarades. Reste que nous avons trouvé ce livre remarquablement écrit, ce qui en fait, dans notre esprit, l'un des très beaux récits sur la guerre d’Afghanistan.

Prix des Cadets 2018, prix de l'UNOR 2018, mérités.

Aux éditions Gallimard.

Disponible partout.

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Salon du Livre 2019, conférence (de gauche à droite) de Nicolas Mingasson & CNE Mathieu Fotius, auteurs de « Pilotes de combat » abordé ici, CBA Jean Michelin, COL Gilles Haberey (en direct du Mali), auteur de nombreux livres dont récemment « Engagés pour la France : 40 ans d'OPEX, 100 témoignages inédits » avec le LCL Remi Scarpa, aux éditions Pierre de Taillac.

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Avec le CBA Michelin, février 2019.

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Hommage

MAJ Thierry Serrat, GIACM,

ADC Franck Bouzet, 13e BCA,

ADJ Stéphane Prudhom, 40e RA,

MCH Pierre-Olivier Lumineau, 40e RA,

BCH Yoann Marcillan, 40e RA,

morts pour la France en Afghanistan pendant le déploiement du Battle Group Acier,

à tous les morts en Afghanistan,

aux blessés,

à leurs proches.

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Avec Mme Lumineau, maman de MCH Pierre-Olivier, à Saint-Cyr Coëtquidan, 2017.

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« Codex » par Radiohead 

Greg faisait l’idiot, Mathieu faisait mine de s'énerver, je prenais un air faussement patriarcal en tâchant d'arbitrer les querelles, puis la conversation mourut doucement. Les premiers accords de piano de Codex résonnèrent dans la nuit et comme à chaque fin de mission depuis plusieurs mois, le temps se figea. Nous fumâmes gravement, l’œil perdu dans l'horizon lointain, et lorsque ce fût terminé, sans que nous n’échangions un mot, lorsque, soulagé et triste, je me levais pour enfiler mon treillis propre, mon treillis du retour à la maison, lorsque nous eûmes éteint nos cigarettes et coupé le son de l'ordinateur, lorsqu'il n'y avait plus rien à ajouter à cette histoire, j'échangeais un regard brillant avec Greg et Mathieu, et je sus que j'étais prêt.

CBA Jean Michelin

 

 

 

 

17/02/2019

« Bernard Dargols, un GI français à Omaha Beach », Caroline Jolivet, éd. Ouest-France

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

Nous devons toujours prendre parti.

La neutralité aide l'oppresseur, jamais la victime.

Elie Wiesel

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Nous pensions être les premiers à toucher la plage. Prendre l'ennemi par surprise, c'était ce que j'espérais, non pas par bravoure, mais pour avoir ainsi plus de Chance de nous en sortir. Mais au fur et à mesure que nous contournions le Pays de Galles se sont agglutinées autour de notre bateau dix, cent et même plusieurs milliers d'embarcations, d'autres Liberty Ships, mais aussi de petites barques et des navires de guerre immenses. Ce spectacle était incroyable. Comment pouvions-nous, si nombreux, ne pas être repérés par l'ennemi ? Je redoutais que les Allemands, cachés dans leurs casemates où tout l'horizon leur était bien visible, ripostent en conséquence à notre arrivée. J'avais cependant la sensation étrange que si, par chance, je réussissais à mettre un pied sur le sol français, je finirais par m'en sortir.

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Bernard Dargols devant sa Jeep « La Bastille ». Archives familiales Dargols, droits réservés.

La barge avança vite puis s'arrêta. Elle s’approcha lentement de la côte. Nous attendions les nouveaux ordres. Encore une demi-heure s'écoula avant que l'immense rampe à l'avant ne commence à se déployer vers la plage, trente minutes qui parurent interminables, durant lesquelles nous étions coincés dans cette soute inondée par le bruit incessant des bombardements et d’où on ne voyait rien. L’idée de revenir en France et surtout l’espoir de revoir ma famille après l’avoir quittée six ans me submergeait.

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Photo publiée dans la presse américaine. Au centre Bernard Dargols, à gauche Marie-Jeanne Brossard qu’il retrouvera bien des années plus tard. 15 juin 1944, Cerisy-la-Forêt

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Nous reprîmes la route vers Brest. Notre convoi ne passait pas inaperçu. Les enfants étaient fous de joie, déchaînés, dansaient et chantaient. Les hommes levaient le bras et formaient le V de la victoire, d'autres saluaient, d'autres encore nous tendaient des verres de vin ou de cidre, et les femmes et les jeunes-filles criaient, hurlaient, « Vive l'Amérique ! Vive l'Amérique ! », nous envoyaient des baisers et nous jetaient des fleurs. Je croyais rêver.

***

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Voici le récit d'un parcours exceptionnel : en 1939, Bernard Dargols, jeune parisien, est en stage à New York lorsque la guerre éclate. De confession juive, sa famille restée en France est évidemment en grand danger. Son père et ses frères arrivent à fuir la France occupée, mais sa mère, ses grands-parents, restent à Paris. Bernard décide dès lors de s'engager dans l'armée américaine. Sous-officier de la Military Intelligence Service, il débarque en 1944 en Normandie et sert au sein des renseignements militaires de la 2e Division d'infanterie US « Indian Head ». Parcourant l'avant-front, collectant des informations sur les troupes allemandes auprès des Français, il participe à la libération de la Normandie, de la Bretagne et des Ardennes.

Ecrit en collaboration avec sa petite-fille Caroline Jolivet. Livre très réussi, de nombreuses photos issues de la collection familiale, une belle œuvre de mémoire intergénérationnelle. A lire !

Aux éditions Ouest-France, disponible ici. 14€.

Une version anglophone et augmentée a été publiée par Pen & Sword Military en 2018, disponible ici. £19.99.

Une version "audio" est en cours d'élaboration.

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Avec Bernard Dargols et sa petite-fille Caroline Jolivet lors de leur conférence à Rocquencourt en 2015.

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Hommage

Aux soldats de l’Indian Head,

A tous les combattants du jour J et de la Libération,

A toutes les victimes, civiles et militaires, du régime Nazi.

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Novembre 1944, Bernard Dargols au siège du Counterintelligence Corps, place de l'Opéra. Archives familiales Dargols, droits réservés.

Il n'y avait quasiment pas de circulation automobile dans Paris, du fait de la rareté de l'essence. Je m'apprêtais à partir pour aller voir mon copain Max. Ma mère m'a dit : « Fais attention en traversant la rue » en refermant mon col pour que je ne prenne pas froid. Moi qui venait de participer au Débarquement.

 

 

 

 

 

14/03/2018

« Journal d’un reporter militaire - 10 ans d'opérations à travers l'objectif », ADJ Sébastien Dupont, ECPAD, Armée de l’Air, éd. de la Flèche

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Si tes photos ne sont pas assez bonnes,

c’est parce que tu n’es pas assez près.

Robert Capa

 

Quelques grognons voient en la « photo militaire officielle » un pur outil de propagande… C’est troublant : Quel serait leur sentiment si l’armée ne publiait aucune image de ses opérations ?

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Evidemment, nous ne partageons pas cette opinion. Nous adorons ces photos, si importantes pour le lien « Armée-Nation ». Et cela va même au-delà : certaines d’entre-elles, n’en déplaise, ont rejoint le panthéon de l’art.

Mais que savons-nous des hommes et des femmes de l’ECPAD, des SIRPA, cachés derrière leurs objectifs ? Pas grand-chose, il faut l'avouer.

Voici un livre qui change la donne ; une plongée inédite dans la vie d'un "soldat de l'image", l’ADJ Sébastien Dupont.  Il était, il est vrai, idéalement placé pour prendre la parole au nom de tous ses camarades photographes, vidéastes, reporters militaires : son parcours est impressionnant, de la prise d'otage du Ponant au large des côtes somaliennes, à la charge héroïque au Mali, en passant par les sanglantes embuscades afghanes.

Gardons enfin en mémoire que dans "soldats de l'image", il y a avant tout "soldats" et qu’ils partagent tous les risques du combattant. Nos pensées vont dès lors vers le Sergent Sébastien Vermeille, photographe du SIRPA-Terre, mort en Afghanistan.

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© Sébastien Dupont/ECPAD

Je commence mon intégration. Cela veut dire des prises de contact tout en douceur et bien sûr sans appareil photo. Pas facile, ici tout le monde se connaît, une nouvelle tête est vite repérée. J'explique pourquoi je suis là parmi eux, quelle sera l'utilisation des images mais aux mots « communication », « appareil photo », « vidéo », « média », les visages se ferment et les bouches se taisent. Et je ne parle pas de réseaux sociaux d'Internet : ici, ce sont de véritables gros mots. Les Forces Spéciales ont été nourries dès le biberon à la Secops, « la sécurité des opérations ». Keep your secret, secret.

Mali

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© Sébastien Dupont/ECPAD

Avant que la colonne ne reprenne la route, j'en profite pour faire des images au plus près de la réalité du terrain, comme celles des gars qui se rasent devant les rétros de leurs véhicules, ou encore le café que l'on fait chauffer dans le quart. Rien de sensationnel au sens journalistique du terme, mais des tranches de vie que nous partageons depuis des semaines, tous grades et toutes fonctions confondus. La vie du soldat en zone de conflit et aussi ponctuée de scènes ordinaires.

Mali

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© Sébastien Dupont/ECPAD

Le convoi s’arrête. Un VLRA s’est à nouveau ensablé. Je débarque et photographie les gars qui dégagent à grands coups de pelle le sable autour des roues pour placer des plaques de désensablement. Le désert ne se laisse pas dompter facilement. Parfois, je laisse de côté mes appareils et, sans qu'on me le demande, je manie à mon tour la pelle et les plaques surchauffées par le soleil. Dans certaines situations, il est plus important de donner un coup de main que de faire des Images. C'est aussi de cette manière qu'on se fait accepter.

Mali

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© Sébastien Dupont/ECPAD

C'est l'embuscade ! Les tirs s’intensifient. On est pris à partie de face et sur le flanc. Il faut absolument rompre le contact et se replier vers les VAB avant que les insurgés ne réussissent à s’imbriquer dans notre dispositif (…) A l'aide de leurs lunettes de tir, certains tentent de repérer les positions ennemies. Je vais les aider à ma manière : je positionne l'appareil photo sur le muret qui nous protège et je fais une série d'images à la volée. Je zoome ensuite sur l'écran où l'on distingue à moins de cent mètres des fenêtres d'où pourraient être postés les Talibans.

Afghanistan

Vidéo de Sébastien Dupont/ECPAD

« On se replie ! On se replie ! Go ! Go ! Go ! ». Une roquette anti-char va être tirée, histoire de calmer le camp d'en face. Le coup est lâché, une vague de poussière est soulevée et s’engouffre vers nous (…) Je me replie avec les premiers, le boitier calé à la hauteur de la poitrine et l'index sur le déclencheur...

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Autoportrait. © Sébastien Dupont/ECPAD

Ce soir, le désert, la poussière et l'adrénaline ont laissé place aux salons feutrés de la résidence personnelle du CEMA. Une réception « petits fours et Champagne » où se retrouvent de hautes, très hautes autorités civiles et militaires. Vêtu d’un costume sombre, j’évolue de manière discrète entre les invités et les photographie flûtes de Champagne à la main, tout en gardant un œil sur le maître des lieux. A tout moment, il peut vouloir une photo particulière et je dois répondre présent. Je regarde la scène qui se déroule sous mes yeux et je pense qu'il y a encore deux semaines je dormais par terre dans la brousse au fin fond de l'Afrique. Étrange Sensation.

Paris

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0 17052016_PERSO.jpgFormé à l’Ecole d’Enseignement Technique de l’Armée de l’Air, Sébastien Dupont intègre comme photographe en 2005 l’ECPAD (Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense). Pendant 8 ans, il multiplie les OPEX, déployé 12 fois, dont en Somalie où il couvre la libération des otages du Ponant, 4 fois en Afghanistan, 2 fois au Mali ou aux EAU (Opération Chammal contre l’Etat Islamique)… Il rejoint ensuite la cellule communication de la BA 126 en Corse et vient d’être muté au Centre de Recrutement de l'Armée de l'Air de Montpellier. A son actif, plusieurs milliers de photos et de vidéos, l’imposant comme un des photographes majeurs des opérations menées par l’Armée française.

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Avec Sébastien Dupont, garçon bien sympathique, à l’enthousiasme communicatif, aux Salons des Écrivains-Combattants et du Livre de Paris 2017.

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« Journal d’un reporter militaire - 10 ans d'opérations à travers l'objectif », ADJ Sébastien Dupont, ECPAD, Armée de l’Air

ISBN 978-2955837207 – Prix 22,90 € - Format 24x16, 244 pages.

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Aux éditions de La Flèche

Disponible ici.

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L’ADJ Sébastien Dupont reçoit des mains du GAL Le Talenet le prix littéraire « Capitaine Thomas Gauvin » de l’association des Ecrivains-Combattants. Novembre 2017, mairie du XV°.

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Hommage

Au SGT Sébastien Vermeille, SIRPA-Terre, mort pour la France en Afghanistan,

A tous les photographes, vidéastes, reporters des Armées, morts pour la France, mort en service commandé,

A Yves Debay, mort en Syrie,

A tous les photographes, vidéastes, reporters civils, morts en zone de combat,

Aux blessés,

A leurs proches.

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© Sébastien Dupont/ECPAD

J’ai essayé d’être en osmose avec ceux que je photographiais, de faire un travail plus humaniste qu’artistique, même si la qualité graphique de l’image fait partie de sa force et de son impact dans les mémoires (…) La photo n’est finalement pour moi qu’un moyen de me rapprocher de ces hommes et de ces femmes, de les comprendre, de leur donner, en quelque sorte, la parole. Si mes images ont été là pour traduire leur message, je n’aurai pas été totalement inutile.

ADJ Sébastien Dupont

 

 

 

 

 

 

27/01/2018

« Par l'ardeur et le fer - Paroles de soldats maintenanciers », LTN Antoine-Louis de Prémonville, 7e RMAT ; LTN Guillaume Malkani, 6e RMAT ; LTN Pierre-Ange Paninforni, 54e RA, 4e RMAT, 25e RGA ; LTN Laurent Biger, 7e BCA, ALAT ; éd. Lavauzelle

Extraits publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

 

L'on peut rester vingt-quatre heures s'il le faut, même trente-six heures, sans manger ;

mais l'on ne peut rester trois minutes sans poudre et des canons arrivant trois minutes plus tard n’arrivent pas à temps.

