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04/01/2015

« L’espion aux pieds palmés », Bob Maloubier, 11e Choc, Editions du Rocher

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez en réutiliser.

 

 

Il n’est de vie que grande, arrachée à la facilité et à la torpeur.

Il n’est de vie que volontaire, celle qu’on bâtit de ses mains, sans illusion.

Il n’est de vie que confiante : au loin les pessimistes, les dilettantes, ceux qui doutent.

Il n’est de vie que généreuse : la vie, la vie fraternelle qu’attendent, que réclament les hommes.

Maréchal Lyautey.

 

« Je vous aurais bien donné mon livre mais on me les a tous piqués ! A la place, je vous propose du champagne. Ah non, pas au bar ; j’en ai apporté, regardez.  Je n’ai qu’un verre donc nous boirons tous dedans. Cela ne vous gêne pas, n’est-ce-pas ? Blanc ou rosé ? »

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Nota : la dédicace est un nième trait d’humour de Bob, que nous sommes seuls à pouvoir comprendre…

Quand vous approchez de Bob Maloubier au salon des Ecrivains-Combattants, vous vous demandez comment aborder ce Monsieur qui a tout vu, tout vécu, rencontré le monde entier. Et puis voilà, avec ces quelques mots rapportés plus haut, envolée la timidité naturelle face à une Légende (car Bob en est une, au risque de blesser sa modestie). C’est clair, le bougre a du charme ! Et ce charme, cet humour (toujours bienveillant), cette carrière d’exception, nous les avons retrouvés avec bonheur dans les pages de « L’espion aux pieds palmés », suite de l’autobiographie de Bob, après « Agent secret de Churchill ». A vous d’en juger.

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CNE Maloubier aux Indes en 1945, © collection particulière

A mon retour [du Laos], couturé, paludéen, parasité, décoré, j’étais auréolé de moins de gloire que deux ans auparavant lorsque j’avais libéré Limoges. La défaite des petits hommes jaunes conclue à quinze mille kilomètres d’ici touchait moins les Français que le dernier tirage de la Loterie Nationale ! Après m’avoir serré dans ses bras, mon père m’a dit : « Tu ne possèdes aucun diplôme. Pour tout bagage tu sais sauter en parachute, démolir des ponts et tuer. Ticket non valable dans le civil, mon petit. » 

J’ai donc pris le chemin de la Muette [siège du SDECE , Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage, ancêtre de la DGSE].

 

1946, Création du 11e Bataillon Parachutiste de Choc à Mont-Louis en Cerdagne sur une initiative du COL Fourcaud

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 Saut à Calvi, 1948 - collection Claude Hiroux, 1er et 11e Choc

Le bataillon « spécial » de Fourcaud prend corps, subit un entraînement rude, s’aguerrit, s’épanouit en montagne, en plaine, sur les eaux et s’exerce à la guerre subversive. Nous sommes convoqués à Paris pour les félicitations d’usage, supposons-nous…

« - Vous semez la terreur sur vos Harley Davidson chevauchées, en croupe, par des amazones à moitié nues, m’a-t-on dit. Je n’évoquerai pas le cas du frère du plus célèbre guitariste du monde pourchassant, pistolet au point, l’un d’entre vous qui, semble-t-il, avait fait les yeux doux à sa femme. Et ces parties de 421 au zinc de La Coba, hein ? Vous vous liguez contre un malheureux mari… dont la jolie épouse se morfond. Il perd. Vous le mettez à l’amende : ingurgiter des cocktails de votre invention, explosifs, qui le mettent hors de combat. Pendant ce temps, sa moitié est conviée à une partie de jambe en l’air sous une barque retournée [… ]

- Vous nous avez confié la mission d’établir les bases d’une unité atypique capable de mener une guerre subversive, n’est-ce-pas ? User de moyens classique n’aurait mené à rien. Nous avons adopté des méthodes originales, non conventionnelles… »

 

1951, Fondation des nageurs de combat. Entrainement avec les Britanniques de la SBS

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Canoé de la SBS en 1951

Nous slalomons entre deux croiseurs, six cargos et un pétrolier dont les feux surgissent soudain comme des comètes au-dessus de nos têtes ! Nous prenons du retard et embouquons la Hamble River au renversement de la marée. Avancer à contre-reflux, galère ! Nous touchons enfin au point d’atterrage, à marée basse ou presque. Nous puisons dans nos dernières forces pour tracer notre sillon dans les cents mètres de vase qui nous séparent de la terre ferme, tailler à la machette une cache à notre canot dans un buisson de genêts et nous effondrer. A l’aube, deux heures plus tard, le commandant de l’école en personne nous rend visite ! Il vient s’assurer que nous sommes camouflés suivant  les règles et… que nous sommes rasés.

 

1952, Ecole des nageurs de combat

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Bob Maloubier homme grenouille, © collection particulière

A quatre-vingts mètres, légère oppression : l’air se fait rare. Je l’aspire à l’économie, par petites bouffées, avaricieusement. Par bonheur je suis un animal à pouls paresseux, à capacité pulmonaire réduite d’autant plus qu’une balle de Lugger, don d’un Feldengendarmes, a oblitéré le lobe de mon poumon droit. Je palme nonchalamment. Coup de pouce à la tige de réserve d’air en me murmurant les dernières paroles murmurées sur l’échafaud par la toute jeune princesse de Lamballe : « Encore une petite minute, Monsieur le bourreau ! ». 

 

De la théorie à la pratique

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Bob en 1952 inaugurant la première planche de navigation originale. © collection particulière

Furieux, l’amiral :

« - Sous prétexte d’une manœuvre « proche de la réalité », un poste de gendarmes maritimes a été sauvagement attaqué par des nageurs masqués ! Six d’entre eux ont été précipités dans un bassin, les autres, estourbis par des grenades au plâtres ont été couverts d’ecchymoses. Je compte sur vous pour identifier les coupables, n’est-ce-pas Capitaine ? »

A l’occasion du prochain briefing, l’œil sévère, après avoir exprimé les griefs de l’amiral à la classe réunie, je conclus : « Je ne doute pas que l’un d’entre vous se fera un devoir de dénoncer les coupables ! ». Le regard reflétant une absolue candeur, quarante lascars aux pieds palmés hochent le chef à l’unisson. Personne ne pouffe. Les plongées répétées, c’est connu, provoquent des amnésies. Or nous plongeons beaucoup...

 

Notre premier mort

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Simulation en conditions réelles de sabotage, équipement opérationnel Pirreli lourd © collection particulière

Ne vous inquiétez pas pour Floch. Vous l’avez sorti de l’eau si vite que sa petite narcose sera sans conséquence. Demain, il aura une grosse migraine, c’est tout ! »

J’ai perdu une belle occasion de me taire…

Au cirque, lorsqu’un trapéziste s’écrase, le spectacle continue ; en escadrille, lorsqu’un avion s’abat, tous les pilotes décollent. Chez nous, lorsqu’un plongeur se noie, nous nous jetons à l’eau. Un remède pour conjurer le sort, dit-on.

 

1956, le Service 29 et la Main Rouge

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Jo Attia, ancien membre du gang des Tractions de Pierrot-le-fou, enrôlé par Bob comme barbouze pour le compte du SDECE. Dans son bar Le Gavroche. © collection particulière

- Moi tueur à gages ?

- Ah non ! Pas question qu’un officier de l’armée française se fasse prendre la main dans le sac en train de trucider un honorable homme d’affaires étranger… surtout en pays neutre ! Imagine le scandale international, les interventions de l’ONU ! Non, tu driveras, de loin, des opérateurs. Le SR en a dressé une liste : des malfrats condamnés pour une bagatelle et auxquels on offre prime et remise de peine. Pour moins que ça ils tueraient leur vieille maman.

 

1956, Le Caire, malette encombrante devant la Grande Poste, place Tahir

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Base secrète de l’escadrille du Clair de Lune à Persan-Beaumont. A droite Bob. © collection particulière

Lorsque je freine à son approche, d’un geste théâtral, il exhibe la mallette qu’il cachait derrière son dos et la brandie en s’écriant d’une voix hachée :

« - Je n’ai pas pu la laisser… ou plutôt, lorsque je suis sorti, le planton m’a couru après pour me la rendre ! Il l’avait trouvée !

- Mais enfin comment a-t-il fait ? Vous l’aviez bien cachée dans le capharnaüm du couloir, non ? 

- C’est-à-dire… je l’avais laissé sous ma chaise… Enfin, je… »

Il bafouille, mon dynamireto gesticule, puis soudain me balance son fardeau par la fenêtre ouverte de la portière, fait demi-tour et s’éloigne à grands pas, me laissant sur les genoux une machine infernale réglée pour exploser dans une heure au plus. Et au Caire, à l'heure du déjeuner les embouteillages sont inextricables !

 

1960, Françafrique et or noir

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Bob au Nigéria © collection particulière

En 1960, Bob désormais trop « mouillé », Main Rouge oblige, est mis au vert par le SDECE. Alors, élevage de chèvres dans le Bourbonnais ? Il tente bien l’expérience (véridique) mais chassez le naturel, il revient au galop et la suite de sa carrière (purement civile ? hum…) est toute aussi rocambolesque : Forestier au Gabon, il met sur pied la garde personnelle du président M’Ba ; Pour Elf, il prospecte au Nigéria en pleine guerre du Biafra. Cette seconde partie du livre, tout aussi passionnante, nous plonge au cœur de la Françafrique puis de la guerre commerciale pour l’or noir aux pays des mille et une nuits. Golfe Persique, Arabie Saoudite : le marché du pétrole explose et les contrats d'armement avec... 

Quant à « l’affaire » du Rainbow Warrior, il en connaît les dessous.

