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11/03/2019

« 20 ans sans une égratignure », LCL Sylvain Mazzocco, 4e RHCM, EH 01.067 « Pyrénées », éd. Baudelaire

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

« Toute ombre est fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence, a vraiment vécu » 

Stefan Zweig

 

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« Goma est bombardé ! On desserre les Pumas sur Bukavu ! Mazzocco, va débâcher le Puma canon. Quant aux mécanos, vous restez sur site. Si notre camp est bombardé, vous n'avez qu'à vous abriter dans les fossés ! ». Cette dernière remarque me glace le sang mais je m'exécute en silence après un « Reçu ! » de rigueur. Je cours jusqu'au parking des hélicoptères. Au moment où j'enlève les bonnets des pales, je suis surpris par une violente explosion près de moi. Je perçois en même temps le souffle et le claquement sec de l'obus de mortier qui vient de tomber. Je suis surpris et bien sonné. Le goût métallique est celui de mon propre sang qui se répand dans ma bouche tandis qu'un bourdonnement aigu envahit ma tête.

Rwanda, 1994

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 Sylvain Mazzocco, remise de son brevet de pilote, Dax, 1993

Au moment où je regagne mon P4, je suis interpellé par deux hommes qui en portent un troisième. Ce dernier est terriblement amaigri. Il n'y a pas besoin d'être médecin pour comprendre qu'il est atteint du choléra et que la fin est proche. Ils me supplient de faire quelque chose (…) Par pitié, je me rends dans la file d'attente d’une ONG voisine, afin de plaider sa prise en charge prioritaire. Arrivé devant le médecin, je lui demande de s'occuper de cet homme qui risque de mourir d'un moment à l'autre. Le médecin pose ses affaires sur sa table, se tourne vers moi et prend le temps de réfléchir à sa réponse. Elle est sans appel : « Mais jeune-homme, tout le monde meurt, ici ».

Rwanda, 1994

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Opération « Carbet », détachement Armée de l’Air, Haïti 2004

Je vais au cinéma avec des collègues voir un chef d’œuvre inconnu : « Tears of the Sun ». Dix ans après le Rwanda, le thème des « larmes du soleil » m’avaient interpellé. Devant ce film à la gloire des militaires américains, nous ne manquons pas de railler les extraordinaire compétences du soldat Bruce Willis. Nous rigolons beaucoup, au grand dam de nos voisins, jusqu'à l'entrée de notre super héros dans un village. Un massacre est en cours. Instantanément, je reçois une claque, d’une intensité jusqu'alors inconnue. Elle raisonne dans ma tête. Les exactions des génocidaires rwandais ne sont que suggérées. En un flash, je les vois, ou je vois celle que j'ai vues dix ans plus tôt. Femmes éviscérées, nourrissons calcinées. Et aussi violemment qu'elles sont arrivées, ces visions d'horreur disparaissent, me laissant hébété sur mon siège.

ETOM, Martinique, 2004

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2010-2011. La 18e promotion « Charles de Gaulle » de l’Ecole de Guerre, dont Sylvain Mazzocco est président

C'est la nuit. Je suis dans mon lit, dans mon studio parisien. Je dors. Des bruits, une Lumière, une odeur. Je me réveille. Je suis trempé de sueur. J'ai froid. Ma tête est vide. Elle était pleine il y a quelques instants, je ne sais déjà plus de quoi. J'ai un goût de sang dans la bouche. J'ai dû me mordre.

C'est l'après-midi. Je ferme les yeux et profite de quelques minutes de solitude pour régénérer mes batteries. Je rêve. On me frappe. Je me réveille en sursaut.

C'est la nuit. Je dors depuis quelques heures. Des bruits. Une lumière, une odeur. Je suis en sueur.  J'ai froid. J'ai un goût de sang dans la bouche. Mes oreilles bourdonnent.

C'est l'après-midi. Une claque. C’est la nuit. Le sang coule dans ma bouche. C’est l’après-midi. Une gifle.

C'est la nuit. L'obus de mortier monte sur Goma. Il arrive droit sur moi. C'est l'après-midi. Des coups.  C'est la nuit. 17 juillet 1994. Goma. L’obus de mortier monte. Je sais qu'il vient sur moi. Il explose à mes pieds. Non, c'est une roquette afghane. L’odeur de la poudre. Le goût du sang. Après-midi. Gifle. Nuit. Goma. Obus. Roquette. Explosion. Sang.

Ecole de Guerre, Paris, 2011

***

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Contrariant une destinée semblant toute tracée devant le mener, comme son père avant lui, à la maçonnerie, Sylvain Mazzocco devient sous-officier pilote de Puma dans l’ALAT. Après l'EMIA et pour continuer à piloter, il rejoint l'Armée de l'Air. Déployé au Tchad, au Rwanda, en Ex-Yougoslavie, en RCA, en Haïti, en RCI, en Afghanistan et au Sahel, son parcours est superbe, son rêve d'ado accompli, son histoire proche du conte de fée. Si ce n'est qu'un jour, après 20 ans de carrière opérationnelle, ayant frôlé la mort mais s’en étant sorti « sans une égratignure », et alors qu'il a intégré la 18e promotion de l'Ecole de Guerre, le LCL Mazzocco est foudroyé par le SSPT.

Cette chronique, qui se concentre sur la cause et les effets de sa blessure psy, ne rend d’ailleurs pas honneur à l’ensemble du livre où nous suivons Sylvain dans toutes ses OPEX.

Tout bonnement passionnant.

Aux éditions Baudelaire, disponible ici.

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Sylvain Mazzocco et Mr Jaurand, vétéran de la Grande-Guerre, 1998 

En 1998, Sylvain Mazzocco, alors Dolo de la 37e promotion « Grande Guerre », participe avec ses camarades à une œuvre de mémoire, parcourant la France à la rencontre de vétérans de la 1ère guerre mondiale pour recueillir leurs témoignages. Un livre conclura le projet, « Un poilu m’a dit », disponible en version numérique gratuite ici

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LCL Sylvain Mazzocco, Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2018

***

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Hommage

A tous les pilotes, navigants et personnels au sol des unités d’hélicoptères des Armées.

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A tous les blessés de guerre par SSPT.

*

Ecoute Défense

08 08 800 321

Numéro gratuit accessible à tous les militaires, anciens militaires et civils de la Défense, qui sont confrontés à la difficulté d’exprimer leur souffrance ou sont témoins de celle d’une personne de leur entourage.

***

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Sylvain Mazzocco en RCI, 2005 

- Les blessures les plus graves ne sont pas forcément celles que l'on voit, mon Colonel. Je pense que vous êtes victime d'un choc post-traumatique suite à votre engagement opérationnel au Rwanda.

Elle s'arrête un Instant pour me laisser le temps de la réflexion et peut-être pour que je fasse un petit commentaire. Je ne sais pas quoi dire. En agitant légèrement la tête droite à gauche et sans me quitter du regard, elle poursuit.

- L'institution que je représente ici ne vous lâchera pas. Cet après-midi vous avez rendez-vous avec un commandant de la Cellule d'Aide aux Blessés, Malades et Familles de l'Armée de l'Air. C'est un type extraordinaire, il va vous plaire. Il s'occupera de vos problèmes matériels et moi je m'occuperai du reste.

Elle pointe son index vers le ciel et lui fait faire un léger cercle.

- Vous allez revoler, mon Colonel.

Hôpital Percy, SMPCAA (Service Médical Psychologie Clinique Appliqué à l'Aéronautique), 2011

 

 

 

 

 

02/05/2016

« Opération Turquoise », GAL Jean-Claude Lafourcade, éd. Perrin

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos issues de la collection de l’association « France-Turquoise ». Droits réservés.

 

 

La seule chose qui permet au mal de triompher

est l’inaction des hommes de bien.

Edmund Burke

 

Le fils d’une de mes amies, rentrant de son célèbre lycée du VII arrondissement de Paris, lui dit : « Comment peux-tu encore fréquenter le général Lafourcade ??? C’est un génocidaire !!! ».

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Cette phrase, issue du livre, est un crève-cœur. Crève-cœur pour le Général, vous le comprendrez aisément en lisant le texte qui suit. Crève-cœur pour nous aussi, de par l’affection que nous portons à « Ceux de Turquoise ».

N’en voulons pas trop, cependant, à ce jeune-homme qui a subi le lavage de cerveau de la propagande, d’où qu’elle vienne. Espérons simplement que, depuis lors, il a lu le livre du Général Lafourcade, ceux du padre Kalka, du Colonel Hogard ou du Caporal-Chef Geoffroy, tous vétérans de Turquoise.

En une heure, l’amiral Lanxade [CEMA] m’a fait voir l’extrême difficulté de la mission qui nous attend. Des rapports empoisonnés avec le FPR [Front Patriotique Rwandais, tutsi], les « retrouvailles » avec nos anciens alliés [Hutus] qui, pour certains, ont les mains pleines de sang, la forte pression médiatique, l’isolement sur la scène internationale, les soupçons, un drame humanitaire… Intérieurement, je m’inquiète, non pas pour moi et mes hommes, mais pour la réussite de la mission. Il faudra aller vite si nous voulons réussir à sauver encore des survivants. J’ai conscience que nous arrivons bien tard, beaucoup de mal est fait, mais chaque vie compte.

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Depuis qu’on a vu sur toutes les télévisions du monde les cadavres des soldats américains traînés dans les rues de Mogadiscio, les Etats-Unis sont dans une logique « zéro mort ». N’ont-ils pas, en outre, formé eux-mêmes le général Kagamé [leader Tutsi] dans leur académie militaire de Fort Leavenworth ? Et l’attentat contre l’avion du président [Hutu] Habyarimana n’offre-t-il pas une opportunité pour leur allié anglophone de prendre le pouvoir ? Les Anglais considèrent que le Rwanda n’est pas dans leur zone d’intervention. Les Belges, dont dix casques bleus ont été assassinés le lendemain de l’attentat contre Habyarimana sont traumatisés. Ainsi la France, qui est le premier pays à avoir officiellement utilisé par la voix de son ministres des affaires étrangères le mot de génocide le 1er mai, semble la seule nation occidentale prête à intervenir pour que celui-ci cesse.

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Notre hélicoptère Puma file à 240 kilomètres/heure au-dessus du lac Kivu. J’y plonge mon regard et sous les reflets turquoise, les profondeurs sombres me renvoient à mes pensées. Nous sommes en pleine action et nous connaissons son sens. Mais ce que nous découvrons jour après jour ici, nous entraîne dans des abysses jusqu’alors inconnues…

(…)

Les miroitements mirifiques du lac que nous avons survolé d’un bond d’aéronef suffiraient à illuminer notre journée, mais des rivières de sang l’assombrissent bientôt. C’était trop beau. En route, un spectacle macabre se dévoile. L’envers du décor. Nous faisons une halte pour nous enfoncer à pied dans un bois. Là, maintenant, l’odeur si particulière des cadavres nous saisit et nous repousse quelques pas en arrière. Contrastes : splendeur du Rwanda, fureur de la bête humaine. Est-ce possible ? Nous avions vu, tous, à la télévision, les images des massacres. Mais nous ne savions pas, nous n’imaginions pas. Devant nous, des corps éparpillés dans la forêt, au milieu des bosquets, laissés là depuis plusieurs semaines. C’est insoutenable. Ces Tutsis ont été frappés au visage, mutilés, découpés, écrasés. La vie s’arrête là sous nos yeux. La nausée…

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Je repense alors aux colonnes de civils qui nous saluaient à l’instant, au passage de notre véhicule. C’étaient des Hutu, et tous, innocents ou non, craignent que des Tutsis du FPR [Front Patriotique Rwandais] la vengeance et les massacres de représailles. Les tueurs sont parmi eux… Ils fuient par dizaines de milliers vers le Zaïre. Ils ont tout perdu, tout abandonné sauf quelques marmites, des bidons, des morceaux de tôle. Nous regagnons la route et les croisons à nouveau. L’air hagard, désespérés, ils marchent. Certains ont égorgé leur meilleur ami. D’autres ne sont que les victimes d’une guerre larvée qui dure depuis 1990. Elle, avec son fichu rose sur la tête, n’a-t-elle pas dénoncé ses voisins ? Et lui, a-t-il « coupé », comme on dit ? Ils nous regardent. Ils lancent un amahoro, « paix ». Que dois-je faire ? Ils ne sont évidemment pas tous coupables, mais qui est qui ?