Napoléon

 

Une Plume pour L’Epée a toujours eu à cœur de s’intéresser, au travers des récits de soldats, à tous les conflits, mais aussi à toutes les armes composant la Force. La découverte de ce livre a été dès lors une très heureuse surprise…

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En premier lieu, nous sommes ravis de voir aborder l'arme du Matériel, mal connue, peu mise en avant et pourtant, une évidence, éminemment stratégique (une opération sans matériel ?). Elle est aussi souvent « chahutée » ; le fait est que l'on se focalise toujours sur ce qui ne fonctionne pas... en oubliant l'usure de nos VAB antédiluviens, les insidieux grains de sable du désert, la faiblesse de nos moyens logistiques...

Ensuite, plutôt que de se livrer à un essai purement "académique", les jeunes coauteurs ont eu l'excellente idée de faire le tour des popotes, regroupant les témoignages de vétérans de Daguet, de Bosnie, d'Afghanistan, du Mali, de RCA, abordant la dualité commandement/technicien, ou encore l'efficace système D français, le tout rendant le livre vivant et, de fait, sa lecture très plaisante.

« Par l’ardeur et le fer » s'inscrit donc parfaitement dans notre scope du récit de soldat, comble un vide important, et répare une injustice criante, en nous éclairant sur l'engagement sans faille des soldats maintenanciers. Alors, par Saint-Eloi, vive le Matériel !

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AMX30, Opération Daguet, Première Guerre du Golfe

En quatre ou cinq jours, la division à laquelle j’appartenais a fait près de 3 600 prisonniers Irakiens. En raison de notre implication dans le dispositif des forces, nous avons également été confrontés à ce problème pour lequel nous n’étions absolument pas formés. Lorsque vous voyez une demi-douzaine de soldats arrivant vers vous avec leurs armes tendues à bout de bras, il faut gérer. Accompagné de quatre hommes, de mon conducteur et d'un chef de section parlant un peu l'Arabe, je pars au-devant d'eux et essaie de leur faire comprendre qu'ils doivent déposer leurs armes. Rien ne nous prémunissait d'une éventuelle manœuvre. Si, au dernier moment, les prisonniers avaient choisi de retourner leurs armes, cela se serait surement mal passé pour nous…

GAL André (alors CNE), Première Guerre du Golfe, 1990

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VAB dans les ateliers de l’aéroport de Sarajevo. Notez les impacts de balles…

Quand ça chauffe et que les véhicules doivent sortir, eh bien, on les sort. Par conséquent la solution trouvée a été très simple : on ne dormait pas. Je partais du principe que si un véhicule blindé rentrait en atelier et que je n'avais pas de problème d'approvisionnement, il devait sortir. Peu importe qu'il soit terminé à quatre ou cinq heures du matin.

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L'appréciation du danger est quelque chose de très paradoxal. On est conscient du danger, mais quand on est dedans, cette conscience s'altère. On a fait des choses sans se poser la question du risque de se faire dessouder. Par exemple, lors de la constitution du poste, nous nous faisions sniper. Nous étions une dizaine dehors. Les tirs ont commencé. Que faire ? On pouvait s'en aller ou rester et se faire tirer comme des lapins. On est rentré, mais tranquillement, sans précipitation. Mais il faut replacer cela dans un contexte où les snipers ne cherchaient pas encore à tuer : Il m’a fallu trois ou quatre jours pour comprendre que les crevaisons à répétition sur le CLD étaient le résultat des tirs d’un sniper qui se faisait un pneu chaque soir. Le premier mois, nous n’avons pas eu de blessé. Cela a commencé doucement, à mesure que nous devenions plus efficaces, et donc que l’on gênait.

COL Grateau, blessé en Bosnie en 1992

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Dépannage de VAB, 3e RMAT

Deux ou trois semaines après son arrivée, l’OMLT Soutien connaissait déjà l’épreuve du feu. C'est ainsi que commença ce que j'appelle le jeu du chat et de la Souris. Une OMLT ou un GTIA d'Infanterie, c'est le chat. Il va chercher sa proie sur le terrain qu'il aura choisi. Ce n'est pas si grave s'ils sont pris à partie ; étant des unités de manœuvre, elles sont faites pour cela. Nous, nous étions plutôt des souris. Un camion tractant une citerne sur une route accidentée, avec seulement des logisticiens à son bord, armés de FAMAS, et c'est beaucoup moins manœuvrable et cela constitue donc une cible facile. D'où une certaine pression sur le moindre coin de route.

COL Desmeulles, 3e RMAT, Afghanistan 2007

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Prise en remorque d’un IVECO, Mali

Ce fut un véritable challenge quotidien. Abandonner dans le désert un VBCI, ou même un véhicule civil, était impensable. En convoi, quelle que soit la panne, ils ont toujours trouvé une solution pour ramener les matériels sur une plateforme relais, quitte à recourir à des solutions de fortune impliquant chewing-gum, latérite et bout de ficelles pour faire repartir le véhicule. Nous avions une politique du sparadrap, mais nous n'avions pas d'autre moyen pour assurer notre mission.

J’ai vu des hommes faire fondre du plastique pour réparer une durite. Et la réparation a tenu.

COL de Roquefeuil et LTN Hamiche, BATLOG Normandie-Provence, Mali 2014

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Malkani.jpg< Titulaire d’un Master de lettres modernes dont le mémoire de recherche porte sur les notions d’histoire et d’idéal dans l’œuvre de Jean Lartéguy, le Lieutenant Guillaume Malkani a été réserviste au sein de la Gendarmerie Nationale avant de rejoindre l’Armée de Terre en intégrant le 4e bataillon de Saint-Cyr au titre de l’arme du Matériel. Il a pris le commandement d’une section électronique d’armement au 6e RMAT.

photo.jpg> Diplômé des facultés de droit, sciences-politiques et langues, le Lieutenant Antoine-Louis de Prémonville est également docteur ès Lettres et Civilisations. Ancien militaire de réserve, il rejoint l’active au sein du 4e bataillon de Saint-Cyr au titre de l’arme du Matériel. À l’issue de son passage aux Écoles Militaires de Bourges, il prend le commandement d’une section du 7e RMAT. Outre « Par l’ardeur et le fer », il a dirigé « Citoyens-soldats au XXIe siècle, une réserve opérationnelle pour une armée professionnelle » (Lavauzelle, 2013)

Engagé volontaire en 1999 après avoir suivi des études de comptabilité, le Lieutenant Pierre-Ange Paninforni a servi au 42e RT avant de rejoindre le domaine de la maintenance au 54e RA. Sous-officier semi-direct, il sert ensuite au 4e RMAT. Accédant à l’épaulette OAEA, il rejoint le 25e RGA en tant qu’adjoint des services techniques.

A l’âge de 18 ans, le Lieutenant Laurent Biger incorpore Saint-Maixent avant de rejoindre le 7e BCA puis le 1er RIMa en qualité de maintenancier. En 2013, il réussit le concours des Officiers d'Actives des Écoles d'Armes et accède à l'épaulette. Il sert aujourd'hui au sein de l'ALAT.

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« Par l’ardeur et le fer- Paroles de soldats maintenanciers », par les LTN Antoine-Louis de Prémonville (dir), Guillaume Malkani (dir), Pierre-Ange Paninforni, Laurent Biger.

ISBN 978-2702516119 – Prix 21,50 € – Format 15,5x22,5 - 150 pages - cahier-photo couleur

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Aux éditions Lavauzelle, disponible ici

Page FaceBook .

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Nous avons eu la chance d'échanger avec l'un des coauteurs, l’éminemment sympathique LTN Guillaume Malkani. Une belle rencontre au Salon de l'Ecrivain Soldat de Nice où il a représenté tant son 6e RMAT que l'Arme en général. Quelle bonne idée de se montrer ! A renouveler J

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Ajoutons que Guillaume est l'auteur d'un essai majeur/définitif sur l’un des plus grands auteurs de la milittérature, ou plutôt de la littérature française tout court : « L'idéal de Jean Lartéguy ». Paru aux éditions Via Romana et disponible ici. Page FaceBook .

« Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver. Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue. »

Jean Lartéguy

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Hommage

A tous les soldats maintenanciers morts pour la France, morts en service commandé,

Aux blessés,

A leurs proches.

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Gao, Mali. Démontage de la roue d'un VAB. Photo G. Gesquière

Les soldats maintenanciers m’ont vraiment impressionné, et ils en ont impressionné bien d'autres ! Lorsque certains de nos camarades de la mêlée voient arriver un logisticien, ils ne savent pas trop quoi en penser. Ce sont des gens qu'ils ne côtoient pas au quotidien et qu'ils peuvent percevoir, à tort, comme un frein à leur manœuvre. Aussi, voir les maintenanciers au cœur des opérations, répondre présent en dépit des contraintes tactiques et techniques, ça a forcé leur respect. Ensuite, ils n'ont cessé de demander à bénéficier de maintenanciers détachés à leur côté…

CDT Breton, AMAT (Adjoint Matériel de Théatre) au Mali

 

 

 

 

 

18/12/2017

« De la cité au rang des officiers », CNE Mehdi Tayeb, 4e RCh, 2e RH, BRB 2. Autoédité.

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos inédites issues de la collection de l’auteur. Droits réservés.

 

La vie est un combat, accepte-le.
La vie est une tragédie, lutte avec elle.
La vie est une aventure, ose-la.
 
Mère Teresa
 

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« De la cité au rang des officiers » est un récit-plongée dans une carrière qui peut (et c'est si regrettable) sembler atypique : gosse des cités, né dans un contexte familial autodestructeur, au bord du précipice de la délinquance, Mehdi Tayeb découvre l'armée grâce au service militaire. Trouvant sa voie, n'ayant peut-être pas la "gueule de l'emploi", il gravit cependant les marches : militaire du rang, sous-officier, officier.
 
Outre une belle leçon de vie, le (désormais) Capitaine Tayeb, s’il reste forcément discret sur ses missions de renseignement, livre un témoignage rare sur les opérations des Hussards.
 
Déployé 3 fois au Kosovo et en Afghanistan (la première fois comme militaire du rang, la seconde comme sous-officier, la troisième comme officier !), 2 fois au Mali, en RCI, en Bosnie (infiltration épique qui tourne au drame pour l’un des acteurs), au Tchad, son parcours est exceptionnel... et l'homme l’est tout autant, à la fois tendre et volontaire.
 
Pour reprendre la formule consacrée, et sans jeu de mot : "il mérite d'être cité en exemple".

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Mehdi Tayeb et ses camarades de la cité, 1994

Je me remémore les déboires que j’ai connu étant plus jeune. Nombreux sont ceux qui auraient pu me coûter un séjour en prison et mes amis auraient pu tous être mes voisins de cellule.  J’avais fait du vice un mode de vie. J’ai volé avec ma sœur et même avec ma mère, alors, comment tomber plus bas ? Et même quand j’ai commencé à travailler, je n’ai pas su arrêter (…) Chaque semaine, du lundi au vendredi, de 8h à 17h, je mets des colis sur des palettes afin de les envoyer dans des villes où je ne mettrai jamais les pieds. Tous les jours se ressemblaient et j’avais peu d'espoir de voir changer ce quotidien si terne. Est-ce cela la vie lorsque l'on devient adulte ? (…) Il y a une chose dont j’étais certain : la monotonie me tuait à petit feu.

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Nous progressons à une vitesse de deux cents mètres par heure. Ce rythme semble ridicule, mais le terrain, la neige, le dénivelé et le poids des sacs sont autant de facteurs qui ne permettront pas d'atteindre notre objectif avant le lever du soleil. A la fin de la nuit, nous sommes à un kilomètre mais le jour se lève et nous ne pouvons plus nous déplacer. Alors on s’enterre afin de disparaître de la surface.

Bosnie

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Au bout de mes deux heures d’observation, je réveille Ludovic pour qu'il prenne ma place. Je me glisse dans mon duvet et puis, brisant le silence de la nuit, des bruits de pas semblent se rapprocher de notre cache. Je réveille le transmetteur pour le mettre en alerte. Nous ne faisons plus aucun bruit. Les pas se rapprochent, le rythme s’accélère. Nous nous tenons prêts à utiliser nos armes. D’un coup, perçant notre camouflage, un ours !

Kosovo 

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Avec le lever du soleil, la tempête de neige s’est arrêtée. Le ciel est bleu et les températures glaciales. Tout le monde tremble de froid. Un capitaine nous confirme qu’un hélicoptère viendra nous récupérer à 23h. En attendant, j’urine dans un sac zip afin de faire une bouillotte de circonstance. Et pendant quelques minutes, j’ai l’impression de poser mes mains sur un radiateur. Quel plaisir !

Bosnie

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Mehdi Tayeb, Afghanistan 2012

Il me faut quelques secondes avant d'être certains d'avoir compris ce qui m'arrive. Le brigadier-chef Pierre me demande si je vais bien. Je reprends mes esprits et lui explique que je vais devenir officier. Il se réjouit pour moi. Pendant la durée du voyage jusqu'à Gap, je me suis remémoré ma mère, mon père et l'alcool, mon père frappant ma mère et mon beau-père sur son lit de mort, mon pardon à ma mère dans sa tombe, le quartier et le vice, mais aussi mon arrivée à Gap pour mon service militaire, tous ces appelés qui sont devenus des amis. Mon engagement. Toutes ces OPEX et ces pauvres gens que j’ai vus dans la misère. Tous mes cadres qui m’ont poussé quand il fallait. Ma merveilleuse femme qui m’a soutenu comme personne. En dix ans et sept mois, je suis passé de la cité au rang des officiers.

***

0 Tayeb bio.JPGMehdi Tayeb nait en 1977 dans une cité de la banlieue sud de Paris. Père absent, mère alcoolique, il est livré à lui-même, vivant de larcins et petits boulots. Il découvre l’armée grâce à son service militaire au 4e Régiment de Chasseurs de Gap. Trouvant sa voie, aidé en cela par un beau-père « stabilisant » et une épouse rayon-de-soleil, il s’engage et gravit les échelons de la hiérarchie, ENSOA puis OAEA. Spécialiste du Renseignement, le Capitaine Mehdi Tayeb a une carrière opérationnelle riche, ayant été déployé à ce jour, avec le 4e RCh, le 2e RH et la BRB2, au Kosovo (3 fois), en Afghanistan (3 fois), au Mali (2 fois), en Bosnie, en Côte d’Ivoire et au Tchad. Mehdi est marié à la charmante MDL Soumia, 4e RCh, 132e BCAT, 54e RT, et fier papa de Thylda.