Voilà. Pas simple de résumer une telle vie et si notre texte peut sembler long, nous avons pourtant sabré allègrement dans tous les évènements rapportés par Bob. Nous espérons vous avoir donné l’envie d’en savoir plus et de lire le livre. Et si l’occasion se présente de rencontrer Bob, foncez…

***

 

10471265_716512938433156_5688707116129838177_n.jpgRobert « Bob » Maloubier nait le 2 février 1923 dans une famille aisée, française mais vivant jusqu’en 1920 aux Etats-Unis. En 1941, il s’enrôle dans l’aviation. Il tisse des liens dès 1942 avec le SOE, les services secrets britanniques, et rejoint Londres en 1943. Il est parachuté en France pour aider les réseaux de la Résistance et participer aux sabotages. En décembre il échappe aux Allemands mais est grièvement blessé (il porte toujours la balle logée dans son poumon). Il retourne à Londres, avant d’être parachuté à nouveau en 44, dans la région de Limoges dont il participe à la libération. En 1945, il intègre la Force 136 des SOE et est parachuté au Laos toujours occupé par les Japonais. A son retour en France, il rejoint le SDECE (actuelle DGSE). Il participe à la fondation du Service Action (11e Bataillon Parachutiste de Choc) en 1947 puis développe l’unité des Nageurs de Combat en 1952. Rappelé au SDECE, il enrôle des « barbouses » dont Jo Attia, ancien du gang des Tractions de Pierrot-le-fou, pour exécuter des contrats contre les financiers et vendeurs d’armes du FLN. Quittant officiellement les services secrets en 1960, il devient forestier au Gabon, y forme la garde personnelle du président M’Ba dans un contexte très Françafrique. En 1962 il est recruté par le pétrolier Shell puis Elf pour prospecter, notamment au Nigéria. Il est à Lagos en 1968 lorsqu’est déclenchée la rébellion du Biafra soutenue en sous-main par la France. Il termine sa carrière professionnelle au Moyen-Orient en étant promu Représentant des Français de l’étranger et Conseiller du commerce extérieur. 

Auteur prolifique,  on lui doit 9 livres,  Robert Maloubier est Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1939-1945, Chevalier de la Médaille de la Résistance. Il est décoré des médailles des Evadés, Coloniale agrafe « Extrême-Orient », France-Libre, ainsi que de l’ordre de l'Empire Britannique, 1939-45 Star, France and Germany Star, Distinguished Service Order (DSO) et Member of the British Empire (MBE) et enfin l’un des rares Commandeurs de l’Ordre du Million d’Eléphants du Laos, car décerné par un roi disparu des écrans il y a des lustres. Il a été blessé trois fois.

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Nos rencontres avec Bob. En haut le champagne (cf intro). Au milieu Natachenka sous le charme. En bas, Natachenka, jalouse (voir la conclusion) - nous accompagnant, le COL Thierry Jouan, 1er RCP et DGSE, auteur d’Une vie dans l’ombre

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ISBN-13: 978-2268075129 – prix 21,90 € – format 23x15,2 - 300 pages, cahier-photo

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Aux éditions du Rocher. Site WEB ici

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Hommage

A tous les membres des services secrets morts pour la France. 

Ils n’ont pas reçu les honneurs de la nation, mais nous ne les oublions pas.

Aux blessés.

Avec le salut respectueux du Chasseur et de la Russe-blanc.

 ***

 

Bibliothèque « Bob Maloubier »

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Scoop : à paraître "Colonel Z"  ou Dansey la Chaussette - chez Albin Michel. 

***

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Bob fait membre de l’Ordre de l’Empire britannique par la Reine Elisabeth II le 5 juin 2014.

« Mon cher Bob, félicitations pour votre décoration, mais Natachenka est un peu jalouse de votre proximité affichée avec la Reine ».

Bob se tournant vers Nat :

«  Rassurez-vous Mademoiselle, Elisabeth n’est qu’une copine ! »

 

 

 

 

 

 

19/03/2014

« Une vie dans l’ombre », COL Thierry Jouan, 1er RCP, DGSE. Ed. du Rocher

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

Ceux qui me lisent savent ma conviction que le monde temporel repose sur quelques idées très simples, si simples qu'elles doivent être aussi vieilles que lui : la croyance que le bien vaut mieux que le mal, que la loyauté l'emporte sur le mensonge et le courage sur la lâcheté. Enfin, que la fidélité incarne la suprême vertu ici-bas. Pour le reste, la joie et la douleur en ce monde se pénètrent mutuellement, mêlant leurs formes et leurs murmures dans le crépuscule de la vie aussi mystérieuse qu'un océan assombri.

Joseph Conrad

 

 

Vous connaissez tous le mythe d’Icare. Lire  « Une vie dans l’ombre » du Colonel (er) Thierry Jouan, Saint-Cyrien, 1er RCP, agent de la DGSE, aide de camp du prince Albert de Monaco vous en proposera la version moderne, d’un militaire qui s’est trop approché du soleil…

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Certes,  « Une vie dans l’ombre » est un récit autobiographique d’espion comme son titre l’indique, mais pour d’évidentes raisons de secret défense, le Colonel Jouan reste discret sur son action, tant comme agent de la DGSE qu’aide de camp du prince Albert. On le comprend. Ne vous attendez donc pas à des crimes d’état ou des scoops sur les « people » de la Riviera. C’est dans un tout autre registre que l’auteur se place, celui de l’intime, de son rapport à la vie, de ses excès, de ses désillusions, de sa reconstruction.

Ambitieux (au bon sens du terme), un rien idéaliste, Thierry Jouan mène sa vie comme un combat et tout lui sourit : beau gosse, petit banlieusard portant fièrement sabre et casoar à Saint-Cyr, officier béret rouge au 1er RCP, repéré par la DGSE pour intégrer le 11e Choc… Icare prend son envol. Mais vous connaissez l’histoire. Confronté à plusieurs expériences traumatisantes lors de missions pour le compte du Service Action (kidnapping en Extrême-Orient, Rwanda…), un avancement chaotique dans la hiérarchie de la DGSE, de probables maladresses… le doute s’installe et avec lui son cortège de « petits travers » : le whisky est consommé avec moins de modération, l’épouse et les enfants sont négligés…

Reste que le soleil est toujours aussi attractif pour Icare, sous la forme d’un poste prestigieux à Monaco…

Morceaux choisis :  

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Thierry Jouan à l’ESM

Pas d’officier ni de chef d’entreprise, encore moins de prêtre dans notre famille. Je n’étais pas prédisposé à une carrière dans les hautes sphères mais je voulais réussir à « être » quelqu’un dans ma vie, réussir une carrière en partant de zéro.

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Au 1er RCP

Fin 1983, je suis lieutenant de l’armée française, chef de section à la compagnie d’instruction du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes, ce magnifique régiment d’appelés du contingent (…) Je profite enfin de ma vie, de ce que je suis devenu à la force du poignet. J’ai acquis une petite notoriété professionnelle, une petite autonomie financière, avec ma rage et ma volonté de réussir.

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CPES [Centre Parachutiste d'Entraînement Spécialisé] : premier saut dans le vide

Il me dit qu’il est l’officier en charge du recrutement des futurs agents du Service Action de la DGSE et que mon profil l’intéresse. Il me donne son nom mais je ne le retiens pas, préférant retenir les mots « 11e Choc », « Service Action », « DGSE », « Agent »…

« Alors, cela vous intéresse ? »

Et la réponse est oui. Thierry Jouan rejoint Cercottes où il restera 12 ans, entre un rôle d’instructeur au CPES et des missions extérieures pour le compte du Service Action, dont certaines tourneront au cauchemar.

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Thierry Jouan à gauche, en mission de formation d’un groupe dit « révolutionnaire » en Afrique de l’ouest

Méthodiquement, à la lueur de nos lampes frontales, nous nous déshabillons, nous nous lavons avec l’eau que nous avons stockée au camp de base, nous nous changeons et nous nous restaurons. Ce n’est qu’ensuite que nous décidons de parler et d’aborder les sujets marquants de ces dernières heures. Que s’est-il passé ? Avons-nous commis une erreur d’instruction ou de commandement ? De quoi devons-nous rendre compte à nos supérieurs ? Il est deux heures du matin mais nous ne pouvons pas nous résigner à aller dormir, tant que nous ne trouvons pas de réponses à toutes nos questions. Et bien sûr Grégory, qui s’était bien gardé d’aborder la question de l’enfant, me regarde droit dans les yeux et me la pose. Après quelques secondes de réflexion je lui réponds avec franchise et honnêteté : « J’ai fait ce que tu ne pouvais pas faire. »

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Miliciens Interahamwe Hutu, à Kigali en avril 1994

En 1994, sous couverture d’un organisme humanitaire, Thierry Jouan est envoyé à Kigali, au Rwanda, en plein génocide. 

Je lui montre le chargement de mon camion, des médicaments et rien que des médicaments. Il a l’air rassuré mais en redescendant de la cabine arrière, je le vois se crisper sur sa machette. J’ai le réflexe de lui dire qu’il ne doit pas faire de bêtise car, peut-être, cette nuit il sera blessé et il sera bien content d’avoir des médicaments à ce moment-là pour le sauver. Il me regarde, me sourit bêtement, et me dit en caressant mon torse avec la lame de sa machette ensanglantée : « Moi blessé ? Jamais. Je mourrai au combat mais je ne serai pas blessé. De toute façon, dans moins d’une semaine, on est tous morts ».

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Photo © Abdelhak Senna/AFP

Une odeur pestilentielle flotte dans toute la ville. Elle vous suit où que vous alliez. Elle est plus ou moins forte en fonction des quartiers, en fonction des zones où les premiers massacres ont dû se perpétrer. En y regardant de plus prêt et en roulant doucement, on distingue nettement, dans pratiquement tous les jardins de toutes les maisons, des corps recouverts d’un nuage noir. (…) La particularité du nuage est qu’il est bruyant et surtout très mobile rendant complètement flou la vision de ce cadavre. Des mouches.

Je m’enivre copieusement avec des grandes rasades de whisky, puis je m’enfile dans les narines, non pas de la cocaïne, mais des cotons tiges que j’ai soigneusement imbibés d’after-shave pour que cette satanée odeur me laisse dormir.

Il faut que je me réveille, c’est un film d’horreur.

Quelque chose est brisé. Nous ne sommes plus les mêmes. Je suis ailleurs, dans un autre monde. Mon cerveau a été court-circuité par je ne sais quoi. Je suis sur une autre planète.

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L’épuisement se fait très rapidement sentir lorsque vous ne dormez que trois petites heures par nuit. Alors, je me shoote au café, à la vitamine C et au Guronsan pour tenir le coup (…)  [Mais] combien de fois me suis-je endormi dans le métro ou dans le bus ? Combien de fois me suis-je assoupi en mangeant mon steak tartare dans une brasserie parisienne, seul, en m’éloignant le plus possible du monde extérieur ?

