16/02/2014
"Task Force Tiger", COL Nicolas Le Nen, 27e BCA. Ed. Economica
Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos de Thomas Goisque. Tous droits réservés.
+ A la mémoire du Caporal-Chef Nicolas Belda, 27e BCA, seigneur de la vallée d’Alasay +
L'esprit chasseur ?
Mais c'est justement ce qu'en d'autres termes j'ai toujours prôné.
C'est d'abord l'esprit d'équipe, de mon équipe.
C'est la rapidité dans l'exécution des gens qui « pigent » et qui « galopent ».
C'est l'allant, c'est l'allure, c'est le chic.
C'est pour les chefs le sens social dans le commandement, c'est l'accueil aimable.
C'est servir avec le sourire, la discipline qui vient du cœur.
C'est le dévouement absolu qui sait aller, lorsqu'il le faut, jusqu'au sacrifice total.
Maréchal Lyautey
Le peuple de France a-t-il un problème avec ses victoires militaires ? Voici un bon sujet pour le bac de philo. Nous ne nous lancerons pas dans une thèse/antithèse/synthèse, mais posons-nous une question simple, ou plutôt, posons-la aux personnes qui nous entourent : « Pouvez-vous citer une bataille en Afghanistan ? ». Nous parions que la majorité répondra « Uzbin ». Et c’est bien normal. Le traumatisme a été grand, la médiatisation forcément importante. Mais combien répondront « Alasay » ? Peu d’échos dans les 20 heures, vous en conviendrez. Et pourquoi ? Parce que c’est une victoire ?
Eh bien, grâce à « Task Force Tiger » du Colonel Nicolas Le Nen, parlons d’Alasay ! Parlons de cette brillante victoire, due à la valeur de tous les hommes et les femmes du GTIA Tiger, avec à leur tête le colonel, chef de corps du 27e BCA.
Avec cette lecture, suivons au pas Chasseur l’entrainement en France, la stratégie envisagée pour conquérir le sanctuaire taliban inviolé, la mise en place du dispositif opérationnel, l’assaut.
N’oublions pas les victoires de nos troupes. N’oublions pas Alasay. Un « Uzbin » pour les talibans. Un parmi tant d’autres…
Défilé du 14 juillet 2009, le Colonel Le Nen à la tête du 27e BCA. Photo armyrecognition.com
Ils sont heureux, ils y croient, ils ont la pêche. Plus que jamais, je suis heureux d’être parmi eux, je mesure la chance d’être soldat et d’être leur chef. Ces soldats, ces sous-officiers et ces officiers sont des hommes et des femmes d’un dévouement sans bornes. Je sais qu’ils me font une confiance totale, qu’ils me suivront partout. Je n’aurai pas le droit de les décevoir ; ni de me tromper dans les opérations qui nous attendent en Afghanistan. C’est vraiment là qu’est ma responsabilité, mon devoir de chef : être à la hauteur de ce qu’attendent mes subordonnés et ne pas gaspiller la vie et le dévouement de ces hommes et de ces femmes d’exception qui m’ont été confiés.
Ensemble, nous surmonterons les épreuves qui nous attendent, ensemble nous vaincrons nos ennemis, ensemble nous serons au rendez-vous que l’histoire nous a fixé.
Avant le déploiement du GTIA
La conquête de la vallée d’Alasay
Le COL Le Nen en Kapisa
Les vallées d’Alasay et de Bédraou, qui sont situées au centre de la zone d’opérations du bataillon, constituent le centre de gravité du dispositif de notre ennemi à parti duquel il rayonne vers les autres vallées. Si nous parvenons à contrôler ces deux vallées et notamment la première, alors nous aurons fait un pas significatif dans le contrôle de la province. La guerre que nous menons ici est avant tout une guerre d’influence. Pour supplanter l’influence des rebelles, il faut que nous réimplantions, dans les zones où ils font régner leurs propres lois, les premiers relais de l’influence du gouvernement afghan que sont ses forces de sécurité et notamment leur armée (…) La conquête du fond de cette vallée sera une entreprise difficile mais elle est nécessaire pour que l’insurrection recule en Kapisa.
Débarquement d’une section du 27e BCA sur les hauts d’Alasay
A 3h00 du matin, l’opération Dinner out commence. Les quatre compagnies du 1er Kandak s’engagent dans la vallée d’Alasay par la piste sud Hurricane. Elles sont appuyées par la compagnie de Minguet qui a intercalé ses sections entre les trois compagnies de tête afghanes. Dans le même temps, les sections de Gruet embarquent dans les quatre Chinook qui vont les héliporter sur les crêtes sud et est de la vallée. Au total, ce sont huit cents soldats français et afghans qui partent à la conquête de la vallée dans laquelle nous savons maintenant que deux cents insurgés environ se sont retranchés.
Chasseurs du 27e en Kapisa
L’ennemi tente de s’imbriquer entre les deux sections pour limiter l’emploi de nos appuis mais les Chasseurs résistent et font feu de tout bois. [Les sections] Vert 20 et Vert 30 n’ont jamais aussi bien porté le surnom de leur compagnie : Boule de feu. Les attaques ennemies sont repoussées grâce à un appui feu air-sol et sol-sol massif. J’ordonne à la patrouille de F 15-E qui nous appuie de tirer une bombe d’une tonne sur une grotte dans laquelle des insurgés sont retranchés. Je veux que l’ennemi sache que nous ne lâcherons pas le terrain. La guerre est avant tout un affrontement des volontés a écrit Clausewitz. La puissance des armes que nous employons est aussi une manifestation de notre détermination à aller au bout de notre mission.
COL Nicolas Le Nen en Afghanistan
« On n’abandonne pas nos morts » j’annonce à la radio. Il est important que tous sachent qu’en dépit de la mort de l’un des nôtres, nous ne relâcherons pas nos efforts et nous irons au bout de ces combats. Renoncer maintenant n’aurait aucun sens. Ce serait faire de la mort de notre camarade un sacrifice inutile. Mon rôle n’est pas uniquement de concevoir et de conduire des opérations. Le chef au combat n’est pas qu’un simple tacticien, froid et sans âme. Je suis aussi le garant moral de mes soldats. Dans les moments difficiles que nous sommes en train de traverser, je veux qu’ils entendent le son de ma voix, je veux qu’ils soient sûrs que je garde la tête froide et que je contrôle la situation. Nous sommes solidement installés au fond de la vallée d’Alasay et sur les crêtes du Gala Kuhe, notre puissance de feu est supérieure à celle de l’ennemi. Je suis intimement persuadé que, pour lui, la partie est déjà perdue. Ses assauts successifs seront irrémédiablement repoussés par Jonquille et par Vert. Comme à Na San, il y a plus de soixante ans, les talibans se casseront les dents sur nos môles de résistance.
Au contact dans la vallée d’Alasay
Les Chasseurs de [la section] Jonquille repartent au combat et déjà l’ennemi commence à décrocher vers l’est. Il est 19 h 00 et après douze heures de combats ininterrompus, nous sommes enfin maîtres de la vallée d’Alasay. Sur la crête du Karat Kuhe, les Chasseurs d’Allègre de la Soujeole et de Bouaouiche ont à nouveau repoussé les vagues d’assaut ennemies. Ils ont été fidèles à l’esprit combatif qui a forgé la légende des Diables bleus de la Première Guerre mondiale. Fidèle aussi à l’esprit chasseur, le lieutenant Allègre de la Soujeole, au plus fort des combats de l’après-midi, a fait hisser un drapeau français sur sa position, geste de défiance lancé à la face des insurgés.
Chasseurs du 27e en Kapisa
La vallée est conquise. Immédiatement, deux bases avancées sont construites, devant accueillir l’armée afghane.
Je débarque de mon VAB devant la prison où la pelle mécanique de l’ANA [Armée Nationale Afghane] remplit inlassablement les bastion walls. Je retrouve le Colonel Hussein [commandant le 1er Kandak de l’ANA] et Lieutenant-Colonel Sean Wester [chef de l’équipe américaine encadrant le Kandak].
- "Abdul, tu es devenu le seigneur de la vallée d’Alasay", lui dis-je en lui tendant la main. Il la prend chaleureusement comme si nous allions faire un bras de fer, signe de notre fraternité d’armes.
- "Ce sont nos soldats qui sont les seigneurs d’Alasay", me répond-t-il.
- "Tu as raisons Abdul, ce sont eux les seigneurs de la vallée".
***
Nicolas Le Nen intègre Saint-Cyr en 1986. Après un cursus à l’Ecole d’Application de l’Infanterie de Montpellier, il opte pour les troupes de montagne et rejoint le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins d’Annecy. Après un passage au CPIS (DGSE) comme commandant d’unité, il sert au sein de l’Etat-Major de l’Armée de Terre. En 2007 il revient au 27e BCA comme chef de corps. De décembre 2008 à juin 2009, il commande le GTIA « Tiger » en Kapisa, composé de Chasseurs alpins du 27e BCA, Cavaliers Chasseurs du 4e RC, Dragons Paras du 13e RDP, Sapeurs Légionnaires du 2e REG, Artilleurs de Montagne du 93e RAM, Traqueurs d’ondes du 54e RT et Transmetteurs du 28e RT. Son mandat en Afghanistan est marqué par la victoire d’Alasay [opération Dinner out]. Il dirige désormais le Service Action de la DGSE.