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Avec Mehdi et Soumia à Saint-Cyr-Coëtquidan, 2017

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De la cité au rang des officiers, CNE Mehdi Tayeb

ISBN 978-2955922903 – Prix 9,99€ - Format 13x18, 188 pages.

Autoédité. Disponible ici.  Page FaceBook

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Chasseur de 1ère Classe Mehdi Tayeb, 2000 ; Maréchal des Logis Chef Mehdi Tayeb, 2009 ; Lieutenant Mehdi Tayeb, Mali 2014

Désormais fier de défendre les trois couleurs de mon pays, j’invite les plus jeunes à la recherche d’un métier hors-norme à suivre mes traces. Il n’y a pas en France une seule entreprise qui offre une telle perspective de carrière et de reconnaissance sociale. Alors, peu importe votre histoire : visez haut et grimpez les marches à grands pas !

 

 

 

 

10/11/2017

« La naissance d’un pilote – L’enfant qui rêvait d’un Mirage », LCL Marc Scheffler, EC3/3, EC2/3, EPAA, éd. Nimrod

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur. Droits réservés.

 

Il n'y a qu'une façon d'échouer,

c'est d’abandonner

avant d'avoir réussi.

Georges Clémenceau

 

Il est bien connu que plus on s’en approche, plus un mirage s’éloigne. Il existe cependant des exceptions…

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Avec « La naissance d’un pilote », comme un prequel à son remarquable « La guerre vue du ciel », Le Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler revient sur toute la période de sa vie allant des rêves d’un ado à la chambre décorée de posters de Mirage, à son installation effective dans le cockpit d'un 2000D. Et ce ne fût pas facile… Révisions-nuits-blanches de la « prépa » ; virilité des relations au sein de l’Ecole de l’Air ; stress et sueur pour maîtriser ses montures, Tucano et Alphajet ; épuisants « jeux » de chat et de souris aériens avec des instructeurs intraitables ; toutes les étapes qui ont fait du damoiseau un chevalier du ciel.

Récit brillant qui se lit comme un roman d'aventure, aidé par des dialogues percutants (marque de fabrique de l’auteur). Une leçon de vie aussi, celle d’un rêve accompli à force de volonté, courage et abnégation. Absolument passionnant.

Un feulement lointain résonne dans les vallées. J’embrasse du regard toutes les montagnes environnantes. J’aperçois soudain des éclats traînant de minces filets gris. Trois petites flèches sombres disposées en triangle se dessinent au-dessus des sommets et virent vers nous. Un trio de Mirage F1 nous rase dans le rugissement des réacteurs. Je les regarde, rêveur, s’éloigner sur l’horizon.

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Marc Scheffler ; accueil « musclé » par les anciens, à l’école des Pupilles de l’Air en 1991

- Tes résultats en maths sont catastrophiques. Tu n’as pas le niveau pour suivre une Maths sup, je ne parle même pas de Maths spé. La Fac ouvre ses portes dans quelques semaines. Tu as encore le temps de t’inscrire et d’arrêter ta « Sup » maintenant.

- Nous ne sommes qu’au tout début de l’année…

- Crois-en mon expérience, tu n’iras pas dans la classe supérieure. Vous êtes une soixantaine, nous n’en garderons qu’une quarantaine.

- Je vais progresser, laissez-moi…

- De tout façon, tu n’auras aucune chance aux concours !

1991, « prépa » aux Pupilles de l’Air

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Marc Scheffler à Ecole de l’Air, 1994

Le vol, c’est avant tout beaucoup de travail au sol, à emmagasiner et à digérer de la théorie (….) Pour réviser, je me suis construit une cabine de Tucano « made in Marco ». Sur des panneaux en contreplaqué j’ai collé des impressions en couleur de la planche de bord et des banquettes latérales. J’ai poussé le détail jusqu’à reproduire la manette de gaz et à rallonger le manche d’un joystick à l’aide d’un tuyau en pvc. Une simple chaise fait office de siège éjectable et j’ai installé un « flight simulator » sur mon Commodore 64 relié à une bonne vieille télévision cathodique. C’est là que le soir, reproduisant les gestes, je grave dans ma mémoire toutes les procédures (…) Je rabâche les actions réflexes jusqu’à en rêver la nuit.

1994, Ecole de l’Air

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Marc Scheffler dans son Tucano, Ecole de l’Air, 1994

Un élève du 1er escadron vient de se faire arrêter de vol et la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre. Pour prendre la température, nous nous rassemblons autour de Ranx, l’une des vedettes de l’unité.

- On n’est pas des bouchers. Si le gars en vaut la peine, on est forcément plus bienveillant. Après, s’il se ramasse complètement, il y a un moment où tu ne peux plus rien faire pour lui (…) On lui laisse une chance, mais s’il se croûte une deuxième fois, on se dit que le jour où il fait ça avec quatre-vingt paras derrière, ça peut mal se terminer (…) Avec notre expérience, on doit vous aider, vous former et décider. On préfère ne pas prendre le risque avec un jeune plutôt que de le voir échouer ensuite, ou pire, se tuer plus tard. C’est dur à entendre pour vous, mais c’est la réalité.

Le discours paraît soudain rude et froid. Conscient que ce n’est pas le message qu’il veut faire passer, Ranx s’empresse d’ajouter :

- Mais ne pensez pas à ça. Foncez, donnez tout ce que vous avez, l’Armée de l’Air a besoin de bons mecs qui se tirent les doigts du cul pour réussir.

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Tucano de l’Ecole de l’Air, atterrissage en patrouille serrée ; 1994

[Décollage prématuré…]

Nous sommes alignés sur la piste. Dans un balancement franc de la tête d’arrière en avant, Tong vient toucher sa poitrine avec son menton et libère son Tucano. Sans réfléchir, je l’imite…

- WOW ! WOW ! WOW ! s’écrie Carlis derrière moi, on n’en est pas encore au décollage en patrouille serrée !

Meeeeerrrrrrde ! Je devais décoller dix secondes derrière ! Réflexe, je me jette sur les freins.

- Relâche, relâche ! Hurle Caris, maintenant qu’on est partis, on continue. Tu restes à côté de lui sans converger.

Nos Tucano s’élèvent côte à côte. Une fois remis de sa surprise, Tong lance d’un ton moqueur :

- On ne me l’avait jamais faite celle-là…

1997, Ecole de l’Air

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Debriefing, Ecole de l’Air, 1994

De retour dans le box de débriefing, je m’attends à une sérieuse remontée de bretelles (…) Boubou m’expose en détail mes lacunes et conclut :

- Tu dois travailler ta rigueur et ta précision en pilotage, anticiper, analyser et percuter plus rapidement sur l’avion, la radio, etc. C’était mieux à la fin ; au départ, tu étais complètement à la rue …

- J’ai eu du mal…

- Il y a quatre mots de trop ! A la prochaine remarque, je te sors du box à l’horizontal. Sois tu écoutes et tu apprends, soit tu vas aller faire autre chose.

Février 97, Ecole de l’Air

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Vol en formation ; Ecole de l’Air, 1994

- Allez Claudia, à toi !

J’empoigne le manche et la manette des gaz. Immédiatement, le Tuc se met à s’agiter. Comme je suis crispé, mes va-et-vient aux gaz sont trop amples et mes coups de manche trop appuyés. Presque à le toucher, le Tucano de Tong danse à quelques mètres devant moi.

- Compense l’appareil, souffle un peu et remets-toi en position souplement, me conseille Caris.

Je bataille sans réussir à trouver le bon dosage sur les gouvernes. Dès que je me rapproche trop, nos deux Tucano se repoussent comme des aimants. Mon leader ne me lâche pas des yeux, prêt à dégager si je m’approche trop. Trop prêt, je suis dangereux. Trop loin, je ne suis pas en place. Mon espace vital s’est soudain rétréci. Jusque-là je n’avais évolué que seul et le ciel était à moi. Là, pendant dix minutes, je fais l’accordéon avec l’avion de Tong. Caris tente de dédramatiser :

- Commence par te calmer un peu, j’entends ton souffle saccadé et j’ai l’impression de voler derrière un asthmatique…

Mai 1997, Ecole de l’Air

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Marc Scheffler « sur le toit »

Mon Gadget vibre, à la limite de la perte de contrôle. Tassé sur mon siège par le facteur de charge, je résiste. Le monde tournoie à toute vitesse, en blanc et bleu. Par instants, ma vision se voile. Le cœur dans les chaussettes, les manettes de gaz « dans le phare », j’ai attrapé le manche à deux mains pour lui emboîter le pas et me coller dans son sillage, le plus près possible. Ne pas se laisser distancer, ne pas se laisser déphaser.

Puisqu’il ne parvient pas à se débarrasser de moi, Dalvi change de tactique. Il fonce en bordure de grosses volutes blanches et rondes et s’enroule autour à pleine vitesse. Je le perds quelques secondes avant de le retrouver derrière presque à la verticale, accroché au flanc cotonneux. Tu ne vas pas me baiser aussi facilement ! D’une traction virile, je repars à sa poursuite.

Mars 1998, Ecole de l’Air

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Marc Scheffler dans son Alphajet, Ecole de Guerre 1998

Je comprends que Kaman a l’intention de me donner une bonne correction. Piqué au vif, je m’agite en cabine pour retrouver ce putain d’enfoiré… Je m’agrippe à la poignée gauche de la verrière afin de m’aider à tourner encore plus mon buste vers l’arrière, presque à me démancher le cou. Ma nuque me tiraille, j’en chie de plus en plus. Il réapparaît enfin, légèrement plus bas, en retrait, et remonte, le nez pointé vers moi. Il est offensif, en position favorable, et va durcir le combat. Je suis défensif, me voilà contraint à chercher une porte de sortie pour me débarrasser de mon poursuivant et éviter une mort virtuelle. Mais j’ai l’avantage de l’altitude. Mâchoire serrée, je vire en plongeant vers lui et ruiner ses espoirs de me trouer.

Septembre 1998, Ecole de l’air

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Je rentre de mon dernier vol sur Alphajet. Mes oreilles sont pleines du bourdonnement du vol et ma tête est encore à des milliers de pieds au-dessus du sol. Pendant une poignée de secondes, je reste là, assis dans mon cockpit, encore coupé du monde par mon casque. Je regroupe calmement les affaires, cartes et documentation diverse et descends de l’avion. Jamais l’air ne m’a paru plus léger.

Novembre 1998, Ecole de l’Air

***

Capture.JPGLe Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler entre à l’Ecole de l’Air en 1994, promotion « Lieutenant Pierre Soubeirat ». Il a servi au sein de l’EC 3/3 « Ardennes » et de l’EC 2/3 « Champagne » à Nancy-Ochey comme pilote de Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol. Il a participé à onze détachements opérationnels dont Ex-Yougoslavie, Tchad (2 fois) et RDC, Afghanistan (5 fois) et Lybie (2 fois), cumulant 4700 heures de vol, dont près de 2 200 sur Mirage, et plus de 150 missions de guerre.

Après 10 ans en escadron de Chasse et 6 ans à l’Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air (EPAA), il a été appelé à d’autres fonctions au sein de l’armée de l’Air.

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Avec nos camarades Marco et l'éditeur Nimrod au Salon du Livre de Paris 2017

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Marc est auteur de deux récits « La guerre vue du ciel », abordé ici, et « La naissance d’un pilote ». 

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« Naissance d’un pilote – L’enfant qui rêvait d’un mirage », LCL Marc Scheffler

ISBN 978-2915243697 - Prix 21€ - Format 23x15, 244 pages, cahier-photo couleur

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Aux éditions Nimrod, disponible ici.

***

Hommage

A tous les aviateurs morts pour la France, au combat et en service commandé,

Aux blessés.

A tous ceux qui transmettent leur savoir aux aiglons.

Monte sans peur vers le soleil.

Le sol pour toi n'est qu'une escale

Et ton royaume, c'est le ciel.

Chant de tradition de l’Ecole de l’Air

***

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Je me relâche. Derrière nous, le paysage et la civilisation s’éloignent. Aucune vibration. Je me sens soudain libre, en équilibre au-dessus du vide. Mon cockpit prend des allures de terrasse panoramique. Les champs ne sont plus qu’une mosaïque de carrés verts et jaunes, les lacs deviennent des taches d’encre sur le dégradé vert des forêts. Les routes ne sont bientôt plus qu’un enchevêtrement de veinules grisâtres, la Loire et ses affluents de longs serpentins bleus. Et moi, je suis suspendu dans le ciel, avec pour seul souci de réussir ma mission. Un sentiment extraordinaire m’envahit, un mélange indescriptible de griserie, de plénitude et d’évasion totale.

A part nous, qui peut vivre ça ?

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

 

 

 

 

15/07/2017

« Ceux de 40 »

« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, éd. Albin Michel

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux, autoédité

« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, éd. Librinova

« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, éd. Les Archives dormantes

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs – Droits réservés.

 

A la mémoire de mes grand-pères Roger Broquet et Maurice Camut, 69e BC, et de mon oncle Pierre Dusausoy, 2e RSA, combattants de 40.

 

 

Combien d’hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts

sans qu’on en ait parlé ?

La Bruyère

 

Ils étaient de la bonne bourgeoisie provinciale, nés pour porter gants blancs et Casoar, ou maçons aux mains calleuses. Ils étaient descendants de boyards, à leur aise au Ritz, ou petits paysans vendéens guinchant aux bals musettes …

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Tout les éloignait, si ce n’est cet orage grondant à l’Est, discours éructant, bannières claquant au vent. Alors, les uns comme les autres ont pris les armes et ont combattu. Nous connaissons l’issue : la guerre fut drôle, puis éclair.

Certes personne n’a oublié la défaite de 40. Par contre, les hommes qui ont mené le combat, on en parle bien peu. On les a presque moqués ! Qui d’ailleurs connait le nombre de soldats français tués en mai-juin 40 ? 60 000 en 5 semaines ! Et 120 000 blessés. C’est beaucoup pour une armée qui, d’après nos « facétieux » amis anglo-saxons, aurait immédiatement agité le drapeau blanc…

Pour l’illustrer, voici quatre beaux récits qui ont le mérite, outre de réparer une injustice criante, d’aborder des parcours variés : 2ndes classes ou officiers, fantassins, sapeurs, cavaliers, légionnaires ou marsouins ; certains, après la bataille, se remettant de leurs blessures ou survivant tant bien que mal dans les stalags, d’autres participant à la glorieuse victoire finale ou à la défense de l’Empire. Après-guerre, ils retrouveront leurs chantiers de maçonnerie, leurs champs de blé, ou mèneront d’autres combats, dans les rizières et le bled. Ainsi va la vie.

