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07/06/2019

« Médecin en Afghanistan », MC Etienne Philippon, SSA, OMLT 3-Kandak 2, éd. Lavauzelle

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Mari transve mare, pro patria et humanitate, hominibus semper prodesse.

Sur mer et au-delà des mers, pour la Patrie et l'Humanité, toujours au service des Hommes.

Devise de l'Ecole de Santé des Armées

 

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Tous, nous savons que la vie est précaire ici. Nous sommes tous face à notre destin, à la fatalité. En faisant mes derniers préparatifs, j'ai l'étrange sensation, certainement comme mes camarades, de penser, comme avec un voile noir, à l'éventualité cruelle de ne jamais ranger à nouveau mes affaires au retour, tant ce retour est incertain. La sensation est particulière en fermant la porte de mon box. Le mot « servir », que beaucoup ont oublié, nous a réveillés cette nuit. Je pense très fort à ma femme.

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Mentoring médical par le MP Philippon

En arrivant au poste médical de Tora, Thomas me dit qu'ils viennent d’évacuer un militaire qui, étant gunner arrière du dernier VAB, s'est pris une balle très superficiellement dans le haut du thorax, à trois cent vingt mètres de l'entrée de la FOB. L'axe est pourtant sûr et surveillé et jamais aucune attaque n’a eu lieu à ce niveau. Le tireur isolé a été vu par la victime, mais trop tardivement. Il pourrait s'agir, d'après ce qui se dit, d'un individu voulant régler un compte à la force française. D’après l'hôpital, où le gars a déjà été pris en compte, c'est bien une balle de 7.62 qui s'est fichée tangentiellement entre la Frag et l’épaule du sacré chanceux. La balle sera retirée sous simple anesthésie locale.

Je constate alors que deux heures après l'incident, c'était moi qui, passant au même endroit, était gunner arrière de mon VAB SAN, dernier VAB de notre petit convoi.

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Soldats français et afghans, opération Snakes’nest, mars 2011. Issue du reportage du Ministère des armées ici. Crédit EMA. 

Nous nous suivons à travers champ, le long d'un muret qui nous arrive au genou. Pascal est derrière moi. Nous sommes en queue de colonne ; quelques soldats afghans nous suivent. C’est le début de l'après-midi, le soleil est resplendissant. Le silence est parfait, les hélicos ne sont pas en Bédraou. Un sentiment de sérénité, de balade du dimanche après-midi et d'abandon m’envahit, sentiment rapidement estompé par mes douleurs musculaires et articulaires. Mais désormais chaque pas me rapproche du Chinook de ce soir. Je récite spontanément un « Je vous salue Marie », en écho à ce bonheur qui me prend. Cette satisfaction est mélangée à une anxiété enfouie. Brutalement, plusieurs rafales claquent.

Opération Snakes’nest, mars 2011

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MP Etienne Philippon

La vie est belle après la bataille. C’est la joie de respirer tranquillement. Je constate que, comme parfois ceux qui sortent des hôpitaux, plus on est passé proche de la mort, plus on a le sens de la vie. Drôle d’euphorie. La minute présente, écrasée jusque-là entre le passé lourd de danger et l'avenir redoutable, cesse d'être toute petite. Les minutes semblent remplir tout le temps de leur plénitude, comme l'espace de notre popote parait avoir l'immensité du monde.

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« Médecin en Afghanistan – Journal de marche d’un médecin militaire ordinaire en opération extérieure »

Très intéressant journal de marche qui complète magnifiquement la bibliothèque des Afghaners par la vision d’un jeune « doc » : le Médecin en chef (LCL) Etienne Philippon, Service de Santé des Armées, par son récit intime et très bien mené, nous éclaire sur la mission d’un médecin de terrain, mais aussi sur le « mentoring » ; il a en effet été intégré lors de son déploiement en 2010-2011 à l'OMLT 3, 56 soldats essentiellement du 4e RCh, ayant pour mission d’encadrer, former et appuyer sur le terrain un bataillon afghan, le Kandak 2, 3e Brigade, 201e Corps de l’Armée nationale afghane (ANA).

Nous en profitons pour saluer respectueusement l’engagement et l’abnégation des hommes et des femmes du Service de Santé, médecins, infirmiers, sans oublier les auxiliaires sanitaires des antennes médicales, des régiments et du Régiment médical.

