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16/02/2014

"Task Force Tiger", COL Nicolas Le Nen, 27e BCA. Ed. Economica

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos de Thomas Goisque. Tous droits réservés.

 

 

+ A la mémoire du Caporal-Chef Nicolas Belda, 27e BCA, seigneur de la vallée d’Alasay +

 

 

L'esprit chasseur ?

Mais c'est justement ce qu'en d'autres termes j'ai toujours prôné.

C'est d'abord l'esprit d'équipe, de mon équipe.

C'est la rapidité dans l'exécution des gens qui « pigent » et qui « galopent ».

C'est l'allant, c'est l'allure, c'est le chic.

C'est pour les chefs le sens social dans le commandement, c'est l'accueil aimable.

C'est servir avec le sourire, la discipline qui vient du cœur.

C'est le dévouement absolu qui sait aller, lorsqu'il le faut, jusqu'au sacrifice total.

 

Maréchal Lyautey

 

 

 

Le peuple de France a-t-il un problème avec ses victoires militaires ? Voici un bon sujet pour le bac de philo. Nous ne nous lancerons pas dans une thèse/antithèse/synthèse, mais posons-nous une question  simple, ou plutôt, posons-la aux personnes qui nous entourent : « Pouvez-vous citer une bataille en Afghanistan ? ». Nous parions que la majorité répondra « Uzbin ». Et c’est bien normal. Le traumatisme a été grand, la médiatisation forcément importante. Mais combien répondront « Alasay » ? Peu d’échos dans les 20 heures, vous en conviendrez. Et pourquoi ? Parce que c’est une victoire ?

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Eh bien, grâce à « Task Force Tiger » du Colonel Nicolas Le Nen, parlons d’Alasay ! Parlons de cette brillante victoire, due à la valeur de tous les hommes et les femmes du GTIA Tiger, avec à leur tête le colonel, chef de corps du 27e BCA.

Avec cette lecture, suivons au pas Chasseur l’entrainement en France, la stratégie envisagée pour conquérir le sanctuaire taliban inviolé, la mise en place du dispositif opérationnel, l’assaut.

N’oublions pas les victoires de nos troupes. N’oublions pas Alasay. Un « Uzbin » pour les talibans. Un parmi tant d’autres…

 

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Défilé du 14 juillet 2009, le Colonel Le Nen à la tête du 27e BCA. Photo armyrecognition.com

Ils sont heureux, ils y croient, ils ont la pêche. Plus que jamais, je suis heureux d’être parmi eux, je mesure la chance d’être soldat et d’être leur chef. Ces soldats, ces sous-officiers et ces officiers sont des hommes et des femmes d’un dévouement sans bornes. Je sais qu’ils me font une confiance totale, qu’ils me suivront partout. Je n’aurai pas le droit de les décevoir ; ni de me tromper dans les opérations qui nous attendent en Afghanistan. C’est vraiment là qu’est ma responsabilité, mon devoir de chef : être à la hauteur de ce qu’attendent mes subordonnés et ne pas gaspiller la vie et le dévouement de ces hommes et de ces femmes d’exception qui m’ont été confiés.

Ensemble, nous surmonterons les épreuves qui nous attendent, ensemble nous vaincrons nos ennemis, ensemble nous serons au rendez-vous que l’histoire nous a fixé.

Avant le déploiement du GTIA

  

La conquête de la vallée d’Alasay

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Le COL Le Nen en Kapisa

Les vallées d’Alasay et de Bédraou, qui sont situées au centre de la zone d’opérations du bataillon, constituent le centre de gravité du dispositif de notre ennemi à parti duquel il rayonne vers les autres vallées. Si nous parvenons à contrôler ces deux vallées et notamment la première, alors nous aurons fait un pas significatif dans le contrôle de la province. La guerre que nous menons ici est avant tout une guerre d’influence. Pour supplanter l’influence des rebelles, il faut que nous réimplantions, dans les zones où ils font régner leurs propres lois, les premiers relais de l’influence du gouvernement afghan que sont ses forces de sécurité et notamment leur armée (…) La conquête du fond de cette vallée sera une entreprise difficile mais elle est nécessaire pour que l’insurrection recule en Kapisa.

 

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Débarquement d’une section du 27e BCA sur les hauts d’Alasay

A 3h00 du matin, l’opération Dinner out commence. Les quatre compagnies du 1er Kandak s’engagent dans la vallée d’Alasay par la piste sud Hurricane. Elles sont appuyées par la compagnie de Minguet qui a intercalé ses sections entre les trois compagnies de tête afghanes. Dans le même temps, les sections de Gruet embarquent dans les quatre Chinook qui vont les héliporter sur les crêtes sud et est de la vallée. Au total, ce sont huit cents soldats français et afghans qui partent à la conquête de la vallée dans laquelle nous savons maintenant que deux cents insurgés environ se sont retranchés.

 

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Chasseurs du 27e en Kapisa

L’ennemi tente de s’imbriquer entre les deux sections pour limiter l’emploi de nos appuis mais les Chasseurs résistent et font feu de tout bois. [Les sections] Vert 20 et Vert 30 n’ont jamais aussi bien porté le surnom de leur compagnie : Boule de feu. Les attaques ennemies sont repoussées grâce à un appui feu air-sol et sol-sol massif. J’ordonne à la patrouille de F 15-E qui nous appuie de tirer une bombe d’une tonne sur une grotte dans laquelle des insurgés sont retranchés. Je veux que l’ennemi sache que nous ne lâcherons pas le terrain. La guerre est avant tout un affrontement des volontés a écrit Clausewitz. La puissance des armes que nous employons est aussi une manifestation de notre détermination à aller au bout de notre mission.

 

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COL Nicolas Le Nen en Afghanistan

« On n’abandonne pas nos morts » j’annonce à la radio. Il est important que tous sachent qu’en dépit de la mort de l’un des nôtres, nous ne relâcherons pas nos efforts et nous irons au bout de ces combats. Renoncer maintenant n’aurait aucun sens. Ce serait faire de la mort de notre camarade un sacrifice inutile. Mon rôle n’est pas uniquement de concevoir et de conduire des opérations. Le chef au combat n’est pas qu’un simple tacticien, froid et sans âme. Je suis aussi le garant moral de mes soldats. Dans les moments difficiles que nous sommes en train de traverser, je veux qu’ils entendent le son de ma voix, je veux qu’ils soient sûrs que je garde la tête froide et que je contrôle la situation. Nous sommes solidement installés au fond de la vallée d’Alasay et sur les crêtes du Gala Kuhe, notre puissance de feu est supérieure à celle de l’ennemi. Je suis intimement persuadé que, pour lui, la partie est déjà perdue. Ses assauts successifs seront irrémédiablement repoussés par Jonquille et par Vert. Comme à Na San, il y a plus de soixante ans, les talibans se casseront les dents sur nos môles de résistance.

 

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Au contact dans la vallée d’Alasay

Les Chasseurs de [la section] Jonquille repartent au combat et déjà l’ennemi commence à décrocher vers l’est. Il est 19 h 00 et après douze heures de combats ininterrompus, nous sommes enfin maîtres de la vallée d’Alasay. Sur la crête du Karat Kuhe, les Chasseurs d’Allègre de la Soujeole et de Bouaouiche ont à nouveau repoussé les vagues d’assaut ennemies. Ils ont été fidèles à l’esprit combatif qui a forgé la légende des Diables bleus de la Première Guerre mondiale. Fidèle aussi à l’esprit chasseur, le lieutenant Allègre de la Soujeole, au plus fort des combats de l’après-midi, a fait hisser un drapeau français sur sa position, geste de défiance lancé à la face des insurgés.

 

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Chasseurs du 27e en Kapisa

La vallée est conquise. Immédiatement, deux bases avancées sont construites, devant accueillir l’armée afghane.

Je débarque de mon VAB devant la prison où la pelle mécanique de l’ANA [Armée Nationale Afghane] remplit inlassablement les bastion walls. Je retrouve le Colonel Hussein [commandant le 1er Kandak de l’ANA] et Lieutenant-Colonel Sean Wester [chef de l’équipe américaine encadrant le Kandak].

- "Abdul, tu es devenu le seigneur de la vallée d’Alasay", lui dis-je en lui tendant la main. Il la prend chaleureusement comme si nous allions faire un bras de fer, signe de notre fraternité d’armes.

- "Ce sont nos soldats qui sont les seigneurs d’Alasay", me répond-t-il.

- "Tu as raisons Abdul, ce sont eux les seigneurs de la vallée".

 

***

Le Nen 0.jpgNicolas Le Nen intègre Saint-Cyr en 1986. Après un cursus à l’Ecole d’Application de l’Infanterie de Montpellier, il opte pour les troupes de montagne et rejoint le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins d’Annecy. Après un passage au CPIS (DGSE) comme commandant d’unité, il sert au sein de l’Etat-Major de l’Armée de Terre. En 2007 il revient au 27e BCA comme chef de corps. De décembre 2008 à juin 2009, il commande le GTIA « Tiger » en Kapisa, composé de Chasseurs alpins du 27e BCA, Cavaliers Chasseurs du 4e RC, Dragons Paras du 13e RDP, Sapeurs Légionnaires du 2e REG, Artilleurs de Montagne du 93e RAM, Traqueurs d’ondes du 54e RT et Transmetteurs du 28e RT. Son mandat en Afghanistan est marqué par la victoire d’Alasay [opération Dinner out]. Il dirige désormais le Service Action de la DGSE.

Le colonel Le Nen est officier de la Légion d'honneur, titulaires des Croix de la Valeur militaire, Croix du combattant, Médaille d'Outre-Mer, Médaille de la Défense nationale échelon or, Médaille commémorative française, médaille de la Force de protection des Nations Unies (ONU), médaille des opérations au Kosovo (OTAN), médaille de la SFOR (OTAN) ainsi que de la médaille de la Jeunesse et des Sports. Pour son action en Afghanistan, il a reçu la Bronze Star américaine.

 

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Prix : 15€ - ISBN 978-2-7178-5853-2 – Format 15,5x 24 – 128 pages

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Aux éditions Economica. 

Pour vous procurer le livre, voir ici.

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Le Colonel Le Nen est également l’auteur de plusieurs livres traitant de stratégie militaire, coécrits avec les Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Joseph Givre et Emmanuel Germain.

"Enjeux de guerre", coécrit avec le COL Givre, a reçu le prix "Edmond Fréville-Pierre Messmer" de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. 

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Enfin, citons un roman : « Le vent d’Alasay » de Michel Sègre. Nous avons eu la chance de rencontrer cet auteur « masqué » et confirmons (avec son aval) qu’il est très au fait de la conquête de la vallée d’Alasay… (un dessin ?).

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Avec le COL Le Nen au Salon du Livre et au Salon des Écrivains Combattants 2013 - photos Natachenka

 

Le Colonel Le Nen et les hommes du GTIA Tiger en « live ». Reportage de Géraud Burin des Roziers pour Zone Interdite, M6.

 

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Hommage 

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Au Caporal-Chef Nicolas Belda, 27e BCA, mort pour la France pendant la bataille d’Alasay,

Aux Chasseurs morts pour la France en Afghanistan

ADC Franck Bouzet, 13e BCA

ADJ Laurent Pican, 13e BCA

1CL Enguerrand Libaert, 13e BCA

1CL Clément Chamarier, 27e BCA

A tous les Chasseurs morts pour la France,

Aux blessés.

 

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Une infirmière et des membres du Groupement de Commandos Montagne

Qui a dit que notre jeunesse était désabusée ? Il suffit de voir avec quelle volonté, avec quelle hargne, avec quelle envie de se dépasser tous ces soldats se donnent, pour comprendre que les jeunes de ce pays ont autant de foi dans l’avenir que leurs aînés. Il suffit simplement de leur fixer des objectifs, de leur proposer des entreprises ambitieuses, de leur lancer des défis à la mesure de leur amour de la vie et de l’idéalisme de leur âge.

 

Colonel Nicolas Le Nen

 

 

 

 

 

Récit autobiographique, journal de marche Afghanistan, 27e Bataillon de Chasseurs Alpins, GTIA Tiger 

04/02/2014

"15 ans au GIGN", Eric Delsaut & Eric Moingeon, Ed. L’àpart.

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

« Ceux qui jouent avec des chats doivent s’attendre à être griffés »

Cervantès

 

 

C’est en flânant dans les allées du Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan que nous avons rencontré Eric Delsaut. Arrêt net devant la pile de livres placée devant lui : « 15 ans au GIGN », cela interpelle. Et lors de la conversation, petit à petit, nous avons pris conscience de qui était cet homme sympathique et souriant : l’un des piliers du Groupement d’Intervention de la Gendarmerie Nationale… rien que cela.

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Comme souvent chez nos amis militaires, Eric a l’humilité et la gentillesse des grands. Grand par la taille, mais surtout par la carrière : Il porte le badge n°70 donc est pratiquement né avec le GIGN du fameux Christian Prouteau. Et si on ne peut rapporter toutes les missions d’Eric, il suffira d’en citer une : la prise d’otage lors du vol Air France Alger-Paris en 1994. N’avez-vous pas vibré devant votre télé en regardant les hommes en bleu partir à l’assaut de l’Airbus ? Eric était l'un d'eux…

C’est avec régal que nous nous sommes plongés dans son récit autobiographique, écrit en collaboration avec Eric Moingeon : engagement dans les Chasseurs Alpins, puis à la Gendarmerie Mobile, sélection puis entraînement au GIGN et enfin toutes ses missions, en France, Algérie, jusqu’à la fameuse intervention de Marignane. Morceaux choisis :

 

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1982, Eric Delsaut lors de la sélection initiale en vue d’intégrer le GIGN. Tenue et moustache fleurant bon les années quatre-vingt… J

 

Sélection & Entrainement

 

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Eric lors d’un exercice de descente en rappel à partir d’un hélicoptère, à 60m du sol

La corde de rappel mal positionnée sur l’épaule, un départ un peu trop précipité et hop ! M’échappant de la main avec la vitesse, la corde est brutalement remontée tel un fouet, frôlant mon visage. Réflexe efficace, instinct de survie… d’un ample mouvement, je l’ai happée sur la longueur de mon bras en l’enroulant de deux tours et ai terminé ainsi, freinant au mieux ma descente, sous les yeux médusés de l’assemblée. Je n’oublierai jamais le regard de Philippe Legorjus [commandant le GIGN] à l’arrivée.

 

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Burk au travail avec Fabrice Galli, adjudant instructeur au CNICG

Quand la tête d’un des maîtres-chiens apparaissait (…) chacun de nous comprenait instantanément qu’ils cherchaient un « os » pour enfiler la « toile » [vêtement de protection] et aussitôt, toutes les têtes se tournaient dans une autre direction, comme si de rien n’était (…) servir d’appât pour leurs bestioles, merci ! Mais ils savaient qu’ils pouvaient compter sur deux volontaires, Jean-Jacques R et moi. J’aime les chiens. Cela étant, ce n’était pas une partie de rigolade. Un de leurs molosses, Hutan, devenait vicieux et teigneux en vieillissant. Il valait mieux ne pas laisser une main sortir de la « toile », sinon il s’en serait délecté. Sur la « fuyante » [fuite], c’était la gamelle assurée ! J’en savais quelque chose, j’y avais goûté. Impossible de résister à la percussion du bolide de 40 kg vous arrivant sur le paletot tel un boulet de canon. On se retrouvait forcément allongé, le nez écrasé dans le gazon, à brouter le trèfle tout en se faisant secouer comme un paillasson.