Je bosse comme un fou ce concours [pour intégrer l’Ecole de Guerre]. Mais malheureusement, mes nuits commencent à être agitées par des cauchemars. J’ai du mal à dormir. J’ai du mal à me concentrer sur mes cours par correspondance avec un verre ou deux d’alcool, en même temps que j’essaie de résoudre un problème d’espace vectoriel ou de transport d’onde magnétique à l’intérieur d’une gaine métallisée. Les effets de l’alcool se font sentir. J’en ressens le besoin.

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[Mon ami X] est affecté en tant qu’aide de camp de SAS le prince héréditaire Albert et détaché de l’armée française. Détaché de l’armée française ? Je n’avais même pas connaissance qu’un tel poste puisse exister ! (…) Il me demande si je suis intéressé par cette fonction, à exercer avec lui, en binôme. Ma réponse est évidemment affirmative. Je suis en fin de potentiel avec le service Action, je suis épuisé de toutes ces missions, je ne suis absolument pas sûr de commander le CPES de Cercottes et encore moins de réussir l’Ecole de supérieure de guerre qui m’assurerait le grade de colonel et un commandement.

Persévérer à Cercottes dans l’ombre et le secret qui lui pèse de plus en plus ? Rejoindre le radieux soleil monégasque ? Ce sera la principauté, pour le meilleur… ou pas. En effet, après 6 ans au service de la famille princière, le grand plongeon :

« Ecoutez, je suis désolé, mais j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer (silence). Vous partez, vous quittez le palais princier. Je suis désolé ».

Tout faux. J’ai tout raté. Je suis tombé bas, très bas (…) Comme Icare, je suis monté haut, trop haut et je me suis brûlé les ailes. Je suis en train de tomber, je vacille, je me fracasse par terre.

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Thierry Jouan et le COL Sassi à Cercottes.

« Une vie dans l’ombre » pourrait se terminer sur cette note amère. Heureusement, il n’en est rien. Le Colonel Jouan ne se laisse pas couler, l’abandon n’est pas dans ses gènes : il s’envole pour l’Afrique où il va occuper pendant quelque temps un poste de logisticien. L’occasion de se « pauser », de commencer à écrire pour évacuer le « trop plein », de renoncer définitivement à l’alcool.

Expérience salvatrice. Comme une résurrection : il retrouve sa femme et ses enfants, dont on peut comprendre qu’ils ont enduré des moments très difficiles, tire un trait sur le passé sans le renier et trouve dans la foi un nouvel élan. Ainsi le phenix renaît des cendres d’Icare, éclairé par une étincelle de sagesse qui pourrait faire dire désormais à Thierry : mieux vaut réussir sa vie que réussir dans la vie.

 ***

Jouan 1.JPGNé dans un milieu modeste, fils de sous-officier, Thierry Jouan est élevé dans les HLM de la banlieue parisienne. Il est très tôt attiré par l’armée. Considérant sa carrière plus ou moins consciemment comme un ascenseur social, il sera officier ou rien. En 1977, il intègre le collège militaire d’Aix-en-Provence puis Saint-Cyr en 1979 (promotion Lieutenant-Général Marquis de Montcalm). Alors Lieutenant  au 1er RCP, il est repéré par la DGSE qu’il intègre en 1987. Il y passe 12 ans sous le pseudonyme de « Célestin », entre un rôle d’instructeur au CPES et des missions pour le compte du Service Action. Il est notamment présent à Kigali au Rwanda en 1994, sous couverture d’action humanitaire, lors des évènements dramatiques opposant Hutu et Tutsi. En 1999, il est détaché de l’armée comme aide de camps du prince Albert de Monaco. Après 6 ans dans la principauté, il est brutalement remercié. Suit une courte période d’errance psychologique et professionnelle, qui trouvera une issue heureuse. Il est désormais chargé de mission auprès de l’Association des Consuls Honoraires de Monaco.

Thierry Jouan est marié à Jacqueline et fier papa de Marie-Aude et Arnaud.

Il est chevalier de la Légion d’Honneur, décoré notamment de l’Ordre National du Mérite et de la Croix de la Valeur Militaire.

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Prix : 18,90€ - ISBN 978-2268074337 – Format 19,3x16,5 – 319 pages

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Aux Editions du Rocher

Livre disponible ici

 

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Rencontre avec le Colonel Jouan et sa femme Jacqueline au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan 2013. Photo © Natachenka

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J’ai vécu des choses plus ou moins plaisantes, plus ou moins horribles. J’ai certainement fait des erreurs. Un psychologue vous dira qu’il faut toujours prendre le temps de les analyser, afin de rebondir et d’aller plus en avant. Certes. Mais ce qu’oublient trop souvent nos amis psychologues c’est que, peut-être, nous n’avons plus réellement envie de rebondir et plus envie d’aller plus en avant. Ce n’est pas de la résignation mais plutôt de l’abnégation. J’ai désormais simplement envie de jouir du présent, de vivre avec mon temps, avec mes enfants. Essayer de rattraper psychologiquement le retard. C’est tout.

Colonel (er) Thierry Jouan

 

 

 

 

 

 

 

 

06/01/2014

« DGSE Service Action : Un agent sort de l’ombre », Pierre Martinet, 3e RPIMa, DGSE, Ed. Privé & J’ai Lu.

 

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

Il faut faire des choses audacieuses, même téméraires, quand on y espère un profit matériel ou moral. Mais, ces choses audacieuses une fois décidées, il faut les faire avec le maximum de prudence.

Henry de Montherlant

 

 

En 2005, la parution d’un livre déchaîne les passions. Pensez ! L’autobiographie d’un ancien agent de la DGSE, mêlé qui plus est à une sombre affaire de déstabilisation d’une star du PAF ! « Un agent sort de l’ombre » de Pierre Martinet : une bombe médiatique…  

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Il est vrai que le récit de Pierre avait de quoi faire frémir sous les lambris de la République : Para-Colo présent notamment à Beyrouth lors de l’attentat du Drakkar, il a rejoint le *très secret* Service Action de la DGSE. Au fil des pages, il en révèle la sélection et l’entraînement, pour le moins « virils », puis les missions des « espions » français.

Oh, ne vous attendez pas à du 007 ! Sourire émail diamant, smoking, Martini dry et Aston Martin… « Ayez une tête de slip et personne ne vous remarquera.  Passer pour un abruti, c’était le début de la clandestinité ».  L’un des grands intérêts de ce récit, outre le sujet évidemment, réside dans l’humilité de l’auteur. Pierre ne cache rien de ses doutes ni de la fatigue psychologique après tant d’années de vie à la limite de la schizophrénie, qui lui feront finalement quitter le service pour la vie civile… et les ennuis, hélas.

Une autobiographie qui respire l’honnêteté, y compris lorsqu’elle nous emmène dans le marais putride que s’avère être le service Sécurité de Canal+, luttant certes contre le piratage des décodeurs, mais pas que... (et loin s’en faut).

Depuis sa parution, le livre est un succès. Pour preuve sa récente reprise en édition de poche  « J’ai Lu ». Et c’est mérité ! Bien sûr le sujet est porteur, mais « Un agent sort de l’ombre » est aussi un récit clair et bien écrit, forcément autocensuré, mais dans lequel on trouve l’essentiel : « l’essence de la vie d’espion ».

Morceaux choisis :

3e RPIMa, Beyrouth, attentat du Drakkar

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Photo AFP/Jamal Farhat

 « Qui a fait ça, qui a fait ça ? ». La phrase bourdonnait autour de moi comme un insecte. Lancinante, cette question était en train de nous vriller la cervelle. Mais personne ne savait comment y répondre. Y avait-il des survivants ? La structure n’allait-elle pas nous tomber sur la gueule quand on l’escaladerait ? Tout tournait très vite dans ma tête, et pas seulement dans la mienne. Autour de moi, la rage circulait dans les rangs, très vite remplacée par l’accablement devant le tas de béton fumant qui s’étalait sous nos yeux pleins de poussière.

 

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Il fallait se déshabiller au plus vite pour éviter les infections. A cause des risques, les médecins avaient donné l’ordre à tous ceux qui avaient travaillé sur la zone de brûler leur treillis. A la queue leu leu, on a porté nos fringues imprégnées de la mort de nos copains (…) Nous regardions ce feu de camp improvisé tout en nous observant. On n’était pas beaux à voir, mais on se sentait profondément vivants. J’ai eu un petit frisson. Je voyais que quelque chose était en train de s’envoler dans les volutes noires. Sans doute un morceau de notre naïveté sur le monde. Notre innocence s’était barrée, écrasée à quelques kilomètres de là sous des tonnes de béton.

 

N’Djamedna, Tchad, opération Epervier

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Forces Spéciales, Tchad. Photo José Nicolas

Je les ai vus arriver. Deux commandos d’une trentaine d’hommes avec les cheveux mi- longs, aucune trace de la tenue réglementaire ni d’arme apparente. Juste leurs gueules ridées qui indiquaient qu’ils étaient restés longtemps sous le soleil. Je savais qu’ils rentraient de là-haut et je les enviais. Eux, au moins, allaient au combat. C’était la deuxième fois que je croisais les hommes du Service Action, et je pensais que, décidément, si je voulais de l’action, c’était avec eux qu’il fallait être.

 

Service Action de la DGSE, Camp de Cercottes, sélection et entraînement

Nous vivions les uns sur les autres, sans lumière du jour, comme des souris de laboratoire. La distribution des corvées donnait lieu à des engueulades et c’était voulu par les instructeurs. Principe du rat en cage, il fallait tester la résistance psychologique des candidats. Ça marchait (…) Certains se renfermaient sur eux-mêmes, d’autres se plaignaient, d’autres encore se révélaient être des leaders.  En fait il y avait ceux qui subissaient la situation et ceux qui l’affrontaient (…) L’isolement était en train de nous façonner en profondeur, de nous sculpter la cervelle définitivement.

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« D’abord la glotte. Vous lui écrasez d’un coup sec, soit avec le tranchant de la main, soit avec un coup de poing. Si vous tapez très fort, ça broie les cartilages et il ne peut plus respirer. Ensuite, le nez. Un coup sec avec la paume de la main de bas en haut. Tout le corps doit appuyer votre coup comme si vous vouliez lui rentrer le cartilage du nez dans le cerveau. Pour le plexus, c’est aussi simple ! Vous tapez très fort comme un piston. L’onde de choc lui coupera net la respiration. Ca fait très mal et ça vous casse en deux votre adversaire. Ensuite, pour les filles, il y a le traditionnel coup de pied dans les couilles. ».

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Léon [notre instructeur] était un musicien du calibre et il avait sa propre partition. Elle s’appelait « ploum-ploum… ploum ! » « Quand vous tirez, n’oubliez jamais : deux balles dans le buffet… ploum-ploum et on finit par un balle dans la tête… ploum ! ».

 

En mission avec le service Action de la DGSE

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Avoir une nouvelle identité était une chose. Se créer la légende qui allait avec était indispensable. Un agent doit connaître par cœur les adresses des cafés du coin, savoir si le patron est moustachu, chauve, ou hirsute et mal rasé. Le médecin généraliste que l’on va voir et nous prescrit des antibiotiques au moindre rhume, les stations de métro les plus proches… tous ces détails qui font que votre légende est blindée et que l’on vous croit lorsque vous en parlez. Votre légende, c’est votre gilet pare-balles. Plus elle est épaisse plus on mettra de temps à vous percer à jour. J’étais entré dans la phase schizophrène de l’agent.

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Photo P.A.

Je pensais en regardant le visage barbu qu’il valait mieux qu’il change de vie s’il voulait voir grandir ses enfants, parce que pour lui le sablier venait de se retourner. Adrien dit : « Les préops ont déjà équipé la ville dans laquelle vous allez opérer. - C’est où ? - Londres. Abou Walid s’y est installé depuis peu. En fait, l’Etat-Major le soupçonne fortement de préparer, avec son groupe de joyeux comploteurs, des attentats pendant la coupe du monde de football. La première rencontre aura lieu dans quelques mois au stade de France, à Saint-Denis. Inutile de vous dire que c’est même pas la peine d’y penser. On ne revivra pas les attentats du RER. ».

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Après avoir effectué notre itinéraire de sécurité, on est revenus tous les deux au point de départ. Il n’y avait plus personne. Je me suis dit que Caroline commençais à voir des « rats bleus » partout. Dans le jargon de la maison, cela voulait dire que l’agent rentrait dans une crise paranoïa aiguë, un peu comme les alcooliques. A la différence qu’il mettait en danger toute la mission et son équipe. Deux minutes plus tard, Caroline a recommencé. Qu’elle ne sentait pas le truc, qu’elle était sûre qu’on était suivi et que, de toute façon, on s’était fait repérer par les services suisses et qu’on allait finir comme les agents du Mossad, quelques mois auparavant. Je lui ai demandé de fermer sa gueule, puis on a traversé la rue pour se diriger vers cette putain de boîte aux lettres. On était en retard sur l’horaire de livraison et je voyais déjà ceux d’en face se demander pourquoi e la panique monter. Puis j’ai regardé Caroline. C’était la première fois que je lui parlais comme cela. Trop de pression, trop de missions en préparation, trop de fatigue accumulée. Beaucoup d’agents traversaient ce genre de crise après un certain temps sur le terrain, n’arrivant plus à gérer les trop grandes quantités de stress occasionnées.

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« Personnellement, j’en ai un peu marre de tourner autour d’Abou Walid. Je pisse dans ses chiottes, je bouffe dans son assiette, je dors presque dans son lit. J’ai quasiment remplacé son ombre. Il ne fait pas un mètre dans la rie sans que je sois dans ses babouches ou sur ses talons. Si ce mec  est un ennemi de la République ; d’un coup de cutter, je luis ouvre la carotide et on n’en parle plus. Ça fera faire des économies aux contribuables. Il passe certains soirs par la même petite rue… »

Adrien et les autres ont sursauté et j’ai bien compris, au regard qu’Adrien m’a lancé, qu’il n’aurait jamais dû me donner la parole.

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Quelque chose s’était cassée sans que je m’en rende compte. Dix-sept ans à servir les intérêts du pays. De Beyrouth au Tchad, de Centrafrique à la Nouvelle-Calédonie, les souvenirs remontaient comme des bulles. Surtout, je sentais mon corps me dire que c’était bon, qu’on pouvait s’arrêter. Après trois mille sauts, mes deux genoux étaient fracassés et l’arthrose lombaire qui se pointait les jours de pluie, je commençais à ressentir l’usure de ne pas m’être ménagé une seule seconde. Trop d’adrénaline tue l’adrénaline (…) On ne vivait pas indéfiniment loin de la lumière dans une ambiance poisseuse, de méfiance, de suspicion et de parano sans avoir le métabolisme modifié en profondeur.

Je me suis dit qu’il était temps d’apprendre à écrire des CV. Sauf que je me demandais bien ce qu’on pouvait faire en sortant du Service.

Cher Monsieur,

Je sais espionner, tuer à mains nues, sauter en parachute et faire péter des chars à distance. Engagez-moi, je serai un plus pour votre société.

 

Canal+

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[en 2001, usé tant physiquement que psychologiquement, Pierre quitte la DGSE pour intégrer le service Sécurité de Canal+ où il espère vivre une fin de carrière dans la sérénité. Hélas la chaîne est en pleine tourmente, luttes d’influence entre businessmen et stars du PAF, magouilles et tutti quanti]

Je suis rentré à Orléans [où est basé le Service Action de la DGSE]. J’avais respiré en m’éloignant de cette ville et du Service. J’y avais passé dix ans. Maintenant, j’y retournais pour fuir le piège dans lequel je m’enfonçais tous les jours un peu plus. Je me rappelais de ma vie parallèle d’avant. Ce que l’on faisait avait un sens, les enjeux nous dépassaient tous, nous étions des soldats. J’avais été fier des missions. J’avais même trouvé que l’on n’en faisait pas assez. J’avais cru que dans le civil ce serait différent. Cela n’avait pas été le cas. C’était bien pire. Des histoires crapoteuses de télé et de gros sous, des histoires de flics véreux, il y avait mieux en guise de vraie vie.

 

L’adieu aux armes

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Je me suis assis, j’ai commandé un café et j’ai compté les espions de bureau, une bonne poignée à vue d’œil. Je me suis dit que ma carrière s’arrêtait là, sous leurs yeux, que je pouvais tourner la page, que j’assumais ma vie, que j’en étais fier mais qu’elle n’était pas finie.

***

Pierre est allé au-devant des ennuis, en se livrant ainsi. Mais il est évident que l’écriture de ce récit a été un exutoire l’aidant à se reconstruire psychologiquement. Et c’est très bien ainsi.

Remercions le aussi, non pas pour avoir sorti de l’ombre, mais pour avoir mis un rai de lumière sur ces hommes et ces femmes des services secrets, qui prennent au nom de la France des risques énormes, parfois jusqu’à la mort, sans que cette France ne soit en mesure de reconnaître officiellement leurs sacrifices. Pas de cérémonie aux Invalides pour eux. « Un agent sort de l’ombre » leur rend un hommage mérité.

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Nous avons rencontré Pierre à Saint-Cyr en 2013, et avons échangé régulièrement avec lui depuis.

Il va très bien…

***

1304739-1715504.jpgNé en 1964, fils et petit-fils de militaire, Pierre Martinet s’engage en 1983 au 3e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine. Il est déployé notamment  au Liban et au Tchad. Alors Sergent-Chef, il postule au Service Action de la DGSE. Il y « officie » sous le pseudonyme de Florent. En 2001 il intègre le Service Sécurité de Canal+, entre lutte contre les réseaux de piratage et sombre histoire d’espionnage interne.

Pierre mène désormais une carrière de consultant dans le domaine de la sécurité et d’auteur. Outre « Un agent sort de l’ombre », on lui doit « De l'ombre à la lumière » (Ed. Privé), « Cellule Delta » (Flammarion) et « Opération Sabre d'Allah » (Ed. du Rocher),  récits romancés plus que des romans. Il dirige également la collection « Service Action » des Editions du Rocher dans laquelle figure « L’espion aux pieds palmés » de Bob Maloubier.

« Un agent sort de l’ombre » a été écrit en collaboration avec Philippe Lobjois, journaliste, auteur de plusieurs livres et documentaires sur l'Afghanistan, l'ex-Yougoslavie et l'affaire Ingrid Betancourt. 

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Prix (J’ai Lu) 7,70€ - ISBN 978-2290028698 - Format 17,8 x 11 - 381 pages

Aux éditions Privé & J’ai Lu

« Un agent sort de l’ombre » et les autres livres de Pierre Martinet se trouvent très facilement dans toutes les bonnes libraires sur les sites du Net. Par exemple ici. 

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Hommage

Aux 58 Chasseurs-Parachutistes des 1er et 9e RCP morts pour la France dans l’attentat du Drakkar

Capitaines Jacky Thomas et Guy Ospital, Lieutenant Antoine Dejean de La Bâtie, Sous-Lieutenant Alain Rigaud,  Adjudants Antoine Bagnis et Michel Moretto, Sergents Christian Dalleau, Vincent Daube, Jean-Pierre Lebris, Yves Longle et Gilles Ollivier, Caporaux-Chefs Djamel Bensaidane, Laurent Beriot Laurent, Vincent Carrara, Louis Duthilleul, Xavier Grelier, Olivier Loitron, Franck Margot, Patrice Seria et, Hervé Vieille, Caporaux Patrice Girardeau, Jacques Hau, Laurent Jacquet, Patrick Lamothe, Dominique Lepretre, Olivier Leroux,Franck Muzeau et Laurent Thorel, Parachutistes de 1ère classe Guy Gasseau , Remy Gautret, François Julio, Gilles Pradier, Patrick Tari et Sylvestre Théophile, Parachutistes Yannick Bachelerie, Richard Bardine , Franck Caland, Jean-François Chaise, Jean Corvellec, Jean-Yves Delaitre, Thierry Deparis, Thierry Di-Masso, Hervé Durand, Romuald Guillemet, Jacques Kordec, Victor Lastella, Christian Ledru, Patrick Levaast, Hervé Leverger, Jean-Pierre Meyer, Pascal Porte, Philippe Potencier, François Raoux, Raymond Renaud, Thierry Renou, Bernard Righi, Denis Schmitt et Jean Sendra.

Aux 241 soldats américains morts dans le précédent attentat du 23 octobre 1983

Aux blessés.

 

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Hommage

Aux membres de la DGSE morts, souvent anonymement, pour la France.

Aux blessés.

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