Aux éditions Lavauzelle, disponible ici

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Avec le MC Etienne Philippon, salon des Ecrivains-Combattants 2016 et Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2018

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Hommage

Au MED Marc Laycuras, SSA, mort pour la France au Mali le 2 avril 2019,

A tous les médecins, infirmiers du Service de Santé des Armées,

Aux auxiliaires sanitaires des antennes médicales, des régiments et du Régiment médical.

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L’OMLT 3 – Kandak 2. MP Philippon 5e à partir de la gauche.

Il fait frais la nuit et l'excitation du retour m’a sorti de mon lit Picot à 4h30. Toute l’OMLT dort encore profondément. Après une bonne douche chaude, je me mets à marcher dans le camp sans croiser grand monde, alors que le jour se lève. Une sensation d’euphorie et de corps léger me prend. J'ai l'impression de ne rien avoir oublié ce mandat. Tout ce que j'ai vécu s'est gravé dans ma mémoire. Ce stratagème de mon inconscient vient peut-être du fait de l'omniprésence du risque. Comme j'ai naturellement craint la mort en Afghanistan, le désir de vivre pleinement est maintenant plus fort que tout, même sans avoir le moyen ici et aujourd’hui de pouvoir l’assouvir. C'est vrai, je ne me suis jamais senti aussi vivant qu’aujourd'hui, ou peut-être n’ai-je jamais ressenti l’envie de vivre aussi intensément.

MP Etienne Philippon, Kaboul, avril 2011.

 

 

 

 

 

25/06/2015

« Le visage des hommes », Pr Marie-Dominique Colas, Service de Santé des Armées, éd. Lavauzelle, prix de la Saint-Cyrienne 2015

Photos Natachenka/UPpL’E – Merci de nous consulter si vous souhaitez les réutiliser.

 

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Soirée du 22 juin dernier. Nous "papotons" avec le CDT Brice Erbland et sa charmante épouse, ponctuant le propos de nos habituelles facéties chasseresses. A notre gauche se trouve le GAL Georgelin, Grand Chancelier de la Légion d’Honneur. Un peu plus loin, le GAL Dary, ancien Gouverneur Militaire de Paris et le Médecin Général-Inspecteur de l’hôpital Percy, Christian Plotton. Nous venons de saluer le GAL Théry, Légionnaire croisé brièvement dans les années 80 à Berlin, devenu, par les hasards de la vie et dans un tout autre contexte, un fort sympathique collègue, ainsi que le copain-CBA Rémi Scarpa. Bientôt, nous rejoindrons Geneviève de Galard et son mari le Colonel de Heaulme. Nous avons des choses à nous dire…

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Où sommes-nous ? A la remise du prix de la Saint-Cyrienne 2015, sur l’invitation surprise (et vivement appréciée !) de Brice Erbland, parrain d’Une Plume pour L’Epée, lauréat du prix spécial 2013 pour « Dans les griffes du Tigre », membre du jury du prestigieux prix milittéraire attribué par l’association des Cyrards. 

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Remise du prix par le Général de Corps d'Armée (2S) Dominique Delort, président de la Saint-Cyrienne, après un discours inspiré.

L’année 2015 consacre « Le visage des hommes » du Professeur Marie-Dominique Colas, médecin-en-chef psychiatre. Choix du jury qui nous plaît beaucoup : Qualité indéniable du récit,  lecture facile grâce à  un ton juste doublé d’une bonne pédagogie de « vulgarisation » ; témoignages nombreux, parfois éprouvants, toujours émouvants. Il est vrai que nous sommes un public acquis : les soldats blessés dans leur chair ou leur psychisme, les Gueules Cassées, les victimes du syndrome de stress post-traumatique ont une place particulière dans nos cœurs, comme ils doivent l’avoir dans celui de chaque Français. Nous avons d’ailleurs souvent abordé ces hommes en détresse et leurs récits, SCH Truchet, ADJ Favière, CCH Geoffroy, SCH Douady, COL Boyer

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Un jour de garde, un jour d’été comme les autres, dans un hôpital militaire : les blessés en fauteuil roulant circulent dans le hall où les visiteurs font mine de ne pas voir les visages bandés, les membres amputés. Les blouses blanches se croisent d’un pas pressé. Aucun bruit, aucun cri, un silence quasi religieux règne dans cette cathédrale de la douleur.

Midi : le « bip » retentit.  Le  service de réanimation demande d’urgence la présence du psychiatre. Un grand blessé, hospitalisé depuis une dizaine de jours, se réveille. Il ne supporte pas la machine qui lui permet de respirer : « Venez nous aider, nous allons le perdre ! » Comment faire ? Comment le sauver ? Il est pourtant revenu vivant du pire. Il a survécu à un attentat-suicide en Afghanistan. Dans la presse du jour, on peut lire qu’il a été « très abîmé ». Marc ouvre les yeux. Ce premier regard va inaugurer une longue histoire médicale, une aventure humaine.

« Le visage des hommes », Pr Marie-Dominique Colas

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CDT Brice Erbland

Vous écrivez : « Dans une société où le lien social se délite et où la solitude des individus les conduit à chercher dans la science un idéal sécuritaire en guise de religion, la blessure au combat, la « Gueule Cassée » est soit oubliée, soit érigée en enjeu de prouesses technologiques. »

Et vous parlez « d'une incroyable mobilisation des médecins pour gagner leur combat en ramenant plus de blessés à la vie, en essayant de diminuer les séquelles physiques, esthétiques et psychiques. »

Je ne peux m’empêcher, en cette époque de débat éthique sur la dignité des vies brisées par la maladie ou l’accident, de voir tout au long de votre livre la preuve irréfutable de l’importance et du succès de l’accompagnement humain par rapport à la facilité de l’abandon.

Extrait de l’éloge au médecin-en-chef Colas par le CDT Erbland

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Pr Marie-Dominique Colas entourée, de gauche à droite, par son chef, le Médecin Général-Inspecteur de l’hôpital Percy Christian Plotton ; la maman de la lauréate ; Madame Geneviève de Galard ; le Général Delort, président de la Saint-Cyrienne

Sortie de Santé-Navale, le médecin-en-chef Marie-Dominique Colas est professeur agrégé du Val-de-Grâce, psychiatre, chef d’un service de l’Hôpital d’Instruction des Armées Percy où sont accueillis les blessés de guerre. Médecin militaire avant tout, elle est régulièrement déployée en OPEX : Ex-Yougoslavie, Côte d’Ivoire, Afghanistan, Mali. Titulaire d’un doctorat de recherche en psychopathologie et psychanalyse consacré aux « Gueules Cassées », la réflexion qu’elle conduit sur la clinique de la défiguration et du blessé de guerre s’inscrit dans un engagement sans faille du Service de Santé des Armées au chevet de ceux qui ont choisi de servir la France.

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« Le visage des hommes », Pr Marie-Dominique Colas, Service de Santé des Armées, prix de la Saint-Cyrienne 2015.

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Aux éditions Lavauzelle

ISBN 978-2702516164 – prix 24€ - format 22x15 cm, 250 pages. Disponible ici

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Geneviève de Galard et Catherine Guillaudeux des éditions Lavauzelle.

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Site de la Saint-Cyrienne ici.

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Et pour conclure, un petit instant de grâce, lorsque j’ai salué l’Ange de Dien Bien Phu : « - Broquet ? Comme Anne ? – Oui, ma cousine Anne – Ah, la Reine-Mère des convoyeuses ! Une femme formidable, disparue hélas bien trop tôt…». Marque d’attention qui m’est allée droit au cœur et sans doute à celui d’Anne, là où elle se trouve. Et la conversation a continué, avec Mme de Galard et son mari le Colonel de Heaulme. Il y aurait beaucoup à dire, comme une impression de toucher l’Histoire du bout du doigt, mais vous nous pardonnerez de conserver, une fois n'est pas coutume, notre petit jardin secret…

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Hommage

Aux Gueules Cassées,

A tous les blessés de guerre, blessés en service commandé.

 

 « Nous éprouvions ce sentiment d'extrême liberté,

qui est l'apanage de ceux qui sont débarrassés de leur image,

et ont retiré du voisinage de la mort et de la cohabitation quotidienne avec la souffrance,

cette distance avec ce qui rend l'homme 

si petit et si étriqué. » 

Marc Dugain, La chambre des officiers 

 

Site de la fondation « Gueules Cassées – Sourire quand même » ici.

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Hommage

Au personnel du Service de Santé des Armées.

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Prix de la Saint-Cyrienne 2015, Russe-blanc et Chasseur

Trois ans déjà… Je reçois une photo de Marc avec son épouse, assis côte à côte dans leur belle maison du sud. Leur sourire illumine ma journée. Quelques mots indiquent qu’ils n’ont pas oublié cette extraordinaire expérience humaine, cette rencontre dans les « tranchées » du sous-sol de l’hôpital Percy. Ils en sont sortis vivant par un « puits de lumière ». Leur visage exprime la douceur, la sérénité retrouvée et la joie d’être ensemble. Je me remémore cet instant où la vie ne tenait plus qu’à un fil, suspendue au verdict d’un dernier face-à-face avec un « médecin de l’âme », selon l’expression de certains patients. Je décide alors de reprendre contact avec Marc.