Ils garderont cependant tous ce point commun : l’honneur d’avoir défendu la patrie. Combien peuvent s'en honorer ?

Hommage à « Ceux de 40 ».

« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, marsouin, méhariste, para-colo.

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Tirailleurs sénégalais, 1940. Photo ECPAD

C’est au mois de juin [40] que nous montâmes en ligne, si l’on peut ainsi dire d’un front qui, rompu, n’existait plus et que le haut commandement s’efforçait de rétablir de cours d’eau en cours d’eau. Le nôtre fut la Dordogne (…) Ma section fut chargée de défendre un pont au droit d’un charmant village. N’ayant de voisin visible ni d’un côté, ni de l’autre, ma responsabilité me parut immense. J’étais décidé à l’assumer.

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Tirailleur sénégalais, 1940. Photo ECPAD

Le pont était de petite taille mais suspendu et je n’avais les moyens ni de le défendre ni de le faire sauter. J’entrepris de déposer les poutres du tablier, travail qui n’excédait pas la force de mes trente Africains. Quand il comprit ce que j’avais décidé de faire, la maire du village tenta de s’interposer. Il fit valoir au gamin que j’étais que la guerre était perdue et que sauver l’honneur ne valait la destruction de son village, promise par la stupide résistance que je préparais.

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Claude Le Borgne en Mauritanie, après la Bataille de France

J’étais jeune il est vrai [18 ans]. Face au maire et sans la moindre hésitation, je sortis de son étui mon pistolet et, l’en menaçant, lui déclarais que la mission que j’avais reçue serait accomplie, quoi qu’il en coûte à son charmant village. Telle fut, dans cette malheureuse campagne, la seule occasion que j’eux de mettre l’arme au poing.

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Plutôt qu'une autobiographie classique, « Route de sable et de nuages » s'apparente à un recueil de pensées, nées de la longue, brillante et quelque peu atypique carrière du général marsouin Claude Le Borgne : Saint-Cyrien au cursus écourté par la Blitzkrieg, sous-lieutenant tout minot (18 ans), il est lâché avec une poignée de tirailleurs sénégalais "à vue de nez" dans la débâcle de 40. Reprenant son cursus d’officier en Afrique du Nord, la reconquête métropolitaine se passera de lui : il est méhariste dans les sables de Mauritanie, au contact, avec ses goumiers et tirailleurs, des tribus-seigneurs maures. Abandonnant ses "chameaux" pour les ailes de Saint-Michel, il fait la campagne d'Indochine comme para. C'est ensuite l'Algérie, qui le laisse meurtri. Il poursuit cependant sa carrière, à Madagascar, puis dans l'Europe nucléarisée de la Guerre-Froide.

Du haut de ses 94 vaillants printemps, beaucoup d'humour, de recul et de sens de l'analyse. Un livre profond, qui s'avère le témoignage remarquable -distillant un rien de nostalgie- d'un militaire trait d’union entre France d'hier et d'aujourd'hui.

Claude est le frère du GAL Guy Le Borgne, autre figure de l'Armée française. 

Aux éditions Albin Michel.

Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, ou sur les sites du Net.

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Avec le GAL Claude Le Borgne, grand monsieur, au Salon des Ecrivains-Combattants 2016

Il est bien connu que le vieillard, sentant sa mort prochaine, voit le monde courir à sa perte du même pas que lui. Nul n’ajoute foi à ses jérémiades. Il en va toujours ainsi.

Pourtant, le tocsin que branle le vieux pourrait bien être, pour la première et dernière fois, le bon.

Essayons, fût-ce sans espoir, de le faire entendre…

***

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux

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René Brondeau, 1er RCA, au Maroc avant-guerre

11 mai - On pouvait lire maintenant, sur chaque visage, la même anxiété. Les Allemands n’étaient pas loin. Plus bas, des maisons écroulées fumaient depuis des heures. Dès que la nuit tombait, la même peur, la même angoisse, étreignait les sentinelles.

12 mai - Les canons des panzers tiraient sur leurs défenses ébranlant la terre qui se soulevait dans un vacarme d’apocalypse. Après des heures de combat les hommes avaient senti l’épuisement les gagner, mais ils résistèrent courageusement. René vit tomber deux camarades. L’un d’eux gémissait. L’autre semblait avoir été tué. Ils parvinrent à repousser l’ennemi mais au prix de dizaines de tués. Le régiment avait perdu surtout des appelés, des pères de famille. René en fut très ému. Il s’était immédiatement identifié à ces soldats tués, car il était père lui aussi, et depuis si peu !

13 mai - Les panzers apparurent. C’était une gigantesque armada bruyante et enfumée, qui fonçait droit vers le régiment…

Didier Hertoux d’ap. René Brondeau, sur la ligne de front Trilemont-Huy

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A gauche René Hertoux, cuisinier et trompette du 91e RI, 1938

Sommes-nous toujours à la même heure ? Que faut-il que je fasse pour que les heures se remettent en marche ? J’ai comme un souvenir ou une sensation, ou une vision qui m’effleure et qui monte et se diffuse comme de la vapeur autour de mon corps. Dans le ciel il y a des nuages d’eau et de chaleur. Et dans cette buée, je vois la tristesse des soldats se mélanger. On ne peut plus rien distinguer mais la tristesse fait une passerelle entre les soldats. Mais ces soldats ne bougent pas. Ils attendent tout le temps. Et puis, à un moment, ils disparaissent tous. Je ne les vois plus. Je suis triste de ne plus les voir, mais je ne sais pas pourquoi. Et je sens qu’eux aussi, ça les rend triste. Je suis au pays de nulle part, au pays du temps qui se perd. Que se passe-t-il ? J’ai envie de m’enfuir de moi et de me faufiler dans un univers heureux, comme dans un rêve. Ça y est ! J’y suis ! (…) Je reconnais la ferme. Mais je n’entends rien. C’est bizarre. Il y a quelque chose qui n’est pas normal.

René Hertoux à l’hôpital, après ses trois graves blessures reçues au combat.

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Didier Hertoux, ancien officier para des Forces Spéciales, aurait pu aborder sa propre carrière (on le souhaite, cela dit en passant…), et pourtant il a choisi de retracer les parcours de son père René Hertoux, 91e RI, 124e RI, et de son beau-père René Brondeau, 1er RCA, 11e RDP, 1er GFM, pendant la campagne de France, la défaite, l'internement dans les Stalags.

Ces deux René, humbles bonnes gens, se sont comportés avec un immense courage : le premier est grièvement blessé au combat, plusieurs camarades tués à ses côtés ; le second lutte avec le 11e Régiment de Dragons Portés, laminé par la déferlante des panzers et des Stukas, puis avec le 1er Groupe Franc du CNE de Neuchèze auprès des cadets de Saumur. Fait prisonnier, il s’évade de son stalag ; repris, il est envoyé à Rawa-Ruska et n’est libéré qu’en 45.

Jamais sans doute les deux René n’auraient imaginé faire l’objet d’un livre. Et pourtant il existe bel et bien, ce livre (et est de plus fort joliment écrit.). Une belle œuvre de mémoire.

Disponible auprès de l'auteur (18,50€ port compris - bénéfices au profit de l'association des blessés de l'Armée de Terre). didier.hertoux @ gmail.com. Bon de commande ici.

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1985, René Hertoux reçoit la médaille militaire. Trop ému, son discours est lu par son fils Didier

Un soldat sort sa blague à tabac. D’un index dur il bourre sa pipe. Un autre, entre ses doigts courts et noueux, roule habilement une cigarette. Sous la peau cornée de leur pouce, la molette râpeuse d’un briquet fait jaillir la flamme. Ils ont des mains d’ouvrier, des mains de paysan ; un type d’homme commun tiré à des milliers d’exemplaires à travers l’Europe. Un type d’homme identique à ceux d’en face.

René Hertoux, mai 40

***

« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, fils du GAL Serge Andolenko, légionnaire

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Dimitri Amilakvari, Serge Andolenko et sa mère

C’est là qu’est grièvement blessé mon ami de toujours, le prince Obolenski, engagé lieutenant du 12e Régiment Etranger, deux balles de mitrailleuse dans le poumon, pour avoir ramené sur son dos son capitaine blessé entre les lignes.

C’est là qu’est exécuté d’une balle dans la nuque mon camarade de promotion Alain Speckel, avec sept autres officiers et deux de ses hommes, pour avoir tenté de protéger ses tirailleurs sénégalais du massacre par les allemands.

C’est là, à Stonne, bataille oubliée alors que l’une des plus dures de la seconde guerre mondiale, selon les Allemands eux-mêmes, que les 42 000 Français du 21e Corps d’Armée tiennent tête aux 90 000 Allemands des VIe et XVe Korps. Du 15 au 17 mai, le village est pris et repris 17 fois.

C’est juste à côté, à La Horgne, que la 3e Brigade de Spahis marocains et algériens, à cheval, affronte une brigade de la 1ère Panzer Division.

C’est là que se distingue le Général Juin lors de la défense de Lille, retardant les Allemands vers Dunkerque, permettant aux Anglais de s’éclipser.

C’est là que le Général de Lattre de Tassigny, commandant la 14e DIM, se bat pied à pied du début à la fin de la campagne jusque dans la région de Périgueux, resté invaincu.

C’est là que la ligne Maginot, prise à revers, se bat pour certains ouvrages jusqu’après l’armistice.

C’est là que l’Armée des Alpes réduit à néant l’attaque italienne et bloque les Allemands devant Grenoble.

C’est là que l’Armée de l’Air abat près de 1 000 avions allemands qui feront défaut pour la Bataille d’Angleterre

C’est là que meurent près de 100 000 Français, en cinq semaines.

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Voici une bien jolie biographie : celle du Général Serge Andolenko, par son fils Pierre. Personnage haut en couleur, Russe-blanc réfugié en France, Saint-Cyrien, le général a servi aux 1er, 3e, 4e, 5e et 6e RE, et comme homme du Renseignement, 2ème bureau de la 3e DIA. Pacification du Maroc, du Levant, Syrie face aux Australiens et Français Libres (dont son camarade le Légionnaire-prince Amilakvari, dans le camp gaulliste – chapitre certes dramatique de l’histoire française, mais qui nous vaut de savoureuses anecdotes, Amilakvari et Andolenko réussissant à se contacter au téléphone, d’un côté du front à l’autre, grâce à un légionnaire [« - Comment as-tu fait ? - Je m’ai démerdé »] et s’arrangeant pour que leurs hommes ne se retrouvent pas face à face et obligés au combat !). Revenu dans le giron allié, c’est la glorieuse campagne d'Italie et la reconquête de la France. Chef de corps du 5e Etranger pendant la guerre d'Algérie, il vit la guerre-froide comme attaché militaire à Vienne.

On peut s'étonner que son nom ne résonne pas avec plus d'éclat, si ce n'est à la Légion. Mais il est vrai qu'une certaine omerta a perduré pour les officiers restés fidèles au gouvernement de Vichy. Triste ; le devoir de mémoire ne peut être sélectif.

Ajoutons que le texte de Pierre est très complet, tout en se lisant comme un roman d’aventure (c’est un compliment).

La première édition du livre est épuisée, mais une seconde est en projet avec un nouvel éditeur. Nous contacter pour mise en relation avec l'auteur.

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Avec Pierre Andolenko, 2016

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Entre deux attaques, passé en deuxième ligne, je déjeune avec trois de mes lieutenants. Nous sommes sur une crête, pour rester attentif à tout mouvement possible. Au milieu du casse-croûte, l’artillerie commence à tirer et nous voyons, à intervalles réguliers, des paquets d’obus remonter vers nous. La dernière volée tombe à moins de cent mètres. Et là, quelques secondes qui durent des siècles, et dans la tête : « Lequel d’entre nous va se coucher le premier ? Pas moi en tous cas, j’aurais trop l’air d’un con ! ». Et nous nous regardons tous dans les yeux. Et nous nous disons tous, les uns aux autres « Je suis mort de trouille, mais je ne me coucherai pas ! ». Et la volée suivante tombe sur la crête, derrière nous. Stupide, bêtise, mais qu’est-ce qu’on est bien vivant après ça !

***

« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, 8e RG, 1ère CMT, 38e RG

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Sapeur Lucien Violleau

Janvier 1937 – Dimanche soir, bal de la Saint-Vincent à la salle des fêtes. Pas de permission de spectacle car « garde d’écurie », mais cela ne m’a pas empêché d’y aller et de me coucher à deux heures du matin. Une visite du lieutenant-colonel vétérinaire est annoncée pour la semaine suivante. Pansage et fayotage. Dimanche soir, permission de spectacle : bal à Saint-Martin, retour à trois heures du matin. Aventure survenue à Théveneau sur le bord d’un mur avec une pétasse de Montoire : fou rire tout le lundi.

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Sapeur Lucien Violleau

Mai 1940 – Un violent bombardement m’a fait passer des minutes terribles ; les premiers obus allemands sont tombés à cinq cent mètres de nous (…) J’ai juste le temps de traverser la route pour rejoindre le central [de communication], un premier obus est tombé à cinquante mètres, puis se rapprochant, une douzaine, dans un rayon de 20 mètres. Un autre est tombé au centre du village, enflammant une maison. Enfin, le plus terrible est tombé dans un angle de grange, à l’endroit même où s’était réfugié le sergent-chef Duny. L’obus lui coupe un bras, près de l’épaule, et le pauvre chef expire quelques minutes après. Une drôle de panique s’ensuit (…) Toutes les lignes téléphoniques sont coupées.

Tout laissait prévoir ce bombardement… Le quartier général entier de la division et beaucoup d’officiers s’étaient installés, avec toute les lignes téléphoniques, très en vue du terrain occupé par les Boches. En un mot, tous les soldats croient, soit à une trahison, soit à un haut-commandement incapable. Le moral est à zéro.

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Chambrée de Stalag

Décembre 1944 – Un certain soir de décembre 1940, je débarquais sur la terre ennemie. Quatre années de captivité dans le pays chleu. Combien d’heures de découragement, de désespoir, tristes, inhumaines ? Malmené, travail par tous les temps, à contrecœur, contre mon intérêt. Combien d’injustice, de privations, matérielles et morales, de réflexions moqueuses et insolentes endurées ? Combien d’heures de bonheur, de joies perdues et qui ne se rattrapent jamais ? Combien de larmes, de soupir au pays ? Quel poids de haine un cœur de prisonnier peut-il accumuler, pendant quatre longues années, contre ses inhumains geôliers ?

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Lucien Violleau prisonnier en Allemagne

Mars 45 - A six heures du soir passe à toute allure une chenillette allemande descendant du front. Peu après, c’est des chars des autos, à toute allure également. Puis arrive une grande nouvelle, apportée par un soldat allemand à pied, sale, dans un état poussiéreux incroyable, boitant, avec un soulier sans talon. Et voici la nouvelle, bonne, à tel point bonne qu’on a tous douté, même devant la réalité de la fuite éperdue. Et cette nouvelle, dont on aurait tous chanté et dansé de joie, la voici : les Américains sont à six kilomètres ! Ce soldat allemand nous dit : « Maintenant la guerre est finie, enfin, c’est temps ».

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« 2710 jours » est le journal intime d'un jeune agriculteur vendéen, conscrit de 1937, emporté dans la tourmente de 40 et qui passe 5 ans en captivité en Allemagne. De l’insouciance, voire l’ennui, du service militaire, ponctué heureusement par les bals musettes, au travail forcé, le froid, la faim, les brimades des Stalags, en passant par la drôle de Drôle de Guerre et l’ouragan de la Blitzkrieg. Le texte, écrit à l’origine sur des cahiers d’écolier, outre l’évident intérêt historique, rend le personnage extrêmement attachant. Une petite merveille de livre. Tout ce qu’on aime.

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Le petit-fils de Lucien, Damien Pouvreau (à l’origine de la publication du livre, qu’il nous a gentiment dédicacé, et qui a fourni les photos inédites qui illustrent cet article) s'est inspiré du journal de son grand-père pour composer l'album "2710 jours de ma jeunesse" et créer un spectacle musical, actuellement à l'affiche du Grenier à sel d'Avignon, tous les jours à 20h et jusqu'au 27 juillet, dans le cadre du festival d'Avignon (sélection pays de la Loire). Voir ici. Le devoir de mémoire prend de bien heureuses formes.

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Page FaceBook de Damien Pouvreau ici. Vidéo

« 2710 jours » est publié par Les Archives Dormantes, très sympathique maison.  Disponible ici.

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Lucien Violleau

Avril 1941 – Les civils allemands ont une foi sans limites dans la victoire finale, une admiration sans borne pour Hitler, qu’ils portent aux nues par leurs paroles et leurs gestes. Ils ont remplacé les formules de politesse "bonjour", "bonsoir", "au revoir", "salut" par le "Heil Hitler" qu’ils prononcent tout naturellement, à chaque instant avec grand respect. C’est le cri à la mode. Les hommes, en se saluant ainsi, lèvent la main "à la Hitler". La folie.

***

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Hommage

Aux combattants de 39-40

60 000 soldats français morts au combat,

7 500 Belges, 6 000 Polonais, 3 500 Britanniques, 3 000 Néerlandais, 1 300 Norvégiens,

150 000 blessés.

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2CL René Hertoux, 124e RI, vétéran de 39-40, blessé de guerre, médaille militaire, croix de guerre, citation à l’ordre de l’Armée, 3 citations à l’ordre du régiment.

La voie de l’honneur est un chemin étroit et peu fréquenté. Les plus anonymes y sont capables de coups d’éclats, et le banal peut se teinter de sublime. L’historien a fait son œuvre et pour décrire la débâcle de 1940 et l’effondrement de la France, il a analysé, recoupé, enquêté. Avec le recul, le sens de l’histoire peut se redessiner. Les héros discrets peuvent enfin y trouver leur place, car leur courage solitaire et obstiné force l’admiration.

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux

 

 

 

 

24/05/2017

« Le soleil se lève sur nos blessures », collectif « Debout Marsouins ! », 3e RIMa, autoédité

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés

 

 

La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber,

mais de se relever à chaque chute.

 Confucius

 

Ils portaient en eux, parfois inconsciemment, une certaine idée de la France. Ils se sont engagés. Ils ont été envoyés au bout du monde par les Français. Ils ont combattu pour les Français. Ils l’ont fait avec courage. Mais ils sont tombés.

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Ils ne sont pas morts. Ils ont été blessés dans leur chair ou leur esprit. Cependant, pour eux, ce fût tout comme une mort : ils n’ont pu poursuivre la mission; ils ont abandonné leurs camarades; ils ont failli; ils se sont demandés si la vie avait encore un sens.

Nous voici bien graves, et ce n’est pas faire justice à cette attachante équipe de joyeux lurons qu’est « Debout Marsouins ! » et à leur livre plein d’espérance, « Le soleil se lève sur nos blessures ». Mais il est vrai que l’histoire n’est pas terminée :

Les cicatrices sont vives, le potentiel physique est diminué, les nuits peuvent être agitées de cauchemars, et le deuil des frères d’armes est porté à jamais. Le chemin a été long, semé de souffrance et de doutes, mais tous ces soldats se sont relevés, et ont décidé de se confier.

On connait une des clés fondamentales de la guérison : accepter les mains tendues et parler. Avec ce livre, nos amis du 3e RIMa tendent à leur tour les mains et parlent : aux soldats en soin, handicapés, souffrant de SSPT, à leurs camarades, aux proches… et pourquoi pas aux Français dans leur brouillard métro-boulot-dodo ?

Saluons la volonté des CCH Benjamin Itrac-Bruneau et Rodolphe Guadalupi, à l’origine du projet. Ils ont su fédérer les énergies et ont convaincu des camarades à se livrer (et il faut du courage pour le faire, nous en sommes conscients). Et le résultat est là : un livre très émouvant, écrit avec un talent certain. L’un des grands récits milittéraire de ces dernières années, qui fait honneur au bel esprit Colo et à l’armée en général.

Le soleil se lève sur nos chers Marsouins de Vannes. Il n’est pas encore bien haut sur l’horizon pour certains, mais même s’il n’atteint jamais le zénith, ce n’est déjà plus la nuit.

Si notre métier n’est pas d’écrire, nous savons néanmoins nous exprimer avec nos cœurs et nos tripes. Et c’est ce que nous avons fait. Nous avons voulu réaliser ce livre pour nos frères d’armes morts pour la France ou blessés, pour tous les soldats de nos armées, pour leurs familles et leurs proches et pour vous, nos concitoyens. (...) Nous ne recherchons aucune gloire, mais espérons simplement que notre engagement et, dans une plus large mesure, celui de nos frères d’armes, soit connu, compris et reconnu par les Français.

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Marsouins à l’entrainement, région d’Ati, Tchad.

Ca ne siffle plus autour de nous, ça claque en permanence. Un avertissement que répétaient ceux qui avaient connu l’épreuve du feu me revient à l’esprit : « quand ça claque ce n’est pas bon signe, c’est que ça passe tout près ». Pour commander mon groupe, il me faut un minimum de champ visuel. Je suis donc légèrement accroupi. Soudain, je reçois comme un grand coup dans la gueule, ce genre d’uppercut à assommer un cheval. Je ne réalise pas que je viens de me faire toucher. Je cherche à commander, sans me rendre compte que j’en suis incapable, je ne peux pas parler, je parviens juste à émettre des borborygmes en crachant du sang, dès que j’ouvre la bouche. Je me sens faiblir.

LCL Jean-François Libmond, blessé en 1978 au Tchad lors du combat d’Ati.

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CCH Rodolphe Guadalupi en Bosnie

Avant même de comprendre ce qu’il m’arrive, une multitude de pensées imprécises se bousculent dans ma tête. Il me semble de n’avoir d’autre choix que d’accepter quelque chose que je ne comprends pas ni ne maîtrise. J’ai l’impression qu’une sorte de bulle se crée autour de moi, à l’intérieur de laquelle le temps se fige et l’espace se réduit à ma stricte personne. Un peu comme si l’Univers ne se limitait plus qu’à moi et moi seul. Je ne perçois absolument plus rien de mon environnement. Plus rien n’existe à part moi, tout le reste ne compte plus.

CCH Rodolphe Guadalupi, blessé en 1995 en Bosnie

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CCH Salami Abdou en Afghanistan

Je commence à reprendre mes esprits. Je mesure ce qui m’arrive mais sans comprendre et surtout sans l’admettre. Le fait de me retrouver en France, loin de mes camarades et de ne plus pouvoir continuer la mission m’anéantit (…) J’ai envie de tout casser ; j’ai envie de hurler ; Je me demande pourquoi moi ? Pourquoi ai-je été obligé de rentrer avant la fin du mandat ? J’ai le sentiment d’avoir abandonné mon groupe et ma section (…) Je veux revoir mes potes. J’ai besoin qu’ils me rassurent, qu’ils m’aident à me libérer de ce sentiment d’inachevé. J’ai besoin qu’ils me disent qu’ils ne m’en veulent pas de les avoir laissé tomber au milieu de ce vaste merdier.

CCH Salami Abdou, blessé en 2009 en Afghanistan

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CCH Benjamin Itrac-Bruneau en Afghanistan

Je passe mon premier mois à Percy entre pansements, soins, séances de kiné, visites de camarades du régiment, d’autorités, d’amis, de la famille, d’anciens… J’ai parfois l’impression d’être une bête de foire, répondant aux mêmes questions, certains se sentant obligés de me raconter leurs campagnes, comme pour justifier la souffrance qu’ils lisent dans mes yeux et qu’ils ne connaissent pas. Mais au moins je suis rarement seul et cela m’évite de ressasser sans arrêt l’embuscade du 3 août. Car si mon corps est à Paris, mon esprit est resté dans ce petit verger où, pendant quelques instants, ma vie a été plus intense, plus perceptible, plus concrète, plus vive qu’elle ne l’avait jamais été. En quelques instants je suis passé du courage à la peur, de la vie à la mort, de la résignation à la lutte ; mais de Marsouin… à plus rien.

CCH Benjamin Itrac-Bruneau, blessé en 2009 en Afghanistan

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CCH Salami Abdou, médaille militaire, et ADC Nadège Donzé, marsouin d’honneur, à Vannes

Je ressens comme un sentiment d’injustice. Pourquoi eux ? Y en aura-t-il encore d’autres ? Et si oui, combien ? Bien qu’aucun lien de parenté n’existe entre eux et moi, je me sens affectée et me surprends à laisser couler quelques larmes. Je suis effondrée, un peu comme si ces hommes étaient mes frères. Bien sûr, dans nos traditions militaires, nous parlons de « frères d’armes », mais ces hommes, au fond, me sont inconnus. Pourtant, c’est quelque chose de plus fort que moi, presque un besoin, de les voir, de modestement contribuer à améliorer leur quotidien entre les quatre murs blancs de leur chambre d’hôpital.

ADC Nadège Donzé, affectée au cabinet du ministre de la Défense, visite les blessés sur son temps libre

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Le pont de Vrbanja, Bosnie

Je retourne sur le pont. Décidément, les ponts jalonnent ma vie (…) J’entame le deuxième pack de bière. Ma tête commence à tourner, je commence à gueuler, à crier très fort, encore plus fort. Je gueule pour évacuer le stress, le mal-être, la rage, la haine, toute cette merde qui me ronge depuis dix ans. Le bruit des voitures couvre mes cris. Je gueule, je hurle à m’en faire péter les cordes vocales. Dans quelques instants, l’ivresse m’attirera vers le bas et mon voyage tourmenté se terminera.

Je crois aujourd’hui que je ne voulais pas mourir, je ne voulais pas quitter la vie, je ne voulais pas abandonner ma famille, mes amis. Je voulais juste qu’on m’aide.

CCH Eric, blessé physiquement et psychologiquement en Bosnie en 1995 lors de la reprise du pont Vrbanja

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Soldats français au Mali

Nous devons humblement accepter de n’être que des hommes. Nous ne sommes pas des machines de guerre insensibles à toutes les blessures faites à notre corps, à notre cœur et à notre esprit. C’est sans doute en acceptant cette fragilité qu’il est possible de sortir de la dépression. Il n’y a que dans l’abandon du rôle qu’il s’attribue ou que les autres lui attribuent que le blessé psychologique pourra se reconstruire.

CCH Eric, blessé physiquement et psychologiquement en Bosnie en 1995

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150px-3eme_RIMa.pngLe collectif « Debout Marsouins ! » a été créé à l’initiative de deux Caporaux-Chefs du 3e RIMa Rodolphe Guadalupi et Benjamin Itrac-Bruneau, avec la volonté de témoigner de leur engagement au service de la France, mais aussi de leur reconstruction physique et psychologique, après leurs blessures respectives en Bosnie et Afghanistan. Fédérant autour d’eux plusieurs Marsouins du 3e, vétérans du Tchad, de Bosnie et d’Afghanistan, blessés physiquement ou moralement, mais aussi des proches, des personnes œuvrant dans le soutien, des psychologues, infirmiers et médecins militaires. L’aventure est menée à bien et quinze textes sont publiés en autoédition, sous le beau titre « Le soleil se lève sur nos blessures ». Préface du COL (r) Pierre Servent.

Nous ne sommes pas des têtes brûlées. Nous sommes des citoyens au service de nos concitoyens et de notre pays, dont nous défendons les intérêts, les armes à la main, dans la discipline, dans le respect des lois, et sans état d’âme à chaque fois qu’on nous le demande. Nous sommes en même temps le bras armé de la Nation et le bouclier de chaque Français.

Nous ne sommes pas des victimes. Nous sommes des blessés de guerre.

Collectif « Debout Marsouins ! »

 

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Souvenirs de nos bons moments avec Nadège, Benjamin et Rodolphe en 2016. Déjeuner à Paris, Salon du Livre et Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr à Coët. 

Mais notre relation avec les soldats auteurs ne s’arrête pas après une rencontre sur un salon, la lecture du livre et son humble promotion. Nous la vivons dans la durée et beaucoup sont devenus des amis proches. Un exemple : Le 20 mai dernier, nous avons assisté à une conférence de l’IHEDN sur le thème « Les gueules cassées, blessures visibles et invisibles », organisée par notre chère Nadège du collectif « Debout Marsouins ! ».