Le colonel Le Nen est officier de la Légion d'honneur, titulaires des Croix de la Valeur militaire, Croix du combattant, Médaille d'Outre-Mer, Médaille de la Défense nationale échelon or, Médaille commémorative française, médaille de la Force de protection des Nations Unies (ONU), médaille des opérations au Kosovo (OTAN), médaille de la SFOR (OTAN) ainsi que de la médaille de la Jeunesse et des Sports. Pour son action en Afghanistan, il a reçu la Bronze Star américaine.
Prix : 15€ - ISBN 978-2-7178-5853-2 – Format 15,5x 24 – 128 pages
Aux éditions Economica.
Pour vous procurer le livre, voir ici.
Le Colonel Le Nen est également l’auteur de plusieurs livres traitant de stratégie militaire, coécrits avec les Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Joseph Givre et Emmanuel Germain.
"Enjeux de guerre", coécrit avec le COL Givre, a reçu le prix "Edmond Fréville-Pierre Messmer" de l'Académie des Sciences Morales et Politiques.
Enfin, citons un roman : « Le vent d’Alasay » de Michel Sègre. Nous avons eu la chance de rencontrer cet auteur « masqué » et confirmons (avec son aval) qu’il est très au fait de la conquête de la vallée d’Alasay… (un dessin ?).
Avec le COL Le Nen au Salon du Livre et au Salon des Écrivains Combattants 2013 - photos Natachenka
Le Colonel Le Nen et les hommes du GTIA Tiger en « live ». Reportage de Géraud Burin des Roziers pour Zone Interdite, M6.
Hommage
Au Caporal-Chef Nicolas Belda, 27e BCA, mort pour la France pendant la bataille d’Alasay,
Aux Chasseurs morts pour la France en Afghanistan
ADC Franck Bouzet, 13e BCA
ADJ Laurent Pican, 13e BCA
1CL Enguerrand Libaert, 13e BCA
1CL Clément Chamarier, 27e BCA
A tous les Chasseurs morts pour la France,
Aux blessés.
Une infirmière et des membres du Groupement de Commandos Montagne
Qui a dit que notre jeunesse était désabusée ? Il suffit de voir avec quelle volonté, avec quelle hargne, avec quelle envie de se dépasser tous ces soldats se donnent, pour comprendre que les jeunes de ce pays ont autant de foi dans l’avenir que leurs aînés. Il suffit simplement de leur fixer des objectifs, de leur proposer des entreprises ambitieuses, de leur lancer des défis à la mesure de leur amour de la vie et de l’idéalisme de leur âge.
Colonel Nicolas Le Nen
Récit autobiographique, journal de marche Afghanistan, 27e Bataillon de Chasseurs Alpins, GTIA Tiger
14:39 Publié dans Afghanistan, Chasseurs, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Mon Colonel, bonjour!
Votre carriere est superbe. Je vous felicite pour tous vos succes. Vous etes un model pour les generations futures.
Lors de mon service militaire, j'ai eu la chance et le privilege d'etre sous vos ordres quand vous etiez lieutenant aux 27eme pendant la 90/6. Je pense et je suis sure maintenant que vous m'avez inspirer dans ma vie professionnelle de tous les jours. La volonte de bien faire, de reussir et de ne jamais abandonner sont des caracteristiques necessaires.
Vous m'avez donne une volonte de reussir et vous m'avez inspirer dans ma vie. Cela est genial. Votre charisme est porteur. Mon Colonel vous savez convaincre ce qui vous fait un homme d'exception.
Etant immigrant aux USA, croyez-moi c'etait dure. J'en ai bave. Je n'ai jamais regrette d'avoir fait mon service militaire. Cela m'a donne une force mentale etonnante.
Je pense que tous ces livres seront interessants a lire.
Merci a vous d'avoir servi la France et le Monde pour nous proteger contre le terrorisme.
"Chasseur d'un jour, chasseur toujours"
Veuillez agreer, Mon Colonel, mes salutations distinguees.
Hugues Cossard.
Écrit par : Hugues Cossard | 05/05/2015
Merci pour votre sympathique commentaire Hugues. Nous le faisons suivre de ce pas au Colonel. Cela va le toucher, c'est certain.
Écrit par : UPpL'E | 06/05/2015
Monsieur Alain,
Je suis ravi que ce courriel est bien arrivee a vous.
Je vous remercie de m'avoir repondu si rapidement. J'en suis particulierement touche.
En attendant de vous lire a nouveau,
Veuillez, agreer, Monsieur Alain, mes salutations distinguees.
Hugues Cossard.
Écrit par : Hugues Cossard | 13/05/2015
Pas de Monsieur entre Chasseurs Hugues :)
Je ne sais pas si le Colonel a eu le temps de te contacter. En tous cas , le petit mot de sa part qui t'est destiné : "Merci beaucoup de m'avoir transmis ce commentaire qui est la plus belle des récompenses que l'on puisse recevoir, surtout 25 ans plus tard.
C'est avec grand plaisir que je répondrai à notre camarade dont je me souviens parfaitement."
:)
Écrit par : UPpL'E | 13/05/2015
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