« Le visage des hommes », Pr Marie-Dominique Colas

 

 

 

 

 

13/03/2013

"Ma Blessure de Guerre Invisible", Sylvain Favière, Infirmier-para, Ed. Esprit Com'

 

Cette chronique est dédiée à Laurence, épouse de Sylvain.

 

 

 « Pour moi, les gens parlent trop. Ils ont des soucis, des buts, des désirs, que je ne peux concevoir comme eux.

Parfois, je suis assis là, avec l’un d’eux, dans le petit jardin d’un café, et j’essaie de lui expliquer que l’essentiel, en somme, c’est de pouvoir être assis là, tranquillement. »

"A l’Ouest Rien de Nouveau", Erich-Maria Remarque

 

 

Ma. Blessure. De. Guerre. Invisible. Avec  ces  cinq mots, Sylvain Favière donne le tempo. J’emploie ce mot,  tempo, sciemment : son récit biographique s’apparente, en effet, à une mélodie - mieux, à une symphonie - allant crescendo.

 

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Vous êtes confortablement installé dans votre fauteuil rouge. Le chef d'orchestre, soldat-compositeur, entre. Les musiciens débutent la partition.

C’est presque aérien, petite musique de chambre : La vocation d’infirmier de Sylvain, son attirance pour l’armée, son engagement chez les Paras.

Puis résonnent les premiers cuivres : son volontariat pour l’Afghanistan, s'éloigner de sa femme, de ses filles ; honneur, goût de l'aventure - qui n'effacent pas les doutes ; son départ, son arrivée au « Pays de l’Insolence ».

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Photo © Sylvain Favière

A cet instant intervient un thème musical d’inspiration orientale : Sylvain est intégré, comme combattant-infirmier, dans une OMLT, unité de l’Armée Nationale Afghane, encadrée par les Occidentaux.

Il se sent proche de ces soldats Afghans, de fait, ses frères d'armes ; il fait de son mieux pour apprendre leur langue, partage le thé, et, évidemment, combat à leur côté.

« Leurs prières rythmaient leurs journées. Ils croyaient en l’éviction des balles, si Allah en décidait ainsi. Ils croyaient au châtiment de feu, en cas de faute. Leur manière de vivre et de penser était si différente de la mienne, Occidental, ayant accès à toutes les commodités du monde. Ils se complaisaient dans le peu, voire le rien, et Allah. Néanmoins, chaque soldat possédait un GSM…

Je leur disais que pour moi, il y avait des anges sur Terre, sous différentes formes. Ces anges vivaient parmi nous pour nous aider dans les moments difficiles. Ils semblaient comprendre. »

 

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Photo © Sylvain Favière

Pas d’entracte. La musique ne s’interrompt pas, mais notre soldat-compositeur, introduit, à cet instant, des phrases musicales dissonantes.

« Avec mes camarades, nous échangions nos analyses sur l’éventuelle explosion d’un IED sous notre VAB. Je disais qu’en cas de survie, les douleurs provoquées par les fractures seraient insupportables. Entre les blessures, les équipements et l’environnement du véhicule, la désincarnation risquait d’être laborieuse. Bull disait que la tourelle de la mitrailleuse lourde pourrait céder et lui couper le tronc en deux. Cela s’était passé à Kaboul. Il ajoutait qu’avec une forte explosion, la mort serait instantanée. C’était presque l’idée que nous préférions. »

Puis tous les cors sonnent ! Les tambours grondent !  et… silence.

Retour en France.

Seul le premier-violon joue.

 

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Photo ©Ministère de la Défense

 « Qui se souviendrait des noms de nos camarades tombés au Champ d’Honneur ? Qui se rappellerait leurs noms ? »

Et joue encore,

« Personne ne s’intéressait à moi. A ce que je venais de vivre ? Parfois si. Il y avait bien quelqu’un qui me posait une question ou deux. Mais la complexité de la mission et les termes trop techniques ne permettaient pas une synthèse rapide. Alors, très vite, le désintérêt apparaissait sur le visage de mon interlocuteur. »

Joue...

« Je ne comprenais plus les gens. Je ne les intéressais plus. Je n’avais plus rien à leur dire. »

 Et joue, et joue…

« Alors les larmes me montent. Elles remplissent mes yeux abondamment. Elles coulent le long de mes joues. Je retiens un instant mes sanglots, puis j’éclate en pleurs, criant tout ce que je peux. Je suis dans la pénombre, volets tirés. Parce que j’ai honte. »

Tambours ! Cymbales !...

« J’ai envie de tuer. »

Silence…

Alors, une petite flûte, toute douce, comme un murmure, bien agréable à nos oreilles.

« Je n’étais pas malade. J’étais blessé. »

 

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Photo © Sylvain Favière

Et puis… Oh, ce n’est certes pas l’Hymne à la Joie, mais, à nouveau des cordes. C’est discret au début, mais on les entend. Et on va les entendre, jusqu’au bout de la partition, de plus en plus distinctement...

« Aujourd’hui, cette blessure est devenue une cicatrice, avec laquelle je vis (…) De temps en temps, elle s’ouvre un petit peu (…) Comme l’ange Saint-Michel  avait dû veiller sur moi lorsque j’étais parachutiste de l’Armée Française en Afghanistan, je sais que quelque part, aujourd’hui, j’ai un ange gardien qui panse mes plaies quand elles s’ouvrent, arrêtant les saignements, et me permettant, ainsi, de repartir, soigné de mes maux. »

Le chef d’orchestre soldat-compositeur se retourne,  il regarde la salle. Il salue.

Le public se lève.

Tonnerre d’applaudissements.

 

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sylvain-faviere-38-ans-etabli-en-bearn_926558.jpegSylvain Favière s'engage comme infirmier-para. En 2011, il est volontaire pour un déploiement en Afghanistan. Agé de 38 ans, il est désormais  réserviste, salarié d'un service de santé au travail. Marié, père de trois enfants, il est aussi… grand-père :). Sylvain sera présent au Salon du Livre, Porte de Versailles, sur le stand de l'Armée de Terre (J53). Il se prêtera au jeu des dédicaces les 22 (10:00-14:00) et 23 mars (10:00-12:30). Liste complète des auteurs ici

 

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L’intégralité des droits d’auteur est versée à la CABAT – Cellule d’Aide aux Blessés de l’Armée de Terre 

 


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Hommage aux blessés dans leur chair,

Hommage aux blessés dans leur cœur,

Hommage aux blessés dans leur âme.

 

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux Infirmiers-Paras, à tous les meurtris.

Sylvain, c'est toujours le même ange...

"Saint-Michel, défenseur des âmes justes,
Saint-Michel, consolateur des affligés…"

Litanie de l’archange Saint-Michel, Saint-Patron des Parachutistes

 

 

 

 

 

Livre, récit biographique d'un infirmier-para, témoignage stress post-traumatique, Afghanistan  

02/01/2013

« Dix Semaines à Kaboul », Pr Patrick Clervoy, Service de Santé des Armées, Ed. Steinkis

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  • "Celui à qui la guerre ne fait point horreur, c'est lui, le vrai lâche."
  • Jean Simard, écrivain Québécois

 

Le Professeur Patrick Clervoy, médecin militaire, nous fait partager le journal de bord de ses dix semaines passées en 2011, au sein de l’hôpital militaire de Kaboul.

Une baffe.

 

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En guise de préambule, au risque d’être trivial, rappelons que le personnel de Santé est exposé aux mêmes risques que les autres militaires.

En Afghanistan, les véhicules ambulances ne sont pas marqués d’une croix (voire d’un croissant) rouge ; ils deviendraient dès lors la cible privilégiée des Talibans…

Peu avant l’arrivée du Pr Clervoy à Kaboul, un colonel Afghan est entré dans une salle de planification située dans la base de l’hôpital militaire, et a abattu froidement 8 américains, avant de se faire éliminer par la garde (à noter que, lors des obsèques de ce colonel, 15 000 personnes étaient présentes… ).

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photo © Ministère de la Défense/ecpad

Les médecins, infirmières et infirmiers, brancardiers-secouristes, sont des combattants, mais avant tout, ce sont  des combattants pour la Vie.

Ce ne serait pas faire honneur aux sacrifices de nos troupes que de se contenter des mots  « blessé », « amputé », « mort ». Ce sont des paravents, et, par confort moral, on ne veut surtout pas regarder ce qui se cache derrière. C’est, de notre part, une forme de lâcheté.

La lecture de « Dix Semaines à Kaboul » est donc incontournable, aussi difficile, « émotivement parlant » soit-elle.

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photo via  Theatrum Belli

Attendez-vous à être secoués, malmenés, dérangés : l’effroi dans les yeux, le corps en charpie, la  souffrance à devenir fou, le sang qui pisse, l’aorte à clamper, l’os à scier.

Oh non, Clervoy ne nous ménage pas. Il nous fracasse même un peu.

Alors, oui, on se réjouit, admiratifs de l’engagement des hommes et femmes du service de Santé : la petite fille est sauvée, le civil sort de son délire et sourit, le soldat a les clés pour se reconstruire, alors qu’il a tué d’un tir accidentel son camarade (chapitre bouleversant).

Oui. On se réjouit. Mais parfois…

 

  • Les traces de sang ont été nettoyées,
  • Les mains sont propres,
  • Le visage couleur de cire est celui d'un jeune homme aux traits fins et réguliers.
  • "Il est beau", dit l'une des personnes qui l'ont préparé.

 

Je défie quiconque de ne pas terminer certains chapitres les yeux embués (si c’était le cas, placez la main sur votre poitrine gauche. Vous vous apercevrez que vous n’avez pas de cœur).

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Hôpital Militaire International de Kaboul, photo © Ministère de la Défense

N’oublions pas que Clervoy est psychiatre. C’est donc au sortir de la salle d’opération, ou après les combats, qu’il intervient. Il est là pour prendre la main de ces filles et garçons, déboussolés, traumatisés, perdus dans un brouillard délétère. Il les fait sortir de ce brouillard, il leur désigne une petite lumière, celle indispensable à leur reconstruction psychologique.

D’une certaine façon, il applique la même démarche à nous, lecteurs : il nous prend, nous aussi, par la main, et nous aide à sortir d’une autre forme de brouillard : celui de la naïveté, des idées reçues, de l’hypocrisie, de l’égoïsme. Il nous  montre à nous aussi une petite lumière : celle qui, désormais, nous interdira de  commenter les news de cette façon : « un 5ème soldat est mort au Mali. C’est triste. Tu m’passes le sel ? ».

 

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Caporal Alexandre Van Dooren, 1er RIMa

Mort pour la France au Mali

 

  • Derrière ces mots,
  • des soldats ont perdu leur camarade,
  • des parents ont perdu leur fils,
  • une jeune-femme a perdu son compagnon,
  • une petite-fille de deux ans a perdu son papa,
  • un bébé à naître ne connaîtra jamais son papa.
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Nul homme n’est une île.Tout homme est un morceau du continent. Si une parcelle de terre est emportée par la mer, l’Europe entière en est lésée, comme s’il s’agissait de la maison de tes amis, ou la tienne propre.

La mort me diminue, car je suis solidaire du genre humain. Alors, n’envoie jamais demander : Pour qui sonne le glas ?

Il sonne pour toi. 

 

John Donne, Poète anglais (1572+1631), en introduction à « Pour qui sonne le glas », Ernest Hemingway

 

 

Merci Professeur pour votre livre. Merci pour cette baffe. Une baffe salutaire.

 

 *

 

d9c759b91b1d0a22d17b9d_L__SX80_.jpegPatrick Clervoy est né en 1958. Médecin-psychiatre (Santé-Navale), il est titulaire de la chaire de psychiatrie à l’Ecole du Val-de-Grâce, spécialiste des traumatismes psychiques, membre du groupe de travail OTAN sur le stress et le soutien psychologique. Auteur de plusieurs livres, il est déployé régulièrement en OPEX.

 

 *

 

Soutenez les éditeurs qui soutiennent nos troupes : Editions Steinkis

Je tiens à remercier tout particulièrement Ainara

 

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Hommage

 

  • Au Premier-Maître Frédéric Paré, infirmier, Commando Marine, mort pour la France en Afghanistan,
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  • Au Sergent-Chef Mathieu Toinette, infirmier, 402ème RA, mort pour la France en Afghanistan,
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  • Au Caporal-Chef Rodolphe Penon, infirmier, 2ème REP, mort pour la France en Afghanistan,
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  • Aux médecins, infirmières et infirmiers, brancardiers-secouristes, sauveteurs au combat, morts pour la France,
  •  
  • Aux blessés.
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Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc au personnel de Santé, combattants de la vie.

 

"Mari transve mare, pro patria et humanitate, hominibus semper prodesse"

Sur mer et au-delà des mers, pour la Patrie et l'Humanité, toujours au service des Hommes

Devise de l'Ecole de Santé des Armées 

 

 

 

Livre, récit biographique d'un médecin militaire, Afghanistan