23/06/2013
"Haute Tension - Le 27e BCA en Afghanistan", S. Tesson, T. Goisque, B. de Miollis, Ed. Gallimard
In memoriam
Fernand-Gaston Camut, 71ème BC, Croix de guerre 14-18, mon arrière-grand-père,
Maurice Camut, 1er BC, 69ème BC, Croix de guerre 39-45, mon grand-père.
"Faire la guerre à une rébellion est lent et compliqué,
comme manger sa soupe avec un couteau"
T.E. Lawrence, « Les sept piliers de la sagesse »
Okay. Vous vous dites : on parle du 27ème BCA, alors le Chasseur saute de joie… Certes. Mais, avec « Haute Tension – Des Chasseurs alpins en Afghanistan », nous ne nous plaçons pas que dans l’affectif…
Nous avons entre les mains un ouvrage collectif : texte de l’écrivain Sylvain Tesson, photos de Thomas Goisque, croquis, dessins aquarellés, de l’artiste Bertrand de Miollis. Résultat : un livre atypique, vraiment sympa, très original, que nous pourrions qualifier de « journal de guerre ».
Bertrand de Miollis, Sylvain Tesson, Thomas Goisque
2009. Sylvain, Thomas et Bertrand sautent dans leurs treillis de reporters de guerre, enfilent casques et gilets pare-balles, et se fondent dans le Groupement Tactique Interarmes "Tiger" qui se déploie dans la vallée de la Kapisa pour 6 mois.
Placée sous le commandement du Colonel Nicolas Le Nen, la Task Force Tiger est composée du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins, appuyé par des éléments du 93ème Régiment d'Artillerie de Montagne, du 2ème Régiment Étranger du Génie, du 4ème Régiment de Chasseurs et du 28ème Régiment de Transmissions regroupant un total de plus de 400 militaires français.
2009, encore au temps de la conquête...
Faites sonner les cors !
En Afghanistan, seuls 10% des 60 000 soldats américains sortent sur le terrain ! Le Colonel Le Nen veut éviter cette tentation d’une guerre électronique faite sous les blindages ou d’une guerre aérienne conduite devant des écrans. Ses soldats sont là pour renouer avec le réel, dans un monde inféodé au virtuel.
Les Chasseurs feront ici ce en quoi ils excellent : labourer le terrain.
Patrouille du 27ème BCA en Kapisa - Photo © Thomas Goisque
Les alpins ragent de ne pouvoir déposer les armes pour grimper sur les piliers de granit, skier dans les couloirs, traverser les hautes arêtes, batailler contre eux-mêmes et les sommets lointains. L’Hindou Kouch promet toutes les aventures, mais l’alpinisme est un luxe de temps de paix. Les champs de bataille sont parfois théâtres de splendeurs.
Début mars 2009. L'armée nationale afghane, tout comme les forces de l'ISAF, se voient interdire par les insurgés l'accès à la vallée d'Alasay.
Située dans la zone d’action des hommes du Colonel Le Nen, l'objectif de l'état-major est clair : la conquérir.
La vallée vue du toit de "l'hôtel Alasay" - Aquarelle de Bertrand de Miollis
Le 14 mars, la Task Force française, les 1er et 2ème Kandak de l’Armée Nationale Afghane, appuyés par l'US Air Force, partent à l'assaut de la forteresse naturelle talibane.
Vallée d’Alasay - Photo © Thomas Goisque
4 heures 30, les Chasseurs sont aérotransportés sur les hauteurs de la vallée.
La campagne afghane semble avoir été aménagée par les dieux de la guerre pour servir les desseins de l’insurrection.
Tenir les hauts - Photo © Thomas Goisque
Les talibans ciblent la 4ème Compagnie déployée sur les hauteurs sud-est de la vallée, à 2000 mètres d’altitude. Les sections du lieutenant Alegre de La Sougeole et de l’Adjudant Bouaouiche sont sous le feu. Les afghans ne peuvent se permettre de laisser les français contrôler les hauts.
Les talibans cherchent à s’imbriquer dans les sections pour contraindre les mortiers français à se taire. Les hommes du capitaine Gruet – lequel ne démérite pas de son surnom de « boule de feu » - se battent comme des diables. Le Lieutenant Alegre de la Sougeole fait hisser le drapeau français sur la position, au plus fort de la lutte.
Après l’attaque d’un VAB à la rocket - Photo © Thomas Goisque
Le Caporal Nicolas Belda avait rendez-vous avec la mort. Il est tué sur le coup. Le Colonel Le Nen vient de perdre son premier homme. En apprenant la nouvelle, certains Chasseurs murmurent la dernière prière. D’autres, stoïciens, pensent à la force du destin.
Les canyons de Spé et de Skent, qui confluent pour former la vallée d’Alasay, offrent des replis aux insurgés. C’est à dessein que le Colonel Le Nen a laissé la possibilité aux talibans de s’y refugier. Quand crève l’aspect, il faut bien que le pus s’écoule.
La vallée d’Alasay est conquise, Photo © Thomas Goisque
Très loin vers l’est, par-delà les canyons de Spé et de Skent, se dressent les hauts sommets de l’Hindou Kouch, souverains, indifférents aux agissements des hommes. C’est à leurs pieds que les talibans, défaits, doivent panser leurs plaies, rendre culte à leurs morts, et mâcher leurs rancœurs.
Les combats ont été féroces, mais il a suffi d'une journée aux diables bleus et leurs alliés afghans pour bousculer les talibans, les déloger des contreforts de la vallée et repousser toutes leurs contre-attaques. On estime à 70 le nombre d'insurgés tués.
Dès le lendemain de l'assaut, les bases avancées d'Alasay et Shehkut, permettant de contrôler la vallée conquise, sont établies.
* * *
Né en 1972, Bertrand de Miollis est diplômé de l’ESC de Dijon. Artiste autodidacte, lauréat d’une bourse de la Guilde Européenne du Raid, il se lance dans sa première aventure en 1998 : rallier par la piste Hanoï à Rangoon sur une vieille moto russe. Il effectue là son premier carnet de voyage et expose ses aquarelles au retour. Le virus du voyage l’a saisi. Dès lors Bertrand sillonne le monde, cahiers, crayons et aquarelles sous le bras, sur terre comme sur mer : De Saïgon à Saint-Malo sur une jonque, le tour du Kirgizstan à bord d’un side-car, expédition Paris-Kaboul, Irak…
Bertrand est également homme d’entreprise et collabore avec la Banque Edmond de Rothschild (communication), BNP Paribas (carnets de voyage d’entreprise) ou L’Oréal. Il dessine aussi pour Dior, Lancôme…
Site de Bertrand ici.
Sylvain Tesson est né en 1972. Géographe de formation, diplômé de géopolitique, il parcourt le monde dès 1991, traversée de l’Himalaya à pied, des steppes d'Asie centrale à cheval, expéditions archéologiques au Pakistan et en Afghanistan, itinéraire des évadés du goulag... De toutes ces aventures, Sylvain tire des livres et reportages unanimement salués.
^ Sylvain Tesson, photo de Natachenka
Il obtient le prix Goncourt de la nouvelle en 2009, pour "Une vie à coucher dehors" et le prix Médicis essai en 2011 pour "Dans les forêts de Sibérie".
En juin 2012, il est reçu parmi les écrivains de Marine, assimilé au grade de capitaine de frégate.
Né en 1969, frère du Colonel Jérôme Goisque (126ème RI, commandant le GTIA « Bison »), Thomas Goisque est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. Il réalise son grand projet de fin d’études en Asie du Sud-Est au profit d’une O.N.G. engagée dans la scolarisation des enfants des rues. En 1993, appelé sous les drapeaux, il devient photographe du Gouverneur Militaire de Paris avant de se porter volontaire pour une mission de la FORPRONU en Bosnie qui donne lieu à son premier album : « Bosnie hiver 95, journal de marche d’un casque bleu appelé ».
Depuis plus de quinze ans, de Valparaiso à Irkoutsk, de Saigon à Bagdad, de Kaboul au Cap de Bonne-Espérance, il parcourt le monde pour la presse magazine et publie de nombreux livres-photos, dont la remontée du Mékong avec Pierre Schoendoerffer..
Site de Thomas ici.
Sylvain et Thomas viennent de publier "D’Ombre et de Poussière", aux éditions Albin Michel. L’occasion pour Thomas de présenter ses superbes clichés, lors d’une exposition à la galerie Nabokov.
Exposition des photographies de Thomas Goisque - Alexis Nabokov, photo de Natachenka
Evidemment, Natachenka s’est précipitée… Rencontre fort sympathique avec Alexis Nabokov, maître des lieux et ami de nos trois auteurs.
Le Colonel Le Nen a publié son journal de marche, "Task Force Tiger", chez Economica. Il sera intéressant de le mettre en perspective avec "Haute Tension".
* * *
Je ne peux m’empêcher de revenir sur la dédicace de Bertrand.
Car, voyez-vous, sa dédicace, ce n’est pas que ce texte fort sympathique :
A l’origine, la page était blanche... donc sa dédicace, c’est aussi :
Et oui, une œuvre originale, crayon et aquarelle, de Bertrand.
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Hommage
Aux diables bleus morts pour la France en Afghanistan :
Adjudant-Chef Franck Bouzet, 13ème BCA,
Adjudant Laurent Pican, 13ème BCA,
Caporal Nicolas Belda, 27ème BCA,
1ère Classe Eguerrant Libaert, 13ème BCA,
1ère Classe Clément Chamarier, 7ème BCA.
Aux Chasseurs morts pour la France.
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc
Le 27ème BCA en Afghanistan, reportage de Géraud Burin des Roziers pour Zone Interdite, M6. Formidable.
Le drapeau français hissé sur les hauts de la vallée d'Alasay
Francs Chasseurs, hardis compagnons,
voici venir le jour de gloire !
La Sidi-Brahim, chant des Chasseurs
Dessin et aquarelle de Bertrand de Miollis
Livre, photos, 27e BCA en Afghanistan, Alasay, Alasaï
17:49 Publié dans Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
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