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28/12/2014

Ceux d'Afghanistan, 2001-2014

2nde édition - Photos et extraits © leurs auteurs. Droits réservés. 

 

  

Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.

Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue.

Jean Lartéguy

 

« Afghanistan », un mot qui restera à jamais gravé dans notre histoire. Mais « Afghanistan » n’est pas qu’un mot.  « Afghanistan » n’est pas non plus qu’un morceau poussiéreux d’Asie ou règne depuis des siècles le fracas des armes. « Afghanistan » n’est pas qu’une mosaïque de peuples à l’esprit fier et combattant. « Afghanistan » n’est pas qu’une somme de traditions que nous, Occidentaux, pouvons juger archaïques. « Afghanistan » n’est pas que la mauvaise nouvelle du soir, annoncée d’un air apitoyé par le journaliste-star qui enchaîne, sans transition et retrouvant le sourire, avec la météo des plages.

« Afghanistan », c’est aussi une femme qui verse des larmes de joie, retrouvant son mari après six mois de stress et d’insomnies. C’est un homme sportif qui se demande comment vivre désormais, cloué dans un fauteuil roulant. C’est une femme qui pleure sa tristesse infinie, contemplant le lit de son fils, qui demeurera vide à jamais. C’est une femme fière d’avoir sauvé la vie de cette petite afghane, là-bas. C’est un homme qui s'est élancé sous le feu, pour secourir son frère d’armes blessé. Et cela le fait sourire, quand on le traite de héros.

« Afghanistan », c’est aussi ce soldat, et celui-ci, et celui-là…

Alors que sonne le désengagement, glas pour certains, joyeux carillon pour d'autres, que cette guerre est déjà, dans l'esprit de beaucoup, une "vieille histoire", nous avons voulu rendre à ces soldats l’hommage qu’ils méritaient.

Cependant, nous n’avons pas souhaité écrire sur eux, au-delà de ces quelques phrases d’introduction. Nous avons préféré nous comporter en porte-voix, leur laisser la parole, dans sa diversité : un kaléidoscope d'impressions, finalement plus complémentaires que contradictoires.

Écoutons-les et lisons-les. Ils méritent toute notre attention. Car « Afghanistan », par-dessus tout, c’est eux.

 

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Photo Sébastien Joly, réalisateur d'Aito– Guerriers du Pacifique. Le photographe à gauche est le regretté Yves Debay. 

 

Combien d’hommes peuvent se targuer d’écrire l’Histoire , sinon d’en être acteur ?

Qui aujourd’hui vit intensément, non pas au travers d’un écran, mais ressentant les choses réellement ?

Qui est prêt à accepter la peur, le contact de la mort, le sacrifice de sa famille, pour la maigre gloire personnelle qu’est la fierté de servir son pays ?

 CNE Brice Erbland, 1er RHC, « Dans les griffes du Tigre ». Ed. Les Belles Lettres

 

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Photo Sébastien Joly. 

 

Je ne suis pas venu ici pour une médaille. Je suis venu parce que j'en ai reçu l'ordre. Parce que c'est mon travail. Parce que la solde, presque trois fois supérieure à celle que je perçois en France, va nous permettre de réaliser des projets. Parce que je savais qu'avec cette mission j'allais être, pendant six mois, au cœur de mon métier de militaire. Parce que je savais que j'allais me confronter au combat, connaître les giclées d'adrénaline, la peur aussi.

SGT Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, “Journal d’un soldat français en Afghanistan”. Ed. Plon

 

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Photo Nicolas Mingasson, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » Ed. Acropole.

 

La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer. Et mourir.

CCH Emmanuel Gargoullaud, RICM, « L’Afghanistan en feu ». Ed. Economica

 

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Photo EC 2/3 « Champagne »

 

En Afghanistan, nous ne savions jamais à quoi nous attendre en l’air. Le stress se vivait pendant la mission, directement au contact des hommes pris sous le feu ennemi. Le stress ne venait pas de la peur de mourir, mais de la rapidité des actions à mener, de décisions prises en l’espace de quelques secondes. Dans nos cockpits, nous étions immergés au cœur des combats. Là-haut, les équipages étaient le dernier maillon de la chaîne. Ils endossaient la responsabilité technique du tir et, en cas d’échec, ils devaient répondre de leurs actes.

CDT Marc « Claudia » Scheffler, EC 2/3 « Champagne », désormais Lieutenant-Colonel à l’EPAA, « La guerre vue du ciel ». Ed. Nimrod.

 

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Photo Sébastien Joly.

 

J’éprouve une admiration infinie pour tous les soldats français présents en Afghanistan. Ces quatre mille hommes (…) effectuent un travail grandiose. Quelles que soient les considérations politiques qui, forcément, les dépassent, quelle que soit la stratégie qui n’est pas toujours celle que la France aurait souhaitée, quel que soit le contexte qui revêt parfois des couleurs de guêpier, ces hommes vivent ici une mission noble. 

Padre Richard Kalka, aumônier militaire, « Dieu désarmé ». Ed. LBM

 

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Dessin de Bertrand de Miollis – œuvre originale offerte par l’artiste au Chasseur. « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan ». Ed. Gallimard.

 

Dans ce pays, comme dans d'autres théâtres de crise, il n'y a pas de coupure franche entre les amis et les ennemis, entre les insurgés les plus fanatiques et les partisans les plus convaincus du gouvernement légitime (...) Si ligne de partage il y a, c'est dans le cœur de chaque Afghan.

COL Benoît Durieux, 2e REI, in "Captain Teacher", CNE Raphaël Krafft, 2e REI, animateur de Radio Surobi. Ed. Buchet-Chastel 

 

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Photo Jean-Christophe Hanché« Kapisa » [épuisé].

 

Il est très dur de faire du social aujourd’hui avec des gens qui tireront sur vos camarades demain.

ADC Jean-Claude Saulnier, 2e REP, « Une vie de Légionnaire ». Ed. Nimrod 

 

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Photo Sébastien Joly.

 

Chaque terroriste sait comment utiliser nos règles d'engagement à son profit. La question essentielle est simple: qui est prêt à aller le plus loin dans cette guerre? (...) Si vous ne souhaitez pas vous impliquer dans une guerre qui risque de dégénérer, alors, gardez-vous bien de vous y laisser entraîner. 

Navy SEAL Marcus Luttrell, USA.  « Le survivant ». Ed. Nimrod. 

  

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Photo Jean-Christophe Hanché.

 

Nous ne sommes que de passage, nous ne pouvons prétendre changer ce monde auquel nous sommes trop étrangers.

LCL Geoffroy de Larouzière-Montlosier, 1er RTir, « Journal de Kaboul ». Ed. Bleu-Autour

 

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Photo Thomas Goisque, « D’ombre et de Poussière » éd. Albin Michel & « Haute tension » éd. Gallimard.

 

Les soldats ont rempli la mission qui leur était donnée, en pacifiant la zone dans laquelle ils intervenaient. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.

LCL Bernard Gaillot, 13e BCA, "De l'Algérie à l'Afghanistan", ed. Nuvis. 

 

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Photo Thomas Goisque.

 

[On] me demandait mon ressenti par rapport à notre présence ici. J’étais convaincu de notre nécessité, mais j’étais inquiet de l’opinion publique. La population française semblait peu préoccupée par ses soldats qui donnaient leur vie pour la sécurité nationale, voire internationale (…) Cela nous blessait. Nous avions le sentiment d’avoir combattu pour rien, sachant qu’au fond de nous, ce n’était pas le cas.  

ADJ Sylvain Favière, infirmier-para (désormais réserviste), « Ma blessure de guerre invisible ». Ed. Esprit Com’

 

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Photo Olivier "Wali" Lavigne-Ortiz, "L'autre côté de la lentille", éd. OLOrtiz.com

 

Au fil des mois, le corps et l’âme du soldat finissent par être marqués. Je m’en suis sorti avec quelques rares égratignures. La guerre ne m’avait pas tant changé. Elle avait simplement confirmé ce que j’avais toujours été au fond de moi : un soldat. Quand les personnes me demandent comment a été mon expérience en Afghanistan, je vois dans leur expression qu’ils s’attendent à une réponse triste et négative. Ils sont surpris et sourient quand je leur réponds que l’Afghanistan a été la plus belle expérience de ma vie.

CPL Olivier « Wali » Lavigne-Ortiz, R22eR, Armée canadienne.

 

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Photo Sébastien Joly.

 

Je repensais à Tagab. Je ne réalise pas que je n’y retournerai plus jamais. J’ai l’impression que je vais me réveiller, tôt ou tard, dans mon petit box, avec Fab dans le lit au-dessus de moi… J’ai vraiment l’impression d’avoir oublié quelque-chose là-bas, d’y avoir laissé je ne sais quoi.

CCH Julien Panouillé, 1er RCP, « 197 jours – Un été en Kapisa ». Ed. Mélibée

 

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Photo José Nicolas – « Afghanistan – Task Force Lafayette » Ed. L’esprit de tous les combats.

 

Et je me pris à rêver que j’étais sur le terrain avec les gars, les accompagnant une dernière fois pour écraser l’ennemi.

SGT Paul ‘Bommer’ Grahame, The Light Dragoons, rattaché au Mercian Regiment, Royaume Uni, « Appui feu en Afghanistan ». Ed. Nimrod

 

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Photo Thomas Goisque.

 

L’expérience afghane a laissé en moi des blessures indélébiles, mais elle a aussi renforcé les fondements de mon engagement. Le sens profond du pacte qui nous unit s’est dévoilé dans les vallées touraniennes : une confiance absolue entre les hommes, l’esprit collectif poussé jusqu’à sa dernière extrémité. Avec l’amour, il s’agit à mon sens du lien humain le plus fort qui soit. 

LTN Nicolas Barthe, 21e RIMa, désormais Capitaine au RICM après un passage au RSMA Guadeloupe, « Engagé ». Ed. Grasset

 

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Photo José Nicolas.

 

J’ai vu le mal. J’ai vu des enfants déchiquetés par des bombes. J’ai vu des blessés aux membres dilacérés par les explosions. J’ai vu des corps que le feu avaient rendus méconnaissables. Derrière chacun de ces blessés, il y a un autre homme qui a armé une bombe, qui a visé et tiré avec son arme, qui a fait exploser sa ceinture piégée (…). Je n’avais jamais capté auparavant autant d’intentions homicides qu’ici. Je te tue, tu me tues, il se tue, nous vous tuons, vous nous tuez, ils se tuent. 

Et j’ai vu le bien. Je n’ai jamais vu autant de dévouement la patience de soustraire un homme à la mort. Sur le terrain, de jour comme de nuit, des brancardiers secouristes, des infirmiers et des médecins risquent leur vie pour sauver celle des autres. Cinq d’entre eux l’ont déjà donnée. Malraux écrivait : « Je cherche cette région cruciale de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ». J’ai vu et éprouvé cette fraternité. 

Professeur (Général) Patrick Clervoy, Service de Santé des Armées, « Dix semaines à Kaboul ». Ed. Steinkis.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny – « Le temps de l’action » Enfin!Editions.

 

Je repense à l’opération « Dinner out » [conquête de la vallée d’Alasay], au Caporal-Chef Belda qui doit être fier de nous, à toutes nos familles qui nous ont attendus avec calme, patience et dignité. Je regarde ces chefs de section, les Lieutenants Lazerges, Chantrel et Brunet, l’Adjudant Bouaouiche et leurs commandants d’unité, les Capitaines Minguet et Gruet et je pense à tous leurs camarades officiers, sous-officiers, chasseurs, légionnaires, artilleurs, cavaliers, transmetteurs, à tous mes Tigres de la Kapisa. Je mesure toute la chance que j’ai eue de commander des soldats de leur valeur. Ce sont eux les artisans de nos succès et les vrais vainqueurs de la Kapisa.

Tout le reste n’a que peu d’importance.

COL Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger », « Task Force Tiger ». Ed. Economica

 

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Photo Marlene Kuhn-Osius, « Objectif Afghanistan » [épuisé].

 

La guerre, je l'ai fréquentée en d'autres lieux en tant que reporter. J'ai attendu de nombreuses fois qu'elle survienne pour rassasier ma soif d'adrénaline, me rappeler ou rappeler aux autres que j'existe, m'exalter de vivre un moment extraordinaire, historique parfois, ou simplement pour avoir de quoi écrire un article. (...) [Mais] être acteur à la guerre, c'est autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je me rends compte que les militaires, finalement, quand ils sont sains d’esprit et "bien tassés dans leurs bottes", n’aiment pas la guerre, ou du moins, l’aiment parfois moins que nous [les journalistes]. Et c'est heureux.

CNE (r) Raphaël Krafft, COS, journaliste rattaché au 2e REI, animateur de Radio Surobi, « Captain Teacher »,  Ed. Buchet-Chastel

 

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Photo José Nicolas. 

 

Aujourd’hui la mission est terminée, le fanion [du GTIA] Raptor a rejoint définitivement les murs de la salle d’honneur du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes. Mais l’on dit qu’à chaque visite, à chaque souvenir évoqué en sa présence, il retrouve ses couleurs vives et l’aigle sur le tissu reprend son vol suspendu pour « fondre du ciel » à jamais. On dit même qu’il se met alors à parler de ces hommes et de ces femmes qui sont allés jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs convictions, de ces hommes et de ces femmes qui ont gagné là-bas, loin de leur pays, le seul combat qui vaille la peine d’être vécu, celui que l’on livre contre soi-même, pour les autres, jusqu’au sacrifice de sa vie.

COL Renaud Sénétaire, 1er RCP, commandant le GTIA Raptor, auteur de « Les aigles dans la vallée », Ed. Mélibée. Préface à « 197 jours – Un été en Kapisa », CCH Julien Panouillé, 1er RCP. Ed. Mélibée.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny. 

 

J'étais fier de commander mes hommes, me souciant de leurs tâches et surtout de leurs préoccupations. J'étais heureux d'être avec eux au bar, le soir, en rentrant de mission, une fois que tout était terminé, que la pression était tombée, avant de recommencer tôt le lendemain. Heureux de ne faire qu'un avec eux. Heureux car ils me le rendaient bien et l'on pouvait sentir entre nous, sans que cela ait été décidé, une complicité de ce lien particulier et fort qui unit les hommes après qu'ils ont traversé ensemble des épreuves qui ne peuvent être fidèlement narrées.

CNE Philippe "Stang" Stanguennec, CoTAM, "Au service de l'espoir", Ed. L'Esprit du Livre.

  

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Photo Alphonse-Bernard Seny.

 

J’ai commandé des soldats exceptionnels. J’ai commandé des hommes qui savent aujourd’hui ce qui est essentiel et ce qui n’est qu’accessoire. J’ai commandé des hommes qui ont grandi. J’ai eu l’honneur d’être parmi eux.

Et l’Afghanistan ? Qu’adviendra-t-il demain de ce pays terrible où quatre-vingt-huit de nos frères d’armes ont laissé leur vie ? Nul de ne peut le prédire. Mais une chose est sûre : aujourd’hui, les cerfs-volants flottent de nouveau dans le ciel afghan.

COL Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, commandant le GTIA « Wild Geese ». Préface à « Le temps de l’action », Alphonse-Bernard Seny. Enfin!Editions.

 

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Photo Nicolas Mingasson. 

 

Chacun, un jour prochain, regagnera, qui sa famille, qui ses parents ou ses amis. De nouveau, la vie « quotidienne » reprendra le dessus, mais n’y aura-t-il rien de changé en nous ? Ce séjour de cinq mois ou plus, parfois beau, parfois laid, parfois joyeux, parfois triste, n’aura-t-il laissé aucune trace dans nos vies ? N’aura-t-il pas façonné, d’une impression qui nous était insoupçonnée au départ, notre façon d’appréhender le monde, et celle dont on veut vivre et aimer en ce monde ? Peut-être même que notre cœur a été mis à nu et que notre vie émotionnelle, sentimentale, affective et amoureuse s’en est trouvée transformée et pourquoi pas transfigurée ? La fragilité de l’existence que nous avons pu « apprécier » ici ne va-t-elle pas nous apprendre à aimer « différemment » ceux qui nous sont chers et même ceux que nous n’aimions pas assez, jusqu’ici ?

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Ed. EdB.

 

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Photo Nicolas Mingasson. 

 

Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés, sans tenir de propos sacrilèges ?

Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’armes. 

CNE Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA in « D’ombre de de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson. Ed. Albin Michel

 

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SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA. Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.

 

La guerre d’Afghanistan s’achève et ses protagonistes entrent peu à peu dans l’oubli. D’autres conflits font leur apparition, au Mali ou ailleurs. Mais les blessés de guerre porteront toute leur vie le vivant témoignage de leurs batailles. Quatre ans plus tard, ma blessure est toujours là et ma souffrance physique quotidienne. Je ne pense pas m’en débarrasser un jour. Lorsque mon nerf me lance, j’ai le sentiment que ma jambe coupée est toujours là et que c’est elle qui me fait souffrir. Les médecins appellent cela « le membre fantôme ». Je serre les dents, je me plie en deux sous la douleur et j’attends que la souffrance passe. Ce fantôme va et vient plusieurs fois par jour et apparaît sans prévenir. Avec le temps, j’apprends à vivre avec lui. Cela fait partie de mon sacrifice. Je ne m’en plains pas et je ne regrette rien.

SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA, « Blessé de guerre », autoédité.

 

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Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art. 

 

Perdu, déstabilisé, isolé dans sa souffrance, il est ainsi depuis son retour d’Afghanistan, voici plus de deux ans… Seul le désespoir empêche de croire à des jours meilleurs. Or toute la richesse du cœur de l’homme se résume à l’espérance que nous ne devons jamais perdre. Il nous faut espérer pour lui et avec lui, car l’espérance est souvent ce qui reste quand tout est parti à vau-l’eau. Le travail d’accompagnement sera long, mais il  n’est pas permis de croire à son échec.

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « L’autre combat ». Ed. EdB.

 

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Photo Philippe de Poulpiquet.

 

Je pense d’abord aux familles, à celles et à ceux qui ont perdu un proche, aux blessés graves, à toutes les personnes dont la vie sera irrémédiablement différente. Elles nous donnent des leçons quotidiennes de courage et de modestie. L’institution, je pense, en tire des leçons de vérité. Lorsque les cercueils sont alignés devant vous, vous prenez la réalité en pleine figure (…) A titre personnel, ces cérémonies d’hommage m’ont appris une plus grande humilité. J’ai un garçon qui part dans quelques jours en Afghanistan. Et je me dis : « Et si cela m’arrivait, à moi ? Si notre garçon devait être tué là-bas ? ». Frappé en plein cœur, comme toutes ces familles que nous avons tenté de réconforter, saurions-nous alors nous comporter plus dignement que beaucoup d’entre elles ? 

Général de corps d’armée Bruno Dary, ancien Gouverneur Militaire de Paris. Postface à « Afghanistan – Task Force La Fayette », José Nicolas. Ed. L’esprit de tous les combats.

 

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Photo José Nicolas.

 

 On ne se débarrasse pas des morts. Ils sont là. Ils forment un cortège amical et funèbre qui nous attend désormais de l’autre côté du miroir.

Padre Christian Venard, « Un prêtre à la guerre ». Ed. Tallandier

 

***

Bibliothèque francophone « Ceux d’Afghanistan »

Non exhaustif.

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Photos Thomas Goisque.

Certains pourront toujours prétendre que nous n’avons influé sur rien, que ces dix années de guerre en Afghanistan ont été inutiles, mais il suffirait que germent les quelques graines d’espoir que nous avons semées lors de nos mandats successifs, pour que rien n’ait été inutile.

Et même si rien ne germe, pourquoi devrions-nous regretter d’avoir essayé ?

Pourquoi devrions-nous renier ceux qui ont été tués ou blessés, en essayant ?

SCH Yohann Douady, 2e RIMa, « D’une guerre à l’autre ». Ed. Nimrod

 

Hommage

Aux morts pour la France en Afghanistan

31 août 2004 - CPL Murat YAGCI - 1er RPIMa

21 octobre 2004 - 1CL Thierry JEAN BAPTISTE - 3e RH

21 octobre 2004 - MDL Simah KINGUE EITHEL ABRAHAM - 3e RH

11 février 2005 - CPL Alan KARSANOV - 2e REI

17 septembre 2005 - CCH Cédric CRUPEL - 1er RPIMa

4 mars 2006 - PM Loïc LEPAGE - Commando Trépel

15 mai 2006 - 1CL Kamel ELWARD - 17e RGP

20 mai 2006 - ADC Joël GAZEAU - 1er RPIMa

20 mai 2006 - CCH David POULAIN - 1er RPIMa

25 août 2006 - PM Frédéric PARE - FORFUSCO

25 août 2006 - CCH Sébastien PLANELLES - CPA 10

25 juillet 2007 - ADC Pascal CORREIA - 1er RCP

23 août 2007 - MDL Stéphane RIEU - 1er RHP

21 septembre 2007 - ADC Laurent PICAN - 13e BCA

18 août 2008 - SGT Damien BUIL - 8e RPIMa

18 août 2008 - CPL Kévin CHASSAING - 8e RPIMa

18 août 2008 - ADJ Sébastien DEVEZ - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Damien GAILLET - 8e RPIMa

18 août 2008 - SGT Nicolas GREGOIRE - 8e RPIMa

18 août 2008 - CPL Julien LE PAHUN - 8e RPIMa

18 août 2008 - SGT Rodolphe PENON - 2e REP

18 août 2008 - CPL Anthony RIVIERE - 8e RPIMa

18 août 2008 - CPL Alexis TAANI - 8e RPIMa

19 août 2008 - CPL Melam BAOUMA - RMT

22 novembre 2008 - ADC Nicolas REY - 3e RG

11 février 2009 - CDE Patrice SONZOGNI - 35e RAP

14 mars 2009 - CCH Nicolas BELDA - 27e BCA

24 mai 2009 - CCH Guillaume BARATEAU - 9e CCT / 9e BLBMa

1er août 2009 - CCH Anthony BODIN - 3e RIMa

4 septembre 2009 - CCH Johan NAGUIN - 3e RIMa

6 septembre 2009 - SGT Thomas ROUSSELLE - 3e RIMa

27 septembre 2009 - CPL Kévin LEMOINE - 3e RIMa

27 septembre 2009 - ADC Yann HERTACH - 13e RDP

27 septembre 2009 - BCH Gabriel POIRIER - 13e RDP

27 septembre 2009 - CCH Ihor CHECHULIN - 2e REI

8 octobre 2009 - SCH Johann HIVIN-GERARD - 3e RIMa

11 janvier 2010 - ICS Mathieu TOINETTE - 402e RA

12 janvier 2010 - LCL Fabrice ROULLIER - 1e BM

13 janvier 2010 - MDC Harouna DIOP - 517e RT

9 février 2010 - CPL Enguerrand LIBAERT - 13e BCA

8 avril 2010 - CPL Robert HUTNIK - 2e REP

22 mai 2010 - CBA Christophe BAREK-DELIGNY - 3e RG

7 juin 2010 - SCH Konrad RYGIEL - 2e REP

18 juin 2010 - BCH Steeve COCOL - 1er RHP

6 juillet 2010 - ADJ Laurent MOSIC - 13e RG

10 août 2010 - 1CL Antoine MAURY - 1er RMed

23 août 2010 - CNE Lorenzo MEZZASALMA - 21e RIMa

23 août 2010 - CCH Jean-Nicolas PANEZYCK - 21e RIMa

30 août 2010 - ADC Hervé ENAUX - 35e RI

15 octobre 2010 - ICS Thibault MILOCHE - 126e RI

17 décembre 2010 - CBA Benoît DUPIN - 2e REG

18 décembre 2010 - MA Jonathan LEFORT - Commando Trepel

08 janvier 2011 - SGT Hervé GUINAUD - RICM

19 février 2011 - CCH Clément CHAMARIER - 7e BCA

24 février 2011 - ADC Bruno FAUQUEMBERGUE - CFT

20 avril 2011 - CCH Alexandre RIVIERE - 2e RIMa

10 mai 2011 - 1CL Loïc ROPERH - 13e RG

18 mai 2011 - 1CL Cyril LOUAISIL - 2e RIMa

1er juin 2011 - SGT Guillaume NUNES-PATEGO - 17e RGP

10 juin 2011 - CCH Lionel CHEVALIER - 35e RI

10 juin 2011 - LTN Matthieu GAUDIN - 3e RHC

18 juin 2011 - CPL Florian MORILLON - 1er RCP

25 juin 2011 - CCH Cyrille HUGODOT - 1er RCP

11 juillet 2011 - BCH Clément KOVAC - 1er RCh

13 juillet 2011 - CNE Thomas GAUVIN- 1er RCP

13 juillet 2011 - ADC Laurent MARSOL- 1er RCP

13 juillet 2011 - ADC Emmanuel TECHER -17e RGP

13 juillet 2011 - ADC Jean-Marc GUENIAT - 17e RGP

13 juillet 2011 - SGT Sébastien VERMEILLE – SIRPA-Terre

14 juillet 2011 - MA Benjamin BOURDET - Commando Jaubert

7 août 2011 - CCH Kisan Bahadur THAPA - 2e REP

7 août 2011 - CPL Gerardus JANSEN - 2e REP

11 août 2011 - SGT Facrou HOUSSEINI ALI - 19e RG

14 août 2011 - CNE Camille LEVREL - 152e RI

7 septembre 2011 - CNE Valéry THOLY - 17e RGP

14 novembre 2011 - 1CL Goran FRANJKOVIC - 2e REG

29 décembre 2011 - ADC Mohammed EL GHARRAFI - 2e REG

29 décembre 2011 - SGT Damien ZINGARELLI - 2e REG

20 janvier 2012 - ADC Fabien WILLM - 93e RAM

20 janvier 2012 - ADC Denis ESTIN - 93e RAM

20 janvier 2012 - SCH Svilen SIMEONOV - 2e REG

20 janvier 2012 - BCH Geoffrey BAUMELA - 93e RAM

27 mars 2012 - CDE Christophe SCHNETTERLE - 93e RAM

9 juin 2012 - MAJ Thierry SERRAT - GIACM

9 juin 2012 - ADJ Stéphane PRUDHOM - 40e RA

9 juin 2012 - MLC Pierre-Olivier LUMINEAU - 40e RA

9 juin 2012 - BCH Yoann MARCILLAN - 40e RA

7 août 2012 - ADC Franck BOUZET - 13e BCA

 5 août 2013 - ADJ Gwénaël THOMAS - BA 123

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Photo US Army

Hommage

Aux soldats de l’ISAF de toutes nationalités, nos frères d’armes, morts en Afghanistan,

2356 américains, 453 britanniques, 158 canadiens, 54 allemands, 48 italiens, 43 danois, 41 australiens, 40 polonais, 34 espagnols, 27 géorgiens, 25 néerlandais, 21 roumains, 14 turcs, 11 néo-zélandais, 10 norvégiens, 10 tchèques, 9 estoniens, 7 hongrois, 5 suédois, 3 lettons, 3 slovaques, 2 finlandais, 2 jordaniens, 2 portugais, 1 albanais, 1 belge, 1 lituanien, 1 sud-coréen,

Aux milliers de soldats de l’Armée Nationale Afghane, nos frères d’armes, morts pour leur pays,

Aux contractants, journalistes, morts en Afghanistan,

Aux blessés dans leur chair, dans leur psychisme.

 

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Photo Sébastien Joly 

A la mémoire des civils afghans.

C'est sûr que nous vivons des temps difficiles, mais je regarde les choses de façon pragmatique : Il y avait deux écoles à Surobi en 2002, il y en a plus de vingt aujourd'hui. Il ne faut pas être ingrat. Les gens oublient vite. Moi, je me range dans le camp de ceux qui apportent le savoir et l'éducation.

Aziz Rahman, animateur de Radio Surobi, 

radio "communautaire" en langue pashto fondée par le COL Durieux, 2e REI.

« Captain Teacher », CNE (r) Raphaël Krafft, COS rattaché au 2e REI, Ed. Buchet-Chastel

 

***

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La 52e promotion de l’EMIA s'est baptisée « Ceux d'Afghanistan » 

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Nous avons apporté notre soutien à leur projet d’ériger une stèle à Coëtquidan, en mémoire des 89 soldats français morts pendant le conflit.

 Outre les fonds pour le monument, les Dolos ont réuni 15 000 € qu'ils ont offerts à Terre Fraternité, association qui vient en aide aux blessés et familles endeuillées.

Nous vous avons conté cette belle aventure, à laquelle nous sommes fiers d'avoir participé, ici.

Mais le soutien, comme le devoir de mémoire, doit continuer ! Rejoignez comme nous un autre beau projet, initié par le LTN Youri Féral : "1 Run ou 1 don pour nos blessés de guerre".

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***

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Photo Sébastien Joly

Comme nos camarades des autres armées, les aviateurs ont affronté avec courage les risques de leur action en Afghanistan. Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui l’ont payé de leur vie, de tous ceux blessés dans leur chair et dont le mérite n’a d’égal que la noblesse de leur mission.

Général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, Chef d’état-major de l’Armée de l’Air. Préface à « Afghanistan – Regards d’aviateurs », CNE Charline Redin, SIRPA-Air, désormais ECPAD.

 

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Photo Thomas Goisque.

Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan. 

Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre. Préface à « L’Afghanistan en feu », CCH Emmanuel Gargoullaud, RICM. Ed. Economica

 

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Photo Thomas Goisque.

S’il vous arrive de rencontrer un de ces soldats, je suis convaincu qu’il appréciera que vous lui disiez merci. Merci pour son service. Merci pour son sacrifice. Nos soldats méritent de se faire dire merci.

Ils sont ce que ce pays a de plus noble. Ils sont ce que ce pays a de mieux.

LCL Steve Jourdain, Royal 22e Regiment, frère d’armes québécois. « Mon Afghanistan », Ed. Athéna.

 

 

 

 

 

 

01/12/2014

« L’autre côté de la lentille », CPL Olivier « Wali » Lavigne-Ortiz, R22eR, Canada, éd. OLOrtiz

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez les réutiliser.

 

 

« Tu peux tuer toutes les hirondelles,

tu n'empêcheras pas le printemps de revenir. »

Proverbe afghan

 

Après-midi du 14 juillet, sur l’esplanade des Invalides, après l’émotion de la rencontre tant attendue avec le LCL Steve Jourdain, au gré de la discussion : « Tu connais le livre de Wali ? – Nan – C’est un ancien tireur d’élite. Vétéran d’Afgha. Photographe. Tu devrais le contacter… »

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Nos fidèles lecteurs savent déjà toute l’affection que nous portons à Steve Jourdain. La magie de cette relation fraternelle, établie par-dessus l’Atlantique, en quelques jours et par de simples échanges de messages, allait-elle se répéter avec son jeune compatriote Wali ? Le lien indéfinissable qui unit la communauté militaire et tous ceux qui revendiquent en faire partie, quand bien même civils, n’est-il qu’une vue de l’esprit ? Non. Cette fraternité est un fait : L’accueil du tireur d'élite est plus que chaleureux. Quelques échanges de mails comme avec Steve et déjà le sentiment de s’adresser à un ami. Magique.

Et puis nous recevons le livre. On le feuillette. On le lit. Et là encore, de la magie…

Je vous amène vers ces endroits où les lentilles que l’on voit sont celles attachées sur une arme. Plus qu’une mission de combat, bienvenue dans ce tour guidé et protégé derrière une infaillible vitrine de papier. Bienvenue dans cette patrouille alternant entre l’hiver et l’été ; près de ce que certains appellent l’enfer, mais surtout près de la beauté. Bienvenue dans une des contrées les plus dangereuses du monde. Voilà non pas les images d’une belle guerre, mais les belles images d’une guerre.

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La guerre, quoique parfois nécessaire, est toujours un échec de l’humanité. Les plus grandes victoires militaires sont aussi les plus grandes défaites humaines. La guerre est comme une partie de poker, à l’exception qu’ici, même le gagnant y perd quelque chose. A la guerre, impossible de se refaire. On ne reprend pas ce que l’on a perdu. Les mères ne reverront plus leur fils. Les sœurs n’embrasseront plus leur frère. Les familles des gagnants, comme celles des perdants, vivront à jamais avec le douloureux souvenir du grand départ vers le royaume des morts.

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D’un côté il y a les bombes et les embuscades. Il y a le fanatisme. Il y a l’ennemi. De l’autre, il y a les enfants qui jouent et des bergers qui conduisent leurs bêtes aux pâturages. La beauté se trouve même dans les pays en guerre. 

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Entre l’objectif de mon arme et celui de mon appareil photo, il y a le soldat et le photographe. Il y a le guerrier et il y a l’artiste. Je portais mon arme comme un homme ; je jouais avec mon appareil photo comme un enfant.

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En une seule patrouille, on peut traverser tous les états d’esprit. On voit un enfant se lever dans les vagues d’une mer de blé et, quelques instants plus tard, un homme travailler à l’ombre d’un arbre penché. On passe du sifflement des balles au chant des oiseaux dans les champs. Du cadavre d’un combattant au regard candide d’un parent. Des larmes d’un soldat au charme d’une rivière sous un pont de terre. Du camouflage couleur désert aux vignobles tapissés de raisins verts. Du sang au rouge du soleil levant. Du désespoir à l’espoir. 

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Un photographe est tel un magicien. D’un simple clic, il peut faire disparaître la laideur et arrêter le temps. Il peut isoler la beauté d’une toute petite fleur et l’enlever des ardeurs d’un désert. Il peut faire oublier une bataille aux générations à venir. Il peut rendre muet le calvaire des coups de feu et des explosions...

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… il peut capturer une âme prisonnière de la guerre et la placer dans un livre telle une œuvre sacrée dans la galerie d’un magnifique musée. Il peut rassembler des morceaux de l’enfer et les assembler en une mosaïque digne du paradis. Il peut recruter l’image de plusieurs orphelins isolés et lever une armée à la conquête des cœurs du monde entier.

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J’ai aimé ce pays, sa culture, ses gens. J’ai choisi de m’attarder à sa beauté. Malgré la guerre. Malgré mon métier de soldat. Car cette belle contrée est bien plus que des véhicules blindés et des soldats casqués.

 

***

moi1.jpgOlivier Lavigne-Ortiz nait en 1981 à Montréal. Tireur d’élite du Royal 22e Régiment, seule unité d’active québécoise de l’armée de terre canadienne, il est déployé en 2009 en Afghanistan. Il y retourne l’année suivante pour former la police afghane. Son surnom de « Wali » lui est donné par les Afghans qui peinent à prononcer son prénom. Soldat mais aussi artiste éclectique, Olivier est auteur (on lui doit le conte philosophique « Le voyageur sans nom »), compositeur de musique classique, réalisateur et évidemment photographe, pour le compte du R22eR et à titre privé.

Son site WEB ici

 

Mon premier déploiement s’est effectué en tant que tireur d’élite au sein du Royal 22e Régiment. C’était en 2009. J’y suis retourné en 2010 avec une équipe de conseillers avisés pour former la police afghane. En tout, j’y ai passé 16 mois. Sans hésiter, j’y serais resté pour le double du temps.

Wali 

Souvent, nous avons refermé les livres sur l’Afgha – soyons honnêtes – profondément émus, à commencer par celui de Steve, « Mon Afghanistan ». Avec « De l’autre côté de la lentille », nous l’avons fait avec le sourire, avec un sentiment d’espérance. Et ce n’est finalement pas si contradictoire, car le livre de Wali fait écho à celui de Steve : au-delà du fracas des armes, gardons en mémoire que tous nos soldats (français, canadiens, la nationalité compte-elle ?) se sont investis, ont soufferts, ont été blessés, ont perdu parfois la vie, pour une seule chose : pour que l’Afghanistan ressemble, enfin et exclusivement, à l’image qui prime dans « De l’autre côté de la lentille » : le sourire des enfants.

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ISBN : 978-2981232434 – Prix 24€ – format 21,6x21,6 - 170 pages.

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Site WEB ici.  

Le livre se trouve facilement en France, Belgique, Suisse, Luxembourg, par exemple via Amazon.fr 

 

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Pour mémoire, nous avons abordé « Mon Afghanistan », récit autobiographique du 2nd auteur du R22eR, notre camarade le LCL Steve Jourdain, ici

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Hommage

A nos frères d’armes canadiens ;

158 ont perdu la vie en Afghanistan.

Aux blessés.

A tous ceux qui ont œuvré et œuvrent toujours pour la paix en Afghanistan.

Je me souviens.

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Wali en Afgha.

Au fil des mois, le corps et l’âme du soldat finissent par être marqués. Je m’en suis sorti avec quelques rares égratignures. La guerre ne m’avait pas tant changé. Elle avait simplement confirmé ce que j’avais toujours été au fond de moi : un soldat. Quand les personnes me demandent comment a été mon expérience en Afghanistan, je vois dans leur expression qu’ils s’attendent à une réponse triste et négative. Ils sont surpris et sourient quand je leur réponds que l’Afghanistan a été la plus belle expérience de ma vie.

Wali

 

 

 

 

 

02/10/2014

« Captain Teacher », CNE (r) Raphaël Krafft, COS/2e REI. Ed. Buchet-Chastel

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Quand la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie.

Jacques Prévert.

 

[En mode sourcils froncés] Quoi ? Un journaliste « typé France-Culture » devient capitaine de la Légion pour animer une radio libre en Afgha ? Mais qu’est-ce-que c’est que cette blague…

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Et puis, et puis… connaissant les képis blancs, nous nous sommes dits : « Un tel projet : ne pas considérer le déploiement en Afghanistan que d’un point de vue purement militaire, créer un lien avec la population, par l’intermédiaire d’une radio en langue pashto… Serait-ce si étonnant de la part des Légionnaires ? ». 

Ce n’est donc pas une blague. En 2009, Raphaël Krafft, journaliste radiophonique, est appelé par le COL Bernard Durieux, chef de corps du 2e REI, pour aider à la fondation d’une radio communautaire, indépendante de toute autorité politique (y compris de la hiérarchie militaire française et de ses services « d’influence » auprès des populations), animée par des Afghans et émettant depuis la base de Tora. Pour faciliter le projet, Raphaël s’engage, devient Capitaine de réserve rattaché au COS et s’envole pour l’Afgha. C’est cette aventure qu’il nous compte dans « Captain Teacher » - Capitaine professeur, surnom donné par les journalistes afghans qu’il doit former. 

Une succession de rencontres, avec les Afghans, la guerre, la Légion... Une vision du conflit originale, décalée, entre franche rigolade lorsque Raphaël doit entrer dans le « moule » légionnaire (inénarrable Capitaine Negroni…) et un certain spleen qui s’installe au fil des pages, enthousiasme et sympathique idéalisme des débuts, contrariés par la tournure des évènements...

Allez, on allume la radio.

***

La tâche que m’assigne la Légion est (…) de monter une radio de A à Z : de la fabrication du studio à l’habillage de l’antenne en passant par la formation des personnels. Le chef de corps a été très économe en mots pour m’informer de ma mission ; l’armée a une approche du travail par objectifs : « Capitaine Krafft, vous devez créer Radio Surobi dans les délais les plus brefs et il faut qu’elle marche. Débrouillez-vous. »

 

Moulez-là, gros rat ! 

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CNE Negroni

Son coup de taureau, ses bajoues saillantes, ses sourcils épais qui lui barrent le visage, son regard scrutateur me rappellent le colonel Kurtz d’Apocalypse Now. Il m’attend accoudé sur le capot d’une P4, cigarette à la bouche. Alors que je le salue à la mesure du ton avec lequel il me parlait la veille au téléphone, le capitaine Negroni me tend négligemment le plat de la main sans changer de posture, et me juge de la tête au pied avec un regard de biais.

- Alors vous voilà, capitaine Krafft ! me dit-il se redressant tout à coup en appuyant sur le « ca » de capitaine et le « kra » de Krafft avant de se tourner vers le major Houssin, complice.

- Le capitaine Krafft s’est-il bien comporté, Major ? L’interroge-t-il avec cette même insistance sur les consonnes dures et le sourire en coin.

- Ca va, mon capitaine, répond-il sans conviction, il y a encore quelques réglages à faire, mais je suis sûr qu’entre vos mains notre jeune capitaine sera bientôt digne de son grade.

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Légionnaires du 2e REI et Ali Baba, interprète, devant le studio-bunker

- Voici radio Surobi ! me lance Negroni l’air satisfait. Et voici Aziz et Nasser, nos amis afghans et Monsieur Ali Baba, notre interprète ! (…) Je vous présente le capitaine Krafft qui est venu spécialement de France pour s’occuper de vous. Dès demain, il vous apprendra à parler dans un micro et à devenir des journalistes, c’est un spécialiste de la radio.

Les Afghans s’inclinent en guise de reconnaissance, le capitaine s’installe dans un des fauteuils inclinables dont a été équipé ce qui ressemble à la salle de rédaction quand entre le colonel en second. Ce dernier m’inspecte de la tête au pied avant de me lancer :

- Alors que pensez-vous de notre radio, Krafft ?

- Magnifique mon colonel, dis-je sincère.

En effet, la Légion n’a pas lésiné pour rendre le lieu confortable et fonctionnel : tableaux blancs aux murs, ordinateurs, armoires de rangement, sièges conférences, etc.

- Que pensez-vous de mon marbre blanc ? lance-t-il, très fier, il m’a coûté une fortune.

- Mon colonel, c’est beau le marbre mais ça résonne comme dans une cathédrale. Ce n’est pas idéal pour une radio.

- Krafft ! intervient Negroni en criant, moulez-la ! On n’est pas à France Culture ici ! On doit s’adresser ainsi à un supérieur dans la Légion : « Mon colonel, j’appelle respectueusement votre attention sur le fait que le marbre est plutôt déconseillé dans la conception architecturale d’un studio radiophonique. » Reçu ?

- Reçu.

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Sayef, Aziz, Nasser et Abid, animateurs de Radio Surobi

Voici donc le capitaine Krafft qui va commencer aujourd’hui votre formation. C’est un vrai journaliste. Il va vous apprendre à animer une radio libre. Car je vous rappelle que Radio Surobi doit être une radio libre, c’est le souhait du chef de corps. 

Je l’interromps :

- Mon capitaine ?

- Oui, Krafft ?

J’appelle respectueusement votre attention sur le fait que l’appellation radio libre n’est pas la plus appropriée pour Radio Surobi.

- Mais c’est ce que demande expressément le chef de corps ! Il ne s’agit pas de faire Radio Paris ici !

- Certainement mon capitaine, mais le terme de radio libre est initialement synonyme de radio pirate (…)

- Vous voulez dire que le terme radio libre à une connotation de gauchiste ?

- De gauche en tous cas.

- Ce serait un comble que la Légion soit à l’initiative d’un tel média. Vous rendrez compte au chef de corps, mais n’oubliez pas de mettre les formes !

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Le COL Durieux et les Légionnaires du 2e REI à Tora

- Alors comme ça, Krafft, vous fumez vos clopes avachi dans un transat en plein milieu du camp au vu et au su de toute la troupe ?

- Les nouvelles vont vite à ce que je vois.

- Ne faites pas le malin Krafft et moulez-là ! Nous avons été tolérants et patients avec vous, conscients que nous sommes de votre inexpérience militaire. Mais il est grand temps que vous preniez le pli mon garçon. D’autant que le chef de corps a décidé de vous intégrer au régiment en vous remettant ce béret vert – qu’il me tend, avant d’immédiatement s’en ressaisir. Hop hop hop ! Vous ne croyez pas tout de même que vous allez porter un béret de la Légion avec votre coupe de hippie !

- Ma coupe de hippie ? Vous plaisantez ? Je n’ai jamais eu les cheveux aussi courts depuis mes classes !

(…)

- Laissez-lui une houppette de Saint-Cyrien, il ressemblera à un FAF [militant d’extrême-droite, acronyme de la France Aux Français]

Greco s’exécute et me repasse maladroitement la tondeuse en appuyant fort et de façon répétée sur toute la surface de mon crâne pour ne laisser qu’un tout petit millimètre sur la tête, haut du front excepté où je sens dépasser la fameuse houppette du GUD [Groupe Union Défense – organisation d’extrême droite]. Negroni me détaille le visage, tire sur sa Dunhill, la garde à la bouche et, satisfait, me pose de ses deux mains le béret vert sur la tête.

- Vous ressemblez enfin à quelqu’un, Krafft ! (…) enfin vous voilà beau ! Et n’oubliez pas de faire la gueule quand vous vous promenez dans le camp, les Légionnaires doivent vous prendre pour un sale con, c’est important.

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CNE Negroni, soirée de la Saint-Sylvestre

- Asseyez-vous donc, gros rat ! m’intime Negroni de bonne humeur avec ce sobriquet amical qui ne me quittera plus, avant de commander un café au caporal de semaine. 

- En quoi puis-je vous être utile, mon capitaine ?

- En rien Krafft. Je vous ai fait venir pour que nous discutions autour d’un bon café, histoire de nous détendre et de bien commencer la journée.

- Merci mon capitaine, mais j’attire respectueusement votre attention sur le fait que les stagiaires afghans m’attendent pour la première leçon.

- On n’attire pas l’attention d’un supérieur – je vous rappelle qu’à grade égal l’ancienneté prime et que j’en ai des décennies de plus que vous – on appelle l’attention, nuance ! Quant aux Afghans, ils attendront.

Entre alors dans le bureau un jeune capitaine, commandant d’unité, qui lance à Negroni :

- Alors mon capitaine, toujours à crouler sous le boulot ?

- Moulez-là Vancina ! lui crie-t-il avant de se tourner de nouveau vers moi : Voyez-vous, Krafft, le secret d’un bon chef c’est de savoir déléguer, donc de bien s’entourer. C’est ce que le jeune Vancina n’a pas encore compris. Dans le cas qui nous intéresse et en ma qualité de directeur de Radio Surobi, je vous délègue la tâche de créer cette radio. Mais n’oubliez pas une chose : si Radio Surobi est un succès, je serai félicité ; dans le cas contraire, c’est vous qui serez puni. Et maintenant disparaissez.

 

Débrouillez-vous Krafft !

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Le doyen du village de Ganda Khasaray

[Réunion d’un tabor d’Afghans, une quinzaine de poètes, appelés à réciter des poèmes à l’antenne]

Il règne un silence de plomb dans la pièce, quand l’un d’eux, le plus âgé, dit à mon adresse :

- J’aime Jeanne d’Arc.

- Formidable ! m’écriais-je, heureux que la glace se brise enfin. Pourquoi cela ?

- Parce qu’elle s’est battue vaillamment contre les Anglais comme le fit Malalai en son temps.

- Malalai ?

- C’est la « Jeanne d’Arc afghane », mon capitaine, me souffle Ali Baba. Elle a rallié l’armée pashtoune contre les troupes britanniques lors de la bataille de Maiwand, à la fin du XIX° siècle.

- Oui, nos deux peuples ont cela en commun, lui dis-je.

- Faux. Les anglais sont désormais vos amis, ils se battent à vos côtés en Afghanistan.

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Aziz prépartant une emission

Aziz lit son texte. Je comprends, à la sonorité et au rythme de sa voix, à l’harmonie des mots de cette langue qui m’est pourtant étrangère, qu’il a écrit un vrai poème pour décrire le réfectoire de la Sodexo dont il est allé enregistrer l’ambiance.

« Les murs blancs au soleil de ces boîtes en plastique collées les unes aux autres affectent mon regard.  Je voudrais un paysage vierge pour m’éblouir du spectacle des montagnes de Kaoun dans le lointain (…) J’entre dans le réfectoire. Les employés s’affairent pour préparer le déjeuner, ils parlent des langues inconnues de la mienne. Hindi ? Tamoul ? Je me sens tel un étranger sur cette parcelle d’Afghanistan où est posée cette boîte en plastique blanc qui abîme mon regard. Je m’assieds près d’une fenêtre. Au loin je vois les montagnes de Kaoun, elles sont éblouissantes de beauté. »

Après que Georges m’ait traduit son texte, je suis pris au dépourvu et ressens un peu de honte, le chronomètre en main, à vérifier s’il a respecté le temps que je lui avais imparti. Ce serait dommage, me dis-je, d’imposer ici les formats courts et froids des radios françaises, voix au débit mécanique, à la musicalité répétitive, véritables tirettes à bière de l’information.

Formidable Krafft !

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Radiodiffusion d’une poésie, Aziz en arrière-plan

Le poète commence à déclamer, quand arrive le colonel.

- Formidable ! S’émerveille-t-il en nous affranchissant du garde-à-vous d’un geste de la main. Que dit-il ?

- Je ne sais pas, mon colonel, lui dis-je un peu inquiet. J’enregistre l’émission et vous ferai remettre une traduction dès que possible.

- Il parle de l’Afghanistan, de ses divisions, dit Georges, les bras croisés, et visiblement ému par ce qu’il entend.

Faites que nous vivions en paix, sur un parterre de fleurs.

Au tour de Negroni, de retour de sa sieste – c’est vendredi – d’entrer dans le studio

- C’est formidable ! s’écrie-t-il lui aussi. Mes respects, mon colonel, qu’en pensez-vous, mon colonel ?

- Formidable Negroni. Je n’imaginais pas que la radio prendrait un jour cette dimension.

Formidable est le mot qui convient. Radio Surobi est un incontestable succès. Difficile bien sûr pour Raphaël d’évaluer l’audience, mais les dizaines d’appels journaliers pour dédicacer une chanson, les milliers de lettres reçues, prouvent qu’une bonne partie de la population adhère au projet.

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Ecole de Ganda Khasaray

- C’est encore trop tôt, mon capitaine, répond Aziz quand je lui demande à la fin du cours s’il serait possible un jour [d’avoir des femmes] à l’antenne. Les gens manquent d’éducation ici, ils vivent coupés d’avec le reste du monde depuis toujours. Il faut y aller petit à petit. Commençons par faire apparaître des voix de femmes dans le cadre de nos reportages en interviewant des infirmières à l’hôpital ou des personnalités politiques féminines quand elles se présentent. Plus tard, lorsque notre légitimité sera accrue, nous pourrons réfléchir à un moyen d’avoir des journalistes femmes ou des animatrices. Mais il est impensable qu’elles viennent travailler ici, à Tora, sur la base militaire. On les considérerait comme des femmes de mauvaise vie.

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Aziz en reportage

- Et donc Aziz, tu me disais que tu connaissais des « frères tristes » [surnom donné aux insurgés] ? 

- Oui bien sûr, qui n’en connaît pas ?

Il regarde autour de lui et reprend :

- Pour ma part, j’ai un ami  d’enfance qui est parti sur les crêtes. Nous ne partagions pas les mêmes points de vue politiques, je n’approuve pas ce qu’il fait, mais cela ne nous empêche pas d’être restés en contact (…).

Du peu que je comprenne de l’Afghanistan et du conflit qui la meurtrit, cet aveu ne me choque pas. Dans « Guerre, contre-insurrection et démocratie, après l’Afghanistan », Durieux écrira : « Dans ce pays, comme dans d'autres théâtres de crise, il n'y a pas de coupure franche entre les amis et les ennemis, entre les insurgés les plus fanatiques et les partisans les plus convaincus du gouvernement légitime (...) Si ligne de partage il y a, c'est dans le cœur de chaque Afghan. »

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Nasser à l’antenne

Je suis un peu fébrile, à fleur de peau depuis le départ de mes protecteurs. J’ai le sentiment que la survie de Radio Surobi ne tient qu’à un fil, que le pacte de confiance établi avec Aziz, Nasser et Abid peut à tout moment voler en éclats. Je commence à croire que la charte signée par le colonel Durieux n’est finalement qu’un bout de papier sans consistance maintenant qu’il est rentré à Nîmes. Et puis, je dois bien l’avouer : je me suis lié à cette radio et aux Afghans qui l’animent. Je ne prends pas les mises en garde de Negroni très au sérieux.

- Suivez mon conseil, Krafft, ne vous attachez pas. Ni à Aziz, ni à Nasser, ni aux autres. L’attachement conduit au déchirement.

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CNE Negroni, fan des Pet Shop Boys

- J’ai planché sur la façon d’intégrer Radio Surobi à la chaine de commandement.

- Mouais, dis-je, toujours aux aguets quand les militaires se mêlent de nos affaires.

- Il faut bien que tu comprennes que c’est la condition de la survie de la radio. Un chef qui débarque ici, il faut bien qu’il sache où situer la radio dans le schéma « mili » qu’il a en tête et aussi savoir à quoi elle sert.

- A quoi elle sert ? Que veux-tu dire par là ? 

- Tu es naïf, Raphaël, c’est fini le temps de Durieux et de Negroni.

 

Gâchis ?

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Départ du CNE Negroni

Débuté avec de francs éclats de rire, « Captain Teacher » se clôt sur une note morose. Les temps ont changé ; l’indépendance de Radio Surobi vis-à-vis des « Opérations Militaires d’Influence » est mise à mal, préambule à la diffusion de messages plus convenus, formatés, contrôlés, voire propagandistes. La présence de Raphaël n’est plus souhaitée/souhaitable. 

Le 25 août 2010, sur le tarmac de Kaboul, assis dans l’attente du décollage qui va le ramener définitivement en France, Raphaël rumine. Tout ça pour ça. Par le hublot, il aperçoit  un convoi. Ce sont les cercueils du CCH Jean-Nicolas Panezyck et du CNE Lorenzo Mezzasalma, rapatriés par le même avion. Il ferme le store du hublot. Tout ça pour ça.

 

***

ob_9c2d6e_krafft-raphael.jpgRaphaël Krafft est né en 1974. Journaliste indépendant, il alterne reportages au long cours et voyages à vélo dont il tire des livres et émissions radio pour, notamment, France Culture. En 1997, appelé du contingent, il est animateur de la radio Azur FM à Sarajevo, en langue française, destinée aux troupes et francophones de Bosnie. En 2004, il forme les journalistes d’une radio communautaire au Congo-Kinshasa. En 2009, sur une initiative du COL Benoît Durieux, chef de corps du 2e REI, il s’engage dans l’armée pour aider à la mise en place d’une radio communautaire en langue pashto, « Radio Surobi ». Formant les volontaires afghans aux rudiments du reportage et de l’animation radiophonique, il en tire son surnom de « Captain Teacher », Capitaine professeur. Il passe plusieurs mois sur la base de Tora, aux côtés des 2e REI, 2e REP et 126e RI. Redevenu civil, il poursuit sa carrière de reporter et enseigne en école de journalisme. Dernier projet en date avec son complice Alexis Monchovet : "Vélo do Brasil" : 3 mois à parcourir le Brésil, coupe du monde incluse, à la force des cuisses et des mollets, le tout avec un regard évidemment décalé. Ne manquez pas le film tiré de l’aventure. Vous passerez une bonne soirée.

 

***

Radio Surobi

La guerre, je l'ai fréquentée en d'autres lieux en tant que reporter. J'ai attendu de nombreuses fois qu'elle survienne pour rassasier ma soif d'adrénaline, me rappeler ou rappeler aux autres que j'existe, m'exalter de vivre un moment extraordinaire, historique parfois, ou simplement pour avoir de quoi écrire un article. (...) [Mais] être acteur à la guerre, c'est autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je me rends compte que les militaires, finalement, quand ils sont sains d’esprit et "bien tassés dans leurs bottes", n’aiment pas la guerre, ou du moins, l’aiment parfois moins que nous [les journalistes]. Et c'est heureux.

Capitaine (r) Raphaël Krafft

 ***

 

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Prix : 20€ - ISBN 978-2-283-02695-3 – Format 14x20,5 – 304 pages, cahier-photo couleur

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Aux éditions Buchet-Chastel

Le livre se trouve facilement, à commander chez votre libraire préféré(e) ou sur le Net. 

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Rencontre avec Raphaël lors d’un café littéraire mili « de la Chouette » organisé par « Guerres et Conflits »

Nous pourrions imaginer Raphaël amer. Non de l’aventure menée, forcément exaltante, mais du sort réservé à Radio Surobi : Elle subsiste, mais a perdu son indépendance éditoriale puis, au départ des Français, a été reléguée par le commandant afghan dans un coin du camp (le dit commandant installant sa chambre dans le bunker-studio de diffusion…). Elle n’émet désormais que quelques heures par jour. Ayant abandonné sa liberté de ton, peut-être décrédibilisée auprès des auditeurs, manquant de moyens, sa survie est hypothétique.  

En conclusion de son récit, Raphaël évoque un gâchis, qui fait écho à l’issue de l’opération occidentale en Afghanistan. 

Alors, tout ça pour ça ? Tout ça pour rien ? Peut-être. Ou peut-être pas. Car cet adolescent afghan, qui a envoyé un poème dédié sa bien-aimée et qui a eu la fierté de l’entendre sur les ondes de Radio Surobi ; ou cette jeune inconnue, qui a téléphoné en cachette, bravant l’interdit, demandant que soit jouée sa chanson préférée, n’ont-ils pas changé à jamais ? Pourra-t-on un jour leur faire accepter qu’écouter de la musique, jouer avec un cerf-volant, c’est mal, mauvais, interdit ?

Et s’il ne reste que « ça », un instant de liberté volé à travers les ondes, n’est-ce-pas déjà énorme ?

 

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Courrier envoyé par un auditeur à Radio Surobi

 

Au nom d’Allah

 

"Combien tes lèvres rouges ont-elles tué ?

Et tes yeux ? Combien de larmes ont-ils fait couler ?

C’est moi, Faryadi, fou d’amour pour toi,

Trop de prétendants sont déjà morts de te voir sourire."

A Radio Surobi, j’adresse ce poème et toute mon affection.

De la part de Faryadi du village de Konj

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 Poètes & Légionnaires

Hommage 

A tous ceux qui ont œuvré et œuvrent toujours pour un Afghanistan, non pas transformé, mais apaisé.

 

Le son de nos sabres fendant l’air résonne dans le monde entier.

Eternels rivaux, nous semons les graines de nos divisions.

Jamais souverains nous ne deviendrons.

Et pourtant, nos bras sont grands ouverts pour en notre sein accueillir le vaste monde.

« Le vif désir », extrait d’un poème de Mahmad Daoud Mohlessyar, chef de la shura des poètes de Surobi, diffusé sur Radio Surobi. 

 

 

 

 

 

 

 

10/04/2014

« Blessé de guerre », SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA. Autoédité.

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

 

Apprends à écrire tes blessures dans le sable et à graver tes joies dans la pierre.

Lao Tseu

 

« Ce garçon a la pêche et donne la pêche ». Voici exactement ce que nous avons pensé, après avoir écouté le SCH Jocelyn Truchet lors de ses interventions dans deux cafés littéraires mili. Rien d’étonnant à ce qu’un jeune-homme de 25 ans, Chasseur alpin, sportif, ait et donne la pêche, nous direz-vous. Rien, si ce n’est que Jocelyn est un grand blessé de guerre, amputé de la jambe gauche...

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Jocelyn Truchet est bien connu dans la fraternité mili. Nous avons tous entendu parler de lui, nous connaissons tous les photos émotionnellement très fortes de Philippe de Poulpiquet le concernant, mais rappelons les faits : en 2009, le SGT Truchet est déployé en Afghanistan avec le 13e BCA qui forme l’ossature du GTIA « Black Rock ». Après 6 mois de combats intenses, à quelques semaines de la fin de la mission, un IED est déclenché au passage de sa patrouille. Très grièvement blessé, le corps criblé d’éclats, il devra être amputé de la jambe gauche, perdant aussi l’usage de plusieurs doigts d'une main. 

Sans présager, évidemment, de l’issue tragique de sa mission, Jocelyn a pris soin de noter chaque jour ses actions et celles de ses camarades en Kapisa, poursuivant ses écrits à l’hôpital et lors de sa rééducation. Et c’est ce journal de marche, revu avec la collaboration de Bruno Pasdeloup, qu’il a eu la bonne idée d’éditer.

Morceaux choisis :

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Le 13e BCA avant son départ et en vol pour l’Afghanistan © C. Batardin 

2.12.2009. Les moteurs rugissent et les roues quittent le sol : nous quittons notre terre, notre France. Je regarde par le hublot les dernières lumières de la côte qui s’éloigne. Direction Abu Dhabi, notre seule et unique escale avant Bagram ; avant la guerre.

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Jocelyn - Séance de tir au HK416

31.12.2009. Dans une heure, nous aurons les ordres pour partir à la recherche des journalistes [Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier] kidnappés. D’habitude, il est naturel pour nous de nous exposer sous le feu de l’ennemi pour un de nos camarades, mais ici, c’est pour des inconnus que nous allons mettre notre vie en jeu. Nous n’avons pourtant aucune hésitation : ils sont Français et si notre modeste action peut nous permettre de les sortir de là, nous le ferons sans hésiter. En espérant qu’ils sauront se souvenir des efforts et des risques entrepris par chacun d’entre nous pour les libérer…

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Math, blessé lors du combat du 11.5.2010 - L’auxsan (auxiliaire sanitaire) délivre les premiers soins © D.Geffroy@Armée de Terre

8.1.2010. Math repère un mec armé d’un RPG [roquette] qui se lève et fait feu sur lui. Il tire sa FLG [grenade à fusil] dans sa direction, mais la roquette explose à trois mètres de lui contre le mur. Math et mon tireur minimi [mitrailleuse] sont plaqués au sol par le souffle de l’explosion. Ils se relèvent et basculent dans la ruelle, avant que Math ne s’écroule au sol. Nous le faisons évacuer rapidement par l’arrière, craignant que l’adrénaline ne l’ait empêché dans un premier temps de sentir une blessure. Il est sonné et il n’entend plus rien. Après quelques minutes, il se relève mais est toujours sourd. Nous tirons quatre grenades à fusil en direction du tireur RPG. Derrière le muret où nous sommes, des tirs claquent. Est-ce les C20 ? Nouvelle rafale : finalement, ce sont des tirs d’insurgés. Deux de mes gars passent leurs flingues par-dessus le muret et lâchent des rafales à la libanaise. Ils essaient visiblement de nous contourner, il faut accélérer…

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Opération Minautore 2 - 5.3.2010 – l’un des nombreux plans du livre

10.1.2010. Les deux missiles font mouche sur le compound [maison afghane] en même temps et une seule explosion parvient à nos oreilles. Les insurgés se calment et nous décrochons en tirant une roquette de 89 mm pour couvrir notre rupture de contact. Nous courons vers le wadi [canal d’irrigation] situé à 400 m derrière nous. Les 35 kg d’équipements que nous portons sur le dos commencent à se faire sérieusement sentir et il faut motiver les gars pour qu’ils ne s’arrêtent pas. J’ai l’impression que certains vont tomber en syncope, les visages sont blancs.

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19.1.2010. Même après 12h de sommeil, je suis complètement naze. Les organismes des gars sont mis à rude épreuve par la difficulté des opérations. Le rythme des opérations est particulièrement éprouvant lors de ce mandat mais le moral des gars est au beau fixe. C’est l’essentiel.

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Enguerrand Libaert lors d’une mission de sécurisation de convoi © C. Perruchot@Armée de Terre

9.2.2010. « - Ca veut dire quoi Delta Charlie Delta ? – Décédé » Moment d’hésitation chez nous… « - Il y a un mort chez 20 alors… - Tu es sûr d’avoir bien entendu ? »

Finalement la nouvelle tombe : Il s’appelle Enguerrand Libaert. Les plus jeunes de la troupe sont anéantis. C’était leur pote et il avait fait ses classes avec pas mal de mes gars.  Nous nous occupons d’eux autant qu’on le peut, mais que dire pour réconforter devant une cette tragédie ? Il faut qu’ils restent concentrés, la mission continue.

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Une rare pause : Barbecue Chasseur à Tagab. Jocelyn au centre.© N. Deshayres 

25.2.2010. Nous sommes réveillés par un tir de Chicom [roquette] qui explose en plein cœur de la base. C’est reparti pour une demi-heure d’attente dans les bunkers (…) Ces alertes, le plus souvent nocturnes, offrent parfois des visions assez cocasses. Soldats en tongs, caleçon et gilet pare-balle, l’arme à la main et le cheveu hirsute.

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Repas chez le vendeur de foulards du camp Warehouse – Jocelyn 2nd à partir de la gauche

11.3.2010. « Vacances » au camp Warehouse de Kaboul. Nous sommes invités à manger chez le marchand de foulards. Grand moment, nous mangeons en tailleur assis par terre et goûtons tous les plats (…) Nous sommes vites calés par ce repas gargantuesque ! (…) Lorsque nous quittons le camp, l’Américain en faction à la porte lève son poing au son de « Kill ! Kill ! Kill ! »

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Jocelyn et ses hommes en patrouille 

8.4.2010. Début des fouilles dans le village (…) J’arrive à communiquer avec les habitants grâce à l’interprète. Ils me disent qu’il n’y a aucun de Talibans ici (…) Soudain, un RPG [roquette] explose 50m à notre gauche, suivi de rafales de PKM [Kalachnikov]. Nous courons jusqu’au compound situé à une trentaine de mètres. La moitié de mon groupe est parvenu à passer le découvert et l’autre se retrouve bloqué par les tirs. Deux missiles Milan sont tirés et l’artillerie envoie du lourd (…) Un gars de la section 12, complètement assourdi par l’explosion, détale à toute allure en voyant ses camarades courir, dépassant même ses collègues qui doivent le rattraper pour l’arrêter. Nous continuons notre progression vers le col en traversant quelques compounds. Quelques balles sifflent encore au-dessus de nos têtes tandis que nous bondissons derrière les seules protections du coin, des cailloux gros comme des ballons de foot (et encore, pas bien gonflés…) (…) En descendant du col, notre interprète est à côté de moi et je lui dis « Il n’y a pas d’insurgés ici ! » avant de partir dans un fou rire tous les deux.

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Reconnaissance d’une route par le Génie © N. Deshaires

20.4.2010. Pot d’anniversaire du Première Classe Ludwig, le gars qui a découvert l’IED [engin explosif improvisé] aujourd’hui. Un beau cadeau pour lui : 20 ans, 20kg d’explosif.

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Jocelyn lors de son évacuation après l’explosion de l’IED © D. Geffroy@Armée de Terre

16.5.2010. Je me sens projeté. Dans les airs, mon esprit travaille très vite et je me demande ce qu’il m’arrive. Ai-je marché sur une mine ? Peu probable car le chemin est très emprunté par les paysans du coin et une section est déjà passée devant moi. Un tir de RPG ? Difficile à croire car je n’ai pas vu le départ du coup. La dernière solution : un IED, sûrement déclenché à distance par téléphone. Quelques secondes plus tard, qui me paraissent une éternité je me retrouve au sol sans air dans les poumons pour reprendre mon souffle (…)

« Putain tu vas quand même pas crever comme ça juste parce que tu n’arrives pas à reprendre ton souffle ! » Puis je me rends compte que j’ai de la terre plein la bouche.

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Jocelyn à Percy

30.5.2010. Autour de moi, une chambre d’hôpital tandis qu’au dehors résonne le bruit des klaxons de la vie parisienne. On m’apprend la nouvelle : je suis à l’hôpital Percy, à Clamart. Mon opération à Bagram a duré dix heures et s’est soldée par l’amputation de ma jambe gauche à mi-cuisse. J’ai du mal à y croire. Je regarde pendant de longues minutes l’emplacement où devrait se trouver ma jambe.

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Photo © Philippe de Poulpiquet

Juillet 2010. Jour après jour, la routine de l’hôpital s’installe. Réveil à la même heure, petit-déjeuner, séance de kiné, de sport et d’ergothérapie le matin. Encore une séance de kiné l’après-midi puis de balnéothérapie et enfin les visites de fin de journée. Tous les jeudis, deux hommes de mon bataillon viennent prendre de mes nouvelles. Ça  fait plaisir de voir la tête de mes compagnons d’armes. Par ailleurs, ils me permettent de remplir mon tiroir de friandises, sur lequel je veille jalousement depuis mon lit.

Peu à peu, j’apprends à apprivoiser mon nouveau corps, à accomplir les gestes simples du quotidien avec mon handicap ; j’apprends à revivre, tout simplement.

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Jocelyn décoré aux Invalides

12.10.2010. A l’hôpital, je m’étais lancé un défi : si tu reçois une médaille, tu le feras debout ! Lorsque j’ai appris la nouvelle de ma décoration, il me restait trente jours avant le Grand jour. Trente jours pour me tenir droit sur les pavés des Invalides. Trente jours avant aujourd’hui.

 

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(Re)conquête de l’Arête des Cosmiques © 27e BIM

27.6 .2012. Nous arrivons enfin au dernier gros obstacle de l’ascension : une falaise granitique de 20 m de haut, verticale, qu’il nous reste à escalader avant de basculer sur la face nord pour la dernière partie de notre périple. Un épisode rendu délicat par l’impossibilité de plier ma jambe gauche mais que je parviens malgré tout à surmonter avec l’aide de mes compagnons de cordée. Après six heures de travail en équipe, j’atteins enfin la terrasse sud et ses 3842 m sous les applaudissements des gens présents. Pour la quatrième fois de ma vie, mais pour la première fois sur une seule jambe.

 

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***

Si nous gardons une place toute particulière dans nos cœurs aux morts pour la France, n’oublions pas les blessés. Plus de 700 en Afghanistan. N’oublions pas non plus les victimes du stress post-traumatique, estimées à 1000.

Le courage, le soutien de ses proches, de ses frères d’armes, d’organismes tels que la CABAT, Solidarité Défense ou Terre Fraternité, ont permis à Jocelyn de parcourir le long chemin vers la guérison et l’acceptation son handicap.

Selon la formule consacrée, « il mérite d’être cité en exemple » pour les blessés qui sont encore sur ce chemin et auxquels nous pensons avec affection.

« Perdu, déstabilisé, isolé dans sa souffrance, il est ainsi depuis son retour d’Afghanistan, voici plus de deux ans… Seul le désespoir empêche de croire à des jours meilleurs. Or toute la richesse du cœur de l’homme se résume à l’espérance que nous ne devons jamais perdre. Il nous faut espérer pour lui et avec lui, car l’espérance est souvent ce qui reste quand tout est parti à vau-l’eau. Le travail d’accompagnement sera long, mais il  n’est pas permis de croire à son échec. »

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « L’autre combat ». Ed. EdB.

 

 ***

 

10014574_706562136033139_2006481245_n.jpgNé dans la vallée de la Maurienne, c’est naturellement vers les troupes de Montagne que le cœur de Jocelyn Truchet penche lorsqu’il s’engage : il rejoint le 13e BCA de Chambéry. En 2009, alors Sergent, il est déployé en Afghanistan avec le GTIA « Black Rock » commandé par le COL Vincent Pons, chef de corps du 13. En fin de mandat, il est très grièvement blessé par l’explosion d’un IED, qui impose l’amputation de la jambe gauche. Soutenu par sa famille et ses frères Chasseurs alpins, Jocelyn prend sa rééducation comme un nouveau combat, se fixe des objectifs ambitieux. Grand sportif, il retrouve les murs d’escalade, les pistes de ski et de multiples handisports. Il participe notamment au « Wounded Warrior Trial 2013 » [Challenge des blessés de guerre] à San Diego aux Etats-Unis dans les épreuves de tir et natation où il se distingue avec la médaille de bronze en 50m dos (l’équipe française terminant 2nde dans le classement des médailles derrière les USA). Retrouvant sa place parmi ses frères Diables bleus du 13, le désormais Sergent-Chef Truchet a intégré la cellule Communication du bataillon. Il vient de terminer une formation délivrée par l’ECPAD.

Le SCH Jocelyn Truchet est titulaire de la Médaille Militaire.

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Dans la reconstruction physique et psychologique de Jocelyn, il convient de saluer le soutien apporté par la CABAT, Solidarité Défense et Terre Fraternité, en premier lieu sur les aspects financiers liés à sa prothèse de jambe « high tech » (coût du genou articulé : 55 000 €…).

Saluons aussi Anne-Claire, sœur de Jocelyn, aussi sympathique qu’active dans la promotion du livre.

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Prix 22€ - ISBN : 978-2-7466-6634-4 – Format 25x21- 155 pages

Jocelyn a décidé d’autoéditer « Blessé de guerre ». Il mérite d’autant plus d’être soutenu, ayant engagé les fonds nécessaires à la publication. Le livre est très beau, format à l’italienne, papier de qualité, magnifiquement illustré de photos inédites et des plans des engagements (bonne idée). Il est disponible sur le site de Jocelyn ici. Dédicace possible.

Page FaceBook officielle ici.

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Jocelyn et le 2nd auteur Afghaner du 13e BCA : le LCL Bernard Gaillot, auteur de « De l’Algérie à l’Afghanistan ». Voir ici.

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Rencontres avec Jocelyn – Café littéraire de l’Alliance Géostratégique ; Café littéraire au Carré Parisien ; Salon du Livre 2014. Pour l’anecdote : nous avons joué les figurants avec notre complice de Mars Attaque, lors d’une interview par une équipe de France 3. Nous vous préviendrons de la diffusion du reportage (en mai, semble-t-il).

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Bibliothèque "Chasseurs en Afghanistan"

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Hommage 

Aux diables bleus morts pour la France en Afghanistan :

Adjudant-Chef Franck Bouzet, 13ème BCA,

Adjudant Laurent Pican, 13ème BCA,

Caporal Nicolas Belda, 27ème BCA,

1ère Classe Eguerrant Libaert, 13ème BCA,

1ère Classe Clément Chamarier, 7ème BCA.

A tous les morts pour la France en Afghanistan,

Aux Chasseurs morts pour la France.

Aux blessés. 

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

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Diables bleus en Afgha – Jocelyn sur le VAB, 2nd à partir de la droite. © D.Geffroy@Armée de Terre

La guerre d’Afghanistan s’achève et ses protagonistes entrent peu à peu dans l’oubli. D’autres conflits font leur apparition, au Mali ou ailleurs. Mais les blessés de guerre porteront toute leur vie le vivant témoignage de leurs batailles. Quatre ans plus tard, ma blessure est toujours là et ma souffrance physique quotidienne. Je ne pense pas m’en débarrasser un jour. Lorsque mon nerf me lance, j’ai le sentiment que ma jambe coupée est toujours là et que c’est elle qui me fait souffrir. Les médecins appellent cela « le membre fantôme ». Je serre les dents, je me plie en deux sous la douleur et j’attends que la souffrance passe. Ce fantôme va et vient plusieurs fois par jour et apparaît sans prévenir. Avec le temps, j’apprends à vivre avec lui. Cela fait partie de mon sacrifice. Je ne m’en plains pas et je ne regrette rien.

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Photo © Bruno Pasdeloup

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

10/03/2014

« De l’Algérie à l’Afghanistan – Après Tazalt, avons-nous pacifié Tagab ? », LCL Bernard Gaillot, 13e BCA. Ed. Nuvis

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Illustrations : montage de photos d’Algérie (© leurs auteurs) et d’Afghanistan, ces dernières issues de la collection de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

« Pacifier et occuper fortement le territoire par la méthode de la tâche d’huile. Combiner l’action politique et militaire pour prendre possession du pays. Entrer sans délai en contact intime avec les populations. Connaître leur tendance, leur état d’esprit et satisfaire leur besoin pour les attacher, par la persuasion, aux institutions nouvelles »

Le Général Gallieni à ses troupes à Madagascar, 1896-1905

 

 

Le « Bledard » de 1959 et « l’Afghaner » de 2009 ont-ils eu le sentiment d’écrire l’histoire ? On peut en douter : bien « d’autres chats à fouetter » alors qu’ils étaient au contact sur le terrain. Ou alors, peut-être une impression fugace dans le bateau, en voyant s’éloigner Alger la blanche ? Dans l’hélicoptère en jetant un dernier regard vers Tagab ?

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Et pourtant, l’histoire sans guerriers gaulois, cavaliers francs, preux chevaliers, grognards, poilus, résistants,  est un non-sens, n’est-ce-pas ? 

Vous nous savez très attachés aux récits autobiographiques et autres journaux de marche. Mais en hommage à ces hommes qui ont fait, font et feront l’histoire, ouvrons aujourd’hui nos colonnes à un livre original mais particulièrement pertinent qui mêle histoire justement, stratégie et action : « De l’Algérie à l’Afghanistan – Après Tazalt, avons-nous pacifié Tagab ? », du LCL Bernard Gaillot. Un parallèle entre deux guerres qui a le mérite de nous faire « prendre de la hauteur » en abordant des thèmes dont nous avons beaucoup entendu parler : « pacification », « conquête des cœurs et des esprits »... Mais attention, si le LCL Gaillot est bel et bien un historien diplômé, c’est avant tout un soldat, homme de terrain, officier renseignement au sein du GTIA « Black Rock » de novembre 2009 à juin 2010, alors qu’il était Chef de Bataillon au 13e BCA. 

Résumer un tel livre est illusoire, puisqu’il aborde en profondeur de nombreux aspects des deux guerres. Nous nous contenterons donc de quelques extraits, pouvant s’apparenter à des conclusions thématiques.

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Les « Afghaners » sur les traces des « Bledards »

La population française n’a pas bien compris quels étaient les intérêts pour le pays de s’engager dans cette campagne afghane. Contrairement à l’Algérie, la France n’avait pas de lien historique fort avec l’Afghanistan (…) pays très éloigné de la France, avec lequel les échanges économiques demeuraient faibles, dont la population ne parlait pas français et demeurait fortement marquée religieusement et culturellement par l’Islam. De même il n’existait pas dans ce pays de diaspora française (un million d’Occidentaux vivaient en Algérie au début de la guerre) qui aurait eu intérêt à ce que le pays se stabilise. Enfin la menace représentée par les Talibans ne semblait pas aussi directe pour les Français que celle que représentait le FLN en Algérie.

 

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IED en Algérie et Afghanistan (photo de gauche R. Crespel © La Voix du Nord)

Tout un chacun en âge de servir sous les drapeaux peut être envoyé pacifier l’Algérie. La population française en sera d’autant plus touchée que le nombre des soldats projetés augmentera de manière exponentielle [atteignant] 450 000 fin 1957 alors que le service militaire passait à 27 mois […] Le 18 mai 1956 à Palestro, des combattants de l’ALN [Armée de Libération Nationale algérienne] ont massacré 19 appelés tombés dans une embuscade. Les images du massacre furent largement diffusées et provoquèrent un véritable choc parmi cette population métropolitaine qui prenait conscience de l’horreur de cette guerre, mais aussi du fait que leurs proches pouvaient mourir de la sorte. [En Afghanistan] le pourcentage de soldats projetés par rapport à la population française totale (4000 pour 65 millions) est resté assez faible. Qui plus est, l’armée est maintenant professionnalisée et beaucoup [trop, ndlr] de Français considèrent que « ça fait partie des risques du métier que d’être blessé ou tué à la guerre… ». Le 18 août 2008, dans la vallée d'Uzbeen, des Talibans ont massacré 10 engagés tombés dans une embuscade. Les Français prennent alors conscience que si leur pays ne fait pas la guerre contre les Afghans, leurs soldats sont amenés à remplir des missions de guerre complexes et dangereuses.

 

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A gauche photo © M. Flament - A droite : l’auteur avant un vol Nijrab-Tagab

En dehors de quelques manifestations de sympathie lors des événements tragiques qui ont contribué à faire prendre conscience à tous que les soldats français étaient particulièrement exposés en Afghanistan, l’armée française n’a pas senti d’engouement ou même de soutien particulier pendant cette campagne de pacification. Contrairement au « Bledard » soutenu par la majorité des Français parce qu’il œuvrait directement pour la sécurité et les intérêts du pays, « l'Afghaner » menait sa mission en Afghanistan dans la quasi indifférence que quelques manifestations ponctuelles de sympathie venaient rompre.

 

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Artillerie 1959 vs 2009

L’armée en Algérie avait des raisons toutes particulières de s’engager avec détermination dans le conflit. Venger l’affront des défaites récentes [Campagne de 40 et Indochine], retrouver son honneur après avoir le sentiment de l’avoir perdu en abandonnant les Indochinois, prouver à la population française qu’elle était capable de mener à bien les missions confiées par la nation. En Afghanistan l’armée n’était pas mue par de tels ressentiments, elle avait pour objectif beaucoup plus commun pour l'institution militaire de remplir avec professionnalisme et courage les missions complexes et dangereuses qui lui étaient confiées.

 

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En Algérie, la France combattait seule, avait déployé des moyens considérables pour parvenir à ses fins (…). En Afghanistan,  [elle agissait] au sein d’une coalition otanienne largement dominée par les Américains  qui imposaient outre leur effectif bien supérieur à celui  de la somme toutes les nations formant la coalition, leur commandement mais aussi leur langue et leurs choix stratégiques.  L’armée française n’a donc que rarement pu opter pour ses propres choix stratégiques alors qu’elle aurait pu s’appuyer sur sa grande expérience acquise lors des campagnes de pacification qui jalonnent son histoire. C'est après sept ans d'engagement en Afghanistan  que les Américains se sont reportés aux enseignements tirés de la guerre d'Algérie par des officiers français tels que Galula ou Trinquier  pour changer de stratégie et s'engager progressivement vers une approche plus centrée sur les populations.

 

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A droite : inspection du GTIA à Tagab par le CEMA de l’époque, le général Georgelin (préface du livre)

En octroyant les pleins pouvoirs politiques au Général Massu pendant la campagne d’Alger, le gouvernement donnait un signal fort de sa volonté de totalement impliquer l’armée dans l’œuvre de pacification algérienne (…). Il n’en a pas été de même en Afghanistan où l’armée avait un rôle politique plus  limité : soutenir les institutions politiques locales.

 

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A gauche : SAS en Algérie ; à droite : distribution de stylos par les SEO en Afghanistan

En Algérie, les soldats ne se sont pas limités à combattre les fellaghas (…) Le pouvoir politique leur a demandé de s’impliquer beaucoup plus humainement afin de parvenir à reconquérir les esprits et surtout les cœurs des Algériens en remplissant des tâches multiples qui étaient bien éloignées de leur mission première : combattre (…) En Afghanistan aussi, la mission du GTIA et donc par extension du soldat français comportait un volet humain important qui devait participer à convaincre la population locale de choisir la paix proposée par leur gouvernement  en menant principalement des opérations d'influence (contact avec la population, reconstruction du pays) (…) Ainsi, imitant  les « Bledards algériens », les soldats en Afghanistan se transformèrent à leur manière en bâtisseurs, agriculteurs, conseillers pour la reconstruction, réconciliateurs, médecins pour la population, instructeurs de l’armée ou des policiers afghans et diffuseur des messages de la coalition.

 

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A gauche : Bledards, photo Y-G Berges, © ECPAD. A droite : Chasseurs au contact 

En Afghanistan comme en Algérie, les soldats français ont mené des opérations militaires de petite, moyenne ou de grande envergure, visant à prendre l’initiative sur les insurgés dans des zones difficiles d’accès et à les faire renoncer de commettre leurs exactions contre la population ou contre les soldats français. Ces démonstrations de force étaient régulièrement couronnées de succès et outre la déstabilisation des insurgés, elles provoquaient aussi un changement d’attitude de la population, sensible à la victoire du plus fort.

 

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Contrôle des populations. Photo de gauche © IMA 

La population locale constitue le centre de gravité de toute campagne de pacification. Ainsi, que ce soit en Algérie ou en Afghanistan, la mission première des pacificateurs était de conquérir la confiance de la population autochtone pour la faire adhérer à l’Algérie française ou au gouvernement  légal de l'Afghanistan et à ses représentants dans les vallées. Si en Algérie, les soldats français, de par leur investissement et les liens historiques qui rapprochaient les Algériens à leur pays la France (l'Algérie représentait trois départements français), ont parfaitement réussi à isoler les fellaghas en ramenant une très grande majorité de la population dans le giron français, en Afghanistan, cette tâche était beaucoup moins aisée (…) La population de la Kapisa ou de la Surobi n’avait aucun a priori favorable pour les Français qui étaient présentés par les insurgés comme des infidèles puisque chrétiens et comme des occupants puisque, après les Perses, les Anglais ou les Russes, ils occupaient le pays et imposaient leur vision des choses.

 

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A gauche : Saïdaen 1959, © Claude Sabourin ; à droite : l’EM de Black Rock lors d’un rare moment de détente, après la passation des consignes au 21° RIMA  – 1er à partir de la gauche : l’auteur.

La guerre d’Algérie a profondément marqué dans la durée l’Armée française qui en est ressortie certes aguerrie et modernisée mais aussi profondément meurtrie et divisée. La campagne en Afghanistan a contribué à faire progresser une armée qui a pu expérimenter et faire progresser ses matériels les plus modernes, a pu redécouvrir les valeurs du combat interarmes voire interarmées ou interalliés, a pu prouver que ses chefs et ses soldats restaient réactifs et valeureux au combat, comme l’ont été leurs grands anciens.

 

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6e BCA en Kabylie © ECPAD. CNE Thomas et le SGTIA Raven à Tagab en Kapisa 

 

Algérie, épilogue complexe

Le 19 mars 1962, les accords d’Evian octroient l’indépendance à l’Algérie.

Il faut penser à l’amertume des soldats qui, obéissant à des gouvernements successifs, ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Cadres d’active et militaires du contingent se sont donnés entièrement dans ces missions de guerre et de pacification (…) Pour ma part, comme je l’avais dit en rentrant d’Extrême-Orient pour qualifier ce que je venais de vivre en Indochine, une fois de plus sur le bateau qui me ramenait vers la France avec le 15e BCA et voyant disparaître peu à peu la cité blanche d’Alger, à nos officiers aux yeux embués de larmes, j’ai dit : « Quel gâchis. ».

Le COL Desroche aux  membres de l’Association des Anciens Combattants d’AFN, Chambéry, 11.3.2009

 

Évoquer l’œuvre de pacification entreprise en Kabylie représente une tâche douloureuse (…) Mais tous ceux que je rencontre encore aujourd’hui ont gardé un sentiment d’enthousiasme et de fierté qui n’a pas été altéré par le cours de l’histoire (…) Nous nous rappelons en effet que cette œuvre de pacification réussie avait été rendue possible grâce à l’adhésion totale des cadres et des hommes, engagés et appelés, chacun ayant eu à cœur d’apporter sa pierre à l’édifice.

GAL Vouillemin, commandant d’unité de la 2e Cie du 7e BCA, 1958-1961

 

« Monsieur le président, j’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan. J’ai choisi la discipline, j’ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la nation française, la honte de l’abandon. Celui et ceux qui n’ont pu supporter cette honte se sont révoltés contre elle. L’Histoire dira peut-être que leur crime fut moins grand que le nôtre ».

Général de Pouilly déposant au procès du Général Salan.

 

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Chasseurs en Algérie et Afghanistan : contact établi avec la jeunesse

 

Afghanistan, épilogue ?

Les soldats en Afghanistan ont rempli la mission qui leur était confiée et ont grandement participé à ce que la France reparte la tête haute de cette campagne de pacification complexe et dangereuse. Ils ont été les acteurs de la mission réussie d’une armée française, qui est parvenue en Kapisa et en Surobi, non pas à neutraliser tous les insurgés, ce qui n’était pas leur mission, mais à les cloisonner, à redonner une part de liberté à la population et à permettre aux institutions locales, et en particulier à l’armée et à la police afghanes, de gagner en efficacité et en autonomie. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.

LCL Bernard Gaillot

 * * *

 

photo Bernard Gaillot.jpgIssu de l’EMIA (promotion Schaffar 95-97), le LCL Bernard Gaillot a passé l’essentiel de sa carrière dans les troupes alpines. En 2006-2009, il commande une Cie de l’ESM de Saint-Cyr (promotion Segrétain 2006-2009). Réintégrant le 13e BCA en 2009, il est déployé en Afghanistan, comme officier renseignement au sein du GTIA « Black Rock » de novembre 2009 à juin 2010. Parallèlement, le LCL Gaillot se passionne pour la guerre d’Algérie et en devient l’un des spécialistes, en faisant le sujet de son mémoire de DEA, qu’il soutient à la Sorbonne en 1997. 

Le LCL Gaillot est désormais rattaché à l’état-major de l’OTAN à Mons.  Il intervient ponctuellement dans le cadre de conférences sur son livre, en ouvrant sur les enseignements qu'il tire de cette comparaison originale entre les deux conflits, mais aussi sur les leçons apprises en Afghanistan sur le commandement des hommes en situation extrême, qu'il compare au management en situation de crise dans les entreprises.

Il s’appuie aussi sur son expérience de chef au combat et d'instructeur à Saint-Cyr pour prodiguer des formations au management à des équipes dirigeantes d'entreprise ou à des étudiants de grandes écoles, dans le cadre du nouveau partenariat entre le fond de dotation Saint-Cyr Formation Continue (SCYFCO) et le Ministère de la Défense. 

Bernard est marié et fier papa de 6 enfants.

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L’auteur (à droite) intervenant dans un stage SCYFCO : une armée qui s'ouvre  en partageant son expérience du management en situation de crise aux dirigeants d’entreprise.

 ***

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Le Groupement Tactique Interarmes « Black Rock », déployé en 2009-2010 en Kapisa, commandé par le Colonel  Vincent Pons, chef de corps du 13e BCA, était composé principalement de 550 Chasseurs alpins du 13, 60 artilleurs de montagne du 93e RAM, 70 cavaliers de cimes du 4e RCh, 70 sapeurs Légionnaires du 2e REG ainsi que 150 Gendarmes de Saint-Quentin. 

« Sans peur et sans reproche »

Devise du 13e BCA et du GTIA Black Rock

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Prix : 25,65 € (éditeur) - ISBN 978-2-36367-055 –Format 23,8 x 15,4 - 236 pages

 

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Aux éditions Nuvis - Livre disponible ici

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Hommage

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Monument aux morts du 13e BCA, inauguré en 2013

Au Major Franck Bouzet, 13e BCA, mort pour la France en Afghanistan,

A l’Adjudant-Chef Laurent Pican, 13e BCA, mort pour la France en Afghanistan,

Au Caporal Enguerrand Libaert, 13e BCA, GTIA Black Rock, mort pour la France en Afghanistan, 

Le MAJ Bouzet et l’ADC Pican étaient respectivement l’adjoint et le radio du LCL Gaillot à la section URH 13e BCA entre 1999 et 2002.

A tous les Bledards morts pour la France,

A tous les Afghaners morts pour la France,

Aux blessés.

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« Il offre sa poitrine à son destin glorieux,

Il présente au soleil son haut front lumineux,

Et le vent en rafale a balayé ses yeux,

Les tirs ont ricoché sur son cœur généreux.

Un soldat est tombé, illuminant les cieux,

Et offrant à l’air pur son sourire radieux,

Recouvrant son regard d’un voile ténébreux,

Il est mort au combat mais il était heureux. »

Poème de Mme Sylviane Pons, épouse du chef de corps du 13e BCA, en hommage à Enguerrand Libaert

 

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Le LCL Bernard Gaillot et le COL Vincent Pons arborant le drapeau savoyard au-dessus de Tagab

En 1959, les "Bledards" avaient vaincu militairement l’ALN et vaincu politiquement le FLN. On peut donc se poser légitimement les questions suivantes : comment cette double victoire tactique de l’armée n’a-t-elle pu être transformée en victoire stratégique et diplomatique ? Comment une armée victorieuse peut-elle réagir si elle est dépossédée de sa victoire par le pouvoir politique qui analyse différemment la situation ?

LCL Bernard Gaillot

 

Les insurgés arrivent à gagner des guerres en perdant des batailles. Dans ces conditions, la défaite du vainqueur est possible.

Sylvain Tesson, « Haute Tension  - Des Chasseurs Alpins en Afghanistan »

 

 

 

 

 

 

16/02/2014

"Task Force Tiger", COL Nicolas Le Nen, 27e BCA. Ed. Economica

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos de Thomas Goisque. Tous droits réservés.

 

 

+ A la mémoire du Caporal-Chef Nicolas Belda, 27e BCA, seigneur de la vallée d’Alasay +

 

 

L'esprit chasseur ?

Mais c'est justement ce qu'en d'autres termes j'ai toujours prôné.

C'est d'abord l'esprit d'équipe, de mon équipe.

C'est la rapidité dans l'exécution des gens qui « pigent » et qui « galopent ».

C'est l'allant, c'est l'allure, c'est le chic.

C'est pour les chefs le sens social dans le commandement, c'est l'accueil aimable.

C'est servir avec le sourire, la discipline qui vient du cœur.

C'est le dévouement absolu qui sait aller, lorsqu'il le faut, jusqu'au sacrifice total.

 

Maréchal Lyautey

 

 

 

Le peuple de France a-t-il un problème avec ses victoires militaires ? Voici un bon sujet pour le bac de philo. Nous ne nous lancerons pas dans une thèse/antithèse/synthèse, mais posons-nous une question  simple, ou plutôt, posons-la aux personnes qui nous entourent : « Pouvez-vous citer une bataille en Afghanistan ? ». Nous parions que la majorité répondra « Uzbin ». Et c’est bien normal. Le traumatisme a été grand, la médiatisation forcément importante. Mais combien répondront « Alasay » ? Peu d’échos dans les 20 heures, vous en conviendrez. Et pourquoi ? Parce que c’est une victoire ?

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Eh bien, grâce à « Task Force Tiger » du Colonel Nicolas Le Nen, parlons d’Alasay ! Parlons de cette brillante victoire, due à la valeur de tous les hommes et les femmes du GTIA Tiger, avec à leur tête le colonel, chef de corps du 27e BCA.

Avec cette lecture, suivons au pas Chasseur l’entrainement en France, la stratégie envisagée pour conquérir le sanctuaire taliban inviolé, la mise en place du dispositif opérationnel, l’assaut.

N’oublions pas les victoires de nos troupes. N’oublions pas Alasay. Un « Uzbin » pour les talibans. Un parmi tant d’autres…

 

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Défilé du 14 juillet 2009, le Colonel Le Nen à la tête du 27e BCA. Photo armyrecognition.com

Ils sont heureux, ils y croient, ils ont la pêche. Plus que jamais, je suis heureux d’être parmi eux, je mesure la chance d’être soldat et d’être leur chef. Ces soldats, ces sous-officiers et ces officiers sont des hommes et des femmes d’un dévouement sans bornes. Je sais qu’ils me font une confiance totale, qu’ils me suivront partout. Je n’aurai pas le droit de les décevoir ; ni de me tromper dans les opérations qui nous attendent en Afghanistan. C’est vraiment là qu’est ma responsabilité, mon devoir de chef : être à la hauteur de ce qu’attendent mes subordonnés et ne pas gaspiller la vie et le dévouement de ces hommes et de ces femmes d’exception qui m’ont été confiés.

Ensemble, nous surmonterons les épreuves qui nous attendent, ensemble nous vaincrons nos ennemis, ensemble nous serons au rendez-vous que l’histoire nous a fixé.

Avant le déploiement du GTIA

  

La conquête de la vallée d’Alasay

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Le COL Le Nen en Kapisa

Les vallées d’Alasay et de Bédraou, qui sont situées au centre de la zone d’opérations du bataillon, constituent le centre de gravité du dispositif de notre ennemi à parti duquel il rayonne vers les autres vallées. Si nous parvenons à contrôler ces deux vallées et notamment la première, alors nous aurons fait un pas significatif dans le contrôle de la province. La guerre que nous menons ici est avant tout une guerre d’influence. Pour supplanter l’influence des rebelles, il faut que nous réimplantions, dans les zones où ils font régner leurs propres lois, les premiers relais de l’influence du gouvernement afghan que sont ses forces de sécurité et notamment leur armée (…) La conquête du fond de cette vallée sera une entreprise difficile mais elle est nécessaire pour que l’insurrection recule en Kapisa.

 

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Débarquement d’une section du 27e BCA sur les hauts d’Alasay

A 3h00 du matin, l’opération Dinner out commence. Les quatre compagnies du 1er Kandak s’engagent dans la vallée d’Alasay par la piste sud Hurricane. Elles sont appuyées par la compagnie de Minguet qui a intercalé ses sections entre les trois compagnies de tête afghanes. Dans le même temps, les sections de Gruet embarquent dans les quatre Chinook qui vont les héliporter sur les crêtes sud et est de la vallée. Au total, ce sont huit cents soldats français et afghans qui partent à la conquête de la vallée dans laquelle nous savons maintenant que deux cents insurgés environ se sont retranchés.

 

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Chasseurs du 27e en Kapisa

L’ennemi tente de s’imbriquer entre les deux sections pour limiter l’emploi de nos appuis mais les Chasseurs résistent et font feu de tout bois. [Les sections] Vert 20 et Vert 30 n’ont jamais aussi bien porté le surnom de leur compagnie : Boule de feu. Les attaques ennemies sont repoussées grâce à un appui feu air-sol et sol-sol massif. J’ordonne à la patrouille de F 15-E qui nous appuie de tirer une bombe d’une tonne sur une grotte dans laquelle des insurgés sont retranchés. Je veux que l’ennemi sache que nous ne lâcherons pas le terrain. La guerre est avant tout un affrontement des volontés a écrit Clausewitz. La puissance des armes que nous employons est aussi une manifestation de notre détermination à aller au bout de notre mission.

 

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COL Nicolas Le Nen en Afghanistan

« On n’abandonne pas nos morts » j’annonce à la radio. Il est important que tous sachent qu’en dépit de la mort de l’un des nôtres, nous ne relâcherons pas nos efforts et nous irons au bout de ces combats. Renoncer maintenant n’aurait aucun sens. Ce serait faire de la mort de notre camarade un sacrifice inutile. Mon rôle n’est pas uniquement de concevoir et de conduire des opérations. Le chef au combat n’est pas qu’un simple tacticien, froid et sans âme. Je suis aussi le garant moral de mes soldats. Dans les moments difficiles que nous sommes en train de traverser, je veux qu’ils entendent le son de ma voix, je veux qu’ils soient sûrs que je garde la tête froide et que je contrôle la situation. Nous sommes solidement installés au fond de la vallée d’Alasay et sur les crêtes du Gala Kuhe, notre puissance de feu est supérieure à celle de l’ennemi. Je suis intimement persuadé que, pour lui, la partie est déjà perdue. Ses assauts successifs seront irrémédiablement repoussés par Jonquille et par Vert. Comme à Na San, il y a plus de soixante ans, les talibans se casseront les dents sur nos môles de résistance.

 

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Au contact dans la vallée d’Alasay

Les Chasseurs de [la section] Jonquille repartent au combat et déjà l’ennemi commence à décrocher vers l’est. Il est 19 h 00 et après douze heures de combats ininterrompus, nous sommes enfin maîtres de la vallée d’Alasay. Sur la crête du Karat Kuhe, les Chasseurs d’Allègre de la Soujeole et de Bouaouiche ont à nouveau repoussé les vagues d’assaut ennemies. Ils ont été fidèles à l’esprit combatif qui a forgé la légende des Diables bleus de la Première Guerre mondiale. Fidèle aussi à l’esprit chasseur, le lieutenant Allègre de la Soujeole, au plus fort des combats de l’après-midi, a fait hisser un drapeau français sur sa position, geste de défiance lancé à la face des insurgés.

 

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Chasseurs du 27e en Kapisa

La vallée est conquise. Immédiatement, deux bases avancées sont construites, devant accueillir l’armée afghane.

Je débarque de mon VAB devant la prison où la pelle mécanique de l’ANA [Armée Nationale Afghane] remplit inlassablement les bastion walls. Je retrouve le Colonel Hussein [commandant le 1er Kandak de l’ANA] et Lieutenant-Colonel Sean Wester [chef de l’équipe américaine encadrant le Kandak].

- "Abdul, tu es devenu le seigneur de la vallée d’Alasay", lui dis-je en lui tendant la main. Il la prend chaleureusement comme si nous allions faire un bras de fer, signe de notre fraternité d’armes.

- "Ce sont nos soldats qui sont les seigneurs d’Alasay", me répond-t-il.

- "Tu as raisons Abdul, ce sont eux les seigneurs de la vallée".

 

***

Le Nen 0.jpgNicolas Le Nen intègre Saint-Cyr en 1986. Après un cursus à l’Ecole d’Application de l’Infanterie de Montpellier, il opte pour les troupes de montagne et rejoint le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins d’Annecy. Après un passage au CPIS (DGSE) comme commandant d’unité, il sert au sein de l’Etat-Major de l’Armée de Terre. En 2007 il revient au 27e BCA comme chef de corps. De décembre 2008 à juin 2009, il commande le GTIA « Tiger » en Kapisa, composé de Chasseurs alpins du 27e BCA, Cavaliers Chasseurs du 4e RC, Dragons Paras du 13e RDP, Sapeurs Légionnaires du 2e REG, Artilleurs de Montagne du 93e RAM, Traqueurs d’ondes du 54e RT et Transmetteurs du 28e RT. Son mandat en Afghanistan est marqué par la victoire d’Alasay [opération Dinner out]. Il dirige désormais le Service Action de la DGSE.

Le colonel Le Nen est officier de la Légion d'honneur, titulaires des Croix de la Valeur militaire, Croix du combattant, Médaille d'Outre-Mer, Médaille de la Défense nationale échelon or, Médaille commémorative française, médaille de la Force de protection des Nations Unies (ONU), médaille des opérations au Kosovo (OTAN), médaille de la SFOR (OTAN) ainsi que de la médaille de la Jeunesse et des Sports. Pour son action en Afghanistan, il a reçu la Bronze Star américaine.

 

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Prix : 15€ - ISBN 978-2-7178-5853-2 – Format 15,5x 24 – 128 pages

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Aux éditions Economica. 

Pour vous procurer le livre, voir ici.

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Le Colonel Le Nen est également l’auteur de plusieurs livres traitant de stratégie militaire, coécrits avec les Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Joseph Givre et Emmanuel Germain.

"Enjeux de guerre", coécrit avec le COL Givre, a reçu le prix "Edmond Fréville-Pierre Messmer" de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. 

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Enfin, citons un roman : « Le vent d’Alasay » de Michel Sègre. Nous avons eu la chance de rencontrer cet auteur « masqué » et confirmons (avec son aval) qu’il est très au fait de la conquête de la vallée d’Alasay… (un dessin ?).

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Avec le COL Le Nen au Salon du Livre et au Salon des Écrivains Combattants 2013 - photos Natachenka

 

Le Colonel Le Nen et les hommes du GTIA Tiger en « live ». Reportage de Géraud Burin des Roziers pour Zone Interdite, M6.

 

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Hommage 

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Au Caporal-Chef Nicolas Belda, 27e BCA, mort pour la France pendant la bataille d’Alasay,

Aux Chasseurs morts pour la France en Afghanistan

ADC Franck Bouzet, 13e BCA

ADJ Laurent Pican, 13e BCA

1CL Enguerrand Libaert, 13e BCA

1CL Clément Chamarier, 27e BCA

A tous les Chasseurs morts pour la France,

Aux blessés.

 

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Une infirmière et des membres du Groupement de Commandos Montagne

Qui a dit que notre jeunesse était désabusée ? Il suffit de voir avec quelle volonté, avec quelle hargne, avec quelle envie de se dépasser tous ces soldats se donnent, pour comprendre que les jeunes de ce pays ont autant de foi dans l’avenir que leurs aînés. Il suffit simplement de leur fixer des objectifs, de leur proposer des entreprises ambitieuses, de leur lancer des défis à la mesure de leur amour de la vie et de l’idéalisme de leur âge.

 

Colonel Nicolas Le Nen

 

 

 

 

 

Récit autobiographique, journal de marche Afghanistan, 27e Bataillon de Chasseurs Alpins, GTIA Tiger 

12/02/2014

"Aito - Guerriers du Pacifique", film-reportage de Sébastien Joly

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‘Aito, film-reportage de Sébastien Joly, tourné en 2011 en Afghanistan et abordant la vie de nos soldats polynésiens et des Tringlots du 511e RT, est disponible à la vente.

Edition collector, 511 exemplaires numérotés.

Inclus dans le DVD: le film d'1H30, la bande annonce, photos de tournage (Afghanistan & France).

Nous avons présenté le projet ici.

Ne vous privez pas de ce témoignage remarquable. 

Prix 25 €.

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A commander sur le site de Sébastien ici, parmi de nombreux beaux objets "lookés" 'Aito, mugs, chevalières, t-shirts, patchs, drapeaux des TOM... Tout cela est fort joli.

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21/01/2014

« Mon Afghanistan », LCL Steve Jourdain, R22eR, Québec, Armée Canadienne. Athena Editions

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et d'Athéna Editions. Tous droits réservés.

 

 

 

Ils ne vieilliront pas comme nous qui leur avons survécu,

Ils ne connaîtront jamais l’outrage ni le poids des années,

Quand viendra l’heure du crépuscule et celle de l’aurore,

Nous nous souviendrons d’eux.

 

Laurence Binyon , poète britannique

« Pour ceux morts au champ d’honneur »

 

 

 

Lorsque nous avons débuté ce blog, nous n’avions aucune autre ambition que d’apporter notre soutien aux soldats-auteurs et, à travers eux, à l’ensemble de nos troupes. Peu importait le taux d’audience que nous aurions. Nous considérions comme un devoir de lutter avec les seules armes en notre possession, des mots,  contre une certaine indifférence de nos compatriotes envers les militaires et leurs sacrifices. Nous voulions par-dessus tout lutter contre l’oubli. L’oubli de ces hommes et femmes qui donnent tant pour nous tous, voire qui donnent tout. Nous voulions dire haut et fort : « Nous, nous n’oublions pas ! Nous, nous nous souvenons ! »

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A cette époque, nous ne connaissions pas - ou alors était-ce inconscient - cette belle devise du Québec : « Je me souviens ». Nous ne savions pas qu’elle avait été reprise par le Royal 22e Régiment, seul régiment francophone d’active de l’Armée canadienne. Nous n’avions jamais entendu parler du Lieutenant-Colonel Steve Jourdain, pourtant frère d’armes, vétéran d’Afghanistan. Nous ne pouvions imaginer qu’un jour, il entrerait dans nos vies par la grande porte de la communion d’esprit et validerait notre démarche en nous disant : « Quelle belle façon d’aider à pouvoir dire « Je me souviens » »

Mais pour se souvenir, encore faut-il savoir et comprendre. Les Français ont eu cette chance grâce aux Barthe, Douady, Erbland, Redin, Le Nen, Scheffler, Kalka et tous les autres « Afghaners ». Voici venu le tour des Québécois.  Et ils ne pouvaient espérer meilleur porte-parole que Steve  et son récit, « Mon Afghanistan ».

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« Lorsque je repense à mon monde resté à l’arrière, c’est un peu irréel. J’ai l’impression que nous sommes à des années lumières. Je me demande si je serai capable d’expliquer comment ça se passe ici. Je me demande si je pourrai vraiment expliquer ce qu’est Mon Afghanistan. »

Steve,  tu as fait mieux que d’expliquer « Mon Afghanistan ». Tu nous l’as fait vivre.

 

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Steve et ses hommes, entraînement pré-déploiement au Texas.

Je pense aux opérations de combat qui nous attendent. Comment cela va-t-il se passer ? Comment les boys vont-ils se comporter, lors du premier contact, lors du premier coup dur, lorsque nous perdrons un frère d’armes ? Comment est-ce que je vais réagir ? Vais-je trouver les mots ? Vais-je trouver la force nécessaire pour les motiver à continuer ?

 

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Policiers afghans collaborant avec le R22eR

J’apprends que l’équipe de policiers afghans avec qui nous avons fait notre première opération, il y a quelques jours seulement, a heurté un IED. L’explosion a été dévastatrice. Le Ford Ranger dans lequel prenaient place les policiers a été complètement pulvérisé. Deux policiers sont morts instantanément. Un officier canadien, le Capitaine Dave Lacombe, se trouvait à proximité de l’incident, à peine à 20 mètres de l’explosion. Il a été chanceux. Très chanceux. La jambe pulvérisée d’une des victimes est venue le frapper en pleine poitrine.

 

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Le soir venu, je reste de longues minutes à regarder la voie lactée, claire comme je ne l’ai jamais vue nulle part ailleurs. Je prends quelques moments de réflexion dans l’obscurité de la base de patrouille et j’en appelle à la bonne étoile de Sperwan. A partir de demain, elle sera grandement mise à contribution.

  

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Explosion d’un IED lors d’un convoi du R22eR

« 9 ici 2-9, IED strike. Attendez. Terminé ». Le même sentiment de colère m’envahit chaque fois que j’entends ce message, plein de conséquence. Cela ne fait même pas une heure que nous sommes partis. C’est encore une remorque de l’équipe d’ingénieurs [sapeurs] responsable de nettoyer la route qui a explosé.

[quelques minutes plus tard]

On venait à peine de repartir lorsqu’un autre appel « IED strike ! » retentit. C’est un « Câlisse de tabarnak ! » qui sort de ma bouche. Un VBL est touché, heureusement sans conséquence.

[quelques minutes plus tard]

J’espérais bien que l’IED que nous avons frappé soit le dernier. Je suis ramené à la réalité par une forte explosion complètement à l’avant du convoi, à près de 5km de ma position. C’est le tout premier véhicule, un char d’assaut équipé de rouleau de déminage qui vient d’être frappé.

 

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Steve en patrouille

Les insurgés continuent d’engager furieusement le peloton de Vincent, déterminés à atteindre un soldat.   Ils réussissent… en partie. Alors qu’il changeait de position, le Caporal Boisvert est frappé au dos, directement sur sa plaque de protection de sa veste balistique. Projeté au sol, il se relève sans trop savoir ce qui vient de se passer.

 

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+ Major [CDT] Yannick Pépin 5e RGC, 6.9.2009. Steve, premier porteur droit.

Ils sont tous présents, assis dans le salon commun à discuter, à tenter de trouver un sens à ce qui vient de se passer, au cours de cette journée qui marquera ceux qui étaient là, qui ont tout vu. On se serre les uns les autres ; on se réconforte entre frères d’armes. C’est tout ce que l’on peut faire.

 

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Soldat Jonathan Couturier, R22eR, + 17.9.2009

J’avais appris à connaître Jonathan autour de la table de poker et un peu plus au cours de la dernière semaine. Nous avions parlé de probabilités. Je lui expliquais qu’avec une paire d’as, la meilleure  main au poker, un joueur à 83% de chances de gagner. Mais parfois, un joueur peut perdre avec cette meilleure main.

Même si l’opération avait été bien planifiée, même si nous avons pris toutes les précautions, le résultat final restait. Nous avons perdu l’un des nôtres.

Nous avons trop souvent perdu avec la meilleure main.

 

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Soleil couchant sur la base de Sperwan Ghar. Une page se tourne

Le peloton d’Alex monte dans l’hélicoptère, suivi des membres du PC. Je ferme la marche avec Hugo et l’Adjudant-Maître, une dernière fois. Le gros chinook s’élève dans un nuage de poussière et coupe abruptement vers le sud, puis vers l’est en direction de KAF. Par la rampe arrière de l’appareil, je vois le soleil qui descend à l’horizon. La fin du jour ajoute à la symbolique du moment. La base de patrouille de Sperwan Ghar, la citadelle des Cobra au cours des sept derniers mois, disparaît au loin et s’efface elle aussi. C’est bien fini. Une page de « Mon Afghanistan » se tourne.

***

Une page se tourne et une seulement. Mon Afghanistan : des pages et des pages à tourner, pour l’éternité.

Vous l’avez compris, Steve et ses hommes ont vécu des moments très durs. Bien sûr, les blessures de nos valeureux soldats québécois, des familles de la Belle-Province qui ont perdu un proche, vont se refermer, petit à petit. Nous l’espérons pour chacun d’entre eux. Resteront  les cicatrices, qu’ils devront désormais contempler avec la fierté du devoir accompli. Mais pour cela, ils ont besoin de notre aide, la même que celle que apportons déjà à nos propres soldats. C’est un devoir qui nous incombe ; pas seulement un devoir de Canadien. Ce sont nos cousins, nos frères d’armes, nos frères tout court. Et cette aide, elle n’est pas bien difficile à apporter : il vous suffit de leur dire « merci » et « je me souviens ».

Nous savons que nous pouvons compter sur vous.

 

***

1186736_10151647039976634_985190839_n.jpgSteve Jourdain est né à Shawinigan en Mauricie. Il est diplômé du Collège Militaire Royal du Canada. En 1996, il rejoint le Royal 22e Regiment de Valcartier, seul régiment d’active francophone de l’armée de terre canadienne. En 2009, alors Major [CDT], il est déployé en Afghanistan dans la région de Kandahar. Il commande la compagnie C « Cobra » du Groupement Tactique (GT) R22 eR,  basée à Sperwan Ghar, camp bâti par les Soviétiques autour d’une impressionnante « bute » de terre artificielle. Pendant cette campagne de 7 mois, menée avec bravoure, 12 des frères d’armes de Steve mourront au combat.

 

Steve est désormais Lieutenant-Colonel, commandant le 3e Bataillon Royal 22e Regiment. Grand sportif, il s'est bien remis d'un grave accident de parachutisme survenu 6 semaines avant sa prise de commandement. Il est marié à Claudine, à laquelle nous pensons avec affection - elle aussi est partie prenante de « Mon Afghanistan » - et fier papa de Karyanne et Jacob.

 

 

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 « Je me souviens »

 

Devise du Québec

Devise du Royal 22e Régiment

 

Je me souviens être tombé par hasard sur « Mon Afghanistan », une bonne bouille souriante sur la couverture, un treillis… canadien.

 

Je me souviens de ma recherche sur le Net : livre épuisé… livre épuisé… livre épuisé…

Je me souviens d’un appel de l’étranger, d’avoir décroché mon téléphone pour entendre la voix au joli accent d’une libraire québécoise : « J’ai le livre entre les mains. Je vous l’envoie et tiens à vous remercier de votre intérêt pour nos soldats »,

Je me souviens d’avoir cherché les coordonnées de Steve, et bingo, FaceBook, même bonne bouille sous un béret.

Je me souviens de l’envoi d’un message, sans grand espoir de réponse d’un Lieutenant-Colonel de l’armée canadienne.

Je me souviens d’un message sur FaceBook… de Steve Jourdain.

Je me souviens de la lecture du livre, comme toujours dans le train Versailles-Paris et me dire toutes les 10 pages : mais qu’est-ce que c’est bien !

Je me souviens aussi de m’être dit souvent, bien trop souvent : « Oh non ! » Et d’interrompre la lecture, sous le coup de l’émotion.

Je me souviens de tous nos échanges, de sa rencontre avec Yves Debay en Afgha, du bonheur de recevoir ses photos inédites, avec ses « chums » aux beaux sourires.

Je me souviens du sentiment qu’il a, que les sacrifices des soldats ne sont pas reconnus à leur juste valeur par ses compatriotes, qu’il n’attend rien d’autre de leur part qu’un peu plus de reconnaissance, qu’un simple merci.

Je me souviens lui avoir dit que c’était la même chose, ici.

 

Je me souviens de Chuck,

Je me souviens de Yannick,

Je me souviens de Jonathan,

Je me souviens de tous les autres.

 

Je me souviens.

 

 

***

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Prix : $24,95 Canada / 28€ France – ISBN : 978-2-924142-05-9 – Format 14x20, 287 pages – Cahier-photo couleur.

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Chez Athéna Editions

Page FaceBook ici

Le livre est désormais disponible en France !

Pour vous le procurer, nous vous invitons à contacter la « Librairie du Québec » à Paris ici. Ils font du "bon boulot" pour la diffusion de la littérature québécoise en France.

Vous trouverez également "Mon Afghanistan" sur Amazon.fr, Amazon.ca, FNAC.com, etc. Vous pouvez aussi le commander par l'intermédiaire de votre libraire préféré. 

 

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Drapeau du R22eR en Afghanistan

Le Royal 22e Regiment fête son centenaire. Page FaceBook ici.

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Hommage

Aux soldats du GT R22eR, morts en Afghanistan pendant la campagne de Steve,  avril-septembre 2009 

Caporal-Chef Charles-Philippe « Chuck » Michaud, 2eB R22 eR,

Soldat Jonathan Couturier, 2eB R22 eR,

Soldat Sébastien Courcy, 2eB R22 eR,

Soldat Patrick Lormand, 2eB R22 eR,

Caporal Martin Joanette, 3eB R22 eR,

Soldat Alexandre Péloquin, 3eB R22 eR,

Major [CDT] Yannick Pépin, 5e RGC,

Caporal Martin Dubé, 5e RGC,

Caporal Jean-François Drouin, 5e RGC,

Caporal Christian Bobitt, 5e RGC,

Ingénieur [Sapeur] Matthieu Allard, 5e RGC,

Cavalière Karine Blais, 12e RBC,

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Aux autres soldats canadiens morts pendant cette période 

Caporal-Chef Patrice Audet, 430e ETH,

Corporal [CAL] Nicholas Bulger, 3BPPCLI,

Major [CDT] Michelle Mendes, D.I.

 

A tous les soldats du Royal 22e Regiment morts en Afghanistan,

A tous les soldats canadiens, québécois et anglophones, morts en Afghanistan,

Aux blessés.

 

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C’est avec respect et affection que le Chasseur et la Russe-blanc vous saluent, vous tous, cousins-soldats québécois. Soyez remerciés pour votre action en Afghanistan.

Nous reprenons à notre compte les paroles du Major-Général Alain Forand, en septembre 2009, à Sperwan Ghar :

 

Vous êtes ce que le pays a de meilleur à offrir. Vous êtes les meilleurs ambassadeurs du Canada.

Soyez fiers de ce que vous êtes. 

 

 

 

 

 

Récit autobiographique de soldat, journal de marche, Afghanistan, Royal 22e Regiment, Québec, Canada

15/12/2013

Ceux d'Afghanistan

 Photos et extraits © leurs auteurs. Droits réservés.

 

 

 

 

Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.

Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue.

Jean Lartéguy

 

 

« Afghanistan », un mot qui restera à jamais gravé dans notre histoire. Mais « Afghanistan » n’est pas qu’un mot.  « Afghanistan » n’est pas non plus qu’un morceau poussiéreux d’Asie ou règne depuis des siècles le fracas des armes. « Afghanistan » n’est pas qu’une mosaïque de peuples à l’esprit fier et combattant. « Afghanistan » n’est pas qu’une somme de traditions que nous, Occidentaux, pouvons juger archaïques. « Afghanistan » n’est pas que la mauvaise nouvelle du soir, annoncée d’un air apitoyé par le journaliste-star qui enchaîne, sans transition et retrouvant le sourire, avec la météo des plages.

« Afghanistan », c’est aussi une femme qui verse des larmes de joie, retrouvant son mari après six mois de stress et d’insomnies. C’est un homme sportif qui se demande comment vivre désormais, cloué dans un fauteuil roulant. C’est une femme qui pleure sa tristesse infinie, contemplant le lit de son fils, qui demeurera vide à jamais. C’est une femme fière d’avoir sauvé la vie de cette petite afghane, là-bas. C’est un homme qui s'est élancé sous le feu, pour secourir son frère d’armes blessé. Et cela le fait sourire, quand on le traite de héros.

« Afghanistan », c’est aussi ce soldat, et celui-ci, et celui-là…

Alors que sonne le désengagement, glas pour certains, joyeux carillon pour d'autres, que cette guerre est déjà, dans l'esprit de beaucoup, une "vieille histoire", nous avons voulu rendre à ces soldats l’hommage qu’ils méritaient.

Cependant, nous n’avons pas souhaité écrire sur eux, au-delà de ces quelques phrases d’introduction. Nous avons préféré nous comporter en porte-voix, leur laisser la parole, dans sa diversité : un kaléidoscope d'impressions, finalement plus complémentaires que contradictoires.

Écoutons-les et lisons-les. Ils méritent toute notre attention. Car « Afghanistan », par-dessus tout, c’est eux.

 

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Photo Sébastien Joly, réalisateur d’Aito – Guerriers du Pacifique. Le photographe à gauche est le regretté Yves Debay.

 

Combien d’hommes peuvent se targuer d’écrire l’Histoire , sinon d’en être acteur ?

Qui aujourd’hui vit intensément, non pas au travers d’un écran, mais ressentant les choses réellement ?

Qui est prêt à accepter la peur, le contact de la mort, le sacrifice de sa famille, pour la maigre gloire personnelle qu’est la fierté de servir son pays ?

 Capitaine Brice Erbland, 1er RHC, « Dans les griffes du Tigre ». Ed. Les Belles Lettres

 

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Photo Sébastien Joly.

 

Je ne suis pas venu ici pour une médaille. Je suis venu parce que j'en ai reçu l'ordre. Parce que c'est mon travail. Parce que la solde, presque trois fois supérieure à celle que je perçois en France, va nous permettre de réaliser des projets. Parce que je savais qu'avec cette mission j'allais être, pendant six mois, au cœur de mon métier de militaire. Parce que je savais que j'allais me confronter au combat, connaître les giclées d'adrénaline, la peur aussi.

Sergent Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, “Journal d’un soldat français en Afghanistan”. Ed. Plon

 

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Photo Nicolas Mingasson, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » Ed. Acropole.

 

La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer. Et mourir.

Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, RICM, « L’Afghanistan en feu ». Ed. Economica

  

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Photo EC 2/3 « Champagne »

 

En Afghanistan, nous ne savions jamais à quoi nous attendre en l’air. Le stress se vivait pendant la mission, directement au contact des hommes pris sous le feu ennemi. Le stress ne venait pas de la peur de mourir, mais de la rapidité des actions à mener, de décisions prises en l’espace de quelques secondes. Dans nos cockpits, nous étions immergés au cœur des combats. Là-haut, les équipages étaient le dernier maillon de la chaîne. Ils endossaient la responsabilité technique du tir et, en cas d’échec, ils devaient répondre de leurs actes.

Commandant Marc « Claudia » Scheffler, EC 2/3 « Champagne », désormais Lieutenant-Colonel à l’EPAA, « La guerre vue du ciel ». Ed. Nimrod.

 

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Photo Sébastien Joly.

 

J’éprouve une admiration infinie pour tous les soldats français présents en Afghanistan. Ces quatre mille hommes (…) effectuent un travail grandiose. Quelles que soient les considérations politiques qui, forcément, les dépassent, quelle que soit la stratégie qui n’est pas toujours celle que la France aurait souhaitée, quel que soit le contexte qui revêt parfois des couleurs de guêpier, ces hommes vivent ici une mission noble. 

Padre Richard Kalka, aumônier militaire, « Dieu désarmé ». Ed. LBM

 

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Dessin de Bertrand de Miollis – œuvre originale offerte par l’artiste au Chasseur. « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan ». Ed. Gallimard.

 

Dans ce pays, comme dans d'autres théâtres de crise, il n'y a pas de coupure franche entre les amis et les ennemis, entre les insurgés les plus fanatiques et les partisans les plus convaincus du gouvernement légitime (...) Si ligne de partage il y a, c'est dans le cœur de chaque Afghan.

Colonel Benoît Durieux, 2e REI, in "Captain Teacher", Capitaine Raphaël Krafft, 2e REI, animateur de Radio Surobi. Ed. Buchet-Chastel 

 

 

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Photo Jean-Christophe Hanché« Kapisa » [épuisé].

 

Il est très dur de faire du social aujourd’hui avec des gens qui tireront sur vos camarades demain.

Adjudant-Chef Jean-Claude Saulnier, 2e REP, « Une vie de Légionnaire ». Ed. Nimrod

 

 

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Photo Sébastien Joly.

 

Chaque terroriste sait comment utiliser nos règles d'engagement à son profit. La question essentielle est simple: qui est prêt à aller le plus loin dans cette guerre? (...) Si vous ne souhaitez pas vous impliquer dans une guerre qui risque de dégénérer, alors, gardez-vous bien de vous y laisser entraîner. 

Navy SEAL Marcus Luttrell, USA.  « Le survivant ». Ed. Nimrod. 

 

 

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Photo Jean-Christophe Hanché.

 

Nous ne sommes que de passage, nous ne pouvons prétendre changer ce monde auquel nous sommes trop étrangers.

LCL Geoffroy de Larouzière-Montlosier, 1er RTir, « Journal de Kaboul ». Ed. Bleu-Autour

 

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Photo Thomas Goisque, « D’ombre et de Poussière » éd. Albin Michel & « Haute tension » éd. Gallimard.

 

Les soldats ont rempli la mission qui leur était donnée, en pacifiant la zone dans laquelle ils intervenaient. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.

LCL Bernard Gaillot, 13e BCA, "De l'Algérie à l'Afghanistan", ed. Nuvis. 

 

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Photo Thomas Goisque.

 

[On] me demandait mon ressenti par rapport à notre présence ici. J’étais convaincu de notre nécessité, mais j’étais inquiet de l’opinion publique. La population française semblait peu préoccupée par ses soldats qui donnaient leur vie pour la sécurité nationale, voire internationale (…) Cela nous blessait. Nous avions le sentiment d’avoir combattu pour rien, sachant qu’au fond de nous, ce n’était pas le cas.  

Adjudant Sylvain Favière, infirmier-para (désormais réserviste), « Ma blessure de guerre invisible ». Ed. Esprit Com’

  

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Photo Sébastien Joly.

 

Je repensais à Tagab. Je ne réalise pas que je n’y retournerai plus jamais. J’ai l’impression que je vais me réveiller, tôt ou tard, dans mon petit box, avec Fab dans le lit au-dessus de moi… J’ai vraiment l’impression d’avoir oublié quelque-chose là-bas, d’y avoir laissé je ne sais quoi.

Caporal-Chef Julien Panouillé, 1er RCP, « 197 jours – Un été en Kapisa ». Ed. Mélibée

 

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Photo José Nicolas – « Afghanistan – Task Force Lafayette » Ed. L’esprit de tous les combats.

 

Et je me pris à rêver que j’étais sur le terrain avec les gars, les accompagnant une dernière fois pour écraser l’ennemi.

SGT Paul ‘Bommer’ Grahame, The Light Dragoons, rattaché au Mercian Regiment, Royaume Uni, « Appui feu en Afghanistan ». Ed. Nimrod

 

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Photo Thomas Goisque.

 

L’expérience afghane a laissé en moi des blessures indélébiles, mais elle a aussi renforcé les fondements de mon engagement. Le sens profond du pacte qui nous unit s’est dévoilé dans les vallées touraniennes : une confiance absolue entre les hommes, l’esprit collectif poussé jusqu’à sa dernière extrémité. Avec l’amour, il s’agit à mon sens du lien humain le plus fort qui soit. 

Lieutenant Nicolas Barthe, 21e RIMa, désormais Capitaine au RSMA Guadeloupe, « Engagé ». Ed. Grasset

 

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Photo José Nicolas.

 

J’ai vu le mal. J’ai vu des enfants déchiquetés par des bombes. J’ai vu des blessés aux membres dilacérés par les explosions. J’ai vu des corps que le feu avaient rendus méconnaissables. Derrière chacun de ces blessés, il y a un autre homme qui a armé une bombe, qui a visé et tiré avec son arme, qui a fait exploser sa ceinture piégée (…). Je n’avais jamais capté auparavant autant d’intentions homicides qu’ici. Je te tue, tu me tues, il se tue, nous vous tuons, vous nous tuez, ils se tuent. 

Et j’ai vu le bien. Je n’ai jamais vu autant de dévouement la patience de soustraire un homme à la mort. Sur le terrain, de jour comme de nuit, des brancardiers secouristes, des infirmiers et des médecins risquent leur vie pour sauver celle des autres. Cinq d’entre eux l’ont déjà donnée. Malraux écrivait : « Je cherche cette région cruciale de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ». J’ai vu et éprouvé cette fraternité. 

Professeur (Général) Patrick Clervoy, Service de Santé des Armées, « Dix semaines à Kaboul ». Ed. Steinkis.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny – « Le temps de l’action » Enfin!Editions.

 

Je repense à l’opération « Dinner out » [conquête de la vallée d’Alasay], au Caporal-Chef Belda qui doit être fier de nous, à toutes nos familles qui nous ont attendus avec calme, patience et dignité. Je regarde ces chefs de section, les Lieutenants Lazerges, Chantrel et Brunet, l’Adjudant Bouaouiche et leurs commandants d’unité, les Capitaines Minguet et Gruet et je pense à tous leurs camarades officiers, sous-officiers, chasseurs, légionnaires, artilleurs, cavaliers, transmetteurs, à tous mes Tigres de la Kapisa. Je mesure toute la chance que j’ai eue de commander des soldats de leur valeur. Ce sont eux les artisans de nos succès et les vrais vainqueurs de la Kapisa.

Tout le reste n’a que peu d’importance.

Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger », « Task Force Tiger ». Ed. Economica

 

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Photo Marlene Kuhn-Osius, « Objectif Afghanistan » [épuisé].

 

La guerre, je l'ai fréquentée en d'autres lieux en tant que reporter. J'ai attendu de nombreuses fois qu'elle survienne pour rassasier ma soif d'adrénaline, me rappeler ou rappeler aux autres que j'existe, m'exalter de vivre un moment extraordinaire, historique parfois, ou simplement pour avoir de quoi écrire un article. (...) [Mais] être acteur à la guerre, c'est autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je me rends compte que les militaires, finalement, quand ils sont sains d’esprit et "bien tassés dans leurs bottes", n’aiment pas la guerre, ou du moins, l’aiment parfois moins que nous [les journalistes]. Et c'est heureux.

Capitaine (r) Raphaël Krafft, journaliste rattaché au 2e REI, animateur de Radio Surobi, « Captain Teacher »,  Ed. Buchet-Chastel

 

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Photo José Nicolas. 

 

Aujourd’hui la mission est terminée, le fanion [du GTIA] Raptor a rejoint définitivement les murs de la salle d’honneur du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes. Mais l’on dit qu’à chaque visite, à chaque souvenir évoqué en sa présence, il retrouve ses couleurs vives et l’aigle sur le tissu reprend son vol suspendu pour « fondre du ciel » à jamais. On dit même qu’il se met alors à parler de ces hommes et de ces femmes qui sont allés jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs convictions, de ces hommes et de ces femmes qui ont gagné là-bas, loin de leur pays, le seul combat qui vaille la peine d’être vécu, celui que l’on livre contre soi-même, pour les autres, jusqu’au sacrifice de sa vie.

Colonel Renaud Sénétaire, 1er RCP, commandant le GTIA Raptor, auteur de « Les aigles dans la vallée », Ed. Mélibée. Préface à « 197 jours – Un été en Kapisa », Caporal-Chef Julien Panouillé, 1er RCP. Ed. Mélibée.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny.

 

J'étais fier de commander mes hommes, me souciant de leurs tâches et surtout de leurs préoccupations. J'étais heureux d'être avec eux au bar, le soir, en rentrant de mission, une fois que tout était terminé, que la pression était tombée, avant de recommencer tôt le lendemain. Heureux de ne faire qu'un avec eux. Heureux car ils me le rendaient bien et l'on pouvait sentir entre nous, sans que cela ait été décidé, une complicité de ce lien particulier et fort qui unit les hommes après qu'ils ont traversé ensemble des épreuves qui ne peuvent être fidèlement narrées.

Capitaine Philippe "Stang" Stanguennec, CoTAM, "Au service de l'espoir", Ed. L'Esprit du Livre.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny.

 

J’ai commandé des soldats exceptionnels. J’ai commandé des hommes qui savent aujourd’hui ce qui est essentiel et ce qui n’est qu’accessoire. J’ai commandé des hommes qui ont grandi. J’ai eu l’honneur d’être parmi eux.

Et l’Afghanistan ? Qu’adviendra-t-il demain de ce pays terrible où quatre-vingt-huit de nos frères d’armes ont laissé leur vie ? Nul de ne peut le prédire. Mais une chose est sûre : aujourd’hui, les cerfs-volants flottent de nouveau dans le ciel afghan.

Colonel Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, commandant le GTIA « Wild Geese ». Préface à « Le temps de l’action », Alphonse-Bernard Seny. Enfin!Editions.

 

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Photo Nicolas Mingasson. 

 

Chacun, un jour prochain, regagnera, qui sa famille, qui ses parents ou ses amis. De nouveau, la vie « quotidienne » reprendra le dessus, mais n’y aura-t-il rien de changé en nous ? Ce séjour de cinq mois ou plus, parfois beau, parfois laid, parfois joyeux, parfois triste, n’aura-t-il laissé aucune trace dans nos vies ? N’aura-t-il pas façonné, d’une impression qui nous était insoupçonnée au départ, notre façon d’appréhender le monde, et celle dont on veut vivre et aimer en ce monde ? Peut-être même que notre cœur a été mis à nu et que notre vie émotionnelle, sentimentale, affective et amoureuse s’en est trouvée transformée et pourquoi pas transfigurée ? La fragilité de l’existence que nous avons pu « apprécier » ici ne va-t-elle pas nous apprendre à aimer « différemment » ceux qui nous sont chers et même ceux que nous n’aimions pas assez, jusqu’ici ?

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Ed. EdB.

 

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Photo Nicolas Mingasson. 

 

Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés, sans tenir de propos sacrilèges ?

Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’armes. 

Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA in « D’ombre de de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson. Ed. Albin Michel

 

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SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA. Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.

 

La guerre d’Afghanistan s’achève et ses protagonistes entrent peu à peu dans l’oubli. D’autres conflits font leur apparition, au Mali ou ailleurs. Mais les blessés de guerre porteront toute leur vie le vivant témoignage de leurs batailles. Quatre ans plus tard, ma blessure est toujours là et ma souffrance physique quotidienne. Je ne pense pas m’en débarrasser un jour. Lorsque mon nerf me lance, j’ai le sentiment que ma jambe coupée est toujours là et que c’est elle qui me fait souffrir. Les médecins appellent cela « le membre fantôme ». Je serre les dents, je me plie en deux sous la douleur et j’attends que la souffrance passe. Ce fantôme va et vient plusieurs fois par jour et apparaît sans prévenir. Avec le temps, j’apprends à vivre avec lui. Cela fait partie de mon sacrifice. Je ne m’en plains pas et je ne regrette rien.

Sergent-Chef Jocelyn Truchet, 13e BCA, « Blessé de guerre », autoédité.

 

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Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art. 

 

Perdu, déstabilisé, isolé dans sa souffrance, il est ainsi depuis son retour d’Afghanistan, voici plus de deux ans… Seul le désespoir empêche de croire à des jours meilleurs. Or toute la richesse du cœur de l’homme se résume à l’espérance que nous ne devons jamais perdre. Il nous faut espérer pour lui et avec lui, car l’espérance est souvent ce qui reste quand tout est parti à vau-l’eau. Le travail d’accompagnement sera long, mais il  n’est pas permis de croire à son échec.

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « L’autre combat ». Ed. EdB.

 

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Photo Philippe de Poulpiquet.

 

Je pense d’abord aux familles, à celles et à ceux qui ont perdu un proche, aux blessés graves, à toutes les personnes dont la vie sera irrémédiablement différente. Elles nous donnent des leçons quotidiennes de courage et de modestie. L’institution, je pense, en tire des leçons de vérité. Lorsque les cercueils sont alignés devant vous, vous prenez la réalité en pleine figure (…) A titre personnel, ces cérémonies d’hommage m’ont appris une plus grande humilité. J’ai un garçon qui part dans quelques jours en Afghanistan. Et je me dis : « Et si cela m’arrivait, à moi ? Si notre garçon devait être tué là-bas ? ». Frappé en plein cœur, comme toutes ces familles que nous avons tenté de réconforter, saurions-nous alors nous comporter plus dignement que beaucoup d’entre elles ? 

Général de corps d’armée Bruno Dary, ancien Gouverneur Militaire de Paris. Postface à « Afghanistan – Task Force La Fayette », José Nicolas. Ed. L’esprit de tous les combats.

 

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Photo José Nicolas.

 

 On ne se débarrasse pas des morts. Ils sont là. Ils forment un cortège amical et funèbre qui nous attend désormais de l’autre côté du miroir.

Padre Christian Venard, « Un prêtre à la guerre ». Ed. Tallandier

 

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Bibliothèque francophone « Ceux d’Afghanistan »

Non exhaustif.

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Photos Thomas Goisque. 

 

Certains pourront toujours prétendre que nous n’avons influé sur rien, que ces dix années de guerre en Afghanistan ont été inutiles, mais il suffirait que germent les quelques graines d’espoir que nous avons semées lors de nos mandats successifs, pour que rien n’ait été inutile.

Et même si rien ne germe, pourquoi devrions-nous regretter d’avoir essayé ?

Pourquoi devrions-nous renier ceux qui ont été tués ou blessés, en essayant ?

 

Sergent-Chef Yohann Douady, 2e RIMa, « D’une guerre à l’autre ». Ed. Nimrod

 

Hommage

Aux morts pour la France en Afghanistan

31 août 2004 - CAL Murat YAGCI - 1er RPIMa

21 octobre 2004 - 1CL Thierry JEAN BAPTISTE - 3e RH

21 octobre 2004 - MDL Simah KINGUE EITHEL ABRAHAM - 3e RH

11 février 2005 - CAL Alan KARSANOV - 2e REI

17 septembre 2005 - CCH Cédric CRUPEL - 1er RPIMa

4 mars 2006 - PM Loïc LEPAGE - Commando Trépel

15 mai 2006 - 1CL Kamel ELWARD - 17e RGP

20 mai 2006 - ACH Joël GAZEAU - 1er RPIMa

20 mai 2006 - CCH David POULAIN - 1er RPIMa

25 août 2006 - PM Frédéric PARE - FORFUSCO

25 août 2006 - CCH Sébastien PLANELLES - CPA 10

25 juillet 2007 - ACH Pascal CORREIA - 1er RCP

23 août 2007 - MDL Stéphane RIEU - 1er RHP

21 septembre 2007 - ACH Laurent PICAN - 13e BCA

18 août 2008 - SGT Damien BUIL - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Kévin CHASSAING - 8e RPIMa

18 août 2008 - ADJ Sébastien DEVEZ - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Damien GAILLET - 8e RPIMa

18 août 2008 - SGT Nicolas GREGOIRE - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Julien LE PAHUN - 8e RPIMa

18 août 2008 - SGT Rodolphe PENON - 2e REP

18 août 2008 - CAL Anthony RIVIERE - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Alexis TAANI - 8e RPIMa

19 août 2008 - CAL Melam BAOUMA - RMT

22 novembre 2008 - ADC Nicolas REY - 3e RG

11 février 2009 - CDE Patrice SONZOGNI - 35e RAP

14 mars 2009 - CCH Nicolas BELDA - 27e BCA

24 mai 2009 - CCH Guillaume BARATEAU - 9e CCT / 9e BLBMa

1er août 2009 - CCH Anthony BODIN - 3e RIMa

4 septembre 2009 - CCH Johan NAGUIN - 3e RIMa

6 septembre 2009 - SGT Thomas ROUSSELLE - 3e RIMa

27 septembre 2009 - CAL Kévin LEMOINE - 3e RIMa

27 septembre 2009 - ADC Yann HERTACH - 13e RDP

27 septembre 2009 - BCH Gabriel POIRIER - 13e RDP

27 septembre 2009 - CCH Ihor CHECHULIN - 2e REI

8 octobre 2009 - SCH Johann HIVIN-GERARD - 3e RIMa

11 janvier 2010 - ICS Mathieu TOINETTE - 402e RA

12 janvier 2010 - LCL Fabrice ROULLIER - 1e BM

13 janvier 2010 - MDC Harouna DIOP - 517e RT

9 février 2010 - CAL Enguerrand LIBAERT - 13e BCA

8 avril 2010 - CAL Robert HUTNIK - 2e REP

22 mai 2010 - CBA Christophe BAREK-DELIGNY - 3e RG

7 juin 2010 - SCH Konrad RYGIEL - 2e REP

18 juin 2010 - BCH Steeve COCOL - 1er RHP

6 juillet 2010 - ADJ Laurent MOSIC - 13e RG

10 août 2010 - 1CL Antoine MAURY - 1er RMed

23 août 2010 - CNE Lorenzo MEZZASALMA - 21e RIMa

23 août 2010 - CCH Jean-Nicolas PANEZYCK - 21e RIMa

30 août 2010 - ADC Hervé ENAUX - 35e RI

15 octobre 2010 - ICS Thibault MILOCHE - 126e RI

17 décembre 2010 - CBA Benoît DUPIN - 2e REG

18 décembre 2010 - MA Jonathan LEFORT - Commando Trepel

08 janvier 2011 - SGT Hervé GUINAUD - RICM

19 février 2011 - CCH Clément CHAMARIER - 7e BCA

24 février 2011 - ADC Bruno FAUQUEMBERGUE - CFT

20 avril 2011 - CCH Alexandre RIVIERE - 2e RIMa

10 mai 2011 - 1CL Loïc ROPERH - 13e RG

18 mai 2011 - 1CL Cyril LOUAISIL - 2e RIMa

1er juin 2011 - SGT Guillaume NUNES-PATEGO - 17e RGP

10 juin 2011 - CCH Lionel CHEVALIER - 35e RI

10 juin 2011 - LTN Matthieu GAUDIN - 3e RHC

18 juin 2011 - CAL Florian MORILLON - 1er RCP

25 juin 2011 - CCH Cyrille HUGODOT - 1er RCP

11 juillet 2011 - BCH Clément KOVAC - 1er RCh

13 juillet 2011 - CNE Thomas GAUVIN- 1er RCP

13 juillet 2011 - ADC Laurent MARSOL- 1er RCP

13 juillet 2011 - ADC Emmanuel TECHER -17e RGP

13 juillet 2011 - ADC Jean-Marc GUENIAT - 17e RGP

13 juillet 2011 - SGT Sébastien VERMEILLE – SIRPA-Terre

14 juillet 2011 - MA Benjamin BOURDET - Commando Jaubert

7 août 2011 - CCH Kisan Bahadur THAPA - 2e REP

7 août 2011 - CAL Gerardus JANSEN - 2e REP

11 août 2011 - SGT Facrou HOUSSEINI ALI - 19e RG

14 août 2011 - CNE Camille LEVREL - 152e RI

7 septembre 2011 - CNE Valéry THOLY - 17e RGP

14 novembre 2011 - 1CL Goran FRANJKOVIC - 2e REG

29 décembre 2011 - ADC Mohammed EL GHARRAFI - 2e REG

29 décembre 2011 - SGT Damien ZINGARELLI - 2e REG

20 janvier 2012 - ADC Fabien WILLM - 93e RAM

20 janvier 2012 - ADC Denis ESTIN - 93e RAM

20 janvier 2012 - SCH Svilen SIMEONOV - 2e REG

20 janvier 2012 - BCH Geoffrey BAUMELA - 93e RAM

27 mars 2012 - CDE Christophe SCHNETTERLE - 93e RAM

9 juin 2012 - MAJ Thierry SERRAT - GIACM

9 juin 2012 - ADJ Stéphane PRUDHOM - 40e RA

9 juin 2012 - MLC Pierre-Olivier LUMINEAU - 40e RA

9 juin 2012 - BCH Yoann MARCILLAN - 40e RA

7 août 2012 - ADC Franck BOUZET - 13e BCA

 5 août 2013 - ADJ Gwénaël THOMAS - BA 123

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Photo US Army

 

Hommage

Aux soldats de l’ISAF de toutes nationalités, nos frères d’armes, morts en Afghanistan,

2290 américains, 445 britanniques, 158 canadiens, 54 allemands, 48 italiens, 43 danois, 40 australiens, 38 polonais, 34 espagnols, 27 géorgiens, 25 néerlandais, 21 roumains, 14 turcs, 11 néo-zélandais, 10 norvégiens, 9 estoniens, 7 hongrois, 5 tchèques, 5 suédois, 3 lettons, 2 finlandais, 2 jordaniens, 2 portugais, 1 albanais, 1 belge, 1 lituanien, 1 slovaque, 1 sud-coréen,

Aux milliers de soldats de l’Armée Nationale Afghane, nos frères d’armes, morts pour leur pays,

Aux contractants, journalistes, morts en Afghanistan,

Aux blessés dans leur chair, dans leur psychisme.

 

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Photo Sébastien Joly 

 

A la mémoire des civils afghans.

C'est sûr que nous vivons des temps difficiles, mais je regarde les choses de façon pragmatique : Il y avait deux écoles à Surobi en 2002, il y en a plus de vingt aujourd'hui. Il ne faut pas être ingrat. Les gens oublient vite. Moi, je me range dans le camp de ceux qui apportent le savoir et l'éducation.

Aziz Rahman, animateur de Radio Surobi, 

radio "communautaire" en langue pashto fondée par le COL Durieux, 2e REI.

« Captain Teacher », Capitaine (r) Raphaël Krafft, rattaché au 2e REI, Ed. Buchet-Chastel

 

***

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La 52e promotion de l’EMIA s’est baptisée «Ceux d'Afghanistan».

Nous apportons notre soutien à leur projet d’ériger une stèle à Coëtquidan, en mémoire des 89 soldats français morts pendant le conflit.

Soutenez-les vous aussi par un don, même symbolique.

Voir ici.

 

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Photo Sébastien Joly

 

Comme nos camarades des autres armées, les aviateurs ont affronté avec courage les risques de leur action en Afghanistan. Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui l’ont payé de leur vie, de tous ceux blessés dans leur chair et dont le mérite n’a d’égal que la noblesse de leur mission.

Général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, Chef d’état-major de l’Armée de l’Air. Préface à « Afghanistan – Regards d’aviateurs », Lieutenant Charline Redin, SIRPA-Air, désormais ECPAD.

 

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Photo Thomas Goisque.

 

Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan. 

Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre. Préface à « L’Afghanistan en feu », Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, RICM. Ed. Economica

 

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Photo Thomas Goisque.

 

S’il vous arrive de rencontrer un de ces soldats, je suis convaincu qu’il appréciera que vous lui disiez merci. Merci pour son service. Merci pour son sacrifice. Nos soldats méritent de se faire dire merci.

Ils sont ce que ce pays a de plus noble. Ils sont ce que ce pays a de mieux.

LCL Steve Jourdain, Royal 22e Regiment, frère d’armes québécois. « Mon Afghanistan », Ed. Athéna.

 

 

 

 

 

 

 

16/11/2013

« D’ombre et de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson, Ed. Albin Michel

 

Photos et texte © Thomas Goisque, Sylvain Tesson, CNE Jean-Gaël Le Flem. Publiés avec l'aimable autorisation des auteurs. Tous droits réservés.

 

 

Lorsqu’Allah eut créé le reste du monde, il vit qu’il restait encore une grande partie de rebut, de morceaux dépareillés qui n’allaient nulle part.

Alors, il les ramassa et les jeta sur la Terre.

Ils devinrent l’Afghanistan.

 

Dicton afghan, rapporté par le padre Ducourneau dans « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Editions EdB.

 

 

Après « Haute-Tension » consacré aux Chasseurs alpins du 27e BCA en Afghanistan, le photographe Thomas Goisque et l’auteur Sylvain Tesson ont souhaité revenir sur le conflit afghan, qu’ils ont vécu de l’intérieur : treize ans de guerre, autant de voyages au pays de l’insolence. « Nous avons côtoyé quotidiennement ces hommes, dans la servitude et la grandeur de leur mission, dans le temps dilaté de la vie au camp ou dans la tension de l’accrochage. »

A l’heure du désengagement français, « D’ombre et de poussière » se veut un livre bilan, mais pas un livre jugement :

« Ce livre ne prétend pas expliquer le conflit. Nous laissons ce soin-là aux experts qui prospèrent toujours sur les décombres des pays en guerre.

L’Afghanistan a fait tellement gloser que nous ne voulions pas rajouter notre pierre au tas de gravats des explications savante. »

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Le poste, la patrouille, l’opération sont les trois axes choisis par Thomas et Sylvain, pour décrire le conflit asymétrique auquel se sont livrés les soldats français en Afghanistan.

Un témoignage d’une esthétique visuelle saisissante, accompagné d’un texte percutant qui plonge son lecteur dans cette guerre, à la fois réelle et invisible, où la force ne suffit pas pour obtenir la victoire, où tout n’est qu’incertitude et apparence derrière une brume de lœss.

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Ils ne connaissaient pas ce royaume insolent et somptueux où se jouait une guerre insaisissable.

Un tourbillon d’ombre et de poussière.

Si la poussière parlait combien de secrets révèlerait-elle ?

 

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« Comme un pompier qui n’aurait jamais eu de feu à éteindre, nous attendions une opportunité réelle de jauger notre professionnalisme, de vivre ce qui justifie tant d’entrainements. Malgré la gravité de la situation, c’est dans cet état d’esprit que nous sommes partis. »

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Sur cette terre Immémoriale, haut lieu du bouddhisme, tournait la monstrueuse roue de l’histoire.

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Il est 6 heures du matin, le soleil s'est hissé au-dessus des herses de l'Hindou-Kouch. Déjà, il brille férocement. "Le soleil est aveugle", écrivait Malaparte. Aveugle envers ceux qui combattent sous sa lumière, indifférent à l'enfer que les hommes inventent dans son ombre. […]  

 L'aube révèle le décor que la tragédie s'est choisi : une montagne de rouille couronnée de neige, un désert de lœss qui sert de tapis aux éboulis de grès et l'oasis jade d'un village - amande dans la poussière. L'Afghanistan est la patrie de l'éternel retour : les armées s'y succèdent, s'y enlisent, en repartent. Et reviennent.

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Dans les camps tricolores se répartissaient les huit cents soldats composant les GTIA constitués des composantes de toutes les unités de l’armée de terre. […]  Ainsi les deux armées, française et afghane, dont le destin était de combattre de concert, se côtoyaient-elles en opération et dans la vie quotidienne.

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Il y avait les semailles. Il y avait les moissons.

La guerre ne connaissait pas de saisons dans la solitude des labours afghans. 

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Patrouiller c’est progresser en terrain miné en manifestant l’équanimité. S’enfoncer dans l’inconnu en feignant la force tranquille. 

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La guerre se déroulait dans un mikado humain et cette intrication était une obsession.

Ils menaient la bataille parmi les lavandières, sur le chemin des écoliers. 

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A l’approche de la patrouille, claquement d’ailes bleues. Les femmes se dispersaient. 

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Les talibans usent de cette technique vieille comme la lâcheté : se replier derrière le rempart de l’innocence. 

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L’air se déchirait des rugissements des hélicoptères.

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Dans le fond attendre l’intervention d’un hélicoptère, c’est espérer le secours du ciel… 

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Et la poussière du soir tombait, c’était la nuit et ils organisaient la veille sous les constellations qui avaient déjà tenu compagnie aux sentinelles de tant d’armées ! 

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Nous avons veillé sous des ciels étoilés en scrutant la nuit, aux aguets du moindre mouvement.

-

Ils ne fermaient pas l’œil, la guerre ne dormait pas.

-

Les nuits bruissaient des mouvements des talibans qui tentaient de passer sur le flanc des postes pour rejoindre les villages et les accrochages nocturnes se multiplièrent dans les vallées.

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L’aube était une fontaine d’où jaillissait le jour.

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Puis aux heures nocturnes ou au petit matin, c’était l’attaque.

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Le ballet des hélicoptères , chargeant et déchargeant personnels, blessés et matériel sur les drop zones des camps noyait l’atmosphère dans un nuage de lœss qui ne retombait jamais.

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Ainsi allait la vie des postes, oscillant, selon un solfège propre à l’armée, entre les périodes de veille, d’entrainement, d’attente et les opérations coordonnées.

 

***

Goisque Tesson.jpgNous avons déjà eu l’opportunité de présenter le photographe Thomas Goisque (à g.) et de l’écrivain Sylvain Tesson (à d.) pour leur précédent livre : « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan », accompagnés alors par l’artiste Bertrand de Miollis.

 

Cette fois, laissons-leurs la parole :

 

 

Laissons aussi cette parole au Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger » :

Tessson Le Nen.JPGJ’aurai vu défiler beaucoup de journalistes et de reporters depuis le début de ma mission en Kapisa. Certains se sont contentés de surfer sur l’écume de nos journées et de nos opérations. D’autres comme Géraud Burin des Roziers, Thomas Goisque, Sylvain Tesson et Bertrand de Miollis ont pris le temps de nous accompagner, de comprendre ce que nous faisions et d’entrer dans nos vies. Eux auront vu l’essentiel : la générosité, la passion et la richesse de ces jeunes hommes qui sont prêts à payer de leur sang l’idée qu’ils se font de leur métier et de leur dévouement à leur bataillon et leur pays. J’ai beaucoup d’admiration pour ces reporters-là qui sont prêts à partager nos risques et endurer nos souffrances pour simplement témoigner de ce que nous sommes. Ils sont des nôtres et je sais que tous les Chasseurs les considèrent comme tels. 

Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger ».

« Task Force Tiger », Ed. Economica.

 

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Prix : 30€ ISBN-13: 978-2226208248 - Format 28 x 24, 192 pages. 

Aux éditions Albin Michel 

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Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.

Retrouvez les photos de Thomas Goisque sur son site ici. 

***

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Hommage

Aux morts en Afghanistan,

Aux blessés,

A la mémoire des civils afghans qui subissent depuis des décennies la folie de leurs dirigeants.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc.

 

***

Lettre d’un capitaine

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Ce fut d’abord la découverte de ce pays d’une beauté stupéfiante, lieu improbable où l’arc himalayen vient mourir dans le désert. Au hasard des patrouilles, nous avons sillonné ces vallées luxuriantes qui semblent refléter l’état de nature. L’habitat se fond harmonieusement entre les vergers, les champs de grenadiers et d’orge. La population semble encore vivre au rythme des saisons; les hommes entretiennent non sans génie les canaux d’irrigation. Les vieillards nous contemplent sagement avec un air de « déjà vu » cachés, derrière leur barbe. Les enfants, loin d’être apeurés par notre attirail guerrier, s’amusent de notre maladresse.

Quant aux femmes, prisonnières de la burqa, elles évitent nos regards et ne laissent deviner une certaine féminité que par le raffinement de leurs chaussures.

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Mais, malheureusement, cette phase ne dure qu’un temps.

Quand les ruelles se vident et que les premières balles sifflent, notre perception du monde change d’un coup. Qu’elles sont longues ces minutes où, dans le fracas des armes, tout le monde cherche à se faire une idée précise de la situation, espérant ne pas entendre ce compte rendu qui tombe comme un couperet : « Blessé, blessé !!! »

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Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés,  sans tenir de propos sacrilèges ?

Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’arme.

[…] 

« Ne sommes-nous pas devenus fous de croire que l’on peut orienter le destin d’un peuple si fier ? »

La guerre révèle les hommes ou les détruit.

 

Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA

Préface à « D’ombre de de poussière »

 

 

 

 

 

 

27/10/2013

"Les cloches sonnent aussi à Kaboul", père Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, Ed. EdB

 

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

« Il n’y a pas de difficulté de fond, ni d’impossibilité, de vivre ensemble la vocation chrétienne et la vocation militaire. Si l’on considère ce qu’il est positivement, le service des militaires est une chose très belle, très digne et très bonne. Le cœur de la vocation militaire n’est rien d’autre que la défense des siens. Trouvons le principe explicatif de la participation d’une guerre : si elle est une défense de la partie oppressée, une défense des persécutés, des innocents, une défense  au risque même de sa vie, cette défense peut causer des dommages ou apporter la mort à l’oppresseur. Mais dans ce cas, c’est lui qui en est responsable. »

Jean-Paul II

 

 

« - Tu vois ce gars qui soulève 115kg de fonte ? - Ouais. - A ton avis, c’est qui ? - J’sais pas. Un Légionnaire ? Un Marsouin ? - Et bien non, c’est notre Com Ciel. - Notre quoi ? - Notre Commandement Ciel, notre padre, notre aumônier quoi… »

Cette conversation est fictive, mais s’est peut-être tenue, qui sait, sur une base d’Afrique ou d’Afghanistan… L’armoire à glace dont on parle est le père Jean-Yves Ducourneau, aumônier catholique aux Armées et auteur. Grâce à lui, et après « Dieu désarmé » de notre cher padre Kalka, nous avons la joie d'aborder un nouveau récit d’aumônier : « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ».

 

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« Les cloches sonnent aussi à Kaboul » est le journal de marche du père Ducourneau lors de ses déploiements en Afghanistan, mais il dépasse largement le cadre strictement factuel de la vie d’un aumônier militaire. C’est un livre profond, dense, qui invite à la méditation. Jean-Yves s’expose, se livre, ne cachant en rien ses émotions, même s’il reste homme pudique. Certes, un lecteur anticlérical acharné pourra  rester sourd aux mots de Jean-Yves. Dommage, ce ne sont que mains tendues. Mais ce même lecteur ne pourra nier l’amour  que le padre porte à ses frères d’armes. Ou mieux, à ses fils d’armes…

Quelques extraits.

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L’aumônier militaire que je suis maintenant n’a pas la vocation d’un curé de paroisse. Je suis plus heureux en marchant sur les cailloux acérés d’Afghanistan qu’assis autour d’une table bien cirée du XIX°, en train de remplir les lignes de mon agenda paroissial.

 

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Bénédiction d'un VAB à la demande des soldats

Nous savons bien qu’ici [en Afghanistan], sur cette terre de cailloux rugueux et de sang versé depuis des lustres, la vie est précaire. Lorsque, avant de venir dans ce pays de tous les extrêmes, nous remplissons nos sacs militaires camouflés, entassant tant bien que mal nos rangers et autres treillis de combat, chacun pense à l’éventualité cruelle de ne plus jamais ranger ses affaires au retour, tant ce retour semble incertain, surtout pour les combattants de première ligne, dont la jeunesse innocente me donne parfois beaucoup de signes d’inquiétude et de compassion, comme si j’étais, à ce moment-là, leur père.

Leur père, je le suis, par la grâce de Dieu. Je suis leur padre.

 

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Soudain, dans le fracas de cette matinée que d’aucuns redoutaient, nous déplorions un blessé, le très jeune Caporal Jérôme, du 35e RI, qui sentit siffler dans son dos le projectile 7.62, froid et tueur. Porté par ses copains jusqu’à leur véhicule blindé, il fût rapidement évacué. Puis le service médical, avec à sa tête Xavier, le colonel médecin du 1er RIMa à qui je veux rendre un hommage appuyé, le prit tout de suite en charge. A peine arrivé sur les lieux, Jérôme, que le chef de corps veillait déjà, me reconnut et m’appela : « Ah ! Padre ! ». Ses larmes devinrent discrètement les miennes, son silence devint parole criante en moi et, en retour, ma main devint la sienne.

 

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Photo © Thomas Goisque

Épris de liberté et de grands espaces [il] était maintenant enfermé dans ce cercueil de zinc qui trônait au milieu de l’allée de notre chapelle en bois. Je revois ses camarades, dressés autour de lui, habillés de leurs atours militaires, au garde-à-vous malgré un froid sans nom qui nous saisissait tous de l’intérieur, retenant leurs larmes d’hommes blessés dans leur chair de parachutiste du 35e RAP de Tarbes. Tous semblaient attendre une explication… Je ne leur ai parlé que d’espérance, d’amour et de miséricorde, de fraternité blessée, de soutien nécessaire, de prière, du sens du sacrifice d’une vie donnée pour la mission et du sens de la vie et de la mort que chacun portait en soi… Ces mots dérisoires, je le sais, qui semblent vides et creux à ceux qui touchent de leur doigt la mort d’un frère aimé, étaient pourtant les mots que l’Esprit de Dieu, dans la faiblesse de ma voix, mettait pour eux en mon cœur.

 

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Photo © Thomas Goisque

Aujourd’hui 15 octobre 2010, jour de la fête liturgique de sainte Thérèse d’Avila, celle qui a fait de sa vie un sacrifice éternel pour l’Eglise du Christ, nous avons perdu notre infirmier-major, l’adjudant-chef Thibault Miloche (…). Il vient d’écrire en lettres de sang son nom sur la trop longue liste de plus de 480 noms des soldats de la coalition tombés depuis le début de l’année.

(…) L’hommage que ses frères d’armes lui ont rendu a été à la hauteur du personnage, chaleureux et émouvant. Durant la messe du souvenir que nous avons célébrée à Tora en présence de tous ses amis, j’ai vu une belle et sainte fraternité prendre corps et s’élever comme une offrande vers le Ciel ouvert. Ensuite, durant cette longue procession de frères aux visages graves jusqu’à l’hélicoptère gris qui attendait sur la zone de se poser pour emporter le corps loin de nos yeux embrumés, j’ai entendu la plainte intérieure des cœurs en larmes crier vers le mystère divin qui, soudain, semblait toucher chacun d’entre nous de ses doigts saints.

 

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Mon fils, laisse-moi te dire que sur ta route de militaire, tu rencontreras aussi, et cela quelle que soit ta foi, des aumôniers. Ces étranges personnages qui grenouillent çà et là, dans les compagnies, les services, les postes de garde ou les terrains de manœuvre, qui sont sans armes et sans grades. Ils sont à ton service pour t’aider à grandir, dans ta foi si tu es croyant, ou dans la vie tout simplement, si ta route n’a pas encore croisé Dieu. N’hésite pas à aller vers eux si tu vois qu’ils ne viennent pas vers toi. Ils t’accueilleront comme leur enfant qu’ils ont reçu par la grâce de Dieu et tu pourras leur faire confiance. Ils sont là pour toi, crois-moi sur parole.

Padre Jean-Yves Ducourneau

 

* * *

 

v_auteur_242.jpgLe père Jean-Yves Ducourneau est né en 1960. Elevé pour une grande part en famille d’accueil, une mère lointaine, sa jeunesse est faite d’errance (dont un engagement dans l’armée qui fait long feu), et de quête de soi. Le 1er janvier 1985, il ressent « le besoin d’entrer dans une église », et se lie d’amitié puis d’affection avec le prêtre. C’est dès lors un tout autre cap qui est donné  à sa vie. Il entre au séminaire, en ressort ordonné en 2004. Mais ce n’est pas un homme de paroisse. D’abord aumônier des prisons, c’est vers l’armée qu’il se tourne en 1996. Il devient aumônier militaire, rattaché à la base aérienne de Mont-de-Marsan, dans sa Gascogne qu’il aime tant. Dès lors vient le temps des OPEX : Tchad, Ex-Yougoslavie, RCA, Côte d’Ivoire, Liban, deux déploiements en Afghanistan...  Prêtre de la Mission de Saint-Vincent-de-Paul, il est auteur de plusieurs livres : « Les cloches sonnent toujours à Kaboul », « L’autre combat », « Jésus, l’église et les pauvres », et de nombreux essais sur Saint-Vincent.  Figure de l’armée, le padre Ducourneau allie physique d’haltérophile et profonde spiritualité. Il revendique le surnom de « Com Ciel » [Commandement Ciel] donné aux aumôniers, et s’amuse de son sang O+,  qu’il lit « Ô Croix », comme manifestation de l’humour de Dieu. Le père Ducourneau est actuellement aumônier de l’ENSOA de Saint-Maixent.

Le padre Ducourneau en "live"

 

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Prix : 17,20€ - ISBN 978-284024-398-4 – Format 13,5x21, 376 pages

 

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Disponibles aux Editions des Béatitudes/EdB ici.

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Les aumôniers dans votre bibliothèque militaire

Non exhaustif 

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Du même père Ducourneau : « L’autre combat », essai sur la reconstruction humaine après des blessures visibles ou invisibles. Disponible chez EdB ici.

Une Plume pour l'Epée abordera prochainement ce livre.

 

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Incontournable, « Dieu désarmé » du padre Richard Kalka. Nous avons abordé ce récit formidable ici.

Disponible chez l’éditeur Little Big Man ici.

 

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Pour les fans d'histoire : « L’aumônier militaire d’Ancien Régime - La vie du prêtre aux Armées des guerres de Religion à la Première République (1568-1795) », par le père Robert Poinard, vicaire général du diocèse aux Armées.

Aux éditions L’Harmattan, disponible ici.

 

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Pour les fans d’uniformes : « Insignes et tenues des aumôniers militaires français depuis 1852 », par Dominique et Marie-Claude Henneresse.

Aux éditions ETAI, disponible ici.

 

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A venir : "Un prêtre à la guerre" du padre Christian Venard. Rattaché au 17e RGP de Montauban, il était sur les lieux après la tuerie opérée par Mohammed Merah et est accouru pour accompagner le jeune CPL Abel Chennouf dans la mort.

Parution début décembre aux Ed. Taillandier. Peut être commandé ici.

 

Autres confessions 

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« Soldats de la parole », ouvrage collectif sous la direction du grand rabbin Haïm Korsia.

Publié par l’Aumônerie Israélite des Armées. Disponible ici.

 

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« Aumônier en Algérie », Journal du pasteur Caumont, aumônier protestant.

Chez Ampelos Editions. Disponible ici.

 

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Pour contacter toutes les aumôneries, voir ici.

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Hommage

Au CNE Patrice Sonzogni, 35e RAP, mort pour la France en Afghanistan,

A l’ICS Thibaut Miloche, 126e RI, mort pour la France en Afghanistan,

A tous les morts pour la France en Afghanistan,

Aux blessés, tant dans leur physique que dans leur psychisme.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

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Il est des endroits où les cloches telles qu’on les connaît, jolies, polies et bien arrondies, sont inexistantes. C’est pourquoi, avec l’habilité et l’ingéniosité de bon nombre de soldats, on arrivait à fabriquer des cloches avec les moyens du bord (…) Une douille d’obus peut ainsi avoir une seconde vie beaucoup plus pacifique que la première !

Cependant, une chose reste pour moi une évidence humaine et pastorale : quelle que soit la matière dans laquelle la cloche est fondue, elle ne sonnera jamais juste tant que les souffrances des pays traversés seront  sur sa portée musicale. Aucune mélodie harmonieuse ne pourra danser dans le vent de Dieu tant que les droits les plus élémentaires des pauvres, des veuves, des enfants, des personnes âgées et des malades de toutes les régions du monde dans lesquelles nos soldats sont envoyés seront bafoués par des conflits fratricides dus au péché de l’homme, à son arrogance, son insolence, son goût du pouvoir et son amour de l’argent.

Padre Jean-Yves Ducourneau

 

 

 

 

Aumônier des armées, récit biographique, journal de marche, Afghanistan

19/10/2013

« Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français », Nicolas Mingasson, écrivain-photographe intégré au 21e RIMa, Ed. Acropole

 

Extraits et photos © Nicolas Mingasson [sauf mention contraire], publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Cette chronique est dédiée à Mme Monique Panezyck, maman du CCH Jean-Nicolas Panezyck, 21e RIMa, mort pour la France le 23 août 2010 en Afghanistan. Avec notre affection.

 

 

"La première victime de la guerre, c'est toujours la vérité" 

Rudyard Kipling, écrivain britannique.

 

La fraternité militaire fait souvent preuve d’amertume lorsqu’elle évoque la société civile : incompréhension sur le sens de son engagement, indifférence envers ses sacrifices… Et pourtant, il existe une poignée de ces civils qu’il convient de mettre à part : Un beau matin, ils ont frappé à la porte du Ministère de la Défense. Comme les soldats, ils ont dû prouver leur force, physique et mentale. Comme les soldats, ils ont fait leurs bagages. Comme les soldats ils ont serré dans leurs bras femme, enfants, proches, en leur disant : « Ne vous inquiétez pas, je serai prudent ». Comme les soldats, ils se sont envolés vers des pays où règne le fracas des armes. Mais, contrairement aux soldats, ils n’emportaient qu’appareils photo, stylos et pc portables.

Ils s’appellent Yves, Sébastien, José, Alphonse, Thomas, Sylvain, Bertrand… Ils s’appellent aussi Nicolas Mingasson.

Ce sont des reporters, des photographes, des écrivains, qui loin d’un travail journalistique d’opportunité, ont décidé d’accompagner nos troupes sur le long terme.

Et s’ils n'ont pas été en mesure d’apporter leur soutien aux soldats sur le terrain, c’est au retour qu’ils l'ont fait, en témoignant du sens de leur engagement, de leurs sacrifices…

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« Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » est avant tout l’histoire d’une rencontre : celle de Nicolas Mingasson et du Sergent Christophe Tran Van Can, 21° RIMa. Ce dernier s’est porté volontaire pour « accueillir » Nicolas, au grand dam (dans un premier temps) des hommes de sa section.

Durant toute l’année 2010, le photographe-écrivain collera aux basques du Sergent, partageant toute la vie des Marsouins, entraînements, patrouilles, chambrées…

De cette « vie commune » naissent « Journal d’un soldat français en Afghanistan », témoignage de Christophe écrit avec le soutien de Nicolas et « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français », propre ressenti de Nicolas, accompagné de ses photos. Un livre fort, superbement écrit et illustré, très facile d’accès, donc particulièrement conseillé aux non-initiés.

C’est dans un premier temps sur le second ouvrage que nous nous penchons, mais nous reviendrons évidemment sur le premier.

 DSC01712.JPG Le Sergent Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, Fréjus

Ils sont ailleurs. Pas seulement loin, mais véritablement dans un ailleurs ; un autre monde qui ne partage rien avec celui où je me trouve : la France estivale des vacances, la France des courses au supermarché, du cinéma, de l’usine ou du bureau… Et je me surprends souvent à penser à eux, au détour d’un rayon ou au comptoir d’un café. 

A lui seul, ce paragraphe justifie le sous-titre choisi par Nicolas : « La guerre inconnue des soldats français ». Car qui peut prétendre connaître cette guerre ? Les combattants, les Afghans, quelques initiés, dont Nicolas. Mais le Français moyen ? Comment pourrait-il connaître cette guerre ? Quelques secondes au journal télévisé, et encore, lorsqu’un homme est tombé ; quelques reportages, souvent bons, mais en 2nde partie de soirée...

La guerre est, pour celui qui ne la subit pas, une inconnue. Qui peut mesurer le degré d’abnégation des soldats ? De leurs proches ? Qui peut imaginer le stress, l’épuisement, la crasse et la peur ? Qui peut imaginer le résultat d’un attentat suicide ? Voit-on des morts ? Voit-on des jambes arrachées ? Entendons-nous les cris du copain blessé ?

Inconnue la guerre, et celle-là plus encore : l’Afghanistan, pays lointain géographiquement, culturellement… l’Afghanistan, si éloigné des préoccupations des français…

Alors, on oublie ? On passe à autre chose ? Non. Douze ans de guerre, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes déployés, 88 tués, des centaines de blessés dans leur chair, dans leur psychisme, des familles meurtries, des soldats qui se sentent incompris, quantité négligeable de la république, après tant de sacrifices… Il ne faut pas passer à autre chose. On lit le livre de Nicolas, pour que ne nous soit plus si inconnu ce qu’endurent ces jeunes gens, envoyés au bout du monde, parfois vers la mort. Car ne l’oublions pas, le soldat a certes choisi le métier des armes, mais il est envoyé au combat par nous et pour nous

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Impatients comme des fauves en cage, ils rêvent d’y être déjà, mais voudraient aussi pouvoir reculer le jour de la séparation [d’avec leurs familles]. Ces semaines d’entrainement sont pour eux des voleuses de temps qui les séparent encore des vallées poussiéreuses et brûlantes d’Alasay et de Bedraou.

Ici, rien ne va changer. Mois après mois, les mêmes personnes se promèneront sur les mêmes plages, emprunteront le même tronçon d’autoroute pour rentrer du travail. Et, cet été, les vacances seront joyeuses et reposantes. Mais pour eux ?

Ce soir, ils ne s’extraient pas seulement physiquement du monde commun. Ils en sortent aussi psychologiquement. Même s’ils n’en ont pas encore conscience, ils vont au-devant de l’indicible, de l’inénarrable.

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Ils vont passer des heures sous la tente à se préparer, à s’équiper (…) Je suis littéralement fasciné par leur souci du détail. Ils peuvent passer dix minutes à se demander si telle poche aura mieux sa place à droite ou à gauche, si elle n’est pas trop basse, si le câble de la radio ne gênera pas un mouvement ou ne risquera pas d’être arraché. Ils en discutent ensemble, observent comment fait  le copain. Ils essaient, défont ce qu’ils viennent de faire, recommencent encore et encore jusqu’à ce que cela leur convienne parfaitement.

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Dans quelques heures, un foyer américain pleurera son soldat, quelque part en Alabama ou en Arizona. A moins que cela soit au Kansas. Du Black Hawk qui vient de se poser, des Marines extraient le corps d’un soldat. Soudain, le temps se fige autour de nous, les pales de l’hélico semblent tourner dans un vide immense et silencieux. Plus rien n’a d’importance que ce soldat qui ne rentrera pas à la maison. Autour de moi, les gars se redressent un à un et se mettent au garde à vous. Un soldat reconnaît un autre soldat. (…) La réalité du monde extérieur vient de leur sauter à la gueule, comme une vague submerge une digue. Et c’est peu dire que l’ambiance n’est plus la même. Peu à peu, les gars s’enfoncent dans leurs pensées (…) ils sont secoués et se mettent à gamberger. C’est Christophe qui finit par sortir la section de sa torpeur, balançant une énorme connerie à Guigui. Il a réussi son coup, les gars reprennent le dessus.

Je commence à comprendre que l’une de leurs forces est de savoir dresser des barrières autour de leurs émotions pour se concentrer sur l’essentiel : la mission. Et je continuerai à découvrir, dans les mois qui vont suivre, la force de caractère, la volonté que cela exige d’eux.

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Impossible d’y pénétrer du regard. C’est à pied qu’il faut s’y enfoncer pour la découvrir. Les chemins qui la parcourent sont étroits et bordés de murets en terre, si bien qu’il est impossible d’y circuler avec des blindés. Leur sentiment d’oppression ne fait que croître à mesure qu’ils s’y infiltrent. C’est un véritable labyrinthe au milieu duquel la population les observe. Les visages sont impénétrables, dénués de toute émotion apparente. Qui est qui ? Qui fait quoi ? Comment le sauraient-ils ? Un seul rôle est clair, celui des soldats. Et ils sont la seule cible non seulement visible mais clairement identifiée. En face d’eux, au contraire, tout est trouble, c’est un véritable brouillard. Insurgé ? Paysan ? Informateur ? Les deux à la fois ? Ca gamberge sévère…

Je comprends leur frustration. Des mois, des années de préparation, un armement comme ils n’en ont jamais eu, l’envie de « faire le boulot ». Ils sont jeunes, téméraires, tout en muscles et bourrés d’hormones. Ils n’ont peur de rien, sûrs d’eux et de leur technique. Ils ont un côté chiens fous mais ne sont pas dupes,  il ne s’agit pas de jouer avec le feu. « On fait les malins à vouloir y aller, mais c’est vrai que c’est complètement con. Quand on reviendra avec un gars dans un sac ou avec une patte en moins, on fera moins les finauds. » Mais c’est plus fort qu’eux ! L’envie de vivre l’emporte sur l’envie de survivre. Et vivre, pour eux, à 400 mètres des positions insurgées, c’est combattre. 

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La peur est une émotion qui se maîtrise. C’est même pour beaucoup la définition même du courage. La contenir au point de pouvoir repartir de l’avant en sachant que  les insurgés sont dans la zone, qu’un copain est entre la vie et la mort. Etre capable de sortir d’une ruelle, de s’exposer pour récupérer P, de le mettre à couvert et lui sauver la vie. Quand je leur parle de courage, ils me répondent : «  On fait notre job », « N’importe quel gars ici ferait la même chose ». Ces dialogues sont à l’image de ce qu’ils sont : des garçons ordinaires qui, par les valeurs qu’ils ont acquises, par la cohésion qu’ils ont développée et par les situations auxquelles ils sont confrontés, sont capables d’accomplir des actes réellement héroïques.

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Il faut de la rage pour sortir de là, une force venue de loin, quelque chose d’animal, de vital. Les uns après les autres, les gars se lancent en tirant une rafale vers la zone des insurgés. Et, dans un même mouvement, toute la compagnie fait corps autour d’eux, en faisant pleuvoir un déluge de plomb sur les talibans. Les poumons en feu les jambes tremblantes, il faut avancer encore et encore. Vingt mètres, dix mètres, cinq mètres… et pouvoir plonger, enfin, de l’autre côté du muret protecteur (…)

Cette journée qu’ils me racontent au mois de septembre, près de deux mois plus tard, est encore toute fraiche dans leur esprit. Il reste dans leur voix des accents d’excitation, de plaisir d’avoir vécu ensemble ces moments extrêmement forts et puissants. D’en être sortis vivants aussi. Quand je les avais quittés fin juin, trois jours seulement avant cette journée de combat autour du pont de Tagab, l’expression « frères d’armes » sonnait creux pour eux. Plus maintenant.

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Fin de la garde. Prendre les ordres auprès de l’adjudant Cédric. Les transmettre aux gars du groupe. Au programme du lendemain : protection d’une action CIMIC [civilo-militaire] à Shekut. Départ à 5 heures du matin. Les gars ont à peine dormi la nuit précédente, ils sont crevés. Déjà 22 heures. La douche, l’ordinaire ? L’ordinaire en premier ; à cette heure, il ne devrait pas y avoir encore trop de queue. La douche et enfin son box. Peut-être un tour au foyer pour acheter quelques barres de céréales ou des cigarettes… Ils auraient bien aimé passer un coup de fil en France, mais le réseau est coupé depuis plusieurs heures déjà. Quant à la salle Internet, où il faudra peut-être attendre une bonne demi-heure, peu y pensent. Se coucher. Dormir.

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Mais Panezyck ne rejoindra pas l’autre rive. Il s’écroule au bout de quelques mètres, fauché par un tir précis. A quelques dizaines de mètres de lui, un insurgé l’a regardé s’élancer et courir. Et a décidé qu’il ne passerait pas. Pourquoi lui et pas un autre ? Mauvaise question, sans réponse (…) Quelques secondes plus tard, le lieutenant Mezzasalma s’élance au secours de Panezyck alors que tout autour de lui les hommes ouvrent le feu en direction de la zone d’où proviennent les tirs. C’est un acte d’un courage insensé, qui touche à ce qu’il y a de plus sacré entre tous les soldats : être capable de donner sa vie pour les autres. Touché à son tour alors qu’il rejoint le corps de Panezyck, il se bat jusqu’au dernier souffle, tirant ses dernières balles avec son arme de poing. 

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En raccrochant, je ne peux m’empêcher de m’en vouloir de ne pas être là-bas. C’est un sentiment étrange, difficile à cerner. Un mélange d’empathie et de cohésion avec un groupe au milieu duquel j’évolue depuis des mois. Mais je m’en veux aussi de ne pas y être pour capter ces moments dramatiques qui témoignent de leur engagement. Nous avions plusieurs fois évoqué cette question : devrais-je prendre ou non des photos si l’un d’eux venait à être tué ou blessé. Tous me répondaient que « Oui, évidemment, il faudra que tu fasses des photos ! » Ne pas montrer jusqu’où ils sont prêts à aller leur semblait être une forme de trahison. Mieux, ils ne comprennent pas ou n’acceptent pas la pudeur de leurs chefs et des politiques qui veulent donner à leur guerre un visage qu’elle n’a pas, sans morts ni blessés.

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F est déjà nostalgique à l’idée de quitter l’Afghanistan : « Après, c’est sûr, on ne fera que de la merde. »

Je le retrouve plusieurs fois le regard perdu vers la vallée de Bedraou.

Que lui dire ?

2013 : Des éléments du 21e RIMa sont déployés au Mali, dans le cadre de l’Opération Serval. Ils forment le 1er Groupement Tactique Inter Armes avec des unités du 2e RIMa, du 1er RHP, du 3e RAMa, du 6e RG, du 3e RPIMa, du 1er REC et du CPA 20.

Le 28 janvier, après un raid blindé aux côtés de l’armée malienne, ils s’emparent de Tombouctou.

***

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Nicolas Mingasson

 

Voilà, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » est refermé.

Alors, me direz-vous, le lecteur connait-il désormais cette guerre ? Et bien non, elle restera pour lui, à jamais, une inconnue, puisqu’il n’est ni combattant, ni civil afghan.

Et pourtant, Nicolas a magnifiquement réussi son projet. Son livre est un incontournable, rejoignant le panthéon des grands récits sur l’engagement français en Afghanistan.

Contradictoire ? Non, car pour le lecteur, quelque chose de formidable ne lui sera plus inconnu, et là est l’essentiel :

Grâce à Nicolas, le lecteur connait désormais les hommes qui font cette guerre pour lui.

 

Vidéo de Nicolas réalisée en 2010. Retrouvez le Sergent Tran Van Can et les Marsouins du 21e en "live", entre action et émotion.

 

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Nicolas Mingasson

A Nicolas : Merci pour ton accueil, merci pour Christophe, merci pour Lorenzo et Jean-Nicolas, merci pour eux tous.

 

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Nicolas.JPGNé en 1967, Nicolas Mingasson tombe tout jeunot dans la photo de guerre, inspiré par les Don McCullin et autres Gilles Caron. Reporter à Gamma et France soir, il couvre en 1993 le conflit bosniaque. Il se passionne également pour le monde polaire : expédition à ski au Pôle Nord en 1995, 6 mois dans l’Arctique russe en 2008.  C’est à cette occasion qu’il exploite ses talents d’écrivain et publie  « Terre des Pôles » en 2008 puis  « Sentinelles de l’Arctique » en 2009.

En 2010, Nicolas sollicite l’armée français. Il soumet  un projet précis : suivre un unique soldat pendant un an, raconter « les hauts comme les bas », parler du soldat, mais aussi de l’homme qui se cache derrière : mari, père de famille… Ce projet a certainement fait débat, mais Nicolas est finalement autorisé à suivre le Sergent Christophe Tran Van Can, du 21e RIMa, évidemment volontaire. Partageant les mêmes piaules, vivant au rythme exact du groupe, participant à tous les entraînements, Nicolas rejoint à trois reprises les marsouins en Afghanistan dans leur base de Tagab en Kapisa. Il est présent lors du désengagement du régiment, vers Kaboul puis la France. De cette « expérience » naît « Journal d’un soldat français en Afghanistan » co-écrit avec le sergent Tran Van Can (Ed. Plon), puis en 2012 « Afghanistan - La guerre inconnue des soldats français », où il livre son propre ressenti, accompagné de ses photos.

Nicolas vit entre Paris et Sarajevo, est marié et père de trois enfants.

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« Journal d’un soldat français en Afghanistan » a reçu en 2011 la mention spéciale du prix de l’Armée de Terre Erwan Bergot, le prix Grand Témoin de la France Mutualiste et le prix de la Saint-Cyrienne, association des élèves et anciens élèves de l’ESM, en 2012. Bien entendu, Une Plume pour l'Epée abordera prochainement ce récit.

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Prix : 21€ - Format 19x26 - 192 pages, tout couleur, ISBN 978-2-7357-0664-7 

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Aux éditions Acropole

Livre disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.

Site de Nicolas Mingasson ici

 

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Hommage

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Au Capitaine  Lorenzo  Mezzasalma, 21e RIMa, mort pour la France en Afghanistan,

Au Caporal-Chef Jean-Nicolas Panezyck, 21e RIMa, mort pour la France en Afghanistan,

Aux Marsouins du 21e morts pour la France,

Aux blessés. 

 

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Photos © AB

Ces deux vitrines, présentées lors de l’exposition « 45 ans d’opérations extérieures », hôtel de ville de Versailles en 2013, sont composées des décorations et objets personnels du CCH Panezyck, prêtés par sa mère.

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Mme Monique Panezyck, dans la chambre de son fils à Versailles. © JP Guilloteau/L'Express

 

Les soldats français qui se sont battus et qui se battent toujours en Afghanistan ne regrettent rien de leurs choix et de leur engagement. Ils sont même, pour l’immense majorité d’entre eux, fiers et heureux d’avoir rempli la mission que la France leur a confiée. Mais ils sont amers. Amers du manque de reconnaissance de la nation française. Ils rêvent de drapeaux agités à leur retour, d’un peu plus que les trente secondes traditionnelles consacrées par le journal télévisé de 20 heures lors du décès d’un des leurs. Ils rêvent d’une nation qui les soutienne, d’une nation qui reconnaisse les sacrifices qu’ils font pour elle.

Nicolas Mingasson

 

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Ceci n'est qu'une image virtuelle. Mais ne vous y trompez pas, soldats, elle est le reflet du cœur d'une multitude de Français.

Vous les trouvez trop silencieux ? Vous avez raison. Mais prêtez l'oreille :

Pour toutes celles et ceux qui lisent ce texte, vous n'êtes pas des inconnus, et ils vont s'adresser à vous, en prononçant ce mot avec nous :

Merci !

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

 

 

 

 Livre, photos sur les Marsouins en Afghanistan, 21e RIMa

06/10/2013

« La guerre vue du ciel », LCL Marc Scheffler, EC 3/3 « Ardennes », EC 2/3 « Champagne », Ed. Nimrod

 

Extraits et photos publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

 

Porté par ma fougue, je n’ai qu’une envie : être projeté au cœur de l’action. Non pas pour participer de façon obscène à une guerre et son cortège de drames humains effroyable, ni pour la gloire de quelques médailles. Mais un sentiment profond d’injustice me pousse à vouloir combattre pour une cause qui me parait juste. On n’embrasse pas une carrière sous les drapeaux, qui plus est en risquant sa peau au quotidien dans une machine à tuer, sans avoir une certaine idée de son pays et de ses valeurs.

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

A la Chasse… BORDEL ! 

« Cri » de tradition des pilotes de Chasse

 

Les avions de Chasse m’ont toujours fasciné. Je me revois tout gosse, dans notre jardin, lever le nez vers le ciel dès le premier grondement d’un réacteur, chercher des yeux le Mirage IIIE, le Jaguar, en provenance de Reims, Dijon ou Nancy. J’avais même droit, parfois, au « boum » du passage du mur du son. Comme si le pilote me saluait.

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Qu’est-ce que j’aurais aimé lire, dès cette époque, « La guerre vue du ciel » du Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler ! Pensez : le récit d’un chevalier du ciel, 15 ans aux commandes d’un Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol. Missions de guerre au Tchad et Congo, en Libye,  six déploiements en Afghanistan… Il y a matière à conter.

Et Marco le fait brillamment, avec un parti pris assumé : coller le plus possible à la réalité (ce qui impose un soupçon de jargon aéronautique, mais très facile à assimiler).

Alors, plongé dans l’action, on se prend à stresser avec « Claudia » : Allons-nous finir par l’enquiller ce foutu panier du Boeing ravitailleur en vol ??!! Mais où sont-ils  ces p* de talibans !!?!

Comme si nous étions le troisième homme d’équipage…

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Marc et son NOSA Jeff, Kandahar, Afghanistan, 2010. © M. Scheffler

Nota : le Mirage 2000D est un avion biplace. L’équipage est constitué du pilote en place avant, et du NOSA, Navigateur Officier Système d’Arme, en place arrière.

 

Allez. Rugissement du réacteur… Décollage !

 

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Mirage 2000D, © C. Ambroise/Armée de l’Air

 

Entrainement – exercice Red Flag aux USA

Je maintiens ma position à 0,3 Nm. Soudain, une énorme masse noire accompagnée d’un rugissement jaillit devant moi et remplit ma verrière en une fraction de seconde ! Par réflexe je tire brutalement sur le manche. Trop tard ! Je passe de plein fouet dans le souffle d’un réacteur. La claque est phénoménale. Je lutte à grands coups de manche pour garder le contrôle de l’avion en m’écartant vers le haut et en surveillant dehors, puis je jette un coup d’œil aux paramètres moteurs. Tout est bon. J’expulse un « PUTTAAIN !!! » pour évacuer le trop-plein d’émotion. Je viens de croiser à quelques mètres d’un autre avion je viens surtout de croiser la mort. (…)

Derrière moi, Fioqui, mon navigateur, reste d’abord muet. Puis il rompt le silence :

- C’est pas passé loin…

 

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Ravitaillement en vol, © BA 133 Nancy-Ochey

 

Ravitaillement en vol « sport » au-dessus du Tchad

L’air est si turbulent et la visibilité si faible que nous avons du mal à rester en position. Par instant, je ne distingue que les saumons d’aile du Boeing qui danse au gré des violents soubresauts. La tenue de place accapare toute mon attention. Mes corrections au manche et aux gaz sont devenues brutales. Les grésillements incessants à la radio me rendent nerveux. (…) L’extrémité de ma perche de ravitaillement se pare subitement d’un panache violacé : les feux de Saint-Elme. L’air est chargé d’électricité statique. (…) Mon appareil fait des bonds de plusieurs mètres. Chaque virage est une torture. Pris de vertiges, je m’acharne à rester en place. Mon oreille interne me joue des tours. J’ai la sensation de voler sur le dos. (…) Après une éternité, j’ai l’impression que ça tabasse un peu moins. Le « boomer » en profite et déroule les deux tuyaux de ravitaillement en vol (…) Je me présente pour une première tentative. Impossible d’enquiller devant les mouvements erratiques du panier. Il se dérobe dans les derniers centimètres et ma perche passe immanquablement à côté. Après plusieurs essais et quelques belles frayeurs, je commence à être sur les nerfs. Les niveaux de carburant deviennent critiques. (…) 

[s’adressant à son navigateur]

- Transe, j’opte pour la méthode offensive !

- Tu vas faire quoi ?

Sa voix trahit une certaine appréhension…

(…) Nouvelle tentative.

Le panier part vers le haut. J’envoie un coup de manche vers l’arrière pour remonter le nez et l’attraper au passage. Ma correction est trop brutale. Le gland atterrit au-dessus du panier, qui vient se coincer entre la perche et le radôme.

- Et merde…

- Marco, ta technique c’est pas du 100%...

- Tu veux les commandes ?

- Non, non… je te rappelle juste que j’ai une femme et des enfants.

Sa réponse est un rappel à l’ordre. Je ne suis pas seul à bord. Je réduis légèrement les gaz. L’avion recule de quelques centimètres, mais le panier reste bloqué. L’espace d’un instant, le Boeing traîne le Mirage.

RAAAAAACK !

Le panier se libère et racle l’avant du fuselage. Transe est silencieux.

 

Appui des troupes au sol par un Mirage 2000D en Afghanistan.

"Armée de l’Air ! Armée de l’Air !"

Avec 40° de piqué, j’ai l’impression de plonger à la verticale. Je redresse au dernier moment, lorsque le sol me saute au visage. Le relief serpente devant moi. Jeff a intégré les coordonnées du point dans les centrales. Elles se matérialisent dans ma VTH par une petite croix. En transparence, je devine parfaitement la petite bâtisse rectangulaire est ses quatre murs d’enceinte crénelés.

Du fond de la vallée, je remonte vers la crête le long de la pente. Une centaine de mètres du sol, lancé à 1000 km/h. (…) Une seconde avant le passage, je distingue les cinq silhouettes des insurgés sur le toit…

 

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Expulsion de leurres pour un « show of force ». Un Mirage 200D du Champagne « montre ses muscles ». Photo © EMA

 

Soudain, c’est l’apocalypse dans la VTL. Des crépitements lumineux clignotent depuis les toits des véhicules italiens. Ce sont des tirs de riposte. Les mitrailleuses font feu de tout bois et les canons dansent sur les tourelles en arrosant les rangées d’arbres de part et d’autre de la chaussée. Gladiator 17 [homme du convoi, en liaison radio avec Marc] s’est jeté sur la fréquence et crie pour se faire entendre :

- Rage 31 de Gladiator 17, nous sommes tombés dans une embuscade, nous prenons des tirs des deux côtés de la route et nous ripostons. Je vous demande immédiatement…

Plus rien. Sa voix s’est arrêtée net. L’intensité du silence nous étouffe. La boule au ventre, je peux sentir battre mon pouls jusque dans les tympans. J’ai un mauvais pressentiment. J’écrase l’alternat pour un check radio. Pas de réponse. Tataï a compris comme moi :

- Marco, là, ça craint…

- Cherche sur les bas-côtés, sous les arbres !!! Et trouve-moi des types qui tirent !!!

 

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Marc et son NOSA Axel, avant un vol de nuit sur la Libye, 2011 © M. Scheffler

Moteur coupé, tout redevient calme. J’ouvre la verrière. J’enlève mon casque. Une légère brise me frappe le visage, et je frissonne dans ma sueur. Le calme après la tempête. Je savoure ce moment de plénitude. Much est déjà en bas de l’échelle. Les traits tirés, souriant, il rayonne de fierté.

 ***

 

1152081_2352711_460x306.jpgLe Lieutenant-Colonel Marc Scheffler, dit « Claudia », sort breveté de l’Ecole de l’Air en 1998. Il est affecté à l’EC 3/3 « Ardennes », puis à l’EC 2/3 « Champagne » de Nancy-Ochey comme pilote de Dassaut Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol de précision (bombes guidées laser ou GPS). Il a participé à dix détachements opérationnels dont Tchad/RDC, Afghanistan (6 fois) et Lybie, cumulant plus de 3 800 heures de vol, dont 2 200 sur Mirage, et plus de 150 missions de guerre.

Après 15 ans en escadron de Chasse, Marco rejoint Cognac et l’Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air (EPAA), où il avait déjà été instructeur en 2006-2009. Il transmet désormais sa grande expérience du vol et du combat à nos  futurs pilotes de chasse.

Marc est marié et père de deux enfants.

 *

MIRAGE_2000D_couv-53fec.jpg« La guerre vue du ciel » a été écrit en collaboration avec Frédéric Lert, que nous n’oublions pas. Frédéric est un journaliste indépendant, référence dans le monde de l’aéronautique militaire. On lui doit de nombreux articles dans la presse spécialisée (Air Fan, DSI…) et une vingtaine d’ouvrages, dont « Mirage 2000D » aux éditions Histoire et Collections.

 

 

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Prix : 23€  € - Format 15x23, 480 pages, cahier-photo couleur -  ISBN 978-2915243567

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Disponible sur le site de l’éditeur Nimrod ici.

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Page FaceBook de la Base Aérienne 133 Nancy-Ochey ici.

Site et page FaceBook de l'EC 3/3 Ardennes ici et ici.

Site de l'EC 2/3 Champagne ici.

Site et page FaceBook de l'EC 1/3 Navarre ici et ici.

 

Nous saluons évidemment les autres composantes de la BA 133 : ETD 2/7 Argonne, CFAA, ESTA, et tous ceux qui interviennent dans le cadre du soutien et de la sécurité.

Profitons de cette occasion pour présenter "Dans le repaire du Mirage 2000D - Nancy-Ochey", beau livre photo d'Alexandre Paringaux, en collaboration avec... Frédéric Lert (again).

 

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Il le trouve facilement, sur tous les sites du Net. Ou mieux : directement sur celui de l'EC 1/3 Navarre où il fait figure de collector, car dédicacé par l'auteur et le commandant de l'escadron.

Voir ici.

***

 

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Nous avons eu la joie de rencontrer Marco lors du Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Comme c’est souvent le cas avec nos amis militaires, il y a une certaine dualité chez l’homme : du « Dr Jekyll et Mr Hyde ». D’un côté, le pilote, exigeant, engagé, pas commode *du tout* quand les choses ne vont pas comme elles devraient. Et de l’autre, dans un contexte civil, un garçon éminemment sympathique, disponible, qui respire la gentillesse, très tourné vers les autres, ce qui transparaît d’ailleurs dans son livre, car il ne cache pas ses doutes et remords lorsqu’il impose à sa famille des choix de carrière qui vont rendre la vie de famille compliquée. Pas d’esbroufe chez Marco, pas de fausse modestie non plus, mais une saine humilité, que l’on retrouve chez la majorité des militaires.

 

[Lors de sa première affectation, présentation aux pilotes et navigateurs du 3/3. La tradition veut que chaque pilote possède un sobriquet]

« - C’est quoi ton surnom ?

- Claudia.

Silence général. Je précise :

- Claudia, comme Claudia Scheffler.

Hilarité générale… »

 

 

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© CedT

Piloter un avion de chasse était mon rêve de gosse, ma vie. A chaque fois que je pars en vol, je m’offre un petit plaisir qui n’a pas de prix : j’admire mon mirage pendant quelques instants. Année après année, il m’a emmené partout sans jamais me décevoir. Mon bureau se trouve là, à quelques mètres du sol. Immobile. C’est encore une masse sans âme. Mais il raisonnera bientôt de la fureur de son réacteur. Je suis toujours subjugué par son air martial. Dans quelques minutes, je serai installé aux commandes, entièrement absorbé par la mission. Des milliers de jeunes rêveraient d’être à ma place. Ils ont raison.

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

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EC 3/3 Ardennes, EC 2/3 Champagne

 

Hommage 

Aux Pilotes et Navigateurs morts pour la France, morts en service aérien commandé,

Aux blessés

 

Avec le salut fraternel du Chasseur (à pied...) et de la Russe-blanc

 

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Que fais-tu dans la vie ? Ce que j’ai toujours rêvé de faire ! Tu n’as pas été déçu ? Non, la réalité a dépassé mes rêves… Tu as bien de la chance, vivre sa passion n’a pas de prix. Et tu fais quoi ? Je suis pilote de chasse.

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

 

 

 

 

 Livre, récit biographique d'un pilote de Chasse, Mirage 2000D, Afghanistan, Lybie, EC 2/3 Champagne, EC 3/3 Ardennes, BA 133 Nancy-Ochey, Armée de l'Air

22/09/2013

"Au service de l'espoir", CNE Philippe Stanguennec, CoTAM, Ed. L'Esprit du livre

 

Photos et extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

 

 

“Kabul tower, this is Cognac 05. Gooooooooood morning Kabul !” 

Capitaine Philippe Stanguennec, en approche de l’aéroport de Kaboul.

 

 

Ah Stang ! Sacré bonhomme ! Dès nos premiers échanges, il me faisait marrer. J’attendais donc avec impatience de me lancer dans son récit « Au service de l’espoir » : 12 ans à parcourir le monde comme pilote de Transall…

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Tout y est : l’exotisme, les soirées arrosées au bar du CoTAM (*), la fraternité d’armes, la franche rigolade, les drames aussi…

Le Capitaine Philippe Stanguennec a le chic pour rendre à la perfection cette ambiance, utilisant beaucoup le dialogue, maniant l’humour quand il le faut, distillant le stress lors des vols chaotiques…

« Au service de l’espoir », un bien beau récit, qui va ravir tous les fans de l’Armée de l’Air et au-delà !

(*) Commandement du Transport Aérien Militaire, rebaptisé Force Aérienne de Projection. 

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Stang aux commandes de son Transall

 

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Bon vol !

  

Aller, commençons par rigoler de bon cœur…

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© P. Stanguennec

 

A N’Djamena, discussion matinale au mess, avec un serveur tchadien.

- Qu’est ce qui ne va pas ce matin Joseph ?

- Les blancs, vous là, vous n’êtes pas gentils !

- Comment ça pas gentils… mais on ne t’a rien fait.

- Mais ce n’est pas vous, ce sont les gérants, là !

- Pourquoi ils ne sont pas gentils avec vous ?

- Hier soir, ils nous ont réunis dans la grande cuisine et ils nous ont demandés de nous déshabiller.

- Ah bon ? Et pourquoi ?

- Pour quelqu’un qui avait volé du fromage… et ils nous ont tous fouillés un à un. Ils étaient très méchants.

- Et alors ?

- Ils ont trouvé le voleur. Il avait tout caché dans son slip. Mais ce n’est pas une raison.

  

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En Centrafrique, la tourista, ce n’est pas rigolo du tout du tout. On ne se moque pas, hein…

Les maux de ventre déciment un par un l’équipage : consultations à l’infirmerie et régime banane ou riz. Saint-Immodium, Saint-Spasfon et Saint-Ercefuril, priez pour nous !

Cela dure deux ou trois jours. Entre-temps, il faut quand même assurer les vols. C’est ainsi que l’on a déterminé un point équidistant entre deux toilettes : celles de la villa [où nous logeons] et celles de l’aéroport. C’est un carrefour au centre-ville. Avant, on fait demi-tour, après, on continue. Sur la route, en se rapprochant du point de décision, tous les regards se portent sur le maillon faible : il est de couleur cramoisie et transpire à grosses gouttes…

  

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En Martinique, on ne se moque toujours pas, on « compatit » avec les copains restés en métropole :

Face à une mer turquoise, tout l’équipage est attablé au Kontiki. Nous sirotons un jus de banane tout en consultant la carte. En hommage à nos camarades aviateurs restés en métropole et qui viennent de rentrer dans la froidure de l’hiver, nous respectons une minute de silence. 

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Au Gabon, un petit énergumène manque d’être transformé en steak haché...

Nous survolons la brousse et apercevons le plateau où se trouve l’aéroport. Installé en finale, Pépi réduit sa vitesse, demande la sortie des éléments et du train d’atterrissage. Au seuil, je distingue un point qui se révèle être un gamin sur un vélo. « Mais qu’est-ce qu’il fait celui-là ? Y voit pas qu’on va se poser ? » En courte finale, v’la ti pas notre régional de l’étape qui entame un kilomètre lancé. Il fait la course avec nous ! « Remise des gaz ! » Nouvelle présentation. Le gamin est revenu au point de départ, pied gauche armé, prêt à enfoncer sa pédale. Pas de doute, il s’amuse comme un petit fou. Il va m’entendre celui-là ! En très courte, le gamin est à 200 mètres devant nous, sur la ligne centrale. Impossible de se poser sans l’écrabouiller… « Remise des gaz ! ».

 

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Et toujours au Gabon, on voit que le Contrôleur des armées a lui aussi de l’humour…

Stang doit transférer le contrôleur des armées. Un monsieur important, n’est-ce pas ? Petit souci cependant, ses insignes de grades sont particuliers, peu connus, et peuvent être pris pour ceux d’une autre fonction…

En montant, le contrôleur des armées trébuche sur le chef de soute en train de bricoler. Surpris, le jeune chef se retourne et apercevant subrepticement les insignes sur l’uniforme : « Oh excusez-moi ! Bienvenue à bord mon père ! ». Le contrôleur, un rien surpris mais sans se démonter : « Merci mon fils. Dieu vous bénisse ! ».

 

 

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Reste que, évidemment, la vie n’est pas un long vol tranquille. Et quand le ciel se met en colère, ça craint…

En Côte d’Ivoire, lors d’un vol Abidjan-Kortego

- Tu as vu devant ?

- Ouais…

Une grosse barrière de cumulonimbus nous barre la route, comme si nous étions au pied de l’Himalaya. Deux solutions : passer à travers ou en dessous. Au-dessus, difficile, les cumus montent très haut. A travers, nous allons givrer et nous faire chahuter.

- On passe dessous !

(…)

Phil se démène avec les contraintes géographiques et météorologiques pour nous trouver une route dans ce merdier.

(…)

La pluie redouble de violence. La visibilité se casse la gueule. La nuit va finir par tomber complètement. Nos zigzags nous retardent. Le carburant s’épuise et nos nerfs aussi.

(…)

- Bon aller, on arrête les conneries, cela ne donnera rien. On remonte en altitude

(…)

Le Transall monte vers la voute céleste. A ce petit jeu les illusions sensorielles sont redoutables. Je me force à croire nos instruments (…) car mes sens me disent que je suis en descente à forte inclinaison…

Au final, l’équipage décide de rebrousser chemin.

Il vaut mieux un beau demi-tour, qu’une belle frayeur, voire pire.

 

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Le crash du R155

 

Et la grande frayeur, Stang, Patrick  et Vincent la vivent en 1996, au retour d’un vol censé être banal [y en-a-t-il ?], de Villacoublay à Orléans

20h 27mn 30s : Arrêt moteur 1.

20h 27mn 34s :

- Le moteur 2 déroule ! Il s’est coupé !

Mon cœur fait un bon. Là, la situation devient extrêmement grave. Nous sommes maintenant en détresse, sans visibilité, sans moteur, à une hauteur d’environ 150 mètres.

(…)

Je lance un message de détresse. Je n’ai pas le temps de le terminer que tous les éclairages, l’ordinateur de bord et les écrans de navigation s’éteignent en même temps.

(…)

Nous nous retrouvons dans l’obscurité. Je regarde dehors, la nuit noire et glaciale me transperce. L’hélice droite mouline sans vie. Le silence de notre appareil en perdition est assourdissant.

Quelques secondes plus tard, le Transall se crashe en bordure d’autoroute, lieu-dit Chevilly. Les trois hommes sont blessés, mais vivants. Dieu a laissé à Stang le temps de profiter de son premier bébé, sa femme devant accoucher peu de temps après.

Afin d’exorciser le crash, le même équipage sera reformé pour un prochain vol. Imaginez les liens unissant désormais les trois miraculés !

Mais il n’y a pas que les éléments et les pannes mécaniques pour faire monter l’adrénaline…

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Séquence de leurres

Pour échapper à une menace, un aéronef poursuivi par un missile (guidé par la signature thermique de l’avion) peut éjecter des leurres constitués d'un matériau dégageant une forte chaleur en se consumant. Ceci a pour effet de tromper le missile et le détourner vers les leurres. Le déclenchement est automatique, dès que le système de contre-mesure a repéré une attaque potentielle.

 

L’équipage, prévenu par une alarme, n’a qu’une poignée de secondes pour réagir avant l’impact et changer brutalement de trajectoire. En sus, en vol de guerre comme au-dessus de l’Afghanistan, deux observateurs scrutent le sol.

Ambiance :

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En approche de l’aéroport de Kaboul - © P. Stanguennec

 

Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!

- Alerte missile ! Alerte missile ! Une séquence [de leurres] est partie !

Topper débraye le pilote automatique et vire à gauche, tentant de s’éloigner du site probable du tir.

Rien d’autre. Les observateurs n’ont rien remarqué.

(…)

En cabine, la tension monte rapidement à son paroxysme du fait que les actions à entreprendre sont limitées et que le temps pour les réaliser plus que symbolique : nous ne disposons que de 5 secondes avant l’impact.

- C’est notre troisième séquence en cinq missions ! On est partis pour battre un record, lance Topper.

- Ouais, mais c’est quand même pas trop cool, répond Thierry.

(…)

La lumière du roi Soleil fait place à une belle nuit étoilée. Nous attendons la frontière [tadjike] pour pouvoir nous relâcher un peu.

Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!

Tout le monde fait un bond.

Les observateurs nous confirment qu’ils n’ont rien vu venant du sol, mais la séquence de leurres est bien partie.

(…)

Ma résistance nerveuse commence à être éprouvée.

(…)

Enfin la frontière. Je me cale bien dans mon siège pour terminer le plus agréablement possible le vol, lorsqu’une lueur étincelante apparaît sur le côté droit de l’appareil. Elle est énorme et se déplace à une vitesse vertigineuse. Au même moment je gueule « Oh putain ! Putain ! » qui surprend tout le monde. Cette espèce de boule de feu se rapproche rapidement et je la prends pour la flamme d’un missile. La lueur disparait aussi vite qu’elle est apparue. Quelle frousse j’ai eu.

(…)

Ce dernier évènement m’a bien achevé psychologiquement. Je me suis dit qu’il était temps qu’on se pose et qu’on fume une clope, peinards, avec une binoche tadjike, sur un tube de Joe Dassin.

 

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Détachement Transall à Bangui, 1995. © P. Stanguennec

Evidemment, toutes ces "aventures", dans la joie ou la difficulté, soudent les hommes. Et cette solidarité dépasse les grades et les rôles. On rend donc hommage, comme il se doit, au camarade nouvellement promu, en écrivant une citation à l’ordre du bar de l’escadron :

Détachement Air Licorne, à mon commandement, Garde-à-vous !

Sergent Chêne, à genoux. Ouvrez le ban !

Les sergents s’exécutent : papapapa-papapapa-papa-papa-papa.

Si nous sommes réunis ce soir, en toute intimité, c’est pour marquer un instant important dans la carrière du susnommé. Le Sergent Chêne est entré dans l’Armée de l’Air par la porte de la cuisine en novembre 1991. Il est nommé Caporal-Chef la même année. Il n’hésite pas à user de ses charmes pour passer Sergent en 94 (…) En détachement en Asie centrale, a travaillé brillamment sa S2 (*) au bar du Tadjikistan Hôtel, sur l’album de Joe Dassin. (…) Au sein de l’escadron, le Sergent Chêne se démène sans cesse pour faire partir les équipages dans les meilleures conditions. Doté d’un sens critique affirmé sur le système militaire, d’un humour acide apprécié de tous et d’un physique que beaucoup lui envient, le Sergent Chêne, pour toutes ces qualités, mérite d’être cité en exemple.

(*) Sélection 2 - Contrôle d’acquisition des connaissances générales et théoriques permettant l’accès aux stages en école de formation.

 

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Une solidarité qui dépasse évidemment le cadre de l’Armée de l’Air…

- Un soldat français a été grièvement blessé à un check-point. Ils sont en train de le rapatrier sur l’aéroport. Tu peux l’évacuer ?

- Oui, oui, pas de problème. On va préparer le Transall. On l’attend.

(…)

L’avion est prêt. Tout est installé. Nous grillons une cigarette. Le jour se meurt.

(…)

Je raccroche et reste planté là, au milieu du parking. Je glisse mon portable dans la poche de ma combinaison. J’allume une Marlboro. Une vie s’est arrêtée et le reste continue de tourner… Je vivais là la fin tragique d’un de nos p’tits gars de France. J’étais tout à coup vidé.

- Le blessé est décédé. On rentre.

(…)

Nous volons dans la nuit noire. Les instruments scintillent dans l’univers confiné de notre cockpit. Au-dessus, les étoiles brillent de façon insolente. Les gestes se font mécaniquement. Nul ne vient troubler le silence.

 

In Memoriam

Artilleur de 1ère classe Kevin Ziolkowski, 40ème RA,

mort pour la France en Côte d’Ivoire.

 

* * *

 

DSC00611.JPGSuivant les trajectoires aériennes de son papa pilote de transport, Philippe « Stang » Stanguennec s’engage en 1991 après son baccalauréat au Prytanée national militaire de La Flèche. Elève officier du personnel naviguant, il est breveté pilote de transport en 1993. Il pilote le C160 Transall pendant 12 ans, au sein de l’ET 3/61 Poitou. En 2005, il rejoint le ET 3/60 Esterel comme pilote d’Airbus.

Marié et père de quatre enfants, Stang poursuit sa carrière de pilote de ligne, pour une compagnie civile.

Il m’a avoué : « J'ai toujours un peu de nostalgie quand j'entends un Cotam sur la fréquence, qui a le cap au sud vers l'Afrique... »

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Prix : 22€ - ISBN 978-2-915960-77-8 - Format 15,5x23,5 - 353 pages dont cahier-photo couleur.

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Le livre est disponible chez Prividef ici.

Page FaceBook "Au service de l'espoir" ici

 

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Le CNE Stanguennec aux commandes de son Airbus A310

 

 

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Hommage 

Aux équipages et passagers des C160 Transall F156 et F209 de la 63ème ET/CIET340, morts en service aérien commandé lors d’une collision en 1984 :

CDT Poincelet, pilote chef de bord,

ADJ Billard, pilote,

CDT Florysiak et LTN Galia, navigateurs,

MAJ Vochelet, mécanicien navigant,

ADC Hermann, photographe SIRPA-AIR,

ADC Hupliez, ADC Natton, SCH Thibault, largueurs BOMAP/1er RTP,

LTN Guyot, navigateur chef de bord,

CNA Julien et LTN Sire, pilotes,

MAJ Borie, mécanicien navigant.

 

A l’équipage et aux passagers du CASA CN235 de l’ET 1/62 Vercors, morts en service aérien commandé en 2003.

A l’équipage et aux passagers du DHC6 Twin-Otter de l’ET 3/62 Ventoux / Multinational Force and Observers in Egypt, morts en service aérien commandé en 2007.

Aux hommes et femmes du transport aérien, morts pour la France, morts en service aérien commandé.

Aux blessés.

 

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux navigants et pistards du Transport.

 

« La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout,

d’unir les hommes. »

Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes.

 

 

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Le ronron rassurant et lénifiant de nos moteurs nous berce. Nous nous installons dans une ambiance reposante. David s’est calé confortablement et observe les étoiles (…) Olivier gratte sur sa table de navigation (…) de son petit hublot au-dessus de sa tête, il observe la Lune qui continue sa course, relayant celle du Soleil qui a poursuivi sa route vers l’ouest. Patrick est allongé sur la banquette. Il a enlevé ses chaussures et somnole, le casque sur les oreilles. Inconsciemment, son cerveau reste en alerte, guettant le moindre bruit inhabituel. Il sourit. Il est heureux d’être là, en première classe, sur une banquette, au milieu de ses potes, à 6000 mètres d’altitude (…)

- Quelqu’un prend un café ?

(…)

Je descends dans la soute. L’éclairage est au minimum. La carcasse métallique de notre avion vibre à la fréquence de nos deux Tyne 22.

(…)

Patrick remplit les gobelets et me suit jusqu’au fond de l’avion. Je soulève le rideau du cadre 40 et je passe derrière. Un frisson me parcourt l’échine : le chauffage ne vient pas jusque-là. Patrick me tend un café et je lui tends une cigarette (…) On se sourit. Le café me réchauffe et me revigore. Nous profitons de chaque bouffée.

- On n’est pas bien là, mon canard ?

- On est bien là, mon canard.

 

 

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C’est un métier d’homme, rude et exigeant. Mais quand on a fait corps avec cet univers où, le temps d’une mission, la machine et les hommes qui composent son équipage ne font plus qu’un : quelle jouissance !

 

Saluons les camarades de Stang ! Patrick, Vincent, JP, Coco, Thierry, Topper, Jérôme, Higgins, Poupougne, Laurent, Stéphane, Willy, Nestor, Cédrik, Yves, etc.

 

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Douchanbe, Tadjikistan - ©  P. Stanguennec

 

Il n’y a pas de belles missions. Il n’y a que de bons équipages. 

Capitaine Philippe Stanguennec

 

 

 

  Livre, récit biographique d'un pilote de Transport, Transall

15/07/2013

"Aito - Guerriers du Pacifique", les soldats polynésiens et le 511ème RT, film de Sébastien Joly

Photos publiées avec l'aimable autorisation de l'auteur. Droits réservés.  

 

‘Aito n’est pas un film sur la guerre, mais un film sur les hommes qui la font.

Sébastien Joly, dossier de presse d’Aito – Guerriers du Pacifique

 

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2011, base de Nijrab, un tringlot du 511ème observe la vallée de Tagab.

Vous habitez Papeete ? Alors, vous avez bien de la chance ! Non pour la baignade dans l’eau turquoise des lagons ou le coucher de soleil, assis sur une plage de sable blanc, adossé à un cocotier, mais parce que vous avez pu voir le film  ‘Aito  de Sébastien Joly :)

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Rappelons la genèse de ce projet un peu fou :

En janvier 2011, avec 500€ en poche, Sébastien quitte Tahiti. Objectif : suivre pendant 2 ans les soldats  français du Pacifique, tahitiens, néo-calédoniens.

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Sébastien Joly

C’est le 511ème Régiment du Train d’Auxonne qui accueille notre photographe-cinéaste aventurier. De cette immersion, déploiement de 2 mois en Afghanistan, stage commando, vie de quartier et de famille, Sébastien rapporte des photos sublimes et un film-reportage : ‘Aito (Guerriers en Polynésien).

Bande annonce d’Aito

Les temps sont durs (…) mais grâce au soutien d’entreprises et médias polynésiens, du Ministère de la Défense, des Tringlots d’Auxonne, renforcé par celui d’une centaine de coproducteurs de tout horizon, et grâce surtout à l’abnégation de Sébastien, l’aventure est menée à son terme.

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Le 4 juin dernier, ‘Aito est présenté en avant-première au cinéma Majestic de Papeete. Programmé du 5 au 11 juin, il est prolongé jusqu’au 18, puis jusqu’au 25.

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Nous sommes privilégiés; nous avons vu ‘Aito en avant-première (non, pas à Papeete… J). Et… c’est une belle réussite. Les hommes et femmes d’abord, tous très attachants, qui livrent des témoignages respirant l’honnêteté, avec un joli accent des antipodes. De l’action, tant en Afghanistan que pendant les entraînements commandos en métropole. La tension lors des convois sur les routes de Kapisa, mais aussi le cochon de lait cuit à l’étouffée sous un tas de terre, dégusté au son des ukulélés. De l’émotion aussi lors des séparations et des retrouvailles. Et la fierté de tous, chef de corps compris, pour le travail bien mené… Le tout porté par des images superbes et un très bon montage.

Pas d’esbroufe, de l’authentique.

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Sébastien nous a réservé une belle surprise en citant le blog au générique.

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Le dvd est disponible au prix de 25€ sur le site officiel ici. Vous y trouverez également toute une série d'objets "lookés" Aito, mugs, chevalières, patchs... C'est fort joli.

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 Polynésie française

Site de Sébastien ici. Page FaceBook .

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Téva, 511ème RT.

Depuis la seconde guerre mondiale et son bataillon du Pacifique, les polynésiens se battent pour la nation.

Quoi de plus normal que de leur rendre hommage ?

Sébastien Joly, dossier de presse ‘Aito

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Juillet 2011, à Douchanbé capitale du Tadjikistan, Teata du 152ème RI s'apprête à décoller pour Kaboul. © Sébastien Joly.

Haka des soldats polynésiens, 14 juillet 2011 

A rohi e Tahiti ite taua !

En avant Tahiti, en avant pour le combat !

Chant de guerre tahitien.

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