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Sous la houlette du médecin en chef (COL) Jean-Christophe Amabile, du Service de Santé, excellentes interventions, passionnantes et d’une heureuse spontanéité, du CCH Frédéric Cantelou, Marsouin du 1er RIMa blessé physique et psychique au Mali, de l’ADC Christian Bonnot, chef du bureau environnement humain du 1er RIMa, et de Mr Henry Denys de Bonnaventure, président de l’UBFT – fondation « Les Gueules Cassées », blessé en Algérie. Parallèlement, l’artiste René Apallec présentait ses œuvres, impressionnants collages sur le thème de la blessure de la face. Voir son site ici.

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Le 16 mars 2013, au Mali, Frédéric Cantelou est gravement blasté, blessé, brulé, par l’explosion d’un IED.  Le CPL Alexandre van Dooren, pilote de leur AMX10RC, est tué ; les deux autres membres de l’équipage sont grièvement blessés eux aussi. Nous étions présents sur le pont Alexandre III, pour honorer le sacrifice d’Alexandre et manifester notre soutien à ses proches et camarades. Nous avions tenus à partager notre émotion sur le blog naissant. C’est ici.

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A l'issue de la conférence, les participants ont  manifesté leur soutien à l’association « Au-delà de nos handicaps » représentée par son président le GAL (2s) Georges Lebel, via une participation financière au projet  « Mercantour Dream Warriors », raid que vont effectuer en juin huit militaires atteints de blessures physiques invalidantes ou psychiques/SSPT et deux jeunes adultes civils handicapés. Soutenez comme nous ce beau projet ici. Page FaceBook

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Et pour conclure ce semi aparté (vous aurez noté le Général Lebel posant avec le livre), nous adressons toute l’affection des CCB (Caporaux-Chefs de Bataillon) d’Une Plume pour L’Epée à nos camarades Marsouins ! (blague privée :))

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« Le soleil se lève sur nos blessures » par le collectif « Debout Marsouins ! »

[grades et fonctions à l’époque des faits]

SGT Jean-François LIBMOND, blessé par balle à la gorge lors du combat d'Ati, Tchad, 1978,

1CL Eric, blessé lors la reprise du pont de Vrbanja, Bosnie, 1995,

1CL Rodolphe GUADALUPI, blessé à Sarajevo, Bosnie, 1995 ; Catherine BLANDIN sa maman,

1CL Benjamin ITRAC-BRUNEAU, blessé en Kapisa, Afghanistan, 2009 ; 1CL Chay-Dene, premier camarade à lui porter secours,

CPL Salami ABDOU, blessé par explosion d'IED en Kapisa, Afghanistan, 2009,

1CL Maxime GARNIER, blessé psy après sa mission en Kapisa, Afghanistan, 2009 ; propos recueillis par le collectif et retranscris par Georges GUEHENNEUX,

Olivier BOREL, psychologue de la CISPAT,

COL Thierry MALOUX, chef de la CABAT,

Médecin-général inspecteur Dominique FELTEN, ICAS Anne-Sophie REHEL et MAJ Sébastien KEIRSSE, médecin et infirmiers au groupe médico-chirurgical de Sarajevo, Bosnie, 1995, propos recueillis et retranscris par Sabine FOSSEUX,

ADJ Nadège DONZE, chargé du suivi des dossiers des blessés au sein du cabinet du MINDEF en 2008/2009,

Préface du COL (r) Pierre SERVENT.

ISBN 9781364289119 – Format 15x23, 200 pages – Prix 8,45€

Disponible ici.

Page FaceBook .

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Hommage

A l’ADJ Jean-Louis Allouche, Tchad

Au CPL Joseph Lenepveu, Tchad

Au 1CL Guy Jolibois, Tchad

Au CPL Johnny Comtois, Bosnie

Au CPL Marcel Amaru, Bosnie

Au 2CL Jacky Humblot, Bosnie

Au CPL Anthony Bodin, Afghanistan

Au CPL Johan Naguin, Afghanistan

Au CCH Thomas Rousselle, Afghanistan

Au 1CL Kevin Lemoine, Afghanistan

Au SGT Johann Hivin-Gérard, Afghanistan

A tous les Marsouins du 3e RIMa morts pour la France,

A tous les morts pour la France,

Aux blessés physiques et psychologiques,

A leurs proches.

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« Amazing Grace » par le 3e RIMa, sous la direction de Philippe Hardy 

Durant toutes les années que mon fils a passées au 3e RIMa et à chacun de ses départs en mission, mon entourage familial et amical me montrait une sollicitude un peu encombrante, comme si j’étais la victime, la mère d’une future victime de guerre. J’ai refusé de tous cette attitude et l’ai combattue. J’estimais en effet que le métier de Rodolphe, malgré les terribles risques qu’il comportait, ne devait pas inspirer la « pitié », mais plutôt le courage et la fierté, accompagnés de noblesse, cette noblesse de ceux qui vont au bout de leurs convictions.

Catherine, maman du CCH Rodolphe Guadalupi, blessé en 1995 en Bosnie

 

Je suis aujourd’hui sergent. Je voulais quitter ce métier militaire qui m’a tant fait souffrir. Mais au bout du compte, je ne vois pas d’entreprise capable d’autant d’attentions à l’égard d’un de ses fils. Fils, un mot bien différent des termes usuels : salarié, employé, personnel, ressortissant… J’existe aux yeux de mes frères d’armes, je ne suis pas jugé, je suis un guerrier des Troupes de Marine, je suis un soldat de France.

SGT Maxime Garnier, vétéran d’Afghanistan, blessé psy

 

 

 

 

 

 

27/04/2017

Le Ministère de la Défense au Salon du livre 2017

Photos Natacha/UPpL’E – Droits réservés

 

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Retour sur la belle journée passée au Salon du Livre de Paris. Les années passent et le succès des mili-auteurs ne se dément pas, voire s’amplifie, vue la foule désormais présente sur le *superbe* stand du Ministère de la Défense, pour échanger et se faire dédicacer les livres. Mais il est vrai que les écrivains combattants ont peut-être des « choses » à raconter un peu plus intéressantes que la moyenne… :)

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Il faut désormais faire la queue pour approcher les soldats auteurs. Qui s’en plaindrait ? Voici ceux que nous avons rencontrés lors de notre visite le samedi, une toute petite partie du potentiel, car d'autres étaient présents les vendredi et dimanche, ou présentaient des livres tout à fait intéressants mais sortant de notre "scope" du récit autobiographique (histoire, stratégie, BD...).

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COL Marc « Claudia » Scheffler

Débutons avec notre camarade Marco. Il est l’un des parrains d’Une Plume pour L’Epée, car rencontré alors que le blog n’était qu’à ses balbutiements. Profitant de soirées solitaires laissées par sa dernière OPEX au Tchad, notre auteur « Mud » a repris la plume pour un second livre, toujours sous les couleurs Nimrod. A la clé : « Naissance d’un pilote », en quelque sorte un préquel à son premier récit, le remarquable « La guerre vue du ciel », abordé ici. Marco revient en effet sur toute une période allant du rêve d'ado à la chambre décorée de posters de Mirage, à son installation effective dans le cockpit d'un 2000D. Se lit comme un roman d'aventure (et c'en est une). Absolument passionnant !

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- Allez Claudia, à toi !

J’empoigne le manche et la manette des gaz. Immédiatement, le Tucano se met à s’agiter. Comme je suis crispé, mes va-et-vient au gaz sont trop amples et mes coups de manche trop appuyés. Presque à le toucher, le Tucano de Tong danse à quelques mètres devant moi.

- Compense l’appareil, souffle un peu et remets-toi en position souplement, me conseille Caris.

Je bataille sans réussir à trouver le bon dosage dur les gouvernes. Pire, je suis de plus en plus sur les nerfs et ne parviens pas à franchir la barre des derniers mètres. Dès que je m’approche trop, nos deux Tucano se repoussent comme des aimants (…) Trop prêt, je suis dangereux, trop loin, je ne suis pas en place. Mon espace vital s’est soudain rétréci. Jusque-là, je n’avais évolué que seul et le ciel était à moi. Là, pendant dix minutes, je fais l’accordéon avec l’avion de Tong ? Caris tente de dédramatiser :

- Commence par te calmer un peu, j’entends ton souffle saccadé et j’ai l’impression de voler derrières un asthmatique…

*

Aux éditions Nimrod. Disponible ici

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« La guerre vue du ciel » a été abordé ici.

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Avec Mr Nimrod, éditeur majeur s’il en est, et « Claudia »

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COL Raphaël Bernard

Après l’aviateur, l’artilleur… Raphaël Bernard poursuit la promotion active de « De sueur et de sable », son journal de marche alors qu’il a été placé à la tête d'un convoi composé de Tchadiens, Népalais et Ivoiriens, retraçant une épopée de 14 jours/1200 km dans le nord Mali. Premier témoignage sur Barkhane, ce livre mode « salaire de la peur » se lit avec beaucoup de plaisir. Nous l’avons abordé ici.

Quelques semaines après le salon, Bernard était déployé au Tchad. On a évoqué un second livre…

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Le véhicule stoppe à deux cents mètres de notre position. Il s’arrête et éteint ses feux. Je regarde le commandant Abakar. Nos yeux disent la même chose : bizarre. Je demande à Tornade d’envoyer un élément pour contrôler le véhicule en positionnant un second élément en appui direct prêt à ouvrir le feu. J’ignore la nature exacte de ces « voyageurs » (…) J’entends la tourelle du blindé deux cents mètres à l’ouest pivoter avec un bruit de crémaillère. Tout le monde observe et retient son souffle. Je saisis mon Famas qui me suit partout. Je le colle sur la poitrine. Les officiers tchadiens saisissent leurs Kalachnikov…

*

Aux éditions Le Polémarque. Livre abordé ici

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Marius

Et après les armées de terre et de l’air, voici la Marine. Doit-on présenter Marius ? :) Le commando-marine & acteur est toujours heureux d’aller à la rencontre de ses fans, et ils sont nombreux : « Parcours commando » (abordé ici) est certainement le plus grand succès public de la milittérature de ces dernières années, avec des dizaines de milliers d’exemplaires vendus.

Nous souhaitons d’ailleurs le même succès à tous les autres livres, ils méritent la plus large diffusion possible.

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Je reste persuadé que l’homme, quelles que soient son éducation, son origine ou ses racines, garde toujours en lui une étincelle qui peut lui permettre de changer et d’évoluer dans le droit chemin. Pour y parvenir, pour transformer cette étincelle en flamme, il lui faut cependant l’entretenir et la stimuler, avoir le désir, l’envie et la volonté de changer, mais aussi le courage d’affronter le regard des autres et d’écouter les conseils qu’ils peuvent vous donner. Bien des hommes se murent dans leurs certitudes privant cette étincelle de la moindre molécule d’oxygène et l’amenant ainsi à s’éteindre définitivement.

*

Aux éditions Nimrod. Livre abordé ici

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ADJ Sébastien Dupont

Enfin une rencontre avec l'ADJ Sébastien Dupont, ancien de l’ECPAD, désormais membre de la cellule communication de la BA 126. Il est vrai que nous le « pistions » depuis un certain temps... Long échange et anecdotes partagées. Nous avons hâte, évidemment, de lire son "Journal d'un reporter militaire", sujet largement inédit, qui met enfin à l’honneur les photographes et communicants de notre armée. 

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J’ai essayé d’être en osmose avec ceux que je photographiais, de faire un travail plus humaniste qu’artistique, même si la qualité graphique de l’image fait partie de sa force et de son impact dans les mémoires (…) La photo n’est finalement pour moi qu’un moyen de me rapprocher de ces hommes et de ces femmes, de les comprendre, de leur donner, en quelque sorte, la parole. Si mes images ont été là pour traduire leur message, je n’aurai pas été totalement inutile.

*

Aux éditions de la Flèche. Disponible ici.

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Et enfin une bien sympathique découverte : Justine Perard, auteur de "Justine, vent debout", témoignage retraçant son parcours d’élève de l’École des Mousses de Brest. Bonne nouvelle que cette parution : sujet totalement inédit et bien trop peu de livres sur la Royale...

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Je suis de quart. J’aime faire 20h-minuit et 4h-h. Voir le coucher de soleil au milieu de l’Atlantique, c’est extraordinaire. Toutes ces couleurs qui se mélangent et s’assemblent si bien, de l’orangé jusqu’au bleu-gris, en passant par des teintes jaunes et rouges, avec la mer, qui englobe tellement bien le ce cadre magnifique. J’ai aussi la chance de pouvoir assister au lever de soleil, où tout est en ébullition : les couleurs, les sons du jour. C’est comme si après une nuit noire, le monde revenait à la vie.

*

Aux éditions Saint-Honoré, disponible ici

***

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Enfin, vos serviteurs avec Céline du SIRPAT. Nous la remercions, à nouveau, pour son accueil, son intérêt pour notre projet (et ses invitations :). Très beau stand, non moins belles et beaux auteurs, et la foule au rendez-vous. Mission accomplie avec brio Céline ! Félicitations à partager avec les sympathiques autres communiquants de l’Air, de la Marine, du service de Santé et de l’ECPAD.

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Et on ne le répétera jamais assez :  Allez à votre tour à la rencontre des soldats-auteurs, porte-paroles de tous leurs camarades. Vivez ce que nous vivons : le grand bonheur d'échanger avec des femmes et des hommes d'exception.

Chic à nos soldats !

 

 

 

 

 

 

 

 

15/03/2017

« Légionnaire », ADC (er) Victor Ferreira, 4e RE, 13e DBLE, 3e REI, 2e REI ; LTN (r) Bertrand Constant, 2e REP ; Mareuil Editions

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

 

Et le temps passera. Ces hommes, anonymes sous le képi blanc, continueront de défiler majestueusement et de se battre comme ils l'ont toujours fait, relevés par d'autres hommes au même képi blanc, ayant toujours dans les yeux le reflet de cette foi intérieure qui ennoblit la Légion.

Maréchal Juin

 

 

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Au GRLE, Fort de Nogent

Ce n’est pas un scoop, Une Plume pour L’Epée aime les Légionnaires. Nous les côtoyons d’ailleurs régulièrement, comptant bien des amis bérets verts, ayant nos habitudes au fort de Nogent pour Camerone, à la popote des Caporaux-Chefs, visitant la Crèche, guinchant au bal de Miss Képi Blanc, etc. Mais vous, les connaissez-vous ?

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Voici un bien joli livre qui peut vous éclairer et « tuer » quelques « légendes urbaines » sur la Légion (ramassis d’anciens délinquants, tueurs en puissance et autres blablabla). Après le très beau "La Légion dans la peau", notre ami Victor Ferreira a repris son bâton de pèlerin et son appareil-photo : parcourant pendant deux ans les bases béret-vert, jusqu’en Côte d’Ivoire. Il a « flashé », sans artifice car c’est sa marque de fabrique, des visages de jeunes et d’anciens. Posant à chaque fois les mêmes questions, il a confié les enregistrements à un autre Légionnaire, Bertrand Constant, qui a rédigé les textes d’accompagnement.

« Légionnaire » est superbe de simplicité, tant pour les photos que pour les textes. Et c’est heureux, car ces hommes n’ont aucun besoin « d’amberlification »…

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« - Qu’est-ce que tu veux dans la valise ?

- Ben, pas grand-chose, cigarettes, affaires de toilette, mes bricoles habituelles…

- Mais, on dirait que tu pars pour l’Armée ?

- Oui, Maman, je pars à la Légion. »

Evidemment, elle a pleuré. Et moi aussi.

Jean, 72 ans, de Hongrie

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J’ai souffert en arrivant mais je commence à m’adapter. Je sens que ça vient, que je vais trouver mes marques. En fait, j’aime tout ici. On me force à faire des choses que je n’aurais jamais pensé pouvoir faire. On me dit de le faire, j’essaie et j’y arrive. Chaque jour il y a une progression. Maintenant je crois en mes capacités, j’ai confiance en moi.

Saikou, 25 ans, de Guinée-Conakry

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En arrivant au 2e REP, j’ai toujours été volontaire, je n’ai jamais reculé. Parfois, je ne comprenais pas tout, mais je disais « oui » et ensuite je trouvais les solutions. C’est ça l’esprit Légionnaire ; être bon, même quand on ne l’est pas.

Milos, 28 ans, de Serbie

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Je me suis engagé à 36 ans. Certains disent que c’est trop vieux mais ça dépend juste de ton état d’esprit (…) J’étais plus vieux que ceux qui s’étaient engagés en même temps que moi mais j’étais à 200%. Je suis passé « à la niaque ».

Gilles, 45 ans, de France

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On essaie chacun de notre côté d’honorer au mieux la Légion Etrangère et je dois dire qu’elle nous le rend bien. C’est notre refuge, notre famille toujours présente quand ça ne va pas. Il m’arrive de douter, de ne pas savoir quel chemin prendre et, dans ce cas-là, je m’assois et je regarde longuement mon béret vert. Je ne dirais pas que c’est un miracle mais, étrangement, tout revient dans l’ordre.

Fabien, 25 ans, de France

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Je suis très fier d’être Légionnaire parce que, dans mon pays, la Légion Etrangère est une légende, un mythe ! Et aujourd’hui, moi, le jeune Ukrainien sans boulot, je fais partie de cette légende.

Taras, 30 ans, d’Ukraine

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Je suis passé deux fois tout prêt de la mort. Parfois, j’ai peur juste à l’idée d’une troisième fois. C’est normal.

Patrice, 45 ans, de France

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Quand mon ex-femme a eu un cancer du sein, j’ai voulu démissionner en urgence pour m’occuper d’elle. Je voyais l’enfer arriver. Mais la Légion a été plus intelligente que moi. Mes chefs m’ont dit : « Non, ne démissionne pas, il y a des solutions. Tu es Parisien, on va te mettre en poste à Paris ». Et ils l’ont fait.

Jonathan, 34 ans, de France

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Tu peux être n’importe qui, commando ou astronaute ou médecin ou tout ce que tu veux, quand tu arrives à la Légion, c’est fini. Tout le monde repart à zéro. C’est extraordinaire.

Jorge, 67 ans, du Portugal

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10.jpgVictor Ferreira nait en 1963 au Portugal. En 1984, il s’engage dans la Légion Etrangère, pour laquelle il sert plus de 20 ans, aux 4e RE, 13e DBLE, 3e REI, 2e REI. Il est notamment déployé au Tchad, en RCA et en Bosnie. Lors de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, il est aide de camp du GAL Lecerf. Il quitte l’institution en 2007, alors adjudant-chef. Victor est désormais photographe professionnel.

 

DSC02927.JPGBertrand Constant est Saint-Cyrien. Optant pour la Légion, il commande une section de combat du 2e REP pendant 3 ans. Il quitte l’armée en 2000 pour une carrière de comédien. En parallèle à ses tournages réguliers, il développe des projets pour la télévision et le cinéma en tant que scénariste et réalisateur.

 

 

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Avec Bertand et Victor lors de la soirée du lancement du livre, à la librairie Fontaine Haussmann, novembre 2016.

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« Légionnaire », Victor Ferreira (photos) et Bertand Constant (texte)

ISBN 978-2372540216 – Prix 20 € - Format 22x17, 200 pages.

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Aux éditions Mareuil

Disponible ici.

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Pour mémoire, nous avons abordé le superbe premier livre de Victor « La Légion dans la peau » ici.

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Hommage

A tous les Képis Blancs.

Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense

Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé

N'est pas cet étranger devenu fils de France

Non par le sang reçu mais par le sang versé ?

 Pascal Bonnetti

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Non, cela n’a pas été facile de devenir Légionnaire,

On le devient en souffrant : sueur, sang, larmes…

Simplement voilà, c’était la voie, chance dernière.

Travailler avec des êtres différents, frères d’armes,

Route droite, unique, fraternelle, dans l’honneur ;

Aventuriers fiers. Merci, Légion, pour ce bonheur.

 

Extrait d’un poème de Pedro, postface à « Légionnaire », Victor Ferreira, Bertrand Constant

 

 

 

 

 

01/02/2017

« De sueur et de sable », COL Raphaël Bernard, EM 1re DIV, éd. Le Polémarque

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos et vidéos © Colonel Bernard. Droits réservés.

 

 

« Qu’importe si le chemin est long, du moment qu’au bout il y a un puits »

Proverbe touareg

 

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Il fût un temps où nous devions attendre des années avant de lire un témoignage sur une opération. Cette frustration est désormais caduque, la parole de nos militaires s’étant libérée ; leur volonté de témoigner certainement encouragée par l’Institution. Voici donc,  après les beaux récits sur Serval, un premier témoignage sur Barkhane et la MINUSMA.

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Journal de marche du Colonel Raphaël Bernard, artilleur promu chef de méharée-mécanique, « De sueur et de sable » nous fait vivre son épopée de 1200 km, ouverture de route dans le Nord-Mali, par un convoi composé de Tchadiens, Népalais et Ivoiriens. Nouveau « Salaire de la peur » (Ah ce p* de camion-citerne antédiluvien ! Ah ces p* de wadi !), mission digne de nos grands anciens de la Saharienne, le récit est aussi bien mené que l'aventure l’aura été en elle-même. Excitation, engagement, risques, galère, fatigue, doutes, rigolades... mais aussi l’occasion d’une belle introspection ; le désert, il est vrai, s’y prête.

Plongez à votre tour dans ce beau récit écrit avec le cœur, tout en sueur, sable... et fraternité.

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Le jour point. La lune est basse, presque occultée (...). Seul un petit croissant demeure encore et il est magnifique de finesse. Comme chaque matin, l’artiste revoit sa toile. Les touches de couleurs se succèdent et les pastels virevoltent dans le ciel. Le soleil viendra mettre de l’ordre dans tout ça avec un bleu superbe comme chaque jour ici. Les véhiculent fument, les hommes s’agitent, chargent les paquetages, « déshaubanent » les antennes, vérifient les véhicules et l’état des pneumatiques. J’aime cette ambiance.

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Le sapeur népalais me convie à venir goûter le dîner de ses hommes. Je suis touché et ravi ; j’accepte de bon cœur (…) Au menu il y a du riz, quelle surprise ! Une assiette m’est tendue une sauce aux légumes est versée. Me croirez-vous si je vous dis que la sauce ferait décoller la rouille sur une épave millénaire : ça AR-RACHE !!!

- Sir, it’s not too spicy, Sir?

- You’re kidding! I’m really a fan of Asiatic food!

Ma bouche est un volcan, mes lèvres pèsent trois tonnes et il me semble qu’elles enflent démesurément. Je vais cracher le feu, c’est sûr. Ca ne peut finir que comme ça. Pour autant, comme le dit Thérèse dans le Père Noël est une ordure : « Je mange car c’est offert de bon cœur ».

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Le véhicule stoppe à deux cents mètres de notre position. Il s’arrête et éteint ses feux. Je regarde le commandant Abakar. Nos yeux disent la même chose : bizarre. Je demande à Tornade d’envoyer un élément pour contrôler le véhicule en positionnant un second élément en appui direct prêt à ouvrir le feu. J’ignore la nature exacte de ces « voyageurs » (…) J’entends la tourelle du blindé deux cents mètres à l’ouest pivoter avec un bruit de crémaillère. Tout le monde observe et retient son souffle. Je saisis mon Famas qui me suit partout. Je le colle sur la poitrine. Les officiers tchadiens saisissent leurs Kalachnikov…

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Nous avons eu un fou rire lors du petit-déjeuner. Derrière nous, un jeune soldat faisait sa prière du matin. Les autres Tchadiens l’ont interpellé en arabe dans des éclats de voix et de rire. Je n’ai pas immédiatement saisi la raison de cette hilarité générale mais Abakar vint à mon secours. Le jeune Abdallah faisait fort convenablement sa prière, malheureusement pas dans la bonne direction. Au Mali la Mecque est plein est, justement où le soleil se lève. Et justement, il était là, l’astre repère. Bien que ne comprenant pas l’arabe, j’ai saisi l’infortune cocasse du jeune Abdallah, jeune croyant très mal réveillé, montrant ses fesses à la Mecque en se prosternant face à l’Ouest.

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Arrive le tour de la citerne de tous nos maux. Comme les autres véhicules, elle s’élance à tombeau ouvert, passe à un mètre de nous dans un bruit de mécanique et de ferraille, attaque le sable, vire légèrement. Nous suivons le monstre des yeux. Le nuage noir qui le suit laisse présager de sa colère et de sa hargne de vaincre. Pourtant, sa vitesse décroit doucement. Le monstre est bel et bien sorti de la piste principale et il baisse rapidement le nez avant de s’immobiliser. Son conducteur tente de repartir mais son action ne fait qu’ensabler un peu plus la citerne. Je vois les visages autour de moi se fermer. Je relance l’action par un « Allez, on s’y met tous et on l’arrache cette putain de citerne ! ». Et je saisis une pelle.

Je dîne sans appétit. Je repense à cette foutue après-midi où nous avons parcouru vingt-trois kilomètres en sept heures. Quel enfer, que de tension, de stress rentré et de prise sur soi pour se montrer confiant et « pushy » devant des hommes persuadés que je sais où je vais. Je suis exténué et j’ai besoin de faire une toilette comme pour chasser la chkoumoun qui nous colle aux pneus.

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Je suis furieux. Je dis [au chauffeur] qu’il est un amateur, que j’en ai marre de lui et de toutes les emmerdes qu’il nous apporte et que, arrivé à Anéfis, je le laisserai sur place (…) Le ton sur lequel je dis ces mots en haussant la voix fait taire les Tchadiens. Le chauffeur, au lieu d’accuser le coup et de plaider coupable (…) me regarde et me dit : « J’en ai marre, marre, marre et j’en ai marre de vous et de toi ! ». L’homme pointe son index de manière circulaire vers les Tchadiens puis finalement vers moi en le maintenant, bras tendu. Un Tchadien à ma droite relève brutalement le canon de sa Kalachnikov…

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Nous ne sommes plus très loin. Je me suis un peu isolé avec, à la main, un manche cassé de pelle. Mon esprit s’évade un peu, le présent se débloque et je pense à l’après.

***

 

13000314_590126381145007_8615185324440209308_n.jpgSaint-Cyrien de la promotion « Chef de Bataillon de Cointet », Raphaël Bernard rejoint l’Artillerie. Déployé en Côte d’Ivoire, Sahara Occidental, Liban, Ex-Yougoslavie et Kosovo, passé par l’Ecole de guerre et titulaire d’un MBA d’HEC, il est chef de corps du 1er RA de 2013 à 2015. Fin 2014, en poste à Kidal Nord-Mali, il s’élance dans une mission d’ouverture de route de mille deux cents kilomètres, seul Occidental à la tête d’un convoi MINUSMA de cent quarante-deux Tchadiens, Ivoiriens et Népalais, expérience dont il tire le récit « De sueur et de sable ». Il est désormais chef du bureau Opérations de la 1ère Division.

Avant de partir au Mali, quelqu’un m’a demandé ce dont j’étais le plus fier. Je ne m’étais jamais posé cette question. Mon parcours professionnel ? Mon parcours académique ? Mon parcours sportif et associatif ? Mes OPEX ? J’ai réfléchi à ce que je ne pourrais jamais remplacer, à ce que je n’accepterais jamais de perdre, à ce qui me constitue les plus intimement. J’ai répondu sans hésiter : mes trois fils.

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Page FaceBook de l'auteur ici.

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Avec le COL Bernard, Salon de l’Écrivain Soldat, Nice 2016.

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« De sueur et de sable », Colonel Raphaël Bernard,

ISBN 978-1092525077 – Prix 15€ – Format 21x14, 255 pages.

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Aux éditions Le Polémarque

Disponible ici.

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Hommage

à tous les soldats qui ont défait les djihadistes au Nord-Mali et œuvrent aujourd’hui pour la stabilisation du Sahel.

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J’aime comprendre ce que chaque homme a en lui et ce qui le fait avancer : le pognon, l’aventure, l’idéal, l’égo, la vocation, la volonté de démontrer à son père ou ses proches qu’il est quelqu’un, qu’il est capable, qu’il est un homme… Suis-je anthropophile ou sociologue ? Je crois que c’est surtout ma façon, d’une part de respecter et de considérer mes garçons et d’autre part un biais pour les motiver et répondre à leurs attentes (…) Je suis convaincu que chaque soldat a des qualités en lui, même s’il est sans diplôme, même s’il a fui une école où il a additionné les échecs. Il s’agit, pour nous, de le remettre dans la spirale de la réussite, de valoriser ce qu’il sait faire et ce qu’il réussit en apprenant différemment que sur une chaise scolaire. L’Institution militaire est, pour la grande majorité des dix mille jeunes qui chaque année la rejoignent, une école de la seconde chance, une vraie école de la vie.

COL Raphaël Bernard

 

 

 

 

08/01/2017

Salon des Ecrivains Combattants & Balade Artistique et Littéraire de l’EOGN 2016

Photos Natacha/UPpL’E

 

Il est souvent des engouements qui s’estompent avec le temps. La collection de timbre, le footing du samedi matin… Mais celui qui nous concerne, lire ces beaux récits de soldats, rencontrer leurs auteurs, échanger avec eux, sont de tels bonheurs renouvelés que nous abordons la 5ème année d’existence d’Une Plume pour L’Epée plus motivés que jamais !

Et pour débuter 2017, retour sur les deux derniers salons milittéraires de l’année passée.

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Avec le général de division (cr) Claude Le Borgne. Saint-Cyrien pendant la Campagne de France, il rejoint la Coloniale. Méhariste en Mauritanie, il quitte les sables africains pour les rizières indochinoises, avant de les retrouver en Algérie. Commandant le 2e RP à Madagascar, il termine sa belle carrière avec la Guerre-Froide, chef des 9e BI et 5e DB en Allemagne.

C’est toujours un honneur de rencontrer un grand ancien, et celui-ci s’est révélé particulièrement charmant, du haut de ses 93 vaillants printemps ! Magnifique carrière au service de la France ; magnifique Monsieur.

A noter que Claude est le frère du GAL Guy Le Borgne, autre figure de l'Armée française.

A ce jour, nous n’avons que feuilleté le livre, mais d’ores et déjà une chose est certaine : il est merveilleusement écrit et nous avons devant nous une bien belle et passionnante lecture…

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Il est bien connu que le vieillard, sentant sa mort prochaine, voit le monde courir à sa perte du même pas que lui. Nul n’ajoute foi à ses jérémiades. Il en va toujours ainsi.

Pourtant, le tocsin que branle le vieux pourrait bien être, pour la première et dernière fois, le bon.

Essayons, fût-ce sans espoir, de le faire entendre…

Aux éditions Albin Michel. Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, ou sur tous les sites du Net.

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Enfin une rencontre avec Wladyslaw Sobanski. Déployé en Indochine en 1951, rejoignant le 2e Bataillon Thaï, il est fait prisonnier par le Vietminh quelques jours avant son rapatriement. Interné au camp 113, il y subit pendant 409 jours les affres du funeste Boudarel, professeur à Saigon, communiste ayant rejoint dès 1950 le Viêt-Cong. Wladyslaw n’aura de cesse, dès lors, de faire reconnaître par la Justice française le crime commis, hélas sans réel succès. Il est des prescriptions indignes.

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Dans le camp 113, Boudarel porte une responsabilité énorme dans la mort de mes camarades. Car on peut tuer un homme sans jamais lever la main sur lui. Il leur a porté le coup de grâce en manipulant leur conscience et en leur imposant des comportements, des sentiments, des réflexes pernicieux à un moment où ils étaient affaiblis à l’extrême et, de ce fait, hautement vulnérables. Il les a fait sombrer dans un gouffre psychologique et leur a ôté le goût et la volonté de vivre. Pour ma part, je ne fais plus que 39 kg, contre 90 au moment où j’ai été fait prisonnier.

Aux éditions Amalthée, disponible ici.

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Retrouvailles avec notre cher général Barrera, commandant la glorieuse brigade Serval au Mali, ancien Chef de corps du 16e Bataillon de Chasseurs, and so on. Nous renouvelons ici nos plus vifs remerciements au Général pour son soutien dans un projet qui nous tenait tant à cœur et qui, grâce à lui et quelques autres camarades, a abouti au-delà de nos espérances… (la solution à cette devinette se situe en page de gauche du blog, logo + rubrique « à propos »…).

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La section de Gaulois [92e RI] est alignée sur deux rangs, impeccable, les armes à la main. Ils sont commandés par un adjudant solide qui a encaissé le choc à plusieurs reprises. Le plus petit à droite tient son fusil de tireur d’élite par le canon, la crosse posée au sol. Il est jeune et pourtant il a l'air terriblement décidé. L'amiral [Guillaud, CEMA] lui demande s'il a tiré sur des terroristes avec son fusil ; réponse négative. Cela ne correspond pas à ce que je sais de cette section, à ce que je perçois de ce soldat. Je retourne le voir, seul, pour l'interroger. Non, il n'en a pas arrêté avec son fusil de tireur d'élite, ils étaient trop près et montaient à l’assaut contre son groupe, mais il en a abattu deux avec son pistolet automatique, à quelques mètres. C'était eux ou lui.

Nous avons abordé le *vivement* recommandé « Opération Serval » ici

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Nous venons de parler d’un bon camarade, en voici un autre ! Le colonel Philippe Cholous, gendarme mobile au passé de Marsouin, Afghaner, du beau militaire tout en panache à la Bayard ! Lui aussi contribué à l’aboutissement de notre projet (cf plus haut).

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Pris sous le feu, je ne peux débarquer pendant l’accrochage. Restant inactif à bord de mon Humvee qui est en milieu de rame, les minutes me paraissent interminables. Je sais que le blindage me met à l’abri des armes légères et que la proximité des habitations complique les tirs ennemis. Pour le reste, notamment les roquettes, je me sens vulnérable. Je me sens d’autant plus immobile qu’en tourelle, le servant de la mitrailleuse s’en donne à cœur joie. Les étuis pleuvent dans l’habitacle.

Nous avons abordé son très intéressant « Deux ans dans les pas de Zamaraï Païkan, général et héros afghan », ici

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Et nous en profitons pour présenter son dernier essai « De la philosophie essentielle du commandement militaire », couverturé avec du Guesclin. Aux éditions Lavauzelle, disponible ici.

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Un rencontre comme on les aime : le médecin en chef (LCL) Etienne Philippon complète, pour notre plus grand bonheur, la milibibli des Afghaners. Il nous reste à lire « Médecin en Afghanistan » (la pile est épaisse… tant mieux) mais nous allons évidemment apprécier ce journal de marche et nous inclinons respectueusement devant l’engagement et l’abnégation des hommes et des femmes du Service de Santé et des infirmiers régimentaires.

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La vie est belle après la bataille. C’est la joie d’être vivant, de respirer tranquillement. Je constate que, comme parfois ceux qui sortent des hôpitaux, plus on est passé proche de la mort, plus on a le sens de la vie. Drôle d’euphorie. La minute présente, écrasée jusque-là entre le passé lourd de danger et l’avenir redoutable, cesse d’être toute petite. Les minutes semblent remplir tout le temps de leurs plénitudes, comme l’espace de notre popote parait avoir l’immensité du monde.

Aux éditions Lavauzelle, disponible ici

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Avec l'ami Victor Ferreira en promo de son dernier opus "Légionnaire". Son complice Bertrand Constant étant retenu sur un autre salon, nous nous rattrapons avec une photo de la soirée de lancement du livre, à la librairie Fontaine Haussmann. Livre-collection de portraits de Képis blancs, Victor et Bertrand sont on ne peut plus légitimes pour aborder le sujet : le premier, photographe, est un ADC en retraite, passé par les 4e RE, 13e DBLE, 3e REI et 2e REI et le second, auteur des textes, est Saint-Cyrien, ancien lieutenant du 2e REP. Nous reviendrons évidemment sur ce beau livre, mais en attendant, teaser :

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On essaie chacun de notre côté d’honorer au mieux la Légion Etrangère et je dois dire qu’elle nous le rend bien. C’est notre refuge, notre famille toujours présente quand ça ne va pas. Il m’arrive de douter, de ne pas savoir quel chemin prendre et, dans ce cas-là, je m’assois et je regarde longuement mon béret vert. Je ne dirais pas que c’est un miracle mais, étrangement, tout revient dans l’ordre.

Fabien, 25 ans, de France. Photo Victor Ferreira, texte Bertrand Constant

Aux éditions Mareuil, disponible ici.

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Encore un copain : cette fois nous sommes avec le Légionnaire cavalier CES (h) Philippe de Parseval.

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Philippe est l’auteur d’une très belle biographie sur son beau-père le GAL (2s) Paul de Chazelles, exemple typique de ces grands soldats qui méritent tout, sauf l'oubli dans lequel ils sont si injustement plongés...

Ce livre, très joliment écrit, est donc le bienvenu, nous plongeant dans la brillante carrière du général : Saint-Cyr au début des années 30 ; pacification du Maroc avec les légionnaires cavaliers du 1er REC ayant troqué leurs chevaux pour des automitrailleuses ; bataille de France avec le 3e RH, prisonnier et évasion (forcément) rocambolesque d'Allemagne ; Armée d'Afrique, glorieuse campagne d'Italie, débarquement de Provence et libération de la France avec le 8e RCA ; puis c'est l'Indochine où il pousse dehors les Chinois et fait le coup de feu contre le Viêt Minh naissant, avec le 5e RCuir ; retour au Maroc où il retrouve ses chers Légionnaires en prenant le commandement du 2e REC ; guerre froide en Allemagne avec le 2e RSA ; et enfin Algérie, où il aurait pu laisser la vie, étant violemment bastonné et laissé pour mort à Tlemcen...

Indispensable dans toute milibibli Légion, Cavalerie, Grands Anciens...

Aux éditions Dualpha, disponible auprès de l’auteur  : patrianostra2 [at] yahoo.fr

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Avec Mgr Henri, Comte de Paris et Duc de France. Bien que n’ayant pas écrit à ce jour, spécifiquement, sur sa carrière militaire (on le regrette…), Monseigneur a toute sa place au salon des Ecrivains Combattants : vétéran d'Algérie, il sert par la suite au 5e RH et 1er REC. Rappelons aussi que son frère, François d'Orléans, meurt au combat le 11 octobre 1960 à Imzouagh.

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Mais un salon peut en cacher un autre… Quelques jours avant l’après-midi des Ecrivains Combattants, nous étions à Melun pour « la Balade Littéraire et Artistique de l’EOGN ».

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Il s’agit d’un nouveau salon, créé à l’initiative des officiers élèves de la promotion LCL Caron. Saluons la volonté de la jeune génération de mettre en avant les mili-auteurs et espérons que les futures promotions portant TeTRA et taconnets renouvelleront l’expérience.

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Avec les gendarmes afghaners, COL Stéphane Bras et COL Philippe Cholous, auteurs de deux récits qui rappellent le bel engagement des hommes en bleu [portant pour l’occasion le treillis camouflé CE] dans la campagne afghane. Nous avons parlé de celui de Philippe, présent au salon des Ecrivains Combattants, plus haut.

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Quant à « POMLT, Gendarmes en Afghanistan » de Stéphane, nous l’avons abordé ici

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Progressivement, les Afghans nous gratifieront d’accolades et de poignées de mains interminables pour nous témoigner leur sincérité. Ils nous appliqueront en fait leurs us et coutumes et je verrai dans ces effusions et autres démonstrations chaleureuses une forme de respect réciproque (…) Je m’amuserai de cette façon si particulière de saluer en me gardant bien de prévenir mes supérieurs de la forme d’accueil qui leur sera réservée. Car quoi de plus surprenant pour un général ou un colonel de gendarmerie qui rencontre pour la première fois un officier de l’ANP que de se voir embrasser par un grand gaillard barbu !

Aux éditions Anovi, disponible ici.

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Avec Roland Môntins, ancien chef de groupe du GIGN, l’un des héros de la libération des otages de l’Airbus d’Air France à Marignane par le Groupe Islamique Armé en 1994, lors de laquelle il est sérieusement blessé comme neuf de ses camarades. Roland aborde cette action d’éclat, qui reste dans les mémoires, dans « L’Assaut » et, plus généralement, sa brillante carrière dans « GIGN, 40 ans d'actions extraordinaires ».

A ses côtés, le MAJ (er) Jean-Luc Riva et son éditeur Nimrod. Nous avons abordé le livre trépident de Jean-Luc sur une autre prise d'otage, celle de Loyada à Djibouti, ici

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Arlé est le premier à franchir la porte. Il se met immédiatement en appui à gauche, face aux passagers. Il hurle : « Couchez-vous ! Couchez-vous sous les sièges ! » Thierry bondit derrière lui. En trois foulées, il enfile le couloir qui mène au cockpit. Tous les terroristes s’y sont regroupés. Il analyse en une fraction de seconde la situation. Le preneur d’otages le plus proche : embusqué-genou à terre-veste de steward-kalachnikov. Face à lui : front dégarni-chemise blanche-pistolet-mitrailleur. A droite : chemise blanche-lunettes-pistolet automatique. Tous stupéfaits.

« L’Assaut – Le GIGN au cœur de l’action », chez Oh, désormais XO Editions. Disponible ici.

« GIGN – 40 ans d’actions extraordinaires », aux éditions Pygmalion (Flammarion). Disponible ici.

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Chacun des tireurs prononce mentalement le chiffre clé [pour coordonner le timing]. 333. Les réticules sont calés sur les têtes des ravisseurs. 333. La respiration est bloquée et l'index a rattrapé le jeu de détente. 333. L'index écrase sans à-coup la queue de détente. Une seule détonation, un léger nuage de sable qui s'élève et les six balles filent à 840 mètres/seconde vers leurs objectifs.

Aux éditions Nimrod, disponible ici.

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Avec le LCL (er) Roger Drouin, pionnier de l'aviation de la Gendarmerie, auteur d'un brillant historique en 2 tomes, « L'aventure au quotidien ». Voir ici.

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Enfin, une superbe découverte : les photographies de Mika, GIGN. Clichés magnifiques et travail graphique itou. D'ailleurs, nous nous sommes laissés tentés par deux photos... On espère un livre un jour.

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Le cliché de la Russe-blanc

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Celui du Chasseur

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Nous en profitons pour recommander la visite du musée de la Gendarmerie de Melun. Mise en scène des (superbes !) collections moderne et très esthétique, parcours pédagogiques rigolos pour les enfants… Vraiment à faire. Voir ici.

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Et pour conclure, alors que nous sommes auto-portraités devant de beaux dessins de Jean-Louis Martinez  figurant dans le hall du musée, nous vous souhaitons à toutes et tous une belle et heureuse année 2017, en vous remerciant pour votre intérêt, et avec une pensez particulière pour tous nos soldats et leurs proches :

Merci pour votre engagement au service des Français.

Vous pouvez être fiers de vous.

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