 

Action

 

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Photo GIGN

On s’est positionné d’un côté de la porte et nous avons tous attendu le « top action » de l’officier. La négociation ayant échoué, il fallait neutraliser [le forcené], si possible sans le blesser gravement. Je tenais fermement mon [révolver] MR73. Quand  on attend comme ça, prêt à l’action devant une porte fermée masquant un possible danger, on se passe tout un film dans la tête. On se demande comment sera le gars, dans quelle position, dans quel état d’esprit. Et dans quel état d’esprit serai-je face à lui ? Allait-il ouvrir le feu en me voyant apparaître dans l’embrasure de la porte ? Devrai-je faire feu pour me défendre ? A moins d’être devin, mystère ! La réponse à toutes mes questions, j’allais la découvrir sans tarder, c’était une question de minutes, de secondes.

Melun,  14 juillet 1984

 

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En 1989, Eric devient maître-chien, et forme désormais une équipe avec Burk.

Le patron et un camarade ont commencé les négociations, à tour de rôle. Les gamins se faisaient un film : ils étaient importants, on déplaçait le GIGN pour eux ! Ils jouaient aux grands bandits et ont demandé une voiture pour quitter les lieux. Ils ne voulaient même pas d’argent. Une voiture a finalement été garée à 20 m du bar, pour les obliger à se déplacer à découvert sur cette distance. Notre équipe les a vus sortir, l’un après l’autre, juste sous notre nez, sans leur otage resté dans le bar, mais l’arme à la main. On les a laissés  s’avancer. Il fallait rester discret, au moindre bruit de notre part, ils auraient sûrement tiré. Burk avait les oreilles dressées, tous ses sens en éveil, n’attendant que mon ordre pour s’élancer vers l’objectif désigné. Le mot « attaque », il connaissait ! Il était calme, mais prêt.

Guipry, décembre 1989.

 

Vol AF 8969

La prise d'otages du vol Air France 8969 Alger-Paris, par quatre islamistes algériens membres du Groupe Islamique Armé (GIA), se déroule entre le 24 et le 26 décembre 1994 et se solde par la mort des quatre terroristes à Marseille lors de l'assaut du GIGN. Préalablement, trois passagers ont été exécutés pour faire pression lors des négociations avec les gouvernements algérien puis français. 

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Eric et Burk

La mission de chaque groupe était définie. Pour le mien, nous savions dès à présent que si nous devions intervenir, cela se passerait au niveau de la porte arrière de l’Airbus. Nous sommes tous rentrés chez nous, avec pour consigne de revenir dès le déclenchement du « bip » annonciateur d’un départ imminent. J’ai préparé mon sac avec tout l’indispensable. Il n’était pas moins de 19 heures quand le bip a sonné. J’ai juste pris le temps de dire au revoir à ma belle-famille, à mon épouse inquiète mais confiante et à mes deux petites filles, trop jeunes pour se rendre compte de ce qui se tramait. Elles attendaient le père Noël qui viendrait dans la nuit, pendant leur sommeil, déposer plein de jouets et c’est surtout cela qui retenait leur attention. C’est avec le cœur serré que j’ai filé vers la caserne. Le devoir nous appelait.

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Eric

Nous avons aperçu les feux de position de l’Airbus amorçant sa descente vers le sol français. Nous étions soulagés : maintenant, il se trouvait chez nous et nous allions pouvoir agir. Cela faisait maintenant trois jours que nous étions sur le pont, le groupe était en effervescence. L’appareil s’est posé avant de rejoindre l’emplacement qui lui était attribué. Denis Favier a profité de la nuit pour envoyer une équipe de tireurs se positionner à des endroits stratégiques. Nous étions prêts.

L’instant était solennel, grave. Nous nous sommes regardés, d’un regard qui en disait long sur la suite. Des frissons me parcouraient l’échine, non pas sous l’effet du froid, mais de l’émotion. Et puis les poignées de mains ont commencé à circuler dans les rangs, au fur et à mesure que nous rejoignions nos emplacements. Nous ne l’avions jamais fait, sur aucune intervention précédente.

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Photo GIGN

Nous nous sommes mis en colonne derrière nos chefs de groupe. Chacun savait ce qu’il devait faire. Nous nous sommes dirigés vers les passerelles qui nous attendaient, là, à quelques mètres, nous positionnant prestement sur les marches à nos emplacements respectifs. Le patron a lancé le « top action ». Les passerelles ont alors avancé lentement, au début, puis de plus en plus vite, en direction de l’avion. Sur la marche en contrebas, je voyais notre capitaine toubib Dominique D, avec son sac à dos rempli de matériels de soin et j’ai songé qu’il allait effectivement en avoir bien besoin. Et puis j’ai aperçu au loin les traînées lumineuses laissées par les balles traçantes tirées dans notre direction. Par la porte arrière droite de l’avion qui venait d’être ouverte, un des terroristes nous tirait dessus. C’est justement par cette porte que dans quelques minutes  nous allions entrer, nous le groupe 1.

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De vilaines pensées fugitives m’ont traversé l’esprit : et s’ils avaient réglé la minuterie des bombes de façon à ce que tout cela se termine en un grand feu d’artifice ? Et s’ils nous attendaient tranquillement derrière la porte, prêts à « rafaler » les premiers d’entre nous qui allaient pointer leurs nez ? Je songeais très fort à Annick, à mes filles…

Voilà, ça y était. Nous y allions.

 

A l’issue de l’assaut, le groupe d’intervention compte 10 blessés graves.

Parmi les membres d’équipages, seul le copilote se blesse en sautant par un hublot.

Les quatre terroristes sont abattus.

Aucun des 173 passagers n’est touché.

 

***

15ans-au-gign_eric-delsaut_guillaume-moingeon_2011_01.jpgLa Gendarmerie est une vocation pour Eric Delsaut, un « rêve de gamin », mais à 17 ans, trop jeune pour la rejoindre, il s’engage dans l’armée de terre. Formé au Centre d’Instruction Infanterie des Troupes de Marine de Fréjus, il opte pour les troupes de montagne et sera sergent au 27e BCA d’Annecy. Aux termes de son contrat de trois ans, il intègre l’Ecole d’Officier de la Gendarmerie Nationale [EOGN] de Melun. Affecté à l’Escadron 5/15 de la Gendarmerie Mobile de Chambéry, membre de l’Equipe Légère d’Intervention, puis à l’Escadron 3/2 de Maisons-Alfort, il postule pour le GIGN, créé en 1974 par le célèbre Christian Prouteau.  Eric atteint finalement son rêve terminant 8ème sur 120 postulants en 1983. Portant le brevet n°70, il mène toute sa carrière de gendarme d’élite à Versailles-Satory. Il quitte l’armée après 15 ans de bons et loyaux services.

Eric est marié à Annick et père de deux filles.

« 15 ans au GIGN » a été écrit en collaboration avec l’écrivain Eric Moingeon.

 

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Rencontre avec Eric au Festival International du Livre Militaire 2013, Saint-Cyr Coëtquidan. Photo Natachenka.

 

 

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Prix : ~16€ - ISBN-13 : 978-2360350599 - format 22,4x14,2 - 204 pages , cahier photo

 

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Aux éditions L’àpart

[Le livre est désormais épuisé (et les éditions L'àpart ont disparu). Il faut donc le chercher sur le marché de l'occasion ; par exemple sur Amazon]

 ***

Bibliothèque GIGN

(Non exhaustif) 

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Pour les cinéphiles : « L’Assaut », film de Julien Leclercq sorti en 2011, avec Vincent Elbaz, Grégori Dérangère, Mélanie Bernier, Philippe Bas...

 

 ***

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Hommage

Aux Gendarmes du GIGN morts pour la France, morts en service commandé.

Une pensée particulière pour Cédric Zewe, mort accidentellement le 7 novembre 2013 lors d’un entraînement.

A tous les Gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions.

Aux blessés.

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Juin 1983, Eric Delsaut reçoit le brevet n°70 des mains de Christian Prouteau

Toutes les personnes qui ont été sauvées par les Gendarmes leur gardent, c’est évident, une reconnaissance éternelle. Mais combien sommes-nous  à profiter aujourd’hui de la vie car un forcené, un terroriste, a été éliminé « préventivement » par le GIGN ? Nul de le sait. Alors, remercions nos anges gardiens.

 

Mon épouse a dû s’habituer à ce rythme de vie effréné et à cette petite sonnerie striduleuse venant interrompre un repas un repas familial prévu de longue date ou écourter toute autre activité. Mais c’était notre drogue, nous n’attendions que cela, le bipper, l’intervention. Nous avions tous besoins d’y aller, de foncer.

 

Eric Delsaut

 

 

 

 

 

 

21/01/2014

« Mon Afghanistan », LCL Steve Jourdain, R22eR, Québec, Armée Canadienne. Athena Editions

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et d'Athéna Editions. Tous droits réservés.

 

 

 

Ils ne vieilliront pas comme nous qui leur avons survécu,

Ils ne connaîtront jamais l’outrage ni le poids des années,

Quand viendra l’heure du crépuscule et celle de l’aurore,

Nous nous souviendrons d’eux.

 

Laurence Binyon , poète britannique

« Pour ceux morts au champ d’honneur »

 

 

 

Lorsque nous avons débuté ce blog, nous n’avions aucune autre ambition que d’apporter notre soutien aux soldats-auteurs et, à travers eux, à l’ensemble de nos troupes. Peu importait le taux d’audience que nous aurions. Nous considérions comme un devoir de lutter avec les seules armes en notre possession, des mots,  contre une certaine indifférence de nos compatriotes envers les militaires et leurs sacrifices. Nous voulions par-dessus tout lutter contre l’oubli. L’oubli de ces hommes et femmes qui donnent tant pour nous tous, voire qui donnent tout. Nous voulions dire haut et fort : « Nous, nous n’oublions pas ! Nous, nous nous souvenons ! »

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A cette époque, nous ne connaissions pas - ou alors était-ce inconscient - cette belle devise du Québec : « Je me souviens ». Nous ne savions pas qu’elle avait été reprise par le Royal 22e Régiment, seul régiment francophone d’active de l’Armée canadienne. Nous n’avions jamais entendu parler du Lieutenant-Colonel Steve Jourdain, pourtant frère d’armes, vétéran d’Afghanistan. Nous ne pouvions imaginer qu’un jour, il entrerait dans nos vies par la grande porte de la communion d’esprit et validerait notre démarche en nous disant : « Quelle belle façon d’aider à pouvoir dire « Je me souviens » »

Mais pour se souvenir, encore faut-il savoir et comprendre. Les Français ont eu cette chance grâce aux Barthe, Douady, Erbland, Redin, Le Nen, Scheffler, Kalka et tous les autres « Afghaners ». Voici venu le tour des Québécois.  Et ils ne pouvaient espérer meilleur porte-parole que Steve  et son récit, « Mon Afghanistan ».

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« Lorsque je repense à mon monde resté à l’arrière, c’est un peu irréel. J’ai l’impression que nous sommes à des années lumières. Je me demande si je serai capable d’expliquer comment ça se passe ici. Je me demande si je pourrai vraiment expliquer ce qu’est Mon Afghanistan. »

Steve,  tu as fait mieux que d’expliquer « Mon Afghanistan ». Tu nous l’as fait vivre.

 

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Steve et ses hommes, entraînement pré-déploiement au Texas.

Je pense aux opérations de combat qui nous attendent. Comment cela va-t-il se passer ? Comment les boys vont-ils se comporter, lors du premier contact, lors du premier coup dur, lorsque nous perdrons un frère d’armes ? Comment est-ce que je vais réagir ? Vais-je trouver les mots ? Vais-je trouver la force nécessaire pour les motiver à continuer ?

 

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Policiers afghans collaborant avec le R22eR

J’apprends que l’équipe de policiers afghans avec qui nous avons fait notre première opération, il y a quelques jours seulement, a heurté un IED. L’explosion a été dévastatrice. Le Ford Ranger dans lequel prenaient place les policiers a été complètement pulvérisé. Deux policiers sont morts instantanément. Un officier canadien, le Capitaine Dave Lacombe, se trouvait à proximité de l’incident, à peine à 20 mètres de l’explosion. Il a été chanceux. Très chanceux. La jambe pulvérisée d’une des victimes est venue le frapper en pleine poitrine.

 

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Le soir venu, je reste de longues minutes à regarder la voie lactée, claire comme je ne l’ai jamais vue nulle part ailleurs. Je prends quelques moments de réflexion dans l’obscurité de la base de patrouille et j’en appelle à la bonne étoile de Sperwan. A partir de demain, elle sera grandement mise à contribution.

  

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Explosion d’un IED lors d’un convoi du R22eR

« 9 ici 2-9, IED strike. Attendez. Terminé ». Le même sentiment de colère m’envahit chaque fois que j’entends ce message, plein de conséquence. Cela ne fait même pas une heure que nous sommes partis. C’est encore une remorque de l’équipe d’ingénieurs [sapeurs] responsable de nettoyer la route qui a explosé.

[quelques minutes plus tard]

On venait à peine de repartir lorsqu’un autre appel « IED strike ! » retentit. C’est un « Câlisse de tabarnak ! » qui sort de ma bouche. Un VBL est touché, heureusement sans conséquence.

[quelques minutes plus tard]

J’espérais bien que l’IED que nous avons frappé soit le dernier. Je suis ramené à la réalité par une forte explosion complètement à l’avant du convoi, à près de 5km de ma position. C’est le tout premier véhicule, un char d’assaut équipé de rouleau de déminage qui vient d’être frappé.

 

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Steve en patrouille

Les insurgés continuent d’engager furieusement le peloton de Vincent, déterminés à atteindre un soldat.   Ils réussissent… en partie. Alors qu’il changeait de position, le Caporal Boisvert est frappé au dos, directement sur sa plaque de protection de sa veste balistique. Projeté au sol, il se relève sans trop savoir ce qui vient de se passer.

 

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+ Major [CDT] Yannick Pépin 5e RGC, 6.9.2009. Steve, premier porteur droit.

Ils sont tous présents, assis dans le salon commun à discuter, à tenter de trouver un sens à ce qui vient de se passer, au cours de cette journée qui marquera ceux qui étaient là, qui ont tout vu. On se serre les uns les autres ; on se réconforte entre frères d’armes. C’est tout ce que l’on peut faire.

 

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Soldat Jonathan Couturier, R22eR, + 17.9.2009

J’avais appris à connaître Jonathan autour de la table de poker et un peu plus au cours de la dernière semaine. Nous avions parlé de probabilités. Je lui expliquais qu’avec une paire d’as, la meilleure  main au poker, un joueur à 83% de chances de gagner. Mais parfois, un joueur peut perdre avec cette meilleure main.

Même si l’opération avait été bien planifiée, même si nous avons pris toutes les précautions, le résultat final restait. Nous avons perdu l’un des nôtres.

Nous avons trop souvent perdu avec la meilleure main.

 

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Soleil couchant sur la base de Sperwan Ghar. Une page se tourne

Le peloton d’Alex monte dans l’hélicoptère, suivi des membres du PC. Je ferme la marche avec Hugo et l’Adjudant-Maître, une dernière fois. Le gros chinook s’élève dans un nuage de poussière et coupe abruptement vers le sud, puis vers l’est en direction de KAF. Par la rampe arrière de l’appareil, je vois le soleil qui descend à l’horizon. La fin du jour ajoute à la symbolique du moment. La base de patrouille de Sperwan Ghar, la citadelle des Cobra au cours des sept derniers mois, disparaît au loin et s’efface elle aussi. C’est bien fini. Une page de « Mon Afghanistan » se tourne.

***

Une page se tourne et une seulement. Mon Afghanistan : des pages et des pages à tourner, pour l’éternité.

Vous l’avez compris, Steve et ses hommes ont vécu des moments très durs. Bien sûr, les blessures de nos valeureux soldats québécois, des familles de la Belle-Province qui ont perdu un proche, vont se refermer, petit à petit. Nous l’espérons pour chacun d’entre eux. Resteront  les cicatrices, qu’ils devront désormais contempler avec la fierté du devoir accompli. Mais pour cela, ils ont besoin de notre aide, la même que celle que apportons déjà à nos propres soldats. C’est un devoir qui nous incombe ; pas seulement un devoir de Canadien. Ce sont nos cousins, nos frères d’armes, nos frères tout court. Et cette aide, elle n’est pas bien difficile à apporter : il vous suffit de leur dire « merci » et « je me souviens ».

Nous savons que nous pouvons compter sur vous.

 

***

1186736_10151647039976634_985190839_n.jpgSteve Jourdain est né à Shawinigan en Mauricie. Il est diplômé du Collège Militaire Royal du Canada. En 1996, il rejoint le Royal 22e Regiment de Valcartier, seul régiment d’active francophone de l’armée de terre canadienne. En 2009, alors Major [CDT], il est déployé en Afghanistan dans la région de Kandahar. Il commande la compagnie C « Cobra » du Groupement Tactique (GT) R22 eR,  basée à Sperwan Ghar, camp bâti par les Soviétiques autour d’une impressionnante « bute » de terre artificielle. Pendant cette campagne de 7 mois, menée avec bravoure, 12 des frères d’armes de Steve mourront au combat.

 

Steve est désormais Lieutenant-Colonel, commandant le 3e Bataillon Royal 22e Regiment. Grand sportif, il s'est bien remis d'un grave accident de parachutisme survenu 6 semaines avant sa prise de commandement. Il est marié à Claudine, à laquelle nous pensons avec affection - elle aussi est partie prenante de « Mon Afghanistan » - et fier papa de Karyanne et Jacob.

 

 

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 « Je me souviens »

 

Devise du Québec

Devise du Royal 22e Régiment

 

Je me souviens être tombé par hasard sur « Mon Afghanistan », une bonne bouille souriante sur la couverture, un treillis… canadien.

 

Je me souviens de ma recherche sur le Net : livre épuisé… livre épuisé… livre épuisé…

Je me souviens d’un appel de l’étranger, d’avoir décroché mon téléphone pour entendre la voix au joli accent d’une libraire québécoise : « J’ai le livre entre les mains. Je vous l’envoie et tiens à vous remercier de votre intérêt pour nos soldats »,

Je me souviens d’avoir cherché les coordonnées de Steve, et bingo, FaceBook, même bonne bouille sous un béret.

Je me souviens de l’envoi d’un message, sans grand espoir de réponse d’un Lieutenant-Colonel de l’armée canadienne.

Je me souviens d’un message sur FaceBook… de Steve Jourdain.

Je me souviens de la lecture du livre, comme toujours dans le train Versailles-Paris et me dire toutes les 10 pages : mais qu’est-ce que c’est bien !

Je me souviens aussi de m’être dit souvent, bien trop souvent : « Oh non ! » Et d’interrompre la lecture, sous le coup de l’émotion.

Je me souviens de tous nos échanges, de sa rencontre avec Yves Debay en Afgha, du bonheur de recevoir ses photos inédites, avec ses « chums » aux beaux sourires.

Je me souviens du sentiment qu’il a, que les sacrifices des soldats ne sont pas reconnus à leur juste valeur par ses compatriotes, qu’il n’attend rien d’autre de leur part qu’un peu plus de reconnaissance, qu’un simple merci.

Je me souviens lui avoir dit que c’était la même chose, ici.

 

Je me souviens de Chuck,

Je me souviens de Yannick,

Je me souviens de Jonathan,

Je me souviens de tous les autres.

 

Je me souviens.

 

 

***

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Prix : $24,95 Canada / 28€ France – ISBN : 978-2-924142-05-9 – Format 14x20, 287 pages – Cahier-photo couleur.

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Chez Athéna Editions

Page FaceBook ici

Le livre est désormais disponible en France !

Pour vous le procurer, nous vous invitons à contacter la « Librairie du Québec » à Paris ici. Ils font du "bon boulot" pour la diffusion de la littérature québécoise en France.

Vous trouverez également "Mon Afghanistan" sur Amazon.fr, Amazon.ca, FNAC.com, etc. Vous pouvez aussi le commander par l'intermédiaire de votre libraire préféré. 

 

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Drapeau du R22eR en Afghanistan

Le Royal 22e Regiment fête son centenaire. Page FaceBook ici.

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Hommage

Aux soldats du GT R22eR, morts en Afghanistan pendant la campagne de Steve,  avril-septembre 2009 

Caporal-Chef Charles-Philippe « Chuck » Michaud, 2eB R22 eR,

Soldat Jonathan Couturier, 2eB R22 eR,

Soldat Sébastien Courcy, 2eB R22 eR,

Soldat Patrick Lormand, 2eB R22 eR,

Caporal Martin Joanette, 3eB R22 eR,

Soldat Alexandre Péloquin, 3eB R22 eR,

Major [CDT] Yannick Pépin, 5e RGC,

Caporal Martin Dubé, 5e RGC,

Caporal Jean-François Drouin, 5e RGC,

Caporal Christian Bobitt, 5e RGC,

Ingénieur [Sapeur] Matthieu Allard, 5e RGC,

Cavalière Karine Blais, 12e RBC,

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Aux autres soldats canadiens morts pendant cette période 

Caporal-Chef Patrice Audet, 430e ETH,

Corporal [CAL] Nicholas Bulger, 3BPPCLI,

Major [CDT] Michelle Mendes, D.I.

 

A tous les soldats du Royal 22e Regiment morts en Afghanistan,

A tous les soldats canadiens, québécois et anglophones, morts en Afghanistan,

Aux blessés.

 

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C’est avec respect et affection que le Chasseur et la Russe-blanc vous saluent, vous tous, cousins-soldats québécois. Soyez remerciés pour votre action en Afghanistan.

Nous reprenons à notre compte les paroles du Major-Général Alain Forand, en septembre 2009, à Sperwan Ghar :

 

Vous êtes ce que le pays a de meilleur à offrir. Vous êtes les meilleurs ambassadeurs du Canada.

Soyez fiers de ce que vous êtes. 

 

 

 

 

 

Récit autobiographique de soldat, journal de marche, Afghanistan, Royal 22e Regiment, Québec, Canada

14/01/2014

« Ils font souffler le Mistral ! », Carl Spriet et l’équipage du Mistral. Marines Editions

Extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

 

On peut compter sur cette force toujours prête au service, la vieille dame toujours jeune, acceptant les pires routines et impatiente des plus belles inventions, férue de traditions et passionnée de découvertes, noble et rustre, discrète et orgueilleuse, désinvolte et guindée, paillarde et vertueuse, diverse et unie, contestataire et disciplinée, jalousée autant qu'aimée, méconnue et admirée, menacée mais éternelle : La Royale.

Jean-Louis Thuille, EN 41.

 

 

 

Vous ne parlez jamais de la Marine, tonnerre de Brest !

Rassurez-vous, fans d’ancres et de pompons rouges, voici venu le temps de prendre la mer. Mais pas sur une coquille de noix ! Sur le Mistral, l’un des fleurons de la Royale.

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Nous aurions eu entre les mains un joli livre-photo sur le premier bâtiment de projection et de commandement (BPC) français, nous aurions déjà été ravis. Mais le commandant du Mistral, le Capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, a souhaité marquer les esprits en faisant preuve d’originalité. Et c’est au dessinateur Carl Spriet, reporter graphique, qu’il a confié la partie « visuelle ». Point de photos donc, mais d'authentiques croquis pris sur le vif, abordant tous les personnels, quelles que soient leurs spécialités, et tous les aspects de la vie de bord, au port comme au large.

Rencontre d’un artiste et d’un univers, œuvre collective puisque tout l’équipage s’est impliqué dans le choix des dessins, et l’élaboration des légendes, très belle introduction du commandant (que nous allons utiliser pour légender quelques pages du livres)… « Il font souffler le Mistral » est un beau témoignage doublé d’une réelle balade artistique.

Prêts à embarquer ?

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Les bâtiments de projection et de commandement (BPC), dont le Mistral fut le premier mis en service en 2006, prennent rang immédiatement après le porte-avions Charles de Gaulle parmi les grandes unités de la Marine Nationale.

 

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Leurs capacités concentrent la plus large part de ce que la liberté des mers permet comme action vers la terre, depuis l’assistance à des populations sinistrées jusqu’au combat de haute intensité, terrestre ou héliporté.

 

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Le Mistral c’est avant tout un monstre d’acier, dans les immensités duquel, un équipage réduit se croise fugacement, chacun à son poste et dans sa zone de travail, éloignée parfois de dix étages  de celles de ses camarades.

  

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Cette ruche peut vibrer d’une activité intense à une extrémité, à l’autre elle semblera plongée dans la placide léthargie d’un Léviathan assoupi.

  

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Les poumons de chair d’où surgit le Mistral. S’il « souffle où il veut » comme l’entend sa devise ubi vult spira, c’est avant tout parce qu’un navire, singulièrement un navire de guerre aussi puissant et polyvalent que l’est le Mistral, n’est pas seulement un amas vaguement organisé de tôle, de câbles et de tuyaux, mais un organisme qui n’attend qu’une âme pour se mettre à son service, avec une personnalité propre. Et qu’un équipage au contraire d’une foule, est un formidable pourvoyeur d’âme, un catalyseur d’intelligence et de volonté voué à cette seule fin.

 

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Au-delà de la technique, au-delà du professionnalisme de chaque individu, ce qui anime le Mistral, c’est la fierté, le bonheur que chacun trouve à y servir, la qualité des liens qui unissent son équipage.

Capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman, commandant le Mistral

 

*** 

20100704162436_dsc_6705.jpgDiplômé de l'Ecole des Beaux-Arts de Lille, reporter graphique, Carl Spriet s’inscrit dans la lignée des peintres qui ont toujours travaillé sur le vif. Après avoir mené de front sa carrière artistique et son métier de cadre dans la grande distribution pendant vingt ans (il est également diplômé d'école de commerce), ce nordiste venu de la terre choisit les pinceaux et met le cap sur la mer.

En embarquant à bord du BPC Mistral en décembre 2012, il a pu laisser libre cours à son inspiration pour « le rapport homme/machine et l’humain appliqué à sa tâche ». Il a ce regard humaniste qui fera dire à tous les marins : « Il est des nôtres. »

"Comme les virtuoses, les équilibristes ou les athlètes de haut niveau, Carl Spriet à l’élégance de nous faire oublier les années de travail qui précèdent toujours le talent. Qu’il tienne un pinceau, une plume ou un crayon, il parvient à saisir la vie au vol avec un brio impressionnant (…) Carl Spriet nous prouve, s’il en était besoin, qu’un homme de l’art peut aussi être un homme de terrain."

Hervé  Verspieren

Carl est marié et père de quatre enfants.

 

Son site WEB ici.

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Prix 35€ - EAN 978-2357431232 - Format  21,2x28,5 - 96 pages 

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Chez Marines Editions

Pour vous procurer le livre, voir ici.

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Hommage

A tous les marins morts pour la France,

Aux morts en service commandé, aux disparus en mer,

Aux blessés.

 

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Ces combattants des mers m'ont impressionné par leur abnégation, leur capacité d'endurance et leur professionnalisme : manœuvriers, cuisiniers, pilotes d'hélicoptères, mécaniciens, électriciens, navigateurs, fusiliers, détecteurs, infirmiers, informaticiens, comptables,  logisticiens, gestionnaires des ressources humaines, ils forcent tous le respect. Ambassadeurs de notre pays, ils l'honorent par leurs aptitudes, en tout lieu et tout le temps, à accomplir la mission, Ubi Vult Spirat.

Carl Spriet

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06/01/2014

« DGSE Service Action : Un agent sort de l’ombre », Pierre Martinet, 3e RPIMa, DGSE, Ed. Privé & J’ai Lu.

 

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

Il faut faire des choses audacieuses, même téméraires, quand on y espère un profit matériel ou moral. Mais, ces choses audacieuses une fois décidées, il faut les faire avec le maximum de prudence.

Henry de Montherlant

 

 

En 2005, la parution d’un livre déchaîne les passions. Pensez ! L’autobiographie d’un ancien agent de la DGSE, mêlé qui plus est à une sombre affaire de déstabilisation d’une star du PAF ! « Un agent sort de l’ombre » de Pierre Martinet : une bombe médiatique…  

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Il est vrai que le récit de Pierre avait de quoi faire frémir sous les lambris de la République : Para-Colo présent notamment à Beyrouth lors de l’attentat du Drakkar, il a rejoint le *très secret* Service Action de la DGSE. Au fil des pages, il en révèle la sélection et l’entraînement, pour le moins « virils », puis les missions des « espions » français.

Oh, ne vous attendez pas à du 007 ! Sourire émail diamant, smoking, Martini dry et Aston Martin… « Ayez une tête de slip et personne ne vous remarquera.  Passer pour un abruti, c’était le début de la clandestinité ».  L’un des grands intérêts de ce récit, outre le sujet évidemment, réside dans l’humilité de l’auteur. Pierre ne cache rien de ses doutes ni de la fatigue psychologique après tant d’années de vie à la limite de la schizophrénie, qui lui feront finalement quitter le service pour la vie civile… et les ennuis, hélas.

Une autobiographie qui respire l’honnêteté, y compris lorsqu’elle nous emmène dans le marais putride que s’avère être le service Sécurité de Canal+, luttant certes contre le piratage des décodeurs, mais pas que... (et loin s’en faut).

Depuis sa parution, le livre est un succès. Pour preuve sa récente reprise en édition de poche  « J’ai Lu ». Et c’est mérité ! Bien sûr le sujet est porteur, mais « Un agent sort de l’ombre » est aussi un récit clair et bien écrit, forcément autocensuré, mais dans lequel on trouve l’essentiel : « l’essence de la vie d’espion ».

Morceaux choisis :

3e RPIMa, Beyrouth, attentat du Drakkar

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Photo AFP/Jamal Farhat

 « Qui a fait ça, qui a fait ça ? ». La phrase bourdonnait autour de moi comme un insecte. Lancinante, cette question était en train de nous vriller la cervelle. Mais personne ne savait comment y répondre. Y avait-il des survivants ? La structure n’allait-elle pas nous tomber sur la gueule quand on l’escaladerait ? Tout tournait très vite dans ma tête, et pas seulement dans la mienne. Autour de moi, la rage circulait dans les rangs, très vite remplacée par l’accablement devant le tas de béton fumant qui s’étalait sous nos yeux pleins de poussière.

 

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Il fallait se déshabiller au plus vite pour éviter les infections. A cause des risques, les médecins avaient donné l’ordre à tous ceux qui avaient travaillé sur la zone de brûler leur treillis. A la queue leu leu, on a porté nos fringues imprégnées de la mort de nos copains (…) Nous regardions ce feu de camp improvisé tout en nous observant. On n’était pas beaux à voir, mais on se sentait profondément vivants. J’ai eu un petit frisson. Je voyais que quelque chose était en train de s’envoler dans les volutes noires. Sans doute un morceau de notre naïveté sur le monde. Notre innocence s’était barrée, écrasée à quelques kilomètres de là sous des tonnes de béton.

 

N’Djamedna, Tchad, opération Epervier

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Forces Spéciales, Tchad. Photo José Nicolas

Je les ai vus arriver. Deux commandos d’une trentaine d’hommes avec les cheveux mi- longs, aucune trace de la tenue réglementaire ni d’arme apparente. Juste leurs gueules ridées qui indiquaient qu’ils étaient restés longtemps sous le soleil. Je savais qu’ils rentraient de là-haut et je les enviais. Eux, au moins, allaient au combat. C’était la deuxième fois que je croisais les hommes du Service Action, et je pensais que, décidément, si je voulais de l’action, c’était avec eux qu’il fallait être.

 

Service Action de la DGSE, Camp de Cercottes, sélection et entraînement

Nous vivions les uns sur les autres, sans lumière du jour, comme des souris de laboratoire. La distribution des corvées donnait lieu à des engueulades et c’était voulu par les instructeurs. Principe du rat en cage, il fallait tester la résistance psychologique des candidats. Ça marchait (…) Certains se renfermaient sur eux-mêmes, d’autres se plaignaient, d’autres encore se révélaient être des leaders.  En fait il y avait ceux qui subissaient la situation et ceux qui l’affrontaient (…) L’isolement était en train de nous façonner en profondeur, de nous sculpter la cervelle définitivement.

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« D’abord la glotte. Vous lui écrasez d’un coup sec, soit avec le tranchant de la main, soit avec un coup de poing. Si vous tapez très fort, ça broie les cartilages et il ne peut plus respirer. Ensuite, le nez. Un coup sec avec la paume de la main de bas en haut. Tout le corps doit appuyer votre coup comme si vous vouliez lui rentrer le cartilage du nez dans le cerveau. Pour le plexus, c’est aussi simple ! Vous tapez très fort comme un piston. L’onde de choc lui coupera net la respiration. Ca fait très mal et ça vous casse en deux votre adversaire. Ensuite, pour les filles, il y a le traditionnel coup de pied dans les couilles. ».

-

Léon [notre instructeur] était un musicien du calibre et il avait sa propre partition. Elle s’appelait « ploum-ploum… ploum ! » « Quand vous tirez, n’oubliez jamais : deux balles dans le buffet… ploum-ploum et on finit par un balle dans la tête… ploum ! ».

 

En mission avec le service Action de la DGSE

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Avoir une nouvelle identité était une chose. Se créer la légende qui allait avec était indispensable. Un agent doit connaître par cœur les adresses des cafés du coin, savoir si le patron est moustachu, chauve, ou hirsute et mal rasé. Le médecin généraliste que l’on va voir et nous prescrit des antibiotiques au moindre rhume, les stations de métro les plus proches… tous ces détails qui font que votre légende est blindée et que l’on vous croit lorsque vous en parlez. Votre légende, c’est votre gilet pare-balles. Plus elle est épaisse plus on mettra de temps à vous percer à jour. J’étais entré dans la phase schizophrène de l’agent.

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Photo P.A.

Je pensais en regardant le visage barbu qu’il valait mieux qu’il change de vie s’il voulait voir grandir ses enfants, parce que pour lui le sablier venait de se retourner. Adrien dit : « Les préops ont déjà équipé la ville dans laquelle vous allez opérer. - C’est où ? - Londres. Abou Walid s’y est installé depuis peu. En fait, l’Etat-Major le soupçonne fortement de préparer, avec son groupe de joyeux comploteurs, des attentats pendant la coupe du monde de football. La première rencontre aura lieu dans quelques mois au stade de France, à Saint-Denis. Inutile de vous dire que c’est même pas la peine d’y penser. On ne revivra pas les attentats du RER. ».

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Après avoir effectué notre itinéraire de sécurité, on est revenus tous les deux au point de départ. Il n’y avait plus personne. Je me suis dit que Caroline commençais à voir des « rats bleus » partout. Dans le jargon de la maison, cela voulait dire que l’agent rentrait dans une crise paranoïa aiguë, un peu comme les alcooliques. A la différence qu’il mettait en danger toute la mission et son équipe. Deux minutes plus tard, Caroline a recommencé. Qu’elle ne sentait pas le truc, qu’elle était sûre qu’on était suivi et que, de toute façon, on s’était fait repérer par les services suisses et qu’on allait finir comme les agents du Mossad, quelques mois auparavant. Je lui ai demandé de fermer sa gueule, puis on a traversé la rue pour se diriger vers cette putain de boîte aux lettres. On était en retard sur l’horaire de livraison et je voyais déjà ceux d’en face se demander pourquoi e la panique monter. Puis j’ai regardé Caroline. C’était la première fois que je lui parlais comme cela. Trop de pression, trop de missions en préparation, trop de fatigue accumulée. Beaucoup d’agents traversaient ce genre de crise après un certain temps sur le terrain, n’arrivant plus à gérer les trop grandes quantités de stress occasionnées.

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« Personnellement, j’en ai un peu marre de tourner autour d’Abou Walid. Je pisse dans ses chiottes, je bouffe dans son assiette, je dors presque dans son lit. J’ai quasiment remplacé son ombre. Il ne fait pas un mètre dans la rie sans que je sois dans ses babouches ou sur ses talons. Si ce mec  est un ennemi de la République ; d’un coup de cutter, je luis ouvre la carotide et on n’en parle plus. Ça fera faire des économies aux contribuables. Il passe certains soirs par la même petite rue… »

Adrien et les autres ont sursauté et j’ai bien compris, au regard qu’Adrien m’a lancé, qu’il n’aurait jamais dû me donner la parole.

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Quelque chose s’était cassée sans que je m’en rende compte. Dix-sept ans à servir les intérêts du pays. De Beyrouth au Tchad, de Centrafrique à la Nouvelle-Calédonie, les souvenirs remontaient comme des bulles. Surtout, je sentais mon corps me dire que c’était bon, qu’on pouvait s’arrêter. Après trois mille sauts, mes deux genoux étaient fracassés et l’arthrose lombaire qui se pointait les jours de pluie, je commençais à ressentir l’usure de ne pas m’être ménagé une seule seconde. Trop d’adrénaline tue l’adrénaline (…) On ne vivait pas indéfiniment loin de la lumière dans une ambiance poisseuse, de méfiance, de suspicion et de parano sans avoir le métabolisme modifié en profondeur.

Je me suis dit qu’il était temps d’apprendre à écrire des CV. Sauf que je me demandais bien ce qu’on pouvait faire en sortant du Service.

Cher Monsieur,

Je sais espionner, tuer à mains nues, sauter en parachute et faire péter des chars à distance. Engagez-moi, je serai un plus pour votre société.

 

Canal+

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[en 2001, usé tant physiquement que psychologiquement, Pierre quitte la DGSE pour intégrer le service Sécurité de Canal+ où il espère vivre une fin de carrière dans la sérénité. Hélas la chaîne est en pleine tourmente, luttes d’influence entre businessmen et stars du PAF, magouilles et tutti quanti]

Je suis rentré à Orléans [où est basé le Service Action de la DGSE]. J’avais respiré en m’éloignant de cette ville et du Service. J’y avais passé dix ans. Maintenant, j’y retournais pour fuir le piège dans lequel je m’enfonçais tous les jours un peu plus. Je me rappelais de ma vie parallèle d’avant. Ce que l’on faisait avait un sens, les enjeux nous dépassaient tous, nous étions des soldats. J’avais été fier des missions. J’avais même trouvé que l’on n’en faisait pas assez. J’avais cru que dans le civil ce serait différent. Cela n’avait pas été le cas. C’était bien pire. Des histoires crapoteuses de télé et de gros sous, des histoires de flics véreux, il y avait mieux en guise de vraie vie.

 

L’adieu aux armes

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Je me suis assis, j’ai commandé un café et j’ai compté les espions de bureau, une bonne poignée à vue d’œil. Je me suis dit que ma carrière s’arrêtait là, sous leurs yeux, que je pouvais tourner la page, que j’assumais ma vie, que j’en étais fier mais qu’elle n’était pas finie.

***

Pierre est allé au-devant des ennuis, en se livrant ainsi. Mais il est évident que l’écriture de ce récit a été un exutoire l’aidant à se reconstruire psychologiquement. Et c’est très bien ainsi.

Remercions le aussi, non pas pour avoir sorti de l’ombre, mais pour avoir mis un rai de lumière sur ces hommes et ces femmes des services secrets, qui prennent au nom de la France des risques énormes, parfois jusqu’à la mort, sans que cette France ne soit en mesure de reconnaître officiellement leurs sacrifices. Pas de cérémonie aux Invalides pour eux. « Un agent sort de l’ombre » leur rend un hommage mérité.

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Nous avons rencontré Pierre à Saint-Cyr en 2013, et avons échangé régulièrement avec lui depuis.

Il va très bien…

***

1304739-1715504.jpgNé en 1964, fils et petit-fils de militaire, Pierre Martinet s’engage en 1983 au 3e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine. Il est déployé notamment  au Liban et au Tchad. Alors Sergent-Chef, il postule au Service Action de la DGSE. Il y « officie » sous le pseudonyme de Florent. En 2001 il intègre le Service Sécurité de Canal+, entre lutte contre les réseaux de piratage et sombre histoire d’espionnage interne.

Pierre mène désormais une carrière de consultant dans le domaine de la sécurité et d’auteur. Outre « Un agent sort de l’ombre », on lui doit « De l'ombre à la lumière » (Ed. Privé), « Cellule Delta » (Flammarion) et « Opération Sabre d'Allah » (Ed. du Rocher),  récits romancés plus que des romans. Il dirige également la collection « Service Action » des Editions du Rocher dans laquelle figure « L’espion aux pieds palmés » de Bob Maloubier.

« Un agent sort de l’ombre » a été écrit en collaboration avec Philippe Lobjois, journaliste, auteur de plusieurs livres et documentaires sur l'Afghanistan, l'ex-Yougoslavie et l'affaire Ingrid Betancourt. 

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Prix (J’ai Lu) 7,70€ - ISBN 978-2290028698 - Format 17,8 x 11 - 381 pages

Aux éditions Privé & J’ai Lu

« Un agent sort de l’ombre » et les autres livres de Pierre Martinet se trouvent très facilement dans toutes les bonnes libraires sur les sites du Net. Par exemple ici. 

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Hommage

Aux 58 Chasseurs-Parachutistes des 1er et 9e RCP morts pour la France dans l’attentat du Drakkar

Capitaines Jacky Thomas et Guy Ospital, Lieutenant Antoine Dejean de La Bâtie, Sous-Lieutenant Alain Rigaud,  Adjudants Antoine Bagnis et Michel Moretto, Sergents Christian Dalleau, Vincent Daube, Jean-Pierre Lebris, Yves Longle et Gilles Ollivier, Caporaux-Chefs Djamel Bensaidane, Laurent Beriot Laurent, Vincent Carrara, Louis Duthilleul, Xavier Grelier, Olivier Loitron, Franck Margot, Patrice Seria et, Hervé Vieille, Caporaux Patrice Girardeau, Jacques Hau, Laurent Jacquet, Patrick Lamothe, Dominique Lepretre, Olivier Leroux,Franck Muzeau et Laurent Thorel, Parachutistes de 1ère classe Guy Gasseau , Remy Gautret, François Julio, Gilles Pradier, Patrick Tari et Sylvestre Théophile, Parachutistes Yannick Bachelerie, Richard Bardine , Franck Caland, Jean-François Chaise, Jean Corvellec, Jean-Yves Delaitre, Thierry Deparis, Thierry Di-Masso, Hervé Durand, Romuald Guillemet, Jacques Kordec, Victor Lastella, Christian Ledru, Patrick Levaast, Hervé Leverger, Jean-Pierre Meyer, Pascal Porte, Philippe Potencier, François Raoux, Raymond Renaud, Thierry Renou, Bernard Righi, Denis Schmitt et Jean Sendra.

Aux 241 soldats américains morts dans le précédent attentat du 23 octobre 1983

Aux blessés.

 

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Hommage

Aux membres de la DGSE morts, souvent anonymement, pour la France.

Aux blessés.

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15/12/2013

Ceux d'Afghanistan

 Photos et extraits © leurs auteurs. Droits réservés.

 

 

 

 

Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.

Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue.

Jean Lartéguy

 

 

« Afghanistan », un mot qui restera à jamais gravé dans notre histoire. Mais « Afghanistan » n’est pas qu’un mot.  « Afghanistan » n’est pas non plus qu’un morceau poussiéreux d’Asie ou règne depuis des siècles le fracas des armes. « Afghanistan » n’est pas qu’une mosaïque de peuples à l’esprit fier et combattant. « Afghanistan » n’est pas qu’une somme de traditions que nous, Occidentaux, pouvons juger archaïques. « Afghanistan » n’est pas que la mauvaise nouvelle du soir, annoncée d’un air apitoyé par le journaliste-star qui enchaîne, sans transition et retrouvant le sourire, avec la météo des plages.

« Afghanistan », c’est aussi une femme qui verse des larmes de joie, retrouvant son mari après six mois de stress et d’insomnies. C’est un homme sportif qui se demande comment vivre désormais, cloué dans un fauteuil roulant. C’est une femme qui pleure sa tristesse infinie, contemplant le lit de son fils, qui demeurera vide à jamais. C’est une femme fière d’avoir sauvé la vie de cette petite afghane, là-bas. C’est un homme qui s'est élancé sous le feu, pour secourir son frère d’armes blessé. Et cela le fait sourire, quand on le traite de héros.

« Afghanistan », c’est aussi ce soldat, et celui-ci, et celui-là…

Alors que sonne le désengagement, glas pour certains, joyeux carillon pour d'autres, que cette guerre est déjà, dans l'esprit de beaucoup, une "vieille histoire", nous avons voulu rendre à ces soldats l’hommage qu’ils méritaient.

Cependant, nous n’avons pas souhaité écrire sur eux, au-delà de ces quelques phrases d’introduction. Nous avons préféré nous comporter en porte-voix, leur laisser la parole, dans sa diversité : un kaléidoscope d'impressions, finalement plus complémentaires que contradictoires.

Écoutons-les et lisons-les. Ils méritent toute notre attention. Car « Afghanistan », par-dessus tout, c’est eux.

 

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Photo Sébastien Joly, réalisateur d’Aito – Guerriers du Pacifique. Le photographe à gauche est le regretté Yves Debay.

 

Combien d’hommes peuvent se targuer d’écrire l’Histoire , sinon d’en être acteur ?

Qui aujourd’hui vit intensément, non pas au travers d’un écran, mais ressentant les choses réellement ?

Qui est prêt à accepter la peur, le contact de la mort, le sacrifice de sa famille, pour la maigre gloire personnelle qu’est la fierté de servir son pays ?

 Capitaine Brice Erbland, 1er RHC, « Dans les griffes du Tigre ». Ed. Les Belles Lettres

 

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Photo Sébastien Joly.

 

Je ne suis pas venu ici pour une médaille. Je suis venu parce que j'en ai reçu l'ordre. Parce que c'est mon travail. Parce que la solde, presque trois fois supérieure à celle que je perçois en France, va nous permettre de réaliser des projets. Parce que je savais qu'avec cette mission j'allais être, pendant six mois, au cœur de mon métier de militaire. Parce que je savais que j'allais me confronter au combat, connaître les giclées d'adrénaline, la peur aussi.

Sergent Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, “Journal d’un soldat français en Afghanistan”. Ed. Plon

 

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Photo Nicolas Mingasson, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » Ed. Acropole.

 

La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer. Et mourir.

Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, RICM, « L’Afghanistan en feu ». Ed. Economica

  

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Photo EC 2/3 « Champagne »

 

En Afghanistan, nous ne savions jamais à quoi nous attendre en l’air. Le stress se vivait pendant la mission, directement au contact des hommes pris sous le feu ennemi. Le stress ne venait pas de la peur de mourir, mais de la rapidité des actions à mener, de décisions prises en l’espace de quelques secondes. Dans nos cockpits, nous étions immergés au cœur des combats. Là-haut, les équipages étaient le dernier maillon de la chaîne. Ils endossaient la responsabilité technique du tir et, en cas d’échec, ils devaient répondre de leurs actes.

Commandant Marc « Claudia » Scheffler, EC 2/3 « Champagne », désormais Lieutenant-Colonel à l’EPAA, « La guerre vue du ciel ». Ed. Nimrod.

 

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Photo Sébastien Joly.

 

J’éprouve une admiration infinie pour tous les soldats français présents en Afghanistan. Ces quatre mille hommes (…) effectuent un travail grandiose. Quelles que soient les considérations politiques qui, forcément, les dépassent, quelle que soit la stratégie qui n’est pas toujours celle que la France aurait souhaitée, quel que soit le contexte qui revêt parfois des couleurs de guêpier, ces hommes vivent ici une mission noble. 

Padre Richard Kalka, aumônier militaire, « Dieu désarmé ». Ed. LBM

 

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Dessin de Bertrand de Miollis – œuvre originale offerte par l’artiste au Chasseur. « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan ». Ed. Gallimard.

 

Dans ce pays, comme dans d'autres théâtres de crise, il n'y a pas de coupure franche entre les amis et les ennemis, entre les insurgés les plus fanatiques et les partisans les plus convaincus du gouvernement légitime (...) Si ligne de partage il y a, c'est dans le cœur de chaque Afghan.

Colonel Benoît Durieux, 2e REI, in "Captain Teacher", Capitaine Raphaël Krafft, 2e REI, animateur de Radio Surobi. Ed. Buchet-Chastel 

 

 

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Photo Jean-Christophe Hanché« Kapisa » [épuisé].

 

Il est très dur de faire du social aujourd’hui avec des gens qui tireront sur vos camarades demain.

Adjudant-Chef Jean-Claude Saulnier, 2e REP, « Une vie de Légionnaire ». Ed. Nimrod

 

 

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Photo Sébastien Joly.

 

Chaque terroriste sait comment utiliser nos règles d'engagement à son profit. La question essentielle est simple: qui est prêt à aller le plus loin dans cette guerre? (...) Si vous ne souhaitez pas vous impliquer dans une guerre qui risque de dégénérer, alors, gardez-vous bien de vous y laisser entraîner. 

Navy SEAL Marcus Luttrell, USA.  « Le survivant ». Ed. Nimrod. 

 

 

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Photo Jean-Christophe Hanché.

 

Nous ne sommes que de passage, nous ne pouvons prétendre changer ce monde auquel nous sommes trop étrangers.

LCL Geoffroy de Larouzière-Montlosier, 1er RTir, « Journal de Kaboul ». Ed. Bleu-Autour

 

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Photo Thomas Goisque, « D’ombre et de Poussière » éd. Albin Michel & « Haute tension » éd. Gallimard.

 

Les soldats ont rempli la mission qui leur était donnée, en pacifiant la zone dans laquelle ils intervenaient. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.

LCL Bernard Gaillot, 13e BCA, "De l'Algérie à l'Afghanistan", ed. Nuvis. 

 

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Photo Thomas Goisque.

 

[On] me demandait mon ressenti par rapport à notre présence ici. J’étais convaincu de notre nécessité, mais j’étais inquiet de l’opinion publique. La population française semblait peu préoccupée par ses soldats qui donnaient leur vie pour la sécurité nationale, voire internationale (…) Cela nous blessait. Nous avions le sentiment d’avoir combattu pour rien, sachant qu’au fond de nous, ce n’était pas le cas.  

Adjudant Sylvain Favière, infirmier-para (désormais réserviste), « Ma blessure de guerre invisible ». Ed. Esprit Com’

  

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Photo Sébastien Joly.

 

Je repensais à Tagab. Je ne réalise pas que je n’y retournerai plus jamais. J’ai l’impression que je vais me réveiller, tôt ou tard, dans mon petit box, avec Fab dans le lit au-dessus de moi… J’ai vraiment l’impression d’avoir oublié quelque-chose là-bas, d’y avoir laissé je ne sais quoi.

Caporal-Chef Julien Panouillé, 1er RCP, « 197 jours – Un été en Kapisa ». Ed. Mélibée

 

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Photo José Nicolas – « Afghanistan – Task Force Lafayette » Ed. L’esprit de tous les combats.

 

Et je me pris à rêver que j’étais sur le terrain avec les gars, les accompagnant une dernière fois pour écraser l’ennemi.

SGT Paul ‘Bommer’ Grahame, The Light Dragoons, rattaché au Mercian Regiment, Royaume Uni, « Appui feu en Afghanistan ». Ed. Nimrod

 

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Photo Thomas Goisque.

 

L’expérience afghane a laissé en moi des blessures indélébiles, mais elle a aussi renforcé les fondements de mon engagement. Le sens profond du pacte qui nous unit s’est dévoilé dans les vallées touraniennes : une confiance absolue entre les hommes, l’esprit collectif poussé jusqu’à sa dernière extrémité. Avec l’amour, il s’agit à mon sens du lien humain le plus fort qui soit. 

Lieutenant Nicolas Barthe, 21e RIMa, désormais Capitaine au RSMA Guadeloupe, « Engagé ». Ed. Grasset

 

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Photo José Nicolas.

 

J’ai vu le mal. J’ai vu des enfants déchiquetés par des bombes. J’ai vu des blessés aux membres dilacérés par les explosions. J’ai vu des corps que le feu avaient rendus méconnaissables. Derrière chacun de ces blessés, il y a un autre homme qui a armé une bombe, qui a visé et tiré avec son arme, qui a fait exploser sa ceinture piégée (…). Je n’avais jamais capté auparavant autant d’intentions homicides qu’ici. Je te tue, tu me tues, il se tue, nous vous tuons, vous nous tuez, ils se tuent. 

Et j’ai vu le bien. Je n’ai jamais vu autant de dévouement la patience de soustraire un homme à la mort. Sur le terrain, de jour comme de nuit, des brancardiers secouristes, des infirmiers et des médecins risquent leur vie pour sauver celle des autres. Cinq d’entre eux l’ont déjà donnée. Malraux écrivait : « Je cherche cette région cruciale de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ». J’ai vu et éprouvé cette fraternité. 

Professeur (Général) Patrick Clervoy, Service de Santé des Armées, « Dix semaines à Kaboul ». Ed. Steinkis.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny – « Le temps de l’action » Enfin!Editions.

 

Je repense à l’opération « Dinner out » [conquête de la vallée d’Alasay], au Caporal-Chef Belda qui doit être fier de nous, à toutes nos familles qui nous ont attendus avec calme, patience et dignité. Je regarde ces chefs de section, les Lieutenants Lazerges, Chantrel et Brunet, l’Adjudant Bouaouiche et leurs commandants d’unité, les Capitaines Minguet et Gruet et je pense à tous leurs camarades officiers, sous-officiers, chasseurs, légionnaires, artilleurs, cavaliers, transmetteurs, à tous mes Tigres de la Kapisa. Je mesure toute la chance que j’ai eue de commander des soldats de leur valeur. Ce sont eux les artisans de nos succès et les vrais vainqueurs de la Kapisa.

Tout le reste n’a que peu d’importance.

Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger », « Task Force Tiger ». Ed. Economica

 

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Photo Marlene Kuhn-Osius, « Objectif Afghanistan » [épuisé].

 

La guerre, je l'ai fréquentée en d'autres lieux en tant que reporter. J'ai attendu de nombreuses fois qu'elle survienne pour rassasier ma soif d'adrénaline, me rappeler ou rappeler aux autres que j'existe, m'exalter de vivre un moment extraordinaire, historique parfois, ou simplement pour avoir de quoi écrire un article. (...) [Mais] être acteur à la guerre, c'est autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je me rends compte que les militaires, finalement, quand ils sont sains d’esprit et "bien tassés dans leurs bottes", n’aiment pas la guerre, ou du moins, l’aiment parfois moins que nous [les journalistes]. Et c'est heureux.

Capitaine (r) Raphaël Krafft, journaliste rattaché au 2e REI, animateur de Radio Surobi, « Captain Teacher »,  Ed. Buchet-Chastel

 

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Photo José Nicolas. 

 

Aujourd’hui la mission est terminée, le fanion [du GTIA] Raptor a rejoint définitivement les murs de la salle d’honneur du 1er Régiment de Chasseurs-Parachutistes. Mais l’on dit qu’à chaque visite, à chaque souvenir évoqué en sa présence, il retrouve ses couleurs vives et l’aigle sur le tissu reprend son vol suspendu pour « fondre du ciel » à jamais. On dit même qu’il se met alors à parler de ces hommes et de ces femmes qui sont allés jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs convictions, de ces hommes et de ces femmes qui ont gagné là-bas, loin de leur pays, le seul combat qui vaille la peine d’être vécu, celui que l’on livre contre soi-même, pour les autres, jusqu’au sacrifice de sa vie.

Colonel Renaud Sénétaire, 1er RCP, commandant le GTIA Raptor, auteur de « Les aigles dans la vallée », Ed. Mélibée. Préface à « 197 jours – Un été en Kapisa », Caporal-Chef Julien Panouillé, 1er RCP. Ed. Mélibée.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny.

 

J'étais fier de commander mes hommes, me souciant de leurs tâches et surtout de leurs préoccupations. J'étais heureux d'être avec eux au bar, le soir, en rentrant de mission, une fois que tout était terminé, que la pression était tombée, avant de recommencer tôt le lendemain. Heureux de ne faire qu'un avec eux. Heureux car ils me le rendaient bien et l'on pouvait sentir entre nous, sans que cela ait été décidé, une complicité de ce lien particulier et fort qui unit les hommes après qu'ils ont traversé ensemble des épreuves qui ne peuvent être fidèlement narrées.

Capitaine Philippe "Stang" Stanguennec, CoTAM, "Au service de l'espoir", Ed. L'Esprit du Livre.

 

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Photo Alphonse-Bernard Seny.

 

J’ai commandé des soldats exceptionnels. J’ai commandé des hommes qui savent aujourd’hui ce qui est essentiel et ce qui n’est qu’accessoire. J’ai commandé des hommes qui ont grandi. J’ai eu l’honneur d’être parmi eux.

Et l’Afghanistan ? Qu’adviendra-t-il demain de ce pays terrible où quatre-vingt-huit de nos frères d’armes ont laissé leur vie ? Nul de ne peut le prédire. Mais une chose est sûre : aujourd’hui, les cerfs-volants flottent de nouveau dans le ciel afghan.

Colonel Gilles Haberey, chef de corps du 92e RI, commandant le GTIA « Wild Geese ». Préface à « Le temps de l’action », Alphonse-Bernard Seny. Enfin!Editions.

 

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Photo Nicolas Mingasson. 

 

Chacun, un jour prochain, regagnera, qui sa famille, qui ses parents ou ses amis. De nouveau, la vie « quotidienne » reprendra le dessus, mais n’y aura-t-il rien de changé en nous ? Ce séjour de cinq mois ou plus, parfois beau, parfois laid, parfois joyeux, parfois triste, n’aura-t-il laissé aucune trace dans nos vies ? N’aura-t-il pas façonné, d’une impression qui nous était insoupçonnée au départ, notre façon d’appréhender le monde, et celle dont on veut vivre et aimer en ce monde ? Peut-être même que notre cœur a été mis à nu et que notre vie émotionnelle, sentimentale, affective et amoureuse s’en est trouvée transformée et pourquoi pas transfigurée ? La fragilité de l’existence que nous avons pu « apprécier » ici ne va-t-elle pas nous apprendre à aimer « différemment » ceux qui nous sont chers et même ceux que nous n’aimions pas assez, jusqu’ici ?

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Ed. EdB.

 

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Photo Nicolas Mingasson. 

 

Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés, sans tenir de propos sacrilèges ?

Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’armes. 

Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA in « D’ombre de de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson. Ed. Albin Michel

 

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SCH Jocelyn Truchet, 13e BCA. Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art.

 

La guerre d’Afghanistan s’achève et ses protagonistes entrent peu à peu dans l’oubli. D’autres conflits font leur apparition, au Mali ou ailleurs. Mais les blessés de guerre porteront toute leur vie le vivant témoignage de leurs batailles. Quatre ans plus tard, ma blessure est toujours là et ma souffrance physique quotidienne. Je ne pense pas m’en débarrasser un jour. Lorsque mon nerf me lance, j’ai le sentiment que ma jambe coupée est toujours là et que c’est elle qui me fait souffrir. Les médecins appellent cela « le membre fantôme ». Je serre les dents, je me plie en deux sous la douleur et j’attends que la souffrance passe. Ce fantôme va et vient plusieurs fois par jour et apparaît sans prévenir. Avec le temps, j’apprends à vivre avec lui. Cela fait partie de mon sacrifice. Je ne m’en plains pas et je ne regrette rien.

Sergent-Chef Jocelyn Truchet, 13e BCA, « Blessé de guerre », autoédité.

 

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Photo Philippe de Poulpiquet, « Pour la France », Ed. Grrr…art. 

 

Perdu, déstabilisé, isolé dans sa souffrance, il est ainsi depuis son retour d’Afghanistan, voici plus de deux ans… Seul le désespoir empêche de croire à des jours meilleurs. Or toute la richesse du cœur de l’homme se résume à l’espérance que nous ne devons jamais perdre. Il nous faut espérer pour lui et avec lui, car l’espérance est souvent ce qui reste quand tout est parti à vau-l’eau. Le travail d’accompagnement sera long, mais il  n’est pas permis de croire à son échec.

Padre Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, « L’autre combat ». Ed. EdB.

 

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Photo Philippe de Poulpiquet.

 

Je pense d’abord aux familles, à celles et à ceux qui ont perdu un proche, aux blessés graves, à toutes les personnes dont la vie sera irrémédiablement différente. Elles nous donnent des leçons quotidiennes de courage et de modestie. L’institution, je pense, en tire des leçons de vérité. Lorsque les cercueils sont alignés devant vous, vous prenez la réalité en pleine figure (…) A titre personnel, ces cérémonies d’hommage m’ont appris une plus grande humilité. J’ai un garçon qui part dans quelques jours en Afghanistan. Et je me dis : « Et si cela m’arrivait, à moi ? Si notre garçon devait être tué là-bas ? ». Frappé en plein cœur, comme toutes ces familles que nous avons tenté de réconforter, saurions-nous alors nous comporter plus dignement que beaucoup d’entre elles ? 

Général de corps d’armée Bruno Dary, ancien Gouverneur Militaire de Paris. Postface à « Afghanistan – Task Force La Fayette », José Nicolas. Ed. L’esprit de tous les combats.

 

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Photo José Nicolas.

 

 On ne se débarrasse pas des morts. Ils sont là. Ils forment un cortège amical et funèbre qui nous attend désormais de l’autre côté du miroir.

Padre Christian Venard, « Un prêtre à la guerre ». Ed. Tallandier

 

***

Bibliothèque francophone « Ceux d’Afghanistan »

Non exhaustif.

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Photos Thomas Goisque. 

 

Certains pourront toujours prétendre que nous n’avons influé sur rien, que ces dix années de guerre en Afghanistan ont été inutiles, mais il suffirait que germent les quelques graines d’espoir que nous avons semées lors de nos mandats successifs, pour que rien n’ait été inutile.

Et même si rien ne germe, pourquoi devrions-nous regretter d’avoir essayé ?

Pourquoi devrions-nous renier ceux qui ont été tués ou blessés, en essayant ?

 

Sergent-Chef Yohann Douady, 2e RIMa, « D’une guerre à l’autre ». Ed. Nimrod

 

Hommage

Aux morts pour la France en Afghanistan

31 août 2004 - CAL Murat YAGCI - 1er RPIMa

21 octobre 2004 - 1CL Thierry JEAN BAPTISTE - 3e RH

21 octobre 2004 - MDL Simah KINGUE EITHEL ABRAHAM - 3e RH

11 février 2005 - CAL Alan KARSANOV - 2e REI

17 septembre 2005 - CCH Cédric CRUPEL - 1er RPIMa

4 mars 2006 - PM Loïc LEPAGE - Commando Trépel

15 mai 2006 - 1CL Kamel ELWARD - 17e RGP

20 mai 2006 - ACH Joël GAZEAU - 1er RPIMa

20 mai 2006 - CCH David POULAIN - 1er RPIMa

25 août 2006 - PM Frédéric PARE - FORFUSCO

25 août 2006 - CCH Sébastien PLANELLES - CPA 10

25 juillet 2007 - ACH Pascal CORREIA - 1er RCP

23 août 2007 - MDL Stéphane RIEU - 1er RHP

21 septembre 2007 - ACH Laurent PICAN - 13e BCA

18 août 2008 - SGT Damien BUIL - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Kévin CHASSAING - 8e RPIMa

18 août 2008 - ADJ Sébastien DEVEZ - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Damien GAILLET - 8e RPIMa

18 août 2008 - SGT Nicolas GREGOIRE - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Julien LE PAHUN - 8e RPIMa

18 août 2008 - SGT Rodolphe PENON - 2e REP

18 août 2008 - CAL Anthony RIVIERE - 8e RPIMa

18 août 2008 - CAL Alexis TAANI - 8e RPIMa

19 août 2008 - CAL Melam BAOUMA - RMT

22 novembre 2008 - ADC Nicolas REY - 3e RG

11 février 2009 - CDE Patrice SONZOGNI - 35e RAP

14 mars 2009 - CCH Nicolas BELDA - 27e BCA

24 mai 2009 - CCH Guillaume BARATEAU - 9e CCT / 9e BLBMa

1er août 2009 - CCH Anthony BODIN - 3e RIMa

4 septembre 2009 - CCH Johan NAGUIN - 3e RIMa

6 septembre 2009 - SGT Thomas ROUSSELLE - 3e RIMa

27 septembre 2009 - CAL Kévin LEMOINE - 3e RIMa

27 septembre 2009 - ADC Yann HERTACH - 13e RDP

27 septembre 2009 - BCH Gabriel POIRIER - 13e RDP

27 septembre 2009 - CCH Ihor CHECHULIN - 2e REI

8 octobre 2009 - SCH Johann HIVIN-GERARD - 3e RIMa

11 janvier 2010 - ICS Mathieu TOINETTE - 402e RA

12 janvier 2010 - LCL Fabrice ROULLIER - 1e BM

13 janvier 2010 - MDC Harouna DIOP - 517e RT

9 février 2010 - CAL Enguerrand LIBAERT - 13e BCA

8 avril 2010 - CAL Robert HUTNIK - 2e REP

22 mai 2010 - CBA Christophe BAREK-DELIGNY - 3e RG

7 juin 2010 - SCH Konrad RYGIEL - 2e REP

18 juin 2010 - BCH Steeve COCOL - 1er RHP

6 juillet 2010 - ADJ Laurent MOSIC - 13e RG

10 août 2010 - 1CL Antoine MAURY - 1er RMed

23 août 2010 - CNE Lorenzo MEZZASALMA - 21e RIMa

23 août 2010 - CCH Jean-Nicolas PANEZYCK - 21e RIMa

30 août 2010 - ADC Hervé ENAUX - 35e RI

15 octobre 2010 - ICS Thibault MILOCHE - 126e RI

17 décembre 2010 - CBA Benoît DUPIN - 2e REG

18 décembre 2010 - MA Jonathan LEFORT - Commando Trepel

08 janvier 2011 - SGT Hervé GUINAUD - RICM

19 février 2011 - CCH Clément CHAMARIER - 7e BCA

24 février 2011 - ADC Bruno FAUQUEMBERGUE - CFT

20 avril 2011 - CCH Alexandre RIVIERE - 2e RIMa

10 mai 2011 - 1CL Loïc ROPERH - 13e RG

18 mai 2011 - 1CL Cyril LOUAISIL - 2e RIMa

1er juin 2011 - SGT Guillaume NUNES-PATEGO - 17e RGP

10 juin 2011 - CCH Lionel CHEVALIER - 35e RI

10 juin 2011 - LTN Matthieu GAUDIN - 3e RHC

18 juin 2011 - CAL Florian MORILLON - 1er RCP

25 juin 2011 - CCH Cyrille HUGODOT - 1er RCP

11 juillet 2011 - BCH Clément KOVAC - 1er RCh

13 juillet 2011 - CNE Thomas GAUVIN- 1er RCP

13 juillet 2011 - ADC Laurent MARSOL- 1er RCP

13 juillet 2011 - ADC Emmanuel TECHER -17e RGP

13 juillet 2011 - ADC Jean-Marc GUENIAT - 17e RGP

13 juillet 2011 - SGT Sébastien VERMEILLE – SIRPA-Terre

14 juillet 2011 - MA Benjamin BOURDET - Commando Jaubert

7 août 2011 - CCH Kisan Bahadur THAPA - 2e REP

7 août 2011 - CAL Gerardus JANSEN - 2e REP

11 août 2011 - SGT Facrou HOUSSEINI ALI - 19e RG

14 août 2011 - CNE Camille LEVREL - 152e RI

7 septembre 2011 - CNE Valéry THOLY - 17e RGP

14 novembre 2011 - 1CL Goran FRANJKOVIC - 2e REG

29 décembre 2011 - ADC Mohammed EL GHARRAFI - 2e REG

29 décembre 2011 - SGT Damien ZINGARELLI - 2e REG

20 janvier 2012 - ADC Fabien WILLM - 93e RAM

20 janvier 2012 - ADC Denis ESTIN - 93e RAM

20 janvier 2012 - SCH Svilen SIMEONOV - 2e REG

20 janvier 2012 - BCH Geoffrey BAUMELA - 93e RAM

27 mars 2012 - CDE Christophe SCHNETTERLE - 93e RAM

9 juin 2012 - MAJ Thierry SERRAT - GIACM

9 juin 2012 - ADJ Stéphane PRUDHOM - 40e RA

9 juin 2012 - MLC Pierre-Olivier LUMINEAU - 40e RA

9 juin 2012 - BCH Yoann MARCILLAN - 40e RA

7 août 2012 - ADC Franck BOUZET - 13e BCA

 5 août 2013 - ADJ Gwénaël THOMAS - BA 123

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Photo US Army

 

Hommage

Aux soldats de l’ISAF de toutes nationalités, nos frères d’armes, morts en Afghanistan,

2290 américains, 445 britanniques, 158 canadiens, 54 allemands, 48 italiens, 43 danois, 40 australiens, 38 polonais, 34 espagnols, 27 géorgiens, 25 néerlandais, 21 roumains, 14 turcs, 11 néo-zélandais, 10 norvégiens, 9 estoniens, 7 hongrois, 5 tchèques, 5 suédois, 3 lettons, 2 finlandais, 2 jordaniens, 2 portugais, 1 albanais, 1 belge, 1 lituanien, 1 slovaque, 1 sud-coréen,

Aux milliers de soldats de l’Armée Nationale Afghane, nos frères d’armes, morts pour leur pays,

Aux contractants, journalistes, morts en Afghanistan,

Aux blessés dans leur chair, dans leur psychisme.

 

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Photo Sébastien Joly 

 

A la mémoire des civils afghans.

C'est sûr que nous vivons des temps difficiles, mais je regarde les choses de façon pragmatique : Il y avait deux écoles à Surobi en 2002, il y en a plus de vingt aujourd'hui. Il ne faut pas être ingrat. Les gens oublient vite. Moi, je me range dans le camp de ceux qui apportent le savoir et l'éducation.

Aziz Rahman, animateur de Radio Surobi, 

radio "communautaire" en langue pashto fondée par le COL Durieux, 2e REI.

« Captain Teacher », Capitaine (r) Raphaël Krafft, rattaché au 2e REI, Ed. Buchet-Chastel

 

***

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La 52e promotion de l’EMIA s’est baptisée «Ceux d'Afghanistan».

Nous apportons notre soutien à leur projet d’ériger une stèle à Coëtquidan, en mémoire des 89 soldats français morts pendant le conflit.

Soutenez-les vous aussi par un don, même symbolique.

Voir ici.

 

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Photo Sébastien Joly

 

Comme nos camarades des autres armées, les aviateurs ont affronté avec courage les risques de leur action en Afghanistan. Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui l’ont payé de leur vie, de tous ceux blessés dans leur chair et dont le mérite n’a d’égal que la noblesse de leur mission.

Général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, Chef d’état-major de l’Armée de l’Air. Préface à « Afghanistan – Regards d’aviateurs », Lieutenant Charline Redin, SIRPA-Air, désormais ECPAD.

 

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Photo Thomas Goisque.

 

Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan. 

Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre. Préface à « L’Afghanistan en feu », Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, RICM. Ed. Economica

 

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Photo Thomas Goisque.

 

S’il vous arrive de rencontrer un de ces soldats, je suis convaincu qu’il appréciera que vous lui disiez merci. Merci pour son service. Merci pour son sacrifice. Nos soldats méritent de se faire dire merci.

Ils sont ce que ce pays a de plus noble. Ils sont ce que ce pays a de mieux.

LCL Steve Jourdain, Royal 22e Regiment, frère d’armes québécois. « Mon Afghanistan », Ed. Athéna.

 

 

 

 

 

 

 

24/11/2013

« Récits d’un homme de guerre », Michel Delcayre, 1er RIC, Bataillon de Corée, GM100, 6e RTS, 5e RIAOM, 23e RIMa , 2e RIMa, 1er RIMa. Editions des Cimes

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit. Un effort de la volonté, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.

On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années. On devient vieux parce qu’on a déserté un idéal.

Les années rident la peau, renoncer à la jeunesse ride l’âme.

Les préoccupations, les doutes, les craintes et désespoirs sont les ennemis qui lentement nous font pencher vers la terre, et devenir poussière avant la mort.

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : et après ? Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.

Si un jour notre corps allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de notre âme de vieillard. 

« La jeunesse », Général McArthur.

 

 

 

« J’aime le métier des armes. J’aime l’odeur de la poudre et entendre le fracas des armes, des batailles.

Je suis un homme de guerre. »

Michel Delcayre

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Nous recevons régulièrement des messages d’auteurs nous présentant leur livre nouvellement paru. Nous en sommes toujours heureux et flattés. Notre première démarche, alors, est de nous renseigner sur l’ouvrage, la personne, le sujet traité. L’auteur est-il militaire, journaliste ? S’agit-il d’un récit biographique, d’un roman, d’un sujet historique ?

Lorsque j’ai ouvert le mail du fils de Michel Delcayre, titré « Récits d’un homme de guerre », des mots m’ont immédiatement sauté au visage : mon père Marsouin… vétéran d’Indochine… Bataillon de Corée… Algérie… Sympathisant OAS…  Je ne sais si cela vous intéresse…

Réponse "au pas Chasseur", dans les 2 secondes donc : « Et comment ! »

Ainsi a débuté une nouvelle belle rencontre, des échanges humains sympathiques, et par-dessus tout l’impression d’avoir touché du doigt, au travers d’un homme, l’histoire de l’armée française, dans sa grandeur, mais aussi dans la tristesse du crépuscule d’un empire.

Michel Delcayre, un morceau d’histoire. Rien de moins que cela.

 

1949-1950, 1er RIC, Indochine 

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1951, Indochine, poste de Tenja – Michel en haut à droite, cigarette et képi.

Le 17 octobre 1950, alors qu’aucun renseignement tangible ne laisse penser qu’un danger plane sur la ville, le Colonel fait évacuer Lang Son. L’affolement est tel que, pour ne pas éveiller les soupçons de l’ennemi, le Colonel donne l’ordre de n’effectuer aucune destruction des stocks jusqu’à l’évacuation complète de la ville. On a donc quitté la haute région par Lang Son. On a suivi les ordres en évacuant en catastrophe, alors qu’il n’y avait pas lieu. On s’est tiré comme des poltrons. Le Colonel, sous Napoléon, aurait été fusillé. (…)

Pourquoi avoir lâché Lang Son ? Contrairement à Cao Bang, Lang Son n’était pas encerclé, à ma connaissance de 2e Classe, à l’époque.

C’est maintenant que je réfléchis à tout ça. Quand on est 2e Classe, avec les supplétifs [troupes indochinoises], « Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir ». Mais j’ai désobéi après, parce que j’ai compris.

 

1950-1953, Bataillon français de l'ONU en Corée, 23rd Regiment, 2nd Infantry Division "Indian Head"

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1954, départ de Michel en Corée, sur « La Marseillaise »

Nous avons repris le bateau pour débarquer dans le port  de Pusan, le 9 mars 1953. J’ai fêté mes 22 ans sur un navire de guerre américain. Nous prîmes le train, direction Séoul. Notre bataillon était en ligne depuis quelques 3 semaines. Il faisait entre -25 et -30°C. La guerre de mouvement était terminée. Nous étions en position dans les tranchées humides et froides, décor de tout mon séjour en Corée. Après 2 ou 3 semaines en première ligne, où il fallait casser la glace pour se laver la figure, en négligeant un peu le reste, on descendait en deuxième ligne, où on pouvait prendre une douche.

 

1953-1954, GM100, Indochine

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1954, Indochine, Michel à droite avec deux camarades du GM100

Nous nous sommes retrouvés à Pleiku où opérait un régiment de montagnards, quelques pièces d’artillerie et deux ou trois avions. A quelques kilomètres de là, des plantations de théiers, toujours en exploitation. Une plantation de thé représente un des lieux les plus détestables pour mener un combat organisé. Les arbustes touffus arrivent pour la plupart à hauteur de poitrine d’un homme de taille moyenne. Il était de notoriété publique, les planteurs eux-mêmes le reconnaissaient à demi-mot, que les viets transitaient au travers de théiers pendant la nuit pour déplacer leurs unités ou transporter leur matériel et leur nourriture. Menant une opération, sur renseignement, nous sommes tombés sur deux compagnies Vietminh. Les combats ont été durs, nous avons eu quelques morts et plusieurs blessés. Les viets ont détalé, repoussés par la vigueur de notre unité. L’ennemi essuie au passage un sacré revers, laissant sur le terrain une soixantaine de morts.

Le GM100 reçoit l’ordre de rejoindre la bretelle de Pleirin le 19 mars en détachement armé, vers la région de Do Dak Bot au Tonkin (…) Les viets sont beaucoup plus nombreux que nous. Le rapport de forces est de 3 contre 1. Au cours de l’attaque du bivouac, le capitaine est tué. Il est remplacé par un Caporal-Chef…  je me retrouve chef de section (…) Notre compagnie ou ce qu’il en reste se bat avec bravoure ; je suis au fusil-mitrailleur, déblayant tout devant moi. Je crible les fourrés autant que je peux. J’abats les tireurs embusqués qui viennent aussi de derrière.

Embuscade du PK15, 24 juin 1954. Tout le convoi de véhicules, chars, artillerie, est tombé dans une grosse embuscade. L’état-major du GM100 est anéanti (…) près de 1000 morts ou disparus en 3 heures de combat (…) Dans la nuit, nous, 1er bataillon, avons évacué An Khé en évitant la route, en la débordant par la jungle tout autour. Les viets étaient partout.

 

1955-1957, 6e RTS, Maroc, Algérie

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1955, le 6e RTS au Maroc, Michel au 1er rang, 1er à gauche de la photo

Nous traversons le Moyen-Atlas pour chasser les fellouzes Oulmes sur les pistes. De Mécheria, nous faisons les ouvertures de route. Sergent, je commande un peloton de half-track (…) Nous pointons en direction du sud, vers Aïn Sefra sur la frontière maroco-algérienne. Cette frontière n’en a que le nom. Pas de mur ni de piquet. Du sable, toujours du sable. Nous protégeons la zone des infiltrations du FLN sur des centaines de kilomètres (…) Constamment sur la brèche, à pied à la recherche des fellouzes, nous montons de belles embuscades.

 

1958-1960, 5e RIAOM, AOF, AEF (Mali, Cameroun)

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Michel en 1960, au Cameroun

Nous étions, quelque part, des mercenaires à la solde de la république de Douala (Cameroun). Nous combattions les Bamilékés qui avaient soif d’indépendance. Chez eux, le plan n’existait pas ! Ces mecs-là, bille en tête, fonçaient voir le grand marabout. Les cerveaux envoûtés de palabres nauséabondes : pas de problème, les balles, forcément, ricocheraient sur eux. Avant l’assaut ils ne se gonflaient pas à l’opium mais au vin de palme. Ce breuvage les mettait dans un état de folie pure. La mort ils ne l’envisageaient même pas. Armés de sagaies et de coupe-coupes, ils partaient par centaines au baroud. Ces grappes humaines venaient tomber sous les balles de nos mitrailleurs AA52. C’est triste à dire, mais c’était eux ou nous.

 

1961-1963 – 23e RIMa, OAS, Algérie

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1961-62, Algérie, Michel alors au Commando Capdeville, avec le LTN Poupineau

Le cessez-le-feu approchant, nous avons quitté Affreville. Le Commando Capdeville a été regroupé, puis dirigé vers Alger pour la sécuriser. On appelait ça « Intervention Chicago ». Ça voulait dire que dès qu’il y avait un attentat, nous établissions partout des barrages pour tâcher d’intercepter les « malfaiteurs », nos camarades de l’OAS. Que nous aidions à filer au lieu de les arrêter. S’il s’agissait de terroristes fellaghas, nous avions le remède tout prêt. (…) On voyait bien que c’était la fin des haricots. De Gaulle avait déjà trahi la France, vendu l’Algérie aux felles. Moi, j’étais encore à fond avec l’O.A.S. D’abord, j’étais dégouté depuis l’Indochine, depuis qu’on avait abandonné les Thau, les Nung, tous massacrés par les communistes. Et en Algérie, rebelote ! On laisse tomber les harkis, leurs familles…

 

1963-1964, 2e RIMa, camp d’Auvours 

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1964, Michel lors d’une manœuvre de débarquement à Quiberon

A Auvours, le fossé entre engagés et une minorité d’appelés devenait béant. Ces derniers, jouant les « pauvres victimes » de nos « mauvais traitements », faisaient marcher leurs relations, appelant à l’aide leur papa ou un tonton haut placé, sortant leur plus belle plume pour se plaindre au ‘pitaine, voire plus haut (…) Travailler dans ces conditions m’insupportait au plus haut point.

-

Dans le cœur de Michel, quelque-chose s’est brisé. Ce n’est pas un homme de compromis - on l’aura compris - il quitte donc l’armée en 1965. Un temps tenté par l’aventure mercenaire de Bob Denard, il fera finalement ses adieux aux armes.

« Récits d’un homme de guerre » ne s’interrompt pas pour autant. Nous suivons pour quelques chapitres encore le Marsouin  dans sa nouvelle vie civile, sillonnant l’Europe au volant de son camion, s’engageant activement en politique à Dreux, aux côtés du couple Stirbois. 

Bien entendu, avec un tel parcours, on entend en écho des « Hélie de Saint-Marc » et des « Pierre Sergent ». Mais Michel ne revendique pas les honneurs d’un prix littéraire (dont, j'en suis certain, il se « contrefoutrait ») (il emploierait certainement cette formule…). De plus, n’ayant pas tenu de journal de marche, ses souvenirs de premières campagnes sont forcément fragmentaires.

Reste que son témoignage est passionnant, complété intelligemment par des parties historiques le mettant bien en perspective.

Saluons enfin l’honnêteté de Michel, assumant totalement ses choix. Il n'est pas question ici d'apporter un jugement sur ses engagements, mais que vaudrait un récit biographique "politiquement correct", édulcoré ? Quel en serait l’intérêt ? Comme me l’a dit son fils Philippe : après tout, c’est sa vie.

 

Juillet 2005, retour en Corée. 

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2010, Michel Delcayre reçoit la médaille de la Paix par l'ambassadeur de Corée, Hôtel des Invalides.

En 2005, le gouvernement Sud-Coréen invite des vétérans du Bataillon de Corée à Séoul. Belle initiative de notre allié asiatique, qui n’a pas oublié ces Français (et tous les autres) qui se sont battus à leur côté pour leur liberté.

"Nous avons trinqué à nos hôtes, à nous aussi les vétérans. Je retiens du peuple coréen qu’il est un beau peuple plein de reconnaissance (je le savais déjà), rempli de joie de vivre. Il nous a accueillis comme faisant partie de sa famille, sincère, chaleureux.

Prenez-en de la graine, peuple de France."

 

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Insigne de la 2nd Infantry Division "Indian Head" porté par le Bataillon français de l'ONU en Corée, conservé en Indochine. 

287 tués dont 18 Coréens - 7 disparus - 1 350 blessés.

Rendons hommage à ces hommes. Ne les oublions pas.

***

Delcayre 2010.jpgMichel Delcayre est né en 1931. Poussé par son goût de l’aventure, il s’engage en 1949 dans les troupes Coloniales. Marsouin pour la vie, il participe à l’ensemble des « opérations extérieures » des années 50 et 60, avec les 1er RIC, Bataillon de Corée/GM100, 6e RTS, 5e RIAOM, 23e RIMa , 2e RIMa et 1er RIMa : Indochine (2 campagnes), Corée, Maroc, AEF, Algérie...

Dans les dernières années de la guerre d’Algérie, dans un esprit « à la Hélie de Saint-Marc », refusant l'abandon des Harkis, il soutient le « putsch » des Généraux puis l’OAS.  Il quitte l’armée en 1965 et sillonne dès lors l’Europe comme chauffeur routier, tout en s’engageant politiquement à Dreux, ville où il réside toujours.

Michel Delcayre est titulaire des Médaille Militaire, Croix de Guerre des Territoires Extérieurs, Médailles commémoratives Indochine, Corée, Médaille du Maintien de l’Ordre Maroc, Algérie, Médaille Coloniale Extrême-Orient, Médaille des Nations-Unies Guerre de Corée, Combat Infantry Badge (USA), Médaille des Combattants de la Paix (Corée du Sud).

Il a été soutenu dans son projet d’écriture par son fils Philippe, ancien Marsouin lui-même, EVSOM (Engagé Volontaire pour Servir Outre-Mer), 23e BIMa, Sénégal.

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Prix : 18€ - EAN : 9791091058063 - Format 24x15, 176 pages + cahier photos

 

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Aux Editions des Cimes

Disponible en contactant Philippe Delcayre ici. [dédicace possible]

Page FaceBook "Récits d'un homme de guerre" ici.

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1955, Maroc, Michel Delcayre est décoré de la Médaille Militaire

 

Hommage

Aux morts pour la France en Indochine,

Aux morts pour la France en Corée,

Aux morts pour la France en Algérie,

Aux morts pour la France dans tous les T.O.E,

Aux blessés.

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1950, Michel à droite, sur la RC4.

Le 4 octobre dernier le général vietminh Võ Nguyên Giáp, vainqueur de Dien Bien Phu, disparaissait.

Le ministre français des affaires étrangères lui a rendu un vibrant hommage :

Je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille (…) Le général Giáp fut un grand patriote et un grand soldat.

Même si nous nous réjouissons de la réconciliation franco-vietnamienne, n'oublions pas : 

 

Taux de mortalité des prisonniers de guerre

source : Wikipedia

Prisonniers français morts en Allemagne : 2%

Prisonniers allemands morts en Russie : 37%

Prisonniers russes morts en Allemagne : 57,5%

Prisonniers français morts dans les camps Vietminh 59,9%

Prisonniers de Dien Bien Phu , morts en 4 mois de captivité dans les camps Vietminh : 7 801 sur 11 721, soit 72% .

 

A la mémoire de tous ces prisonniers français en Indochine, traités par le Général Giáp et le Vietminh avec la pire des cruautés.

Nous saluons aujourd’hui la mémoire de ces hommes exceptionnels et présentons nos profondes condoléances à leurs familles. Ils furent de grands patriotes et de grands soldats

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1962, les Harkis du Commando de Michel Delcayre.

A la mémoire de nos frères Harkis, sacrifiés par la France, traités par le FLN algérien avec la pire des cruautés.

Nous saluons aujourd’hui la mémoire de ces hommes exceptionnels et présentons nos profondes condoléances à leurs familles. Ils furent de grands patriotes et de grands soldats

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2013, Michel et le COL Paczka, chef de corps du 2e RIMa, photo © Philippe Delcayre

 

- Citations - 

"Jeune soldat courageux et décidé. Tireur de Fusil-Mitrailleur. S’est révélé à plusieurs reprises un combattant d’élite. Le 8 juillet 1950 dans le massif de Bao Daï (Tonkin), près de Dong Song, a neutralisé par son feu précis un poste rebelle, permettant la prise de 5 fusils. Le 15 juillet à Quai Song, s’est porté résolument à l’attaque d’une crête fortement tenue par l’adversaire. Le 29 juillet, a été magnifique de sang-froid, lors de l’opération de Kep (Tonkin) récupérant au lever du jour, par un coup d’audace 6 fusils au hameau de Ho Tong. Citation à l’ordre du régiment avec attribution de la Croix de Guerre TOE avec étoile de bronze."

"Au cours d’une opération dans la région de Tri Yen (Tonkin) le 12.1.1952 s’est accroché au terrain sous le feu concentré d’armes automatiques et de mortiers rebelles. Citation à l’ordre de la Brigade par le Général Salan."

"Chef de groupe confirmé toujours volontaire pour les missions dangereuses. S’est distingué à plusieurs reprises au cours des opérations dans les secteurs de Mani et Kumhwa (Corée). Le 17 juillet 1953 en particulier a participé à une embuscade dont les éléments étaient pris sous un violent tir de mortiers ennemis. A protégé avec son groupe des éléments amis qui comptaient un tué et trois blessés. Citation à l’ordre du régiment."

"A pu dégager son Commandant de compagnie grièvement blessé et le faire évacuer. Resté le gradé le plus élevé de la Cie, il a regroupé les survivants, effectué des contre-attaques pour récupérer les blessés et a décroché ce qui restait de la 4e Cie en organisant le combat retardateur jusqu’à l’arrivée de la nuit. Il est juste de dire que c’est le CCH Michel Delcayre qui a sauvé la 4e Cie du 1/Corée d’un anéantissement total. Combat entre PK17 et PK11, 1954, Indochine."

"Chef de groupe d’une bravoure au-dessus de tout éloge. A de nouveau fait l’admiration de tous le 24.2.1954 à la [Plantation Indochinoise de Thé, Pleiku] où faisant fonction de sous-officier adjoint d’une section de contre-attaque, tandis qu’un adversaire estimé à plus d’une Cie donnait l’assaut dans les théiers, il n’a pas hésité, pour accroître le rendement de ses tirs, à prendre lui-même un fusil mitrailleur avec lequel, tirant debout, malgré un feu intense, il a abattu plusieurs rebelles dont un tireur de fusil mitrailleur. Citation à l’ordre du corps d’armée par le Général Navarre."

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Michel Delcayre, 1950 et 2010

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux anciens d'Indochine, de Corée, d'Algérie et de tous les T.O.E.

 

 

 

 Récit biographique de soldat, guerre d'Indochine, guerre de Corée, guerre d'Algérie, OAS.

16/11/2013

« D’ombre et de poussière », Thomas Goisque & Sylvain Tesson, Ed. Albin Michel

 

Photos et texte © Thomas Goisque, Sylvain Tesson, CNE Jean-Gaël Le Flem. Publiés avec l'aimable autorisation des auteurs. Tous droits réservés.

 

 

Lorsqu’Allah eut créé le reste du monde, il vit qu’il restait encore une grande partie de rebut, de morceaux dépareillés qui n’allaient nulle part.

Alors, il les ramassa et les jeta sur la Terre.

Ils devinrent l’Afghanistan.

 

Dicton afghan, rapporté par le padre Ducourneau dans « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ». Editions EdB.

 

 

Après « Haute-Tension » consacré aux Chasseurs alpins du 27e BCA en Afghanistan, le photographe Thomas Goisque et l’auteur Sylvain Tesson ont souhaité revenir sur le conflit afghan, qu’ils ont vécu de l’intérieur : treize ans de guerre, autant de voyages au pays de l’insolence. « Nous avons côtoyé quotidiennement ces hommes, dans la servitude et la grandeur de leur mission, dans le temps dilaté de la vie au camp ou dans la tension de l’accrochage. »

A l’heure du désengagement français, « D’ombre et de poussière » se veut un livre bilan, mais pas un livre jugement :

« Ce livre ne prétend pas expliquer le conflit. Nous laissons ce soin-là aux experts qui prospèrent toujours sur les décombres des pays en guerre.

L’Afghanistan a fait tellement gloser que nous ne voulions pas rajouter notre pierre au tas de gravats des explications savante. »

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Le poste, la patrouille, l’opération sont les trois axes choisis par Thomas et Sylvain, pour décrire le conflit asymétrique auquel se sont livrés les soldats français en Afghanistan.

Un témoignage d’une esthétique visuelle saisissante, accompagné d’un texte percutant qui plonge son lecteur dans cette guerre, à la fois réelle et invisible, où la force ne suffit pas pour obtenir la victoire, où tout n’est qu’incertitude et apparence derrière une brume de lœss.

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Ils ne connaissaient pas ce royaume insolent et somptueux où se jouait une guerre insaisissable.

Un tourbillon d’ombre et de poussière.

Si la poussière parlait combien de secrets révèlerait-elle ?

 

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« Comme un pompier qui n’aurait jamais eu de feu à éteindre, nous attendions une opportunité réelle de jauger notre professionnalisme, de vivre ce qui justifie tant d’entrainements. Malgré la gravité de la situation, c’est dans cet état d’esprit que nous sommes partis. »

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Sur cette terre Immémoriale, haut lieu du bouddhisme, tournait la monstrueuse roue de l’histoire.

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Il est 6 heures du matin, le soleil s'est hissé au-dessus des herses de l'Hindou-Kouch. Déjà, il brille férocement. "Le soleil est aveugle", écrivait Malaparte. Aveugle envers ceux qui combattent sous sa lumière, indifférent à l'enfer que les hommes inventent dans son ombre. […]  

 L'aube révèle le décor que la tragédie s'est choisi : une montagne de rouille couronnée de neige, un désert de lœss qui sert de tapis aux éboulis de grès et l'oasis jade d'un village - amande dans la poussière. L'Afghanistan est la patrie de l'éternel retour : les armées s'y succèdent, s'y enlisent, en repartent. Et reviennent.

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Dans les camps tricolores se répartissaient les huit cents soldats composant les GTIA constitués des composantes de toutes les unités de l’armée de terre. […]  Ainsi les deux armées, française et afghane, dont le destin était de combattre de concert, se côtoyaient-elles en opération et dans la vie quotidienne.

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Il y avait les semailles. Il y avait les moissons.

La guerre ne connaissait pas de saisons dans la solitude des labours afghans. 

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Patrouiller c’est progresser en terrain miné en manifestant l’équanimité. S’enfoncer dans l’inconnu en feignant la force tranquille. 

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La guerre se déroulait dans un mikado humain et cette intrication était une obsession.

Ils menaient la bataille parmi les lavandières, sur le chemin des écoliers. 

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A l’approche de la patrouille, claquement d’ailes bleues. Les femmes se dispersaient. 

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Les talibans usent de cette technique vieille comme la lâcheté : se replier derrière le rempart de l’innocence. 

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L’air se déchirait des rugissements des hélicoptères.

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Dans le fond attendre l’intervention d’un hélicoptère, c’est espérer le secours du ciel… 

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Et la poussière du soir tombait, c’était la nuit et ils organisaient la veille sous les constellations qui avaient déjà tenu compagnie aux sentinelles de tant d’armées ! 

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Nous avons veillé sous des ciels étoilés en scrutant la nuit, aux aguets du moindre mouvement.

-

Ils ne fermaient pas l’œil, la guerre ne dormait pas.

-

Les nuits bruissaient des mouvements des talibans qui tentaient de passer sur le flanc des postes pour rejoindre les villages et les accrochages nocturnes se multiplièrent dans les vallées.

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L’aube était une fontaine d’où jaillissait le jour.

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Puis aux heures nocturnes ou au petit matin, c’était l’attaque.

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Le ballet des hélicoptères , chargeant et déchargeant personnels, blessés et matériel sur les drop zones des camps noyait l’atmosphère dans un nuage de lœss qui ne retombait jamais.

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Ainsi allait la vie des postes, oscillant, selon un solfège propre à l’armée, entre les périodes de veille, d’entrainement, d’attente et les opérations coordonnées.

 

***

Goisque Tesson.jpgNous avons déjà eu l’opportunité de présenter le photographe Thomas Goisque (à g.) et de l’écrivain Sylvain Tesson (à d.) pour leur précédent livre : « Haute Tension – Le 27e BCA en Afghanistan », accompagnés alors par l’artiste Bertrand de Miollis.

 

Cette fois, laissons-leurs la parole :

 

 

Laissons aussi cette parole au Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger » :

Tessson Le Nen.JPGJ’aurai vu défiler beaucoup de journalistes et de reporters depuis le début de ma mission en Kapisa. Certains se sont contentés de surfer sur l’écume de nos journées et de nos opérations. D’autres comme Géraud Burin des Roziers, Thomas Goisque, Sylvain Tesson et Bertrand de Miollis ont pris le temps de nous accompagner, de comprendre ce que nous faisions et d’entrer dans nos vies. Eux auront vu l’essentiel : la générosité, la passion et la richesse de ces jeunes hommes qui sont prêts à payer de leur sang l’idée qu’ils se font de leur métier et de leur dévouement à leur bataillon et leur pays. J’ai beaucoup d’admiration pour ces reporters-là qui sont prêts à partager nos risques et endurer nos souffrances pour simplement témoigner de ce que nous sommes. Ils sont des nôtres et je sais que tous les Chasseurs les considèrent comme tels. 

Colonel Nicolas Le Nen, 27e BCA, commandant le GTIA « Tiger ».

« Task Force Tiger », Ed. Economica.

 

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Prix : 30€ ISBN-13: 978-2226208248 - Format 28 x 24, 192 pages. 

Aux éditions Albin Michel 

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Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.

Retrouvez les photos de Thomas Goisque sur son site ici. 

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Hommage

Aux morts en Afghanistan,

Aux blessés,

A la mémoire des civils afghans qui subissent depuis des décennies la folie de leurs dirigeants.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc.

 

***

Lettre d’un capitaine

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Ce fut d’abord la découverte de ce pays d’une beauté stupéfiante, lieu improbable où l’arc himalayen vient mourir dans le désert. Au hasard des patrouilles, nous avons sillonné ces vallées luxuriantes qui semblent refléter l’état de nature. L’habitat se fond harmonieusement entre les vergers, les champs de grenadiers et d’orge. La population semble encore vivre au rythme des saisons; les hommes entretiennent non sans génie les canaux d’irrigation. Les vieillards nous contemplent sagement avec un air de « déjà vu » cachés, derrière leur barbe. Les enfants, loin d’être apeurés par notre attirail guerrier, s’amusent de notre maladresse.

Quant aux femmes, prisonnières de la burqa, elles évitent nos regards et ne laissent deviner une certaine féminité que par le raffinement de leurs chaussures.

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Mais, malheureusement, cette phase ne dure qu’un temps.

Quand les ruelles se vident et que les premières balles sifflent, notre perception du monde change d’un coup. Qu’elles sont longues ces minutes où, dans le fracas des armes, tout le monde cherche à se faire une idée précise de la situation, espérant ne pas entendre ce compte rendu qui tombe comme un couperet : « Blessé, blessé !!! »

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Comment parler en deux mots de nos morts et de nos blessés,  sans tenir de propos sacrilèges ?

Simplement redire que, loin des images hollywoodiennes, la détresse de nos blessés n’est jamais belle. L’héroïsme de nos morts n’est pas de réussir à susurrer quelques mots glorieux à l’oreille d’un camarade à l’instant du trépas. Il est de s’être investi jusqu’au bout, avec forces et faiblesses, pour simplement tenir son rôle parmi ses frères d’arme.

[…] 

« Ne sommes-nous pas devenus fous de croire que l’on peut orienter le destin d’un peuple si fier ? »

La guerre révèle les hommes ou les détruit.

 

Capitaine Jean-Gaël Le Flem, 27e BCA

Préface à « D’ombre de de poussière »

 

 

 

 

 

 

12/11/2013

« E.V.3 - Engagé Volontaire 3 ans », MDL Patrick Camedescasse, artilleur. Ed. Catybou

 

A la mémoire de mon père Francis Broquet, E.V.3, Maréchal des Logis au 421e Régiment d’Artillerie Anti-Aérienne.

 

 

« - Eh bien, Adjudant, qu’avons-nous comme recrues ?

- Oh mon Capitaine, nous en avons de tous les états : des avocats, des savants, des dessinateurs…

- Un tas de feignants et de propre à rien, quoi ! » 

Légende d'une carte-postale humoristique, vers 1900.

 

 

"11 avril 1970, quartier Pajol, Montbéliard. Je suis civil, un sac sur l’épaule. Je quitte l’armée en passant devant le poste de garde. Je sais que je vais le faire… C’est sûr. C’est certain…

Depuis longtemps déjà, dans ma tête, j’avais fait et refait cette sortie. Tout est programmé. Un « bras d’honneur », immense, grandiose, éléphantesque, « mammouthesque », pour extérioriser ma déception de ces trois années en kaki.

Quelque pas encore. Ça y est. J’y suis. Je vais le faire. Je vais le faire…"

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Flashback : nous sommes en 1967. Les cheveux des garçons s’allongent et les jupes des filles raccourcissent. Un Bordelais de 18 ans, Patrick Camedescasse, n’est pas trop fan de l’école. Sa voie semble toute tracée : ouvrier, artisan… mais avant cela, il faut passer une étape incontournable pour un jeune homme, cheveux longs ou pas : le service national. Plutôt que de « glandouiller » en attendant l’appel, Patrick se dit qu’après tout, l’engagement de 3 ans, pourquoi pas…

En dehors des dîners de famille, rares sont ceux qui ont abordé leur service militaire. Alors remercions Catherine, femme de Patrick et son éditrice, d’avoir soutenu la démarche d’écriture de son mari. On peut imaginer les conversations du couple autour de « Mais cela n’intéressera personne !». Et bien si Patrick, cela intéresse. Cela intéresse même beaucoup !

Heureusement donc, Patrick s’est lancé et nous livre avec « E.V.3 » le bien sympathique récit de ses 3 ans d’artilleur dans un régiment d’appelés. Un livre qui se lit avec le sourire aux lèvres, mais qui générera, à n’en point douter, un peu de nostalgie chez les plus anciens d’entre vous.  Ceux-là même qui, un matin, ont ouvert fébrilement une enveloppe contenant  une feuille de route, mentionnant  une date, un régiment, une caserne dans une petite ville de France ou d’Allemagne…

Prenons cette route avec Patrick, pour une sacrée aventure … Cela en était vraiment une.

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A cette époque, Antoine et ses élucubrations faisait des adeptes de cheveux longs (…) Aussi, quel plaisir pour un coiffeur appelé ! Quelques passages de tondeuse et notre chevelure gît aux pieds de l’artiste. S’en suivent des quolibets du style : « J’espère que Monsieur est satisfait, il pourra revenir quand il voudra ! » (…) J’ai alors l’impression, en regardant mes camarades, de me reconnaître. Nous sommes tous semblables.

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La première revue qui nous tombe dessus se nomme « revue du slip sur l’homme ». Imaginez nos têtes lorsque, devant nos lits, en pleine journée, cet ordre nous arrive. Chacun à son tour, nous baissons nos pantalons (…). A l’époque, dans notre paquetage, nos slips sont blancs, mais là, surprise… Il y en a des blancs, des gris, des colorés devant, des colorés derrière, des jaunes bizarres (…) et comble du raffinement, un collègue sans slip. (…) Les ventes de « Génie sans bouillir » montent en flèche. Maintenant, n’ayant pas de récipient adéquat, nous faisons tremper notre lessive dans nos casques lourds…

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Réveil brutal en plein sommeil quand un sous-officier zélé nous fait lever. Il en choisit un au hasard et lui ordonne d’ouvrir son armoire. En principe, nous avons le devoir de ranger correctement nos effets. Tout « au carré », les chemises d’un côté, les treillis de l’autre selon un plan que l’on doit respecter (…) Le plus bordélique de la chambre est désigné. Nous nous attendons au pire et le pire arrive : le sous-officier ouvre la porte de l’armoire et tout le paquetage tombe sur ses pieds.  (…) Les vêtements sont alors jetés par la fenêtre. Tout y passe, treillis, chemises, capotes, slips, chaussettes, chaussures, casque, ceinturon, béret… Fier de son travail, notre homme se retire. Nous sommes écroulés de rire et, pour ma part, j’ai cette image à jamais marquée : La vue du canonnier H déambulant à poil entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage pour récupérer son paquetage.

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Le samedi je passe l’appel à minuit et constate que tout le monde est bien présent. Pourtant, vers 2 heures du matin le sous-officier de service désire effectuer un deuxième appel (…) Nous voici donc partis à la recherche de l’éventuel absent qui aurait pu faire le mur. Pour les quatre premières chambres, tout est pour le mieux, mais je sens mon collègue bien réservé sur les chiffres. Entre les permissionnaires, les malades, les gens de garde et les présents, les totaux sont bien difficiles à établir.  Nous entrons dans la dernière pièce et là, après calcul et recalcule  il nous manque deux canonniers, bien présents au dernier appel. Le chef de chambre pense nous embrouiller et nous explique qu’ils sont certainement aux toilettes. Personnellement, je n’y crois guère, mais le sous-officier de permanence, crédule, fonce comme un fou (…) A peine a-t-il tourné les talons que deux canonniers de la chambre d’en face se faufilent et prennent place dans les lits des deux absents.

Je ferme les yeux et dis à mon collègue de contre-appel que le compte est bon et lui explique que je me suis sûrement trompé dans mon premier calcul. Méfiant, il recompte et tombe sur le bon total…

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Les obusiers sont chargés et prêts à cracher, quand soudain l’officier de tir hurle « Halte au feu ! Halte au feu !». Surpris, nous nous exécutons en donnant ordre à nos tireurs de lâcher le cordon de mise à feu. Nous patientons et cherchons des informations sur ce brusque contre ordre. « Des civils sont entrés dans le périmètre de tir et malgré la demande expresse de notre Colonel, ils refusent de déguerpir » nous explique notre Lieutenant. (…) De nouveaux renseignements nous parviennent. La Gendarmerie de Mourmelon, prévenue, a détaché quelques éléments de la brigade afin d’évacuer ces perturbateurs. Raison de leur intrusion : le ramassage d’escargots…

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Un besoin naturel mais pressant me signifie que je vais devoir faire connaissance avec les feuillées du régiment. Je redoute cet instant car j’aime bien mon intimité, espérant une grande solitude. J’accélère le pas, j’entre, personne. Tranquillement je me mets en position de trône et commence à faire ce que je dois.

Et c’est alors que l’impensable se produit, la porte faite de branches et branchages s’ouvre et là, devant moi, mon Capitaine !

« Ah ! Camedescasse, bonjour ! Vous permettez que je vous accompagne ? »

« Euh… Oui mon Capitaine … » 

Et le voilà qui prend place à mes côtés et commence sans complexe à déféquer, tout en me demandant si mes nouvelles fonctions me plaisaient.

« Euh… Oui mon Capitaine… »

Un bruit typique, mais qui n’a rien d’un coup de canon, rend inaudible ma réponse. Et il commence à me parler de la météo, de Nevers, des escargots que l’on peut ramasser dans le coin (…) et me quitte en me souhaitant une bonne journée.

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« Disons-le sans faux-fuyant : cette période s’est révélée formidable d’humanité, d’échanges, de camaraderie. Dans ce brassage hétéroclite de 16 mois, creuset de solidarité et de sociabilité, sont parfois nées des amitiés profondes et durables… »

Patrick Surel, camarade de service de Patrick Camedescasse.

 

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La quille (fin du Service)

Jeunes-gens, n’avez-vous jamais « subi », lors d’un long dîner, les souvenirs de Service du grand-père, du papa, du tonton ? Histoires rabâchées, écoutées poliment, mais qui doivent vous « saouler » un peu. Eh bien la prochaine fois, faites un effort : regardez avec attention ce grand-père, ce papa ou ce tonton, lorsqu’il en aura fini avec sa tirade débutée par « et alors là, le Pitaine… ».  Attachez-vous à son regard. N’y voyez-vous pas l’étincelle de l’émotion ?  Nostalgie de ses 20 ans ? Sans doute un peu, mais cette étincelle existe-t-elle, quand il évoque un souvenir de lycée, de son premier job ? Non, n’est-ce pas. Cela devrait vous interpeller.

Avec la disparition du Service, vous avez raté quelque chose, jeunes-gens, vous avez vraiment raté quelque chose… 

Quant à la France, quelle bêtise elle a fait en supprimant cet outil essentiel de cohésion nationale. Quelle gravissime bêtise.

 

Bravo et merci à Patrick pour cet E.V.3 que nous recommandons sans réserve, dans l’espoir que d’autres appelés et volontaires service long se lanceront à leur tour : il y a tant à raconter.

 

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Prix : 19€ - ISBN 9782953314151 - format 15,5x24 - 208 pages, nombreuses illustrations en couleur et N&B.

 

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Aux éditions Catybou

Pour commander le livre, voir ici.

Cadeau pour vous, lecteurs : En indiquant le code EV3LAPLUME, les frais de port en France métropolitaine sont offerts.

Page FaceBook du livre E.V.3 ici

 

 ***

 

Patrick Camedescasse d+®dicace son livre.JPGEn 1967, devançant l’appel, Patrick Camedescasse s’engage pour 3 ans. Il effectue ses classes au 33e Régiment d’Artillerie de Poitiers. Il rejoint à l’issue l’ENSOA de Saint-Maixent dont il sort Maréchal des