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Compte tenu des effectifs dont je dispose sur le terrain, il sera difficile de contrôler l’ensemble de la zone FAR [Hutu], car les réfugiés se cachent et les milices commettent leurs actes la nuit. Cela devrait donc prendre un certain temps avec le risque que les exactions se poursuivent. A des journalistes qui m’interrogent, je dis en substance : « Pourquoi n’avançons-nous pas assez vite ? Parce que nous sommes seuls. Seule la France a eu le courage d’intervenir et nos moyens sont limités. Où sont les Anglais et les Américains qui nous ont mis des bâtons dans les roues avant l’intervention ?

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L’avancée des troupes de Kagamé vers nos positions a eu les conséquences que nous craignons. L’exode massif est en marche (…) les acteurs du génocide savent qu’ils ne sont pas les bienvenus dans notre zone et que la justice a commencé son travail. Ils se dirigent donc vers Goma. Mêlés à des centaines de réfugiés, comment les identifier et les appréhender ? Paul Kagamé a provoqué le contraire de ce qu’il déclarait vouloir faire et il ne pourra s’emparer des massacreurs, désormais à l’abri au Zaïre.

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Les rues de Goma sont bondées d’une foule errante. Ils déambulent sans but, avec leurs ballots sur la tête, leurs vêtements sales, leurs chaussures abîmées par les kilomètres. Acceptent-ils cette situation ? Leur résignation m’étonne. Tout autour de la ville, sur des terrains où rien ne pousse, ils s’installent, entassés. La terre est noire, la poussière de lave et la pierre ponce ne draine pas les excréments. La puanteur des immondices se répand. Au milieu des détritus, ils ont faim, soif. La menace de l’épidémie plane sur eux. Le choléra fait ses premières victimes.

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La mort fauche par milliers les hommes les femmes, les enfants. Ils tombent sans se plaindre. Le courant de la fatalité les emporte sans qu’ils réagissent.

Après la découverte du génocide d’avril, mai et juin, nous avons atteint de nouveaux sommets dramatiques. Nous sommes tous bouleversés par ce que nous vivons. Il faut voir ces jeunes militaires français, de 18 à 25 ans, aidés par des Zaïrois que nous avons payés, décharger de nos camions des centaines de corps et les jeter dans d’immenses tranchées. Choqués, ils charrient les masses inertes comme des sacs de sable. Je leur en ai donné l’ordre. Ils obéissent dans la générosité et l’abnégation. Je pense à eux, à leur vie à jamais changée. Je pense à leurs familles, mais aussi à celles de toutes les victimes. Tout se fait dans un bruit assourdissant de pelleteuses qui agrandissent toujours plus ces tombes géantes et recouvrent ensuite sans plus de cérémonie les milliers de défunts. Je n’oublierai jamais le visage du caporal conducteur de bulldozer.

***

En août 1994, trois mois après leur déploiement et conformément au mandat de l’ONU, les soldats de Turquoise quittent le Rwanda. Tous reviendront profondément meurtris, combien d’entre eux, comme le CCH Xavier Geoffroy, victime du syndrome de stress post-traumatique. On ne sort pas indemne de « l’apocalypse sur Terre », dixit le padre Kalka.

Dans un premier temps, la communauté internationale applaudit. Certes les hommes de Turquoise n’ont pu empêcher les massacres, perpétrés à plus de 90% avant leur déploiement ; certes des assassinats et exactions ont continué ; la France était seule, ses moyens limités… (2500 hommes…) reste que que des dizaines de milliers de Tutsis ont été sauvés, le travail des ONG facilité, au moins dans la zone contrôlée, un semblant de paix installé, permettant la reconstruction du pays.

Mais tout cela n’est rien pour des  journalistes avides de buzz, une presse anglo-saxonne qui relaie le discours officiel anti-français, un gouvernement Kagamé, désormais 100% tutsi, qui allume des feux francophobes un peu partout, profitant de l’écran de fumée pour liquider à qui mieux mieux les opposants, quand ce n’est pas massacrer les réfugiés hutus au Zaïre. Pour eux, les soldats français présents au Rwanda sont des génocidaires.

Et depuis 20 ans - à nouveau début 2016 - ces soldats sont convoqués devant la justice pour répondre de leur « crime ».

Tristement, et dans une indifférence nationale quasi générale, la chasse aux boucs émissaires se poursuit.

***

220x220-ct.jpgNé en 1943, Jean-Claude Lafourcade intègre Saint-Cyr, promotion « Serment de 14 ». Il fait sa carrière dans les Troupes de Marine, 21e RIMA, 3e RPIMa. En 1974 il est aide de camp du GAL Bigeard au Secrétariat d’état à la Défense, puis  chef de corps du 8e RPIMa. En 1994, alors Général de Brigade, adjoint à la 11e Division parachutiste, il est désigné pour prendre le commandement de l’opération Turquoise au Rwanda, sous mandat de l’ONU. Général de corps d’armée, commandeur de la Légion d’Honneur, il est placé en 2ème section en 2003. Face aux multiples attaques et procès, il fonde l’association France-Turquoise en 2006, destinée à défendre l'honneur de l'armée française au Rwanda. Le GAL Lafourcade est marié et père de deux enfants.

Site de l'association France-Turquoise ici.

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ISBN 978-2262031282 – Format 21,1 x 14,2 216 pages.

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Aux éditions Perrin

Le livre est malheureusement épuisé ; à dénicher sur la marché de l’occasion, par exemple ici.

Pour d’autres livres de « Ceux de Turquoise », voir ici.

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Interview du Général Jean-Claude Lafourcade

7.4.2014

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En novembre 2015, 21 ans après les faits, des associations, autoproclamées défenderesses des droits de l’homme, ont renouvelé leur plainte pour complicité de génocide contre des officiers de Turquoise, pour ne pas avoir sauvé plusieurs centaines de Tutsis à Bisesero.

Le Général Lafourcade a été convoqué une nouvelle fois par la Justice en janvier dernier.

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En 1996, le gouvernement rwandais, désormais exclusivement tutsi, décide de démanteler les camps de réfugiés hutus au Zaïre. Il attaque les campements. L’opération fait de 40 000 à 200 000  morts selon les sources.  Nous n’avons pas connaissance de procédures judiciaires sur ces faits, par les associations susnommées, à l’encontre des soldats de Kagamé.

D’ap. "Perdus dans la forêt", traduction française par Wolfgang Blam - Taz (Allemagne) 28.8.2010.

*

Dans cette réalité rwandaise, comme c’est souvent le cas en Afrique, mais aussi ailleurs - on l’a vu en ex-Yougoslavie - il n’y a pas de place pour le manichéisme, pour une vision angélique des uns et diaboliques des autres. Comme l’écrit Jean d’Ormesson dans un article paru dans le Figaro, le 21 juillet 1994. : « S’il faut tirer une leçon du Rwanda, c’est que les hommes sont tous coupables et qu’ils sont tous innocents. Il n’y a pas de bons et de mauvais. Il n’y a que l’engrenage de la haine et de la violence. »

COL Jacques Hogard, commandant la ZHS au Rwanda pendant l’opération Turquoise.

 

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Au Cercle national des Armées, fiers de nous afficher au côté du Général Lafourcade.

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Hommage à Ceux de Turquoise.

« J’ai fait tout ce qu’un soldat a l’habitude de faire.

Pour le reste, j’ai fait ce que j’ai pu. »

Etienne de Vignoles, dit La Hire, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc.

*

A la mémoire de toutes les victimes de la guerre civile au Rwanda.

« Si vous cherchez un coupable, commencez par vous demander à qui a profité le crime. »

Bon sens populaire.

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Etre accusé de génocide, c’est être accusé du pire des crimes (…) Ce n’est pas seulement une insulte faite à mon honneur de citoyen. C’est une blessure au plus profond de mon être. Le Rwanda, en 1994, je peux dire : j’y étais. Le génocide, je l’ai touché. Je l’ai côtoyé. Ce que j’ai vu a définitivement changé ma vie. Je sais exactement de quoi je parle. Pas d’un concept, pas d’un crime imaginaire déclaré odieux dans un salon mondain. J’ai en tête les images très précises de ce dont on voudrait m’accuser. Je pense être un homme équilibré ; malgré tout, je sais avoir été définitivement marqué par cette expérience. Aujourd’hui, c’est là, au fond de moi, que l’on vient me meurtrir.

Et je ne suis pas seul. Je pense à tous les soldats de Turquoise. Nous avons agi dans un environnement d’une complexité rare, sans cesse confronté à l’horreur.

Les soldats qui ont servi au Rwanda en 1994 ne méritent pas une telle infamie.

Général Jean-Claude Lafourcade

 

 

 

 

09/03/2016

« Dieu désarmé », Padre Richard Kalka, aumônier militaire, autoédité

V2. Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. 

 

+ + +

Le centurion qui se trouvait devant lui, voyant  qu’il avait ainsi expiré, dit :

Vraiment, cet homme est bien le fils de Dieu.

Luc [15.39]

 

 

Il nous a fait sourire, le padre : « J'espère que vous ferez preuve de bienveillance en lisant mon livre... »

Comment ? Faire preuve de bienveillance, mon père ?

Richard Kalka, aumônier-para, Tchad, Rwanda, Irak, Centrafrique, Bosnie, Kosovo, Gabon, Afghanistan... Epervier ! Daguet !  Amaryllis ! Turquoise ! FORPRONU ! Barracuda ! (on passe les décorations).

Et vous nous demandez de faire preuve de bienveillance, padre ?

Vous avez vraiment le sens de l'humour !

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Ah, « Dieu désarmé » ! Derrière l’intelligence du titre, quelle belle remontée du Mekong…

Prenons cette image, le Mékong : La vie se compare-t-elle à un fleuve, coulant parfois gentiment, entre des berges champêtres, affrontant soudain des rapides, voire des Niagara ?

C’est, il nous semble, une mauvaise parabole : le flux n’a pas de mémoire.

Nous ne voyons pas la vie comme un fleuve, nous la voyons comme la Terre, au sens géologique du terme.

Faites une coupe : les states se superposent ; des couches de bonheur, de détresse, de métro-boulot-dodo, de désespérance, de joie immense, de drame… Une épaisseur recouvre la précédente, certaines se mêlent du fait des mouvements des plaques tectoniques  et des tremblements de Terre. Mais cela  reste  des strates, et notre vie les conserve toutes, en mémoire, dans nos cœurs, dans nos âmes.

Avec ce livre, le Padre, mec costaud, a pris sa pelle et a fait une belle tranchée dans sa Terre, exposant les strates de sa vie.

- Strates d’humour -

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Tchad, 1992

Tchad

Alors qu’un dîner de fête est organisé, alerte à l’aviation libyenne : "Tout le monde aux abris ! Padre, cette fois, c’est du vrai ! Venez avec moi !". (…) J’obtempère, sans oublier toutefois d’emporter les deux bouteilles de rouge abandonnées sur la table de la popote…

Tchad

Un Capitaine de l’armée tchadienne m’apporte tout fier une grande tasse de café au lait. Le café est très chaud. Avec précaution, j’en avale une première gorgée. Le goût de ce breuvage est absolument infect ! Je me fais violence pour en venir à bout… [Plus tard j’apprends que]  ce n’était pas du lait de vache, mais de chamelle. Et dans le désert, pour que ce lait ne tourne pas, les femmes l’arrosent avec leur urine…

Bosnie, lors d’une rencontre dans un « bouge » avec des partisans Bosno-Serbes

Le café nous a été servi, suivi d’un verre à moutarde plein à ras bord de Slivovica [eau de vie de prune]. Bien entendu, nous avons été tenus de le vider à la santé de nos hôtes. Le second verre, nous l’avons vidé aussi promptement à notre santé à tous. Une fois rassurés sur notre santé réciproque, nous avons pu entrer dans le vif du sujet.

Cambodge

Vol épique dans un hélicoptère MI-17 loué par l’ONU, piloté par un ex-soviétique, ivre-mort. Vol si tactique que le pilote se « prend un arbre » : Le côté gauche du cockpit est enfoncé, le pare-brise complètement éclaté, des branches d’arbre plantées dans la cabine de pilotage. (…) Le commandant de bord, un peu confus : « Y’a un oiseau qui nous a cogné ».

- Strates d’effroi. L’Apocalypse -

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Rwanda

Un groupe de dix soldats belges de la mission MINUAR est pris à partie par une bande Hutus, militaires et miliciens. Le chef de section, Thierry Lottin, un jeune lieutenant, est perplexe. Il se fait intimer l’ordre de déposer les armes (…) Son supérieur hiérarchique lui conseille d’abord de palabrer, puis, éventuellement, d’obtempérer. Une fois les armes en possession des miliciens Hutus, les Belges reçoivent l’ordre de s’allonger par terre. Avec des machettes bien aiguisées, les Hutus coupent un tendon d’Achille à chaque soldat, leur crèvent les yeux et leur sectionnent le nez. (…) Le lendemain matin, les soldats français trouveront, en bout de piste de l’aéroport les dix corps.

Rwanda

Goma. L’épidémie de choléra fait rage (…) 700 morts recensés le 21 juillet, 1700 le 22, 2000 le 23, 2200 le 24…

Rwanda

J’ai vu des gens, sans force, totalement résignés à leur sort, s’allonger sur les tas de cadavre pour mourir.

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Rwanda                       

Des mètres cubes de cadavres. La putréfaction et la masse. La masse et la putréfaction. Une montagne gigantesque de corps liquéfiés. L’Apocalypse.

- Strates d’Espérance -

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Rwanda, 1994

Cambodge

Le père Kalka se prend d’affection pour un jeune garçon, Bun Sreng. Il lui donne des cours de français. Le jeune garçon lui fait un jour une demande qui déconcerte le padre : Il lui demande de l’adopter, que ses parents sont d’accord, qu’ils sont pauvres, qu’il veut faire des études en France pour les soutenir financièrement. Evidemment, le père Kalka ne peut accéder à cette demande, somme toute dérangeante. Je ne développerai pas cette histoire, mais seulement sa conclusion : De retour en France, vers la fin de juillet, j’apprends ma nouvelle affectation : 3ème RPIMa à Carcassonne. Au mois d’août, je monte à Paris, et plus précisément à Roissy. Avec Anne et Bruno, nous accueillons Bun Sreng.

Rwanda, République Centrafricaine

Avec le soutien du Sergent-Chef Razny, le Première-Classe Dupont,  deux Caporaux-Chef du 6ème REG, Daniel Dietrich et Pierre Erbesol, le père prend en charge le dispensaire Saint-François-d’Assise, que les sœurs ont dû quitter. Véritable hôpital de campagne, le padre y procède à son second accouchement. L’expérience s'était déjà produite en République Centrafricaine, avec la naissance sur le bord de la route d’une petite Barracuda, prénommée ainsi par la mère en hommage à l’opération française… 

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Centrafrique, 1989

Ces strates d’Espérance sont le cœur même de la vie, de l’âme de Kalka. Son soutien aux soldats, par son écoute, sa présence seule (y compris dans des endroits situés stratégiquement en face des camps, où des filles... et tout ça.) (besoin d’un dessin ?).

Et la vie de terrain qu’il partage avec eux :

Le Terrain est ma paroisse de prédilection, mon lieu de prière, mon témoignage d’Evangile, mon mode de fonctionnement, ma manière de vivre, ma façon d’être…

Un aumônier se doit d’être un éclaireur dans l’opacité des évènements, un pasteur d’Espérance.

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Remise de la Croix de Guerre par le GAL Salvan, Bordeaux, 1991

Tant que naîtront et vivront des hommes tels que Richard Kalka, nous avons toutes les raisons d’espérer en l’Humanité.

***

Le père Richard Kalka est né en Pologne, sous le  joug communiste. Dans « Dieu Désarmé »,  cette partie de sa vie, toute son enfance, toute son adolescence à L’Est, est occultée, car ce n’est pas l’objet de son récit, dédié à son service d’aumônier.

Alors, si vous le permettez, le vieux Chasseur voudrait vous parler de sa rencontre avec l’Est.

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Le dit Chasseur, tout jeunot, en 1988 sur Alexanderplatz, Berlin Est, au côté de l'inévitable Trabant

L’Est.

La jeune génération ne peut réellement prendre conscience de ce que représentait, pour nous Occidentaux, l’Est ; ce « bloc de l’Est », caché derrière son « Rideau de Fer ».

Bien entendu, je ne suis pas à même d’évoquer la vie d’un petit polonais. Je voudrais simplement  raconter une histoire. C’est, d’un point de vue épaisseur, une infime strate de ma vie, mais si importante ; toujours si présente.

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Voici :

Fin 1987, mon Bataillon est désigné pour prendre  le relais d’un régiment basé à Berlin (Les accords d’après-guerre imposent un nombre fixe de soldats, américains, anglais, français. De ce fait, un régiment quittant Berlin-Ouest, même pour 2 mois de manœuvres, doit être remplacé).

Je sautille de joie ! Berlin !

Le premier soir de sortie, plutôt que de me précipiter dans un bar (cela viendra), je me lance dans une grande marche qui m’amène, vers 1 heure, 2 heures du matin, aux abords de la Porte de Brandebourg.

Le Mur passe devant ce fameux monument, situé à l’Est, et le Reichstag à l’Ouest, de mon « côté ».

Je m’engage entre le Reichstag et le Mur.

Je tombe sur des croix.

Des croix toutes simples, en tôle, peintes en blanc.

Sur chaque croix est inscrit un nom et une date. En lieu et place du nom, souvent, « Unbekannt », inconnu.

Une  croix pour chaque homme ou femme, abattu par la garde soviétique, alors qu’il tente de rejoindre l’Ouest.

Je regarde la dernière croix : « Lutz Schmidt, 12 février 1987 ».

Nous sommes en février 1988.

Une année auparavant, un jeune-homme de mon âge est mort, abattu, car il tentait de  traverser une ligne sur la Terre, tracée artificiellement par les hommes.

Derrière les croix se trouve un mirador avec un soldat russe. Je le regarde. Je ne vois qu’une silhouette, qu’une ombre, mais je sens, je sais, que lui aussi me regarde.

Je regarde à nouveau la croix de Lutz. Je prie pour lui et pour ses proches.

Je regarde à nouveau le soldat russe, je lui fais « coucou » de la main, et je prends le chemin du retour ; Quartier Napoléon, à Tegel.

Le 5 février 1989, un an après mon recueillement devant la croix de Lutz, Chris Gueffroy est abattu, en tentant de traverser le Mur.

Le 9 novembre 1989, c’est le Mur qui est abattu.

Je n’ai pas vu si le soldat Russe avait répondu à mon coucou. J’aime à le croire.Est.jpg

Lutz Schmidt         Chris Gueffroy

Voici, padre, ma première vision de l’Est où vous êtes né, ma vision de jeune Chasseur. Il n’y a pas de morale. C’est ma strate. C’est tout.

Et maintenant, cher lecteur, nous attendons votre question : « Mais, où est la strate Divine, dans la vie du padre ? »

Oh… Mais celle-ci n’existe pas…

Elle est saupoudrée partout. Des cristaux de quartz, qui étincellent…

 ***

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Né en Pologne, naturalisé français, le padre Richard Kalka est aumônier militaire depuis 1985. Déployé dans le cadre des principales OPEX des 35 dernières années, il a servi notamment au sein des 1er RPIMa, 2e REI, 3e RPIMa, 2e RIMa, 1er REC, 1er Spahis, 11e RAMa, 6e RPIMa, 8e RPIMa, 1er RHC, 3e RHC, 5e RHC, 4e RD, 6eRCS, 6èe BIMa, 17e RGP. Il est actuellement aumônier du 1er RCP à Pamiers et de la 11e Brigade Parachutiste à Toulouse.

 

 

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ISBN 978-2-9554952-0-9 – Prix 20€ port France inclus  - Format 21 x 15 - 220 pages, cahier-photo couleur

Une première édition, désormais épuisée, est parue aux éditions LBM.

Une seconde, notablement enrichie, est disponible en autoédition. Vous pouvez vous la procurer pour 20€, frais de port (France) inclus en contactant le padre :

Père Richard Kalka

Caillau - 09700 Saverdun

richard.kalka[at]orange.fr

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Avec notre très cher ami le padre Kalka

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Baptême d’un soldat, Arabie Saoudite,1991

« Je ne me suis jamais inquiété pour leur Foi. Au contraire, j’ai toujours eu la certitude qu’ils étaient croyants. A leur façon, certes, mais croyants. Bien entendu, peu de militaires pratiquent (…), peu importe : leur Foi est inscrite sur leurs visages, elle est manifeste dans ce qu’ils font, ils la respirent par tous les pores de leur peau.

Leur Foi est Amour et Charité. »

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Caporal Alexandre Van Dooren, mort pour la France au Mali, et sa fille Alison

« Ils ne sont pas morts pour des idées. Oh, non. Même pas pour celles qui sont (…) dans les beaux discours des grands de ce monde. Non, ils sont morts pour leurs amis, leurs parents, leurs camarades. Pour toi, Lydie. Pour  ceux qui, à côté d’eux, portaient le même sac et le même gilet pare-balles, qui suaient de la même façon, qui transpiraient les mêmes grosses gouttes de joie ou de colère, qui se dépassaient comme eux-mêmes se dépassaient, chaque jour un peu plus, quel que soit leur grade.

Ils sont morts pour ceux qui se demandaient, tout comme eux, ce qu’ils foutaient ici, dans ces belles montagnes et ces magnifiques vallées, qui puent la mort (…) derrière le sourire de certains qui affichent la politesse du félon.

Bien sûr, on prononcera leur éloge, on leur clamera des sermons et des panégyriques. On s’efforcera de noyer leur mort et la souffrance de leurs proches dans de belles paroles.

Mais eux, héros, la face à même le sol, ou dans le grand bleu du Ciel, ils prieront, toute une éternité, de cette prière sublime parce que céleste, quelles que soient leurs croyances et quelles que soient leurs convictions.

Pour toi, Christelle. Pour Odile qui attendra dorénavant tous les jours. Pour Anaïs, parce qu’elle aime de toute son âme. Pour Sandra et ses deux petits. Pour Aurélia. Pour Sandrine, son enfant et pour celui qui va naître bientôt. Pour Clémence. Pour Sandra et ses trois enfants. Pour Vinicia et son enfant. Pour Alice et ses cinq enfants. Pour tant d’autres, épouses, compagnes, mamans, papas… »

... et ils prieront pour nous, car nous sommes leurs frères et sœurs de cœur.

Ils prieront pour nous tous !

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Dernier saut militaire du padre, 2012

« La Conquête des cœurs est ouverte ! »

Padre Richard Kalka

 

 

 

 

09/07/2015

« Paroles de soldats », LCL Hubert le Roux & Antoine Sabbagh, éd. Tallandier

Extraits publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.  

 

« La parole qui, trop souvent, n’est qu’un mot pour l’homme de haute politique, devient un fait terrible pour l’homme d’armes. 

Ce que l’un dit légèrement et avec perfidie, l’autre l’écrit sur la poussière avec son sang. »

Alfred de Vigny

 

L’indifférence conduit à l’oubli. Tout homme ayant le sentiment de subir cet état de fait le vit comme une souffrance et nous le disons avec tristesse, mais c’est ce qu’éprouvent nombre de nos soldats : l’indifférence de leurs compatriotes. C’est d’autant plus cruel que la nation leur demande tant de sacrifices : éloignement de leur famille pendant des mois, enfants qui naissent et grandissent au loin, confrontation à des situations dramatiques voire traumatisantes, risque d’être blessé, tué… 

Certains diront : « Ils ont choisi ». Certes. Mais en quoi ce choix autoriserait les Français à rester indifférent à leur sort, alors que ce sont ces mêmes Français qui les envoient au combat ?

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Alors, pour lutter contre l’indifférence, rien ne vaut la parole : raconter, décrire, expliquer, se livrer. Heureusement, la « Grande Muette » relève du mythe. Les soldats parlent, écrivent. Mais publier un livre n’est pas donné à tout un chacun. Partant de ce principe, le LCL Hubert le Roux et Antoine Sabbagh ont décidé de se positionner non en auteurs, mais en porte-paroles : Ils ont ainsi sillonné la France, collectionnant des interviews de combattants des différents théâtres d’opérations, du Liban à la RCA. Ils les ont ensuite retranscrits, in extenso. Ainsi est né « Paroles de soldats ». Un livre de fait et de par son style « brut de fonderie », ce qui le rend d’autant plus percutant…

« Paradoxalement, la guerre n’a jamais été aussi présente dans les imaginaires. Romans, séries, films, bandes dessinées, la guerre est partout. Sur fond de rap et de guerre urbaine pour Call of Duty (…) la guerre est bien là, mais vécue comme une épopée révolue ou une fiction et la fascination qu’elle suscite est inversement proportionnelle à l’oubli dans lequel sont tombés les soldats. »

Continuer à parler, soldats de France. Nous sommes plus nombreux que vous ne le croyez à vous écouter, à ne pas être indifférents, à ne pas vous oublier. Et quand bien même nous ne serions qu’une poignée aujourd’hui, ne présageons pas de l’avenir : il suffit d’une petite chaussette rouge sang, oubliée au milieu d’un linge immaculé, pour étendre après lessive de beaux draps roses…

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Mes camarades savaient que j’étais en dessous, mais je ne répondais pas. J’étais mort. En fait, j’étais toujours en vie, mais entre la vie et la mort. La souffrance est tellement forte. Des bouffées de chaleur m’envahissaient. J’étais complètement perdu. Et puis, à un moment, j’ai oublié la souffrance. J’ai pensé à ma famille. Je me suis senti bien. Et là, j’ai vu de la lumière. Les sauveteurs avaient encerclé le trou. Une main s’est tendue vers moi.

CPL Daniel, 1983, attentat du Drakkar, Beyrouth, Liban.

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Toutes les positions irakiennes sont embossées. Ils sont dans leurs trous. Il n’y a que nous qui bougeons. Quand on a face à nous des engins embossés, on demande un tir d’artillerie. Boum ! Boum ! Boum ! On observe le tir. Ça commence à bouger. Ca riposte un peu. L’ALAT arrive. Boum ! Boum ! Boum ! Ça balance les missiles et après nous on tire. Je me souviens plus de mon indicatif. Les rouges, machin, feu ! On tire ! Et puis, pouf, drapeau blanc.

Patrice, chef de peloton de chars, 1990, opération Daguet, Guerre de Golfe, Irak.

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J’avais déjà vu des morts. Nos morts. Nos beaux morts dans les cercueils. Refaits, pour être présentés à la famille. Mais comme ça, non… En plus de ça, de voir le traitement des cadavres, jetés, ramassés, jetés… C’est de la viande. C’est quelque chose de dégoutant dont il faut se débarrasser rapidement. Les Rwandais, je sais pas si ça leur faisait rien, mais vu de l’extérieur, aucune émotion. Ils regardaient, mais rien. Moi je prenais beaucoup de recul par rapport à tout ça : une protection, ouais. L’impression de vivre à côté de moi. D’avoir le moi physique présent et d’en être spectateur. 

ADJ Jean-Louis, 1994, opération Turquoise, Rwanda.

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A mesure que le temps passait, on avait l’impression que, depuis le début, on nous avait raconté n’importe quoi. On était parti défendre les Bosniaques opprimés par les méchants Serbes ! Et quand vous arrivez au premier check point serbe et qu’ils vous disent « Soldats français gut ! Mitterrand pfff ! » en tournant le pouce vers le bas, vous voyez bien que c’est pas ce qu’on nous avait dit. Les Bosniaques, eux, ils nous ont « rafalés » d’emblée.

Jean, électromécanicien, 1994, Sarajevo, Bosnie.

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D’ap. photo Thomas Goisque

Pour moi, les Talibans ne combattent pas pour des motifs religieux, mais pour leurs intérêts personnels (…) Ils avaient une vision de l’Islam un peu sauvage, un peu barbare (…) L’Islam, je le vois comme ça, ne peut pas imposer à quelqu’un de faire ses prières, de faire le Ramadan, de ne pas manger de porc, si ça ne vient pas de son cœur. Faut que ça vienne de la personne. On peut expliquer que c’est bien de faire comme ça, mais l’imposer, voire tuer pour que les gens basculent dans la religion musulmane : non. Le Djihad, on me l’a jamais enseigné comme ça. Le Djihad, c’est l’époque du Prophète, quand on attaquait les intérêts de l’Islam sur le sol de La Mecque. Après, moi j’ai un autre Djihad, que mon père m’a appris : c’est l’éducation des enfants pour qu’ils fassent quelque-chose de leur vie.

Dahhaoui, sous-officier musulman, 2011, Tagab, Afghanistan.

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D’ap. photo Alexandre Paringaux

Ce n’est ni la première ni la dernière fois que je tire. La première fois, mon cœur s’est emballé. Le stress, l’adrénaline, ont mis du temps à redescendre. Après, je n’ai plus jamais eu de stress. Quand je tire des bombes, il y a potentiellement des gens, que je vois ou que je ne vois pas. C’est peut-être un peu froid, mais ça ne me fait rien. Je ne suis pas un combattant, je ne combats pas avec mon FAMAS. Je suis loin. 

Benjamin, pilote, 2011, opération Harmattan, Libye.

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ADJ  Harold Vormezeele, 2e REP, mort pour la France au Mali 

La mort de Vormezeele ? Putain, oui, on l’a sue tout de suite (…) Ça fait mal au cœur. Moi, côté renseignement, je me dis : « Est-ce que j’ai bien géré la situation  pour le préparer, pour qu’il ait tout pour se sauver ? » Vormezeele, il avait trente-deux, trente-trois ans. On se connaissait bien, depuis huit ans, on avait fait des missions ensemble. C’est moi qui suis rentré à la morgue, à l’hôpital, pour le couvrir et le ramener. C’était costaud de le voir comme ça en sachant comment il était avant, avec l’envie de combat, de chercher l’aventure et tout ça. Putain, la vie elle est rien !

ADC Cristian, 2013, opération Serval, Mali.

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On était une trentaine, même pas une section. Les mecs commençaient à nous contourner derrière avec des machettes. Ils avaient les yeux bleus, un cercle bleu autour des pupilles. Ils devaient prendre je ne sais quelle drogue. Ils étaient complètement shootés, complètement alcoolisés. Avec eux, il y avait plein d’enfant. Ils les mettaient devant eux en sachant que nous, les soldats français, on n’allait pas tirer (…) A ce moment, j’ai vu se planter devant moi un gamin de cinq ou six ans avec un bébé dans les bras. Un bébé de deux mois, pas plus. Au début, j’ai cru que le bébé suffoquait, qu’il nous l’amenait pour qu’on le soigne. Avant même qu’on puisse faire quoi que ce soit, le gamin a pris le nouveau-né à bout de bras et l’a jeté au sol. La tête s’est fracassée sur le bitume.

SGT Benoît, opération Sangaris, Bangui, RCA.

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La reprise du travail a été compliquée. Je dormais, je faisais pas trop de cauchemars, mais ce qui avait le plus changé chez moi, c’est que j’étais peut-être devenue un peu moins sensible face à certaines pathologies. Ça s’est beaucoup vu lorsque j’ai fait mes premières gardes aux Urgences. Les patients me disaient qu’ils avaient mal, ils souffraient réellement, mais pour moi, ils avaient leurs deux bras, leurs deux jambes, ils me parlaient, tout allait bien… Je voulais pas entendre ces souffrances-là et c’est pour ça que j’ai été voir un psy. Depuis, clairement, ça va mieux, mais c’est vrai que je suis peut-être devenue plus insensible à ce niveau-là.

Julie, infirmière,  de retour de mission à l’hôpital international militaire de Kaboul, 2010, Afghanistan

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D’ap. photo Philippe de Poulpiquet

J’ai déplié la banquette devant la télé. On y a dormi juste avant son départ et il y a encore son odeur sur l’oreiller. Le matin, je ne lave pas les draps. J’ai le sentiment de dormir un peu plus avec lui. Je mets le traversin vertical dans le lit, comme ça, les premières nuits, j’ai la sensation de renvoi de chaleur, de ne pas être toute seule. C’est curieux ce qu’on fait des fois ! (…) Donc je dors dans la salle télé, je regarde des trucs en attendant le coup de fil. Je l’attendais vers 10h, il est 10h30. Et là, mon portable sonne. C’est Violaine, mon amie médecin. (…) « Tu tombes bien, j’entends du bruit en bas de chez moi » « T’inquiète pas, c’est nous ». (…) Je descends, j’allume la lumière, j’ouvre la porte, je vois Violaine. A côté d’elle, il y a son mari en grand uniforme. Il y a aussi la femme du chef de corps et le chef de corps, lui aussi en uniforme (…) et là, j’ai un flash.

Alice, veuve de guerre.

***

IMG_0056BIS.jpgLe Lieutenant-Colonel Hubert le Roux est officier supérieur d’active. Il a été chargé du recrutement des sous-officiers et hommes du rang de l’Armée de Terre. On lui doit, outre « Paroles de soldats », une biographie de Lartéguy, publiée chez Tallandier.

Antoine Sabbagh est historien et éditeur, ancien professeur de la Sorbonne et de l’Université de Columbia dans le cadre de son programme parisien. 

Photo : rencontre avec le LCL le Roux au Salon du Livre de Paris 2015.

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ISBN : 979-1021004849 - prix 20,90 € - format 21,5 x 14,5 - 464 pages.

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Aux éditions Tallandier. Disponible ici

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Hommage

Aux soldats.

Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.

Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue.

Jean Lartéguy

*

Hommage

Aux conjoints, familles, proches des soldats.

C’est pour la Femme de militaire qui se lève tous les jours à 6h pour préparer les vêtements et le petit déjeuner pour ses enfants dont elle est seule à s’occuper. C’est pour la Femme de Militaire enceinte qui se demande si son homme sera rentré à temps pour voir venir au monde son enfant. C’est pour la Femme de Militaire qui habite une nouvelle ville et qui fait face à un nouveau départ sans avoir eu le temps de se faire des amis. C’est pour la Femme de Militaire qui annule ses projets du samedi soir pour rester près du téléphone, même si elle sait que la conversation sera pleine de grésillements et toujours trop courte. C’est pour la Femme de Militaire qui pleure en s’endormant dans un lit trop froid. C’est pour la Femme de Militaire qui se laisse aller à la détresse en se demandant si elle pourra revoir son homme vivant. C’est pour la Femme de Militaire qui a l’impression de mourir à l’intérieur chaque fois qu’il dit qu’il doit s’en aller, mais qui sourit malgré tout. C’est pour la Femme de Militaire qui fait la queue à la Poste avec un colis dans les bras en se demandant si les gâteaux seront toujours moelleux en arrivant. C’est pour la Femme de Militaire qui dine seule en s’inquiétant parce que cela fait plusieurs jours qu’elle n’a pas de nouvelles de « là-bas ». C’est pour la Femme de Militaire qui a des papillons dans le ventre en voyant son homme descendre du bus au retour d’OPEX. C’est pour nous toutes, pour les Femmes de Militaires tristes, les Femmes de Militaires seules, les Femmes de militaires fortes, un toast à nous, parce qu’un chèque de paie ne console pas, un oreiller à serrer dans ses bras n'est pas suffisant, une webcam n'a rien à voir avec la réalité, expliquer à un enfant qui pleure que papa ne reviendra pas avant 4 longs mois est ou sera notre lot à toutes, et que les femmes de civils n'ont pas idée de ce que c'est de sentir tous les jours que quelque chose vous manque. Nos soldats sont courageux, mais nous le sommes aussi. 

A.M, femme de militaire.

***

*

J’ai tout dit [à ma femme]. Pas sur le moment, parce que je ne voulais pas qu’elle s’inquiète mais, une fois rentré, je lui ai raconté. A mes parents aussi. 

Je pense qu’il faut que les gens sachent ce qu’on fait. 

Autrement, ils vivent un peu dans les nuages…

LTN Vianney, 126e RI, in « Paroles de soldats".

 

 

 

 

 

 

01/11/2014

« Mémoire de larmes d’un casque lourd », CCH Xavier Geoffroy, 28e RTrans, éd. Edilivre.

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos inédites, collection de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez les réutiliser.

 

 

Il y a des larmes plus douloureuses que celles que l'on pleure : 

Ce sont celles que l'on n’arrive pas à pleurer.

 Bertrand Vergely, philosophe et théologien chrétien orthodoxe français.

 

 

Lors de la guerre du Vietnam, 50 000 GIs meurent au combat ou en service. Durant les années qui suivent, on estime à 50 000 au minimum le nombre de vétérans qui se suicident. Cet autre drame, qui fit donc autant de victimes, si ce n'est plus, que le conflit (cela interpelle) fût longtemps ignoré, voire tu. Il porte désormais un nom : le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

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Il fallut la débâcle américaine, et sans aucun doute un changement de mentalité dans notre société, pour que l’on fasse enfin cas de la détresse psychologique de certains combattants, « cassés de l’intérieur » : la « blessure de guerre invisible » comme l’a si bien qualifiée l’ADC Sylvain Favière.

Sylvain est l’un des rares, avec le SCH Yohann Douady dans « D’une guerre à l’autre » à avoir osé aborder dans un récit autobiographique les troubles terribles générés par le SSPT, tant pour la personne qui en est victime, que pour ses proches. Il faut du courage, il est vrai, pour se livrer ainsi. Et ce courage, un transmetteur l’a trouvé à son tour : le CCH Xavier Geoffroy, 28e RTrans, traumatisé, c’est bien le mot, par ce qu’il a vécu au Rwanda, sentiment aggravé par les malheurs de la vie, la perte de son amie de cœur, d’un frère d’armes en Bosnie et un accident.

Aujourd’hui, le SSPT est pris on ne peut plus au sérieux par l’institution militaire. D’où la mise en place d’un service spécifiquement dédié à ceux qui en souffrent, accessible par numéro vert, ou de « sas » à Chypre au retour des OPEX, période de transition/décompression pour les soldats. 

Nous savons que le chemin vers la guérison est long, difficile et que la clé est dans l’échange. Remercions Sylvain, Yohann et désormais Xavier de leurs témoignages. Démarche salutaire pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs camarades isolés dans leur mal-être. Remercions aussi Xavier de rappeler ce que fut le Rwanda et de rendre hommage aux victimes d’une des pires tragédies du XXe siècle. 

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Xavier Geoffroy, 28e RTrans, quartier Chanteau, Orléans. Collection de l’auteur.

Mars 1996. Un brouillard épais règne dans ce milieu forestier en ce mois de mars. J’aperçois le reflet des phares sur le bitume de cette route…

« Monsieur ! Vous m’entendez ? Monsieur, si vous m’entendez, serrez-moi la main ». Complètement engourdi par un mauvais rêve, je n’arrive pas à savoir où je me trouve. Un médecin urgentiste et une infirmière s’occupent de moi. Mes vêtements sont tachés de sang et déchirés, mon pantalon de treillis est coupé du bas vers le haut pour laisser apparaitre mes jambes.

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Xavier Geoffroy, 28e RTrans, quartier Chanteau, Orléans. Collection de l’auteur.

Je déprime de plus en plus chaque jour qui passe, je n’accepte pas de me voir ainsi. J’étais au meilleur de ma forme et me voilà au plus bas. Je n’arrive pas vraiment à redémarrer la machine. Désormais, je recommence à esquiver les séances de sport du matin sans même me cacher de mes camarades et responsables. J’erre dans les longs couloirs de la compagnie et remonte avec un café m’enfermer dans ma chambre.

On peut penser que cet accident grave, qui aurait pu coûter la vie à Xavier, sert de catalyseur : car s’il marque physiquement notre ami transmetteur, il libère aussi sa parole. En effet, depuis son retour du Rwanda, Xavier souffre de SSPT. Mais comment sortir indemne du Rwanda, de l’Apocalypse, comme l’a décrit le padre Kalka ?

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Rwanda 3.7.1994. D’ap. photo AFP/Hocine Zouar. 

Après avoir participé au montage d’une station de transmissions, je me retrouve de garde devant une immense grille, l’entrée principale de notre base, pour deux heures de vacations. Je suis avec un jeune Légionnaire du 2e REI de Nîmes. Nous n’avons pas trop le temps et encore moins la tête à discuter. Une masse importante et grandissante de gens attend devant la grille, nous leurs demandons de bien vouloir reculer de quelques mètres. Tout cela se passe dans un bruit incessant de cris et de chants. Certains s’agrippent aux barreaux des grilles. Nous ne savons plus à quelle ethnie appartient la plupart de ces gens. Certains nous demandent de les laisser rentrer, d’autres veulent de l’eau et surtout de la nourriture. A ce moment-là, il ne faut en aucun cas sortir de la nourriture de ses poches, car cela peut déclencher une émeute et tout faire déraper.

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Réfugiés rwandais. D’ap. photo AFP

Des femmes et des enfants, des vieillards, passent à côté de nous en formant une longue chaîne humaine interminable. J’ai l’impression de ne pas être présent quand ils me regardent, tellement la détresse dans leurs yeux est accablante. 

Certains pleurent, tandis que d’autres restent les yeux dans le néant. Je croise le regard d’une femme, d’un vieillard, d’un enfant, sans jamais recevoir le moindre échange, comme si je n’étais qu’une affiche.

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Xavier Geoffroy au Rwanda. Collection de l’auteur.

J’ignore combien de temps nous avons passé au bord des routes, mais bien moins que toutes ces personnes. C’est dans un profond silence que nous regagnons notre camp de base. Après avoir essayé de manger, je regagne ma tente pour m’allonger. Je ne trouve pas la paix dès que mes paupières se ferment, j’aperçois en permanence des visages de réfugiés. Mes jours et mes nuits ici sont devenus un véritable enfer.

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Rwanda, fosse commune, d’ap. photo Reuters/Corinne Dufka

L’odeur qui règne et la vue me provoquent des nausées. J’aperçois des camions arrêtés à différents embranchement de routes, des civils ramassent tous ces morts pour les charger vulgairement dans les bennes. Un spectacle complètement surnaturel cela semble irréel pour la plupart d’entre nous. On se demande si tout cela est vrai, si nous ne sommes pas en plein cœur d’un cauchemar. Je repense à ce que m’a dit un sergent-chef de la Légion en arrivant à l’aéroport : « Ceci est la cours de jeu du Diable ! ».

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Rwanda, camp de réfugié, d’ap photo AP/JM Bouju

Des larmes coulent sur mes joues à chaque passage d’un enfant à mon point d’eau. Ils ne comprennent pas ce qui se passe mais les adultes, eux, ont très bien réalisé ce que nous faisons. Les réfugiés ont compris que nous démontons certains matériels et allons quitter le Rwanda (…) Ce soir, allongé sur mon duvet, je pleure à l’intérieur de mon être.

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Xavier Geoffroy, ici au Bénin. Collection de l’auteur.

Je sursaute une fois de plus dans mon lit, je me rends compte à quel point je suis choqué. Ces fantômes ne me quitteront jamais. Ces fantômes ne quitteront pas cet ossuaire vivant et eux ne nous quitteront jamais.

Mes proches ne me reconnaissent plus. Je me suis emmuré dans le plus profond silence. Rien ne sort, aucun mot ne s’échappe de ma bouche (…) Tout ce qu’ils disent ne m’intéresse pas, je ne pense qu’à une seule chose, retourner au Rwanda, pour venir en aide aux réfugiés.

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Rwanda, camp de réfugiés

Je m’enferme dans ma chambre à la caserne. Je me surprends à écrire des bribes, comme pour cracher quelque chose qui me gêne au niveau de l’estomac. Sur les feuilles de papier blanc, je vomis des mots. La nuit venue, je m’allonge et verrouille mes paupières tout en laissant une lampe de chevet allumée. Lorsque soudain, un enfant m’attrape la jambe à nouveau, il tire de toutes ses forces sur mon pantalon de treillis. Je regarde en sa direction, ses joues sont couvertes de larmes de sang. Son short et ses jambes sont tachés d’excréments et une odeur désagréable s’en dégage. Une douleur me saisit au niveau du crâne, je me réveille hors du lit la tête contre le mur.

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Xavier Geoffroy. Collection de l’auteur.

Je parle de souffrance parce qu’elle est réelle, toutes les personnes ayant subi un traumatisme le diront. Elles revivent des scènes d’épouvante mises en sommeil momentanément quelque part dans leur psychisme. On pense avoir oublié toutes les sensations et ces images effroyables, insoutenables, irréelles, puis un jour, elles ressurgissent…

***

 

10313835_682567958463599_740453962290809229_n.jpgXavier Geoffroy nait  en 1973. A 18 ans il s’engage dans l’armée, rejoint le 41e puis le 28e Régiment de Transmissions. Il est déployé notamment en Guyane, en Somalie, au Rwanda et en Bosnie. Il est profondément marqué par ce qu’il vit lors de l’opération Turquoise au Rwanda. A son retour, il subit les troubles du stress post-traumatique, mal-être, cauchemars. En 1996, il est victime d’un accident en service, aggravant sa détresse psychologique. Diminué physiquement et psychiquement, il quitte l’Armée. Apportant son aide à des survivants du génocide installés en France, échangeant avec d’autres victimes de SPT, il trouve la force de témoigner en écrivant « Mémoire de larmes d’un casque lourd » qu’il agrémente de poèmes. Il se reconstruit pas à pas, aidé pas ses proches, et en premier lieu sa femme. Le chemin est long, mais il est sur la bonne voie.

Page FaceBook du livre ici.

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ISBN 978-2-332-73437-2 – Prix 23,50 € - Format  13,5x20,5 - 194 pages

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Aux éditions Edilivre

Disponible ici

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Hommage

A toutes les victimes du syndrome de stress post-traumatique ;

ce sont des blessés de guerre.

Aux Transmetteurs.

A ceux de Turquoise.

A la mémoire des civils rwandais, victimes de la folie humaine.

***

Depuis janvier 2013, le Ministère de la Défense a lancé un numéro vert destiné aux militaires et aux vétérans souffrant de SSPT : 

08 08 800 321

Des psychologues du Service de Santé des Armées sont disponibles, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour répondre à toutes les interrogations. Selon l’urgence de la situation ou au bon vouloir de chacun, les patients pourront être aussi redirigés vers des médecins du système de santé public pour être pris en charge.

*** 

Nous n’oublions pas les proches. 

Mme Pascale Lumineau, maman de Pierre-Olivier, MLC du 40e RA mort pour la France en Afghanistan en 2012, a créé l’association « De la pierre à l’olivier », qui a pour vocation de mettre en contact et organiser des groupes de parole dans toute la France, dom-tom inclus, afin que ceux qui ont eu le malheur de perdre un proche, mais aussi les familles des blessés (physiques et psychiques) puissent partager avec des personnes dans la même situation. 

Pour que la parole se libère...

Groupe FaceBook ici. 

 

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Survivant du génocide rwandais, d’ap. photo AP/Jean-Marc Bouju/Keystone

Lorsque je me suis mis à écrire tous ces mots, j’ai souvent eu la sensation de vomir mes maux, sans que rien ne sorte. Il y a des choses qui restent et qui ne peuvent sortir. On vit avec et il n'est nullement possible de faire autrement. C’est ce qui fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Des porte-paroles d’horreur.

 

Je vais jeter mes dernières forces,

Dans cette bataille qui s’amorce. 

Hier, je pensais être un sans larmes,

Aujourd’hui, je suis fait de larmes de sang.

Xavier Geoffroy

 

 

 

 

 

 

 

 

19/03/2014

« Une vie dans l’ombre », COL Thierry Jouan, 1er RCP, DGSE. Ed. du Rocher

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

Ceux qui me lisent savent ma conviction que le monde temporel repose sur quelques idées très simples, si simples qu'elles doivent être aussi vieilles que lui : la croyance que le bien vaut mieux que le mal, que la loyauté l'emporte sur le mensonge et le courage sur la lâcheté. Enfin, que la fidélité incarne la suprême vertu ici-bas. Pour le reste, la joie et la douleur en ce monde se pénètrent mutuellement, mêlant leurs formes et leurs murmures dans le crépuscule de la vie aussi mystérieuse qu'un océan assombri.

Joseph Conrad

 

 

Vous connaissez tous le mythe d’Icare. Lire  « Une vie dans l’ombre » du Colonel (er) Thierry Jouan, Saint-Cyrien, 1er RCP, agent de la DGSE, aide de camp du prince Albert de Monaco vous en proposera la version moderne, d’un militaire qui s’est trop approché du soleil…

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Certes,  « Une vie dans l’ombre » est un récit autobiographique d’espion comme son titre l’indique, mais pour d’évidentes raisons de secret défense, le Colonel Jouan reste discret sur son action, tant comme agent de la DGSE qu’aide de camp du prince Albert. On le comprend. Ne vous attendez donc pas à des crimes d’état ou des scoops sur les « people » de la Riviera. C’est dans un tout autre registre que l’auteur se place, celui de l’intime, de son rapport à la vie, de ses excès, de ses désillusions, de sa reconstruction.

Ambitieux (au bon sens du terme), un rien idéaliste, Thierry Jouan mène sa vie comme un combat et tout lui sourit : beau gosse, petit banlieusard portant fièrement sabre et casoar à Saint-Cyr, officier béret rouge au 1er RCP, repéré par la DGSE pour intégrer le 11e Choc… Icare prend son envol. Mais vous connaissez l’histoire. Confronté à plusieurs expériences traumatisantes lors de missions pour le compte du Service Action (kidnapping en Extrême-Orient, Rwanda…), un avancement chaotique dans la hiérarchie de la DGSE, de probables maladresses… le doute s’installe et avec lui son cortège de « petits travers » : le whisky est consommé avec moins de modération, l’épouse et les enfants sont négligés…

Reste que le soleil est toujours aussi attractif pour Icare, sous la forme d’un poste prestigieux à Monaco…

Morceaux choisis :  

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Thierry Jouan à l’ESM

Pas d’officier ni de chef d’entreprise, encore moins de prêtre dans notre famille. Je n’étais pas prédisposé à une carrière dans les hautes sphères mais je voulais réussir à « être » quelqu’un dans ma vie, réussir une carrière en partant de zéro.

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Au 1er RCP

Fin 1983, je suis lieutenant de l’armée française, chef de section à la compagnie d’instruction du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes, ce magnifique régiment d’appelés du contingent (…) Je profite enfin de ma vie, de ce que je suis devenu à la force du poignet. J’ai acquis une petite notoriété professionnelle, une petite autonomie financière, avec ma rage et ma volonté de réussir.

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CPES [Centre Parachutiste d'Entraînement Spécialisé] : premier saut dans le vide

Il me dit qu’il est l’officier en charge du recrutement des futurs agents du Service Action de la DGSE et que mon profil l’intéresse. Il me donne son nom mais je ne le retiens pas, préférant retenir les mots « 11e Choc », « Service Action », « DGSE », « Agent »…

« Alors, cela vous intéresse ? »

Et la réponse est oui. Thierry Jouan rejoint Cercottes où il restera 12 ans, entre un rôle d’instructeur au CPES et des missions extérieures pour le compte du Service Action, dont certaines tourneront au cauchemar.

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Thierry Jouan à gauche, en mission de formation d’un groupe dit « révolutionnaire » en Afrique de l’ouest

Méthodiquement, à la lueur de nos lampes frontales, nous nous déshabillons, nous nous lavons avec l’eau que nous avons stockée au camp de base, nous nous changeons et nous nous restaurons. Ce n’est qu’ensuite que nous décidons de parler et d’aborder les sujets marquants de ces dernières heures. Que s’est-il passé ? Avons-nous commis une erreur d’instruction ou de commandement ? De quoi devons-nous rendre compte à nos supérieurs ? Il est deux heures du matin mais nous ne pouvons pas nous résigner à aller dormir, tant que nous ne trouvons pas de réponses à toutes nos questions. Et bien sûr Grégory, qui s’était bien gardé d’aborder la question de l’enfant, me regarde droit dans les yeux et me la pose. Après quelques secondes de réflexion je lui réponds avec franchise et honnêteté : « J’ai fait ce que tu ne pouvais pas faire. »

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Miliciens Interahamwe Hutu, à Kigali en avril 1994

En 1994, sous couverture d’un organisme humanitaire, Thierry Jouan est envoyé à Kigali, au Rwanda, en plein génocide. 

Je lui montre le chargement de mon camion, des médicaments et rien que des médicaments. Il a l’air rassuré mais en redescendant de la cabine arrière, je le vois se crisper sur sa machette. J’ai le réflexe de lui dire qu’il ne doit pas faire de bêtise car, peut-être, cette nuit il sera blessé et il sera bien content d’avoir des médicaments à ce moment-là pour le sauver. Il me regarde, me sourit bêtement, et me dit en caressant mon torse avec la lame de sa machette ensanglantée : « Moi blessé ? Jamais. Je mourrai au combat mais je ne serai pas blessé. De toute façon, dans moins d’une semaine, on est tous morts ».

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Photo © Abdelhak Senna/AFP

Une odeur pestilentielle flotte dans toute la ville. Elle vous suit où que vous alliez. Elle est plus ou moins forte en fonction des quartiers, en fonction des zones où les premiers massacres ont dû se perpétrer. En y regardant de plus prêt et en roulant doucement, on distingue nettement, dans pratiquement tous les jardins de toutes les maisons, des corps recouverts d’un nuage noir. (…) La particularité du nuage est qu’il est bruyant et surtout très mobile rendant complètement flou la vision de ce cadavre. Des mouches.

Je m’enivre copieusement avec des grandes rasades de whisky, puis je m’enfile dans les narines, non pas de la cocaïne, mais des cotons tiges que j’ai soigneusement imbibés d’after-shave pour que cette satanée odeur me laisse dormir.

Il faut que je me réveille, c’est un film d’horreur.

Quelque chose est brisé. Nous ne sommes plus les mêmes. Je suis ailleurs, dans un autre monde. Mon cerveau a été court-circuité par je ne sais quoi. Je suis sur une autre planète.

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L’épuisement se fait très rapidement sentir lorsque vous ne dormez que trois petites heures par nuit. Alors, je me shoote au café, à la vitamine C et au Guronsan pour tenir le coup (…)  [Mais] combien de fois me suis-je endormi dans le métro ou dans le bus ? Combien de fois me suis-je assoupi en mangeant mon steak tartare dans une brasserie parisienne, seul, en m’éloignant le plus possible du monde extérieur ?

Je bosse comme un fou ce concours [pour intégrer l’Ecole de Guerre]. Mais malheureusement, mes nuits commencent à être agitées par des cauchemars. J’ai du mal à dormir. J’ai du mal à me concentrer sur mes cours par correspondance avec un verre ou deux d’alcool, en même temps que j’essaie de résoudre un problème d’espace vectoriel ou de transport d’onde magnétique à l’intérieur d’une gaine métallisée. Les effets de l’alcool se font sentir. J’en ressens le besoin.

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[Mon ami X] est affecté en tant qu’aide de camp de SAS le prince héréditaire Albert et détaché de l’armée française. Détaché de l’armée française ? Je n’avais même pas connaissance qu’un tel poste puisse exister ! (…) Il me demande si je suis intéressé par cette fonction, à exercer avec lui, en binôme. Ma réponse est évidemment affirmative. Je suis en fin de potentiel avec le service Action, je suis épuisé de toutes ces missions, je ne suis absolument pas sûr de commander le CPES de Cercottes et encore moins de réussir l’Ecole de supérieure de guerre qui m’assurerait le grade de colonel et un commandement.

Persévérer à Cercottes dans l’ombre et le secret qui lui pèse de plus en plus ? Rejoindre le radieux soleil monégasque ? Ce sera la principauté, pour le meilleur… ou pas. En effet, après 6 ans au service de la famille princière, le grand plongeon :

« Ecoutez, je suis désolé, mais j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer (silence). Vous partez, vous quittez le palais princier. Je suis désolé ».

Tout faux. J’ai tout raté. Je suis tombé bas, très bas (…) Comme Icare, je suis monté haut, trop haut et je me suis brûlé les ailes. Je suis en train de tomber, je vacille, je me fracasse par terre.

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Thierry Jouan et le COL Sassi à Cercottes.

« Une vie dans l’ombre » pourrait se terminer sur cette note amère. Heureusement, il n’en est rien. Le Colonel Jouan ne se laisse pas couler, l’abandon n’est pas dans ses gènes : il s’envole pour l’Afrique où il va occuper pendant quelque temps un poste de logisticien. L’occasion de se « pauser », de commencer à écrire pour évacuer le « trop plein », de renoncer définitivement à l’alcool.

Expérience salvatrice. Comme une résurrection : il retrouve sa femme et ses enfants, dont on peut comprendre qu’ils ont enduré des moments très difficiles, tire un trait sur le passé sans le renier et trouve dans la foi un nouvel élan. Ainsi le phenix renaît des cendres d’Icare, éclairé par une étincelle de sagesse qui pourrait faire dire désormais à Thierry : mieux vaut réussir sa vie que réussir dans la vie.

 ***

Jouan 1.JPGNé dans un milieu modeste, fils de sous-officier, Thierry Jouan est élevé dans les HLM de la banlieue parisienne. Il est très tôt attiré par l’armée. Considérant sa carrière plus ou moins consciemment comme un ascenseur social, il sera officier ou rien. En 1977, il intègre le collège militaire d’Aix-en-Provence puis Saint-Cyr en 1979 (promotion Lieutenant-Général Marquis de Montcalm). Alors Lieutenant  au 1er RCP, il est repéré par la DGSE qu’il intègre en 1987. Il y passe 12 ans sous le pseudonyme de « Célestin », entre un rôle d’instructeur au CPES et des missions pour le compte du Service Action. Il est notamment présent à Kigali au Rwanda en 1994, sous couverture d’action humanitaire, lors des évènements dramatiques opposant Hutu et Tutsi. En 1999, il est détaché de l’armée comme aide de camps du prince Albert de Monaco. Après 6 ans dans la principauté, il est brutalement remercié. Suit une courte période d’errance psychologique et professionnelle, qui trouvera une issue heureuse. Il est désormais chargé de mission auprès de l’Association des Consuls Honoraires de Monaco.

Thierry Jouan est marié à Jacqueline et fier papa de Marie-Aude et Arnaud.

Il est chevalier de la Légion d’Honneur, décoré notamment de l’Ordre National du Mérite et de la Croix de la Valeur Militaire.

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Prix : 18,90€ - ISBN 978-2268074337 – Format 19,3x16,5 – 319 pages

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Aux Editions du Rocher

Livre disponible ici

 

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Rencontre avec le Colonel Jouan et sa femme Jacqueline au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan 2013. Photo © Natachenka

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J’ai vécu des choses plus ou moins plaisantes, plus ou moins horribles. J’ai certainement fait des erreurs. Un psychologue vous dira qu’il faut toujours prendre le temps de les analyser, afin de rebondir et d’aller plus en avant. Certes. Mais ce qu’oublient trop souvent nos amis psychologues c’est que, peut-être, nous n’avons plus réellement envie de rebondir et plus envie d’aller plus en avant. Ce n’est pas de la résignation mais plutôt de l’abnégation. J’ai désormais simplement envie de jouir du présent, de vivre avec mon temps, avec mes enfants. Essayer de rattraper psychologiquement le retard. C’est tout.

Colonel (er) Thierry Jouan

 

 

 

 

 

 

 

 

25/02/2014

« Les Larmes de l’honneur », COL Jacques Hogard, 4e RE, 2e REP, commandant le groupement Sierra de l’Opération Turquoise. Ed. Hugo Doc.

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos de l’association France Turquoise, sauf mention contraire. Tous droits réservés.

 

 

 

Le scorpion, désirant traverser le ruisseau, demande au crocodile de le porter sur son dos.

Le crocodile s’étonne de cette proposition, craignant le dard du scorpion.

« Rien à craindre, je ne sais pas nager. Ma piqûre serait donc mortelle pour nous deux »

Le crocodile se laisse convaincre et entame la traversée.

La rive en vue, le scorpion pique le crocodile qui, malgré la douleur et la mort qui l’entraîne au fond de l’eau, s’étonne de ce geste effectivement fatal pour tous les deux.

Le scorpion rétorque : « Je n’y peux rien. C’est cela l’Afrique ».

 

"Le crocodile et le scorpion", rapporté par Alain A. dit Marius in « Parcours Commando », Ed. Nimrod.

 

 

Appelez-le « Pays aux mille collines » ; vous viennent alors à l’esprit des images romantiques à la « Out of Africa ». Appelez-le Rwanda et c’est une vision apocalyptique qui s’impose, massacres à coups de machette, enfants errant hagards, vieillards se laissant mourir au bord des routes, montagnes de corps…  et des soldats français salis dans leur honneur, si ce n’est la France elle-même.

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Il n’est pas question de développer ici le drame effroyable que fût le génocide rwandais. Haine viscérale entre deux ethnies, lutte pour le pouvoir entre une « aristocratie » Tutsi et la « plèbe » Hutu, guerre d’influence entre grandes puissances (pourtant alliées), tergiversations de l’ONU…

Nous invitons nos lecteurs, en premier lieu les plus jeunes, à s’informer par eux-mêmes. D’autant plus que le Rwanda conjugue l’une des pires horreurs du XX° siècle et une désinformation orchestrée tant en Afrique que dans le monde anglo-saxon, visant à salir la France et son armée (disons-le tout net).

Alors, quelle meilleure manière pour bâtir sa propre opinion que de lire les récits de  « Ceux du Rwanda » ?  Nous reviendrons sur tous, celui du Général Lafourcade, celui du Général Tauzin, mais débutons avec « Les larmes de l’honneur », témoignage du Colonel Jacques Hogard, l’un des commandants « terrain » de l’opération Turquoise.

 

* Mise en garde : certaines photos peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes *

 

Djibouti, juin 1994

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Légionnaires à Djibouti, photo © Charles Fréger, "Outremer"

[Le Colonel Hogard, alors Lieutenant-Colonel à Djibouti, est choisi pour prendre la tête de l’un des trois groupements opérationnels de l’opération Turquoise]

Quel officier refuserait un commandement, des responsabilités, auxquels il se prépare et  aspire depuis toujours, sans être profondément heureux de l’aboutissement qu’ils représentent ? Mais cette joie s’accompagne de questions plus angoissantes : qu’allons-nous affronter comme situation dramatique ? Serai-je à la hauteur de la tâche ? Comment me comporterai-je face aux dangers, à la fatigue, au stress ? Serai-je le chef militaire que j’ai toujours rêvé d’être et à la hauteur de la confiance que placent en moi chefs et subordonnées ?

 

Rwanda, 30 juin 1994 : le choc.

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© Association France Turquoise

[Le groupement se déploie dans la région de Cyangugu au sud-ouest du Rwanda pour créer une ZHS (Zone Humanitaire Sûre)]

[Le capitaine de corvette Marin] Gillier décrit ce qu’il vient de voir. Sur plus de deux kilomètres, à la sortie du hameau, réduit en cendres par ses assaillants Hutu, le sol est jonché de cadavres décapités, mutilés, fauchés le long du sentier selon leur capacité à fuir, des vieillards et des femmes enceintes, puis des femmes et des enfants, des hommes, enfin.

 

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Le COL Hogard et le GAL (alors COL) Tauzin, 1er RPIma, et un soldat des Forces Armées Rwandaises. Photo magazine Raid n°101.

Sur le terrain, nous allons nous trouver dans l’inconfortable position de celui qui a le doigt entre le marteau et l’enclume. Nous sommes coincés entre un pouvoir déliquescent [Hutu], responsable de l’un des plus grands génocides du siècle, lâché par une armée défaite militairement et en grand état de délitement, et une rébellion [Tutsi] très active, soutenue indirectement, à travers l’Ouganda, mais activement depuis plusieurs années par les Américains et les Britanniques. Cette rébellion s’avance, bien armée, bien encadrée, bien organisés, bénéficiant d’une excellente logistique. Elle progresse méthodiquement sur le terrain, se livrant, elle aussi, à un certain nombre d’exactions de grande ampleur, en représailles des massacres antérieurs. Si nous n’enrayons pas la mécanique provocation-répression, l’incendie de la violence va repartir de plus belle.

 

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© Association France Turquoise

Tout est en perpétuel mouvement. La zone est un immense chaudron, sillonné par d’innombrables colonnes de centaines de milliers de réfugiés aux yeux fous, pitoyables cohortes faméliques et terrorisées. Pour rétablir un semblant d’ordre et un embryon d’humanité dans ce chaos de millions de personnes déplacées, les effectifs des forces de Turquoise sont dérisoires : environ 2 700 hommes au plus fort de l’action (…) Il n’est en effet pas possible de mettre un soldat français derrière chaque Rwandais !

 

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© Association France Turquoise

La centrale ne fonctionne plus. Il faut éviter à tout prix que la population ne boive de l’eau non traitée, des rivières ou du lac Kivu. (…) Au-delà de la simple remise en marche des machines, il faut également payer les salaires, remotiver les personnels, trouver des techniciens qualifiés comme les contrôleurs aériens sans lesquels l’aérodrome de Cyangugu ne peut fonctionner, reconstituer de toute urgence des antennes médicales avec des personnels évanouis dans la nature (…) Les médecins, les chirurgiens et les infirmières des docteurs Auclair et Martin, secondés par une équipe mauritanienne, accueillent jour et nuit des blessés rescapés des massacres et des tentatives de meurtre ainsi que des malades. J’ai le souvenir d’enfants en bas âge, mutilés à coup de machette. Notre personnel médical soigne leurs blessures innommables avec un savoir-faire qu’il leur faut réinventer chaque jour. Leur dévouement est tel qu’il fait forcément appel à des notions plus fortes : de foi et d’amour.

 

Rwanda, 30 juin – 18 juillet

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© Association France Turquoise

[Un semblant d’ordre est mis en place dans la ZHS sécurisée]

En quelques jours, la zone humanitaire est rendue étanche vis-à-vis de l’extérieur et nettement pacifiée à l’intérieur. En une quinzaine de jours, le climat s’est apaisé. Nos hommes sont omniprésents, calmes, rassurants. Les belligérants des deux camps, de même que les malheureuses populations, sentent d’instinct que bien des choses ont changé et que le temps des exactions est terminé et le restera… du moins tant que des hommes de cette trempe seront là ! Les barrages des miliciens disparaissent, les armes sont récupérées, les contrôles sont multipliés et souvent cela permet le sauvetage in extremis de vies humaines menacées.

 

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Désarmement des milices Hutu © Association France Turquoise

Nous clamons haut et fort que nous ne voulons rien savoir des velléités de représailles des uns et des autres et qu’il n’est pas question que quiconque transgresse cet impératif. Nous intervenons contre les miliciens interahamwe [Hutu] qui tentent de forcer la population à se lancer dans l’aventure, sans avenir, de l’exode ; Cela nous conduit plusieurs fois à affronter les milices Hutu à la mi-juillet. Mais nous intervenons aussi pour contrer les meurtrières actions de représailles de certains Tutsi rescapés qui, à partir du 18 juillet, à Nyarushishi, sentant la victoire du FPR [Front Patriotique Rwandais, Tutsi] acquise, se font agressifs vis-à-vis de malheureux déplacés Hutu, souvent des femmes, des enfants ou des vieillards à la traîne des longues colonnes de réfugiés .

 

Rwanda, 18 juillet – 1er août

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© Association France Turquoise

[Kigali, la capitale rwandaise, tombe aux mains du FPR Tutsi. L’armée rwandaise est en totale déroute. Le gouvernement incite les Hutu à la fuite vers les pays limitrophes, Zaïre, Burundi…]

Dans le sillage des Forces Armées Rwandaises se jettent alors sur les routes des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de personnes. Si des colonnes de réfugiés sont en route vers la Zone Humanitaire Sûre et la région de Cyangugu, où nous allons nous efforcer de les fixer, certains vont passer au nord du lac Kivu en direction  du Zaïre, de Goma, notamment, qu’ils investissent pour y mourir par milliers du choléra mi-juillet.

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© Association France Turquoise

L’insécurité que l’on croyait relativement maîtrisée reprend une nouvelle vigueur (…) Il nous faut multiplier les actions musclées pour éviter le pire. C’est ainsi que deux sections du 2e REI renforcées au pied levé d’une section de la 13e DBLE interviennent en plein cœur de Cyangugu pour faire cesser les exactions, désarmer les pillards et les fauteurs de troubles, déserteurs des FAR, miliciens, petites frappes de tout acabit (…) On intervient d’autant plus que les milices interahamwes [extrémistes Hutu] (…) multiplient les actions d’intimidation et de harcèlement visant à terroriser les populations, enjeu majeur. Le but évident de leur action, c’est la terre brûlée : laisser aux vainqueurs un pays vidé au maximum de ses populations.

 

 

Rwanda, 1er août – 21 août

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© Association France Turquoise

[Le FPR Tutsi est définitivement vainqueur]

[Dans la ZHS], avec fermeté et humanité, nos troupes doivent faire face au désespoir qui suinte de toutes parts  et s’insinue dans le tréfonds des consciences. Ce sont les techniciens des usines de production électrique et d’épuration des eaux, que nous avions récupéré chez eux il y a six semaines, qu’il faut convaincre de ne pas repartir, ce sont les médecins et les infirmières du dispensaire, de l’hôpital Saint-François auxquels il nous faut expliquer que la communauté internationale est garante, cette fois, de l’avenir du pays et que le temps des massacres et sanglants règlements de compte est révolu.

 

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Le padre Kalka devant le centre médical Saint-François © R. Kalka

Le Comité préfectoral que nous mettons sur pied a pour mission de rétablir, en liaison avec nous, un embryon d’administration, de contrôle et de sécurisation des communes et bien sûr le rétablissement des structures sanitaires qui ont volé en éclats. En effet, il n’y a plus d’hôpitaux, plus d’infirmeries, les orphelinats sont désertés, les enfants laissés à l’abandon, des nouveau-nés aux adolescents ! Devant ce délitement, c’est notre aumônier  [le padre Richard Kalka] qui prend sur lui de reconstituer et de réactiver le centre médical.

 

Rwanda, 21 août

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© Association France Turquoise

[Le Colonel Hogard et ses hommes quittent le Rwanda. La Zone Humanitaire Sûre, passant sous protection de l’ONU via un contingent éthiopien, est investie par le FPR Tutsi. ]

Que vont devenir tous ces [Hutu] qui nous ont fait confiance dans l’adversité ? Quel va être leur sort, eux qui se retrouvent d’un coup livrés au bon vouloir d’une puissance dont ils se méfient viscéralement, malgré nos bonnes paroles ? Notre départ signifie l’ouverture des limites de la ZHS au nouveau gouvernement légal du Rwanda, le FPR. Tous ceux qui ont apporté leur pierre à la construction du comité préfectoral intérimaire espèrent secrètement – mais sans grande illusion – que la transition s’opère sans trop de casse, permettant de repartir sur des bases saines dans la construction d’un nouveau Rwanda (…) Ces Rwandais courageux acceptaient d’être nos relais auprès des populations. Ils étaient au premier rang pour appuyer nos efforts de stabilisation et de restructuration. Ils seront au premier rang lorsque nous nous retirerons. Je le savais, ils le savaient.

Alphonse-Marie Nkubito, Hutu, ministre de la Justice du gouvernement FPR dit d’union nationale, est mort dans des conditions étranges à Kigali en 1997.

Seth Sendashonga, Hutu, ministre du gouvernement FPR dit d’union nationale, est assassiné en 1998 à Nairobi.

Augustin Cyiza, officier et magistrat Hutu qui a aidé à la reconstruction d’une gendarmerie à Cyangugu, est enlevé à Kigali en 2003. Il n’est jamais réapparu.

Le sous-préfet Théodore Munyangabe, qui a coopéré activement avec Turquoise et a sauvé de nombreux Tutsis au péril de son existence, est toujours détenu en 2014, sans jugement et dans des conditions inhumaines, à la prison de Gikongoro.

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© Association France Turquoise

Nous sommes partis, tous profondément marqués par l’expérience que nous venions de vivre, et bien sûr avec un peu de vague à l’âme, provoqué par le soudain abandon de tout ce que nous avions entrepris de reconstruire, par le soudain abandon de populations, de toutes les populations, quelles qu’elles soient.

23 avril 1995. Au camp de Kibeho, plus de 8000 réfugiés Hutu sont froidement mitraillés par leurs gardiens de l’Armée Populaire Rwandaise.

Octobre-novembre 1996. Mise à mort de centaines de milliers de réfugiés Hutu, pourchassés par l’APR dans les forêts de l’est du Zaïre.

Avril-mai 1997. Mise à mort de plusieurs milliers de réfugiés Hutu par l’APR au Zaïre.

2000. Les derniers Hutu ayant quitté le gouvernement du FPR, Paul Kagamé devient officiellement président de la République rwandaise, à la tête d’un gouvernement 100% Tutsi.

 

***

 

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Né en 1955 dans une famille d’officiers, Jacques Hogard s’engage en 1974 au titre de la préparation à Saint-Cyr (2ème année de Corniche au Collège Militaire de Saint-Cyr). Nommé Aspirant puis SLT en 1976, il est affecté au 425e BPCS (Bataillon Parachutiste de Commandement et de Soutien) pour emploi au CEM (Centre d'Entrainement Montagne) de la 11ème DP à Barèges. Il intègre sur titres l'EMIA en 1978. Il fait dès lors l’essentiel de sa carrière dans la Légion Etrangère, 4e RE puis 2e REP. En 1994, il est affecté à Djibouti et est choisi pour prendre la tête de l’un des trois groupements opérationnels de l’opération Turquoise, sous les ordres du Général Jean-Claude Lafourcade, avec pour objectif de mettre en place une « Zone Humanitaire Sûre » (ZHS) autour de la préfecture Cyangugu. Il commande le groupement « Sierra » Sud,  composé de la 1e Cie du 2e REI, 3e Cie de la 13e DBLE, un détachement de l’armée tchadienne et une équipe de Commandos-Parachutistes du 2e REP. En 1998 et 1999, il est chef du Groupement des Forces Spéciales en Macédoine et au Kosovo. Revenu à la vie civile en 2000, il fonde la société d’intelligence stratégique EPEE (Experts Partenaires pour l’Entreprise à l’Etranger).

Le Colonel Hogard est officier de la Légion d’Honneur, père de 6 enfants dont un Saint-Cyrien, perpétuant la tradition familiale.

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Prix 10€ - ISBN 2-7556-0054-3, format 12,5x18,7 - 140 pages

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Aux éditions Hugo doc

Le livre est malheureusement épuisé. Il faut donc le chercher sur le marché de l’occasion, par exemple ici.

Une réédition est espérée.

 

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Nous sommes heureux d’annoncer en exclusivité la parution prochaine de « L’Europe est morte à Pristina », récit autobiographique du Colonel Hogard sur son action au Kosovo en 1999.

Aux éditions Hugo doc

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Bibliothèque « Ceux du Rwanda »

(non exhaustif)

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François Léotard, ministre de la Défense, Edouard Balladur, Premier Ministre, Général Lafourcade, Colonel Hogard. Rwanda juillet 1994.

Site des anciens du Rwanda, association France Turquoise, ici.

 

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Rencontre avec le Colonel Hogard en 2013.

Nous ne pouvons parler du Rwanda sans évoquer la manière dont la France et son armée ont été (et sont toujours) traitées dans les médias anglo-saxons, dans certaines salles de rédactions européennes, voire parisiennes. Des mots tels que « Complicité de génocide », des mises en examen, laissent des traces.

J’ai l’honneur de connaître le Colonel Hogard. Il sait que je porte une grande affection aux hommes de Turquoise. Aveuglement militariste du Chasseur ? Serais-je plus aveuglé que cet américain, homme honnête, qui m’a dit un jour :

« - La France et sa petite débâcle au Rwanda... 

- Pardon ? La France n’a connu aucune débâcle au Rwanda.

- Ce sont pourtant des Légionnaires qui ont entraînés les génocidaires Hutu. 

- Mon cher, ces malheureux se sont massacrés à coup de machette, ils n’avaient aucun besoin d’entraînement par les Légionnaires pour perpétrer cette tragédie ».

 J’ai raconté cette anecdote à Jacques et à sa question « Pourquoi pensait-il cela ? » ma réponse est allée dans le sens de son propre ressenti : désinformation. Et on sait la puissance médiatique de certains lobbies anti-français du côté de Washington et de Londres (ceci m’a toujours attristé).

La France n’a pas à avoir honte de ce qu’elle a tenté de faire au Rwanda. Elle, au moins, est intervenue. Aurait-il été plus glorieux de ne rien tenter ?

Quant aux  hommes de Turquoise, soldats, sous-officiers, officiers, c’est de la fierté qu’ils doivent éprouver, fierté d’avoir sauvé tout ce qu’il était encore possible de sauver, avec les faibles moyens qui leurs étaient accordés.

Laissons la honte à ceux qui, piétinant dans la montagne de cadavres, cherchent au loin des bouc-émissaires.  

 

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Je ne resterai jamais insensible aux grandes déclarations moralisatrices. Il me sera très difficile de cacher ma révolte devant l’hypocrisie qui consiste à verser des larmes sur l’authentique malheur des uns, et exploiter ces larmes pour s’aveugler de celui des autres. Surtout quand, en plus, l’objectif est d’entacher la réputation de notre pays et de son armée.

Colonel Jacques Hogard

 

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A la mémoire des Rwandais de toutes les ethnies.

« S’il faut tirer une leçon du Rwanda, c’est que les hommes sont tous coupables et qu’ils sont tous innocents. Il n’y a pas de bons et de mauvais. Il n’y a que l’engrenage de la haine et de la violence. »

Jean d’Ormesson, Le Figaro, 21 juillet 1994

 

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Hommage à « Ceux du Rwanda »

« J’ai fait tout ce qu’un soldat a l’habitude de faire.

Pour le reste, j’ai fait ce que j’ai pu. »

Etienne de Vignoles, dit La Hire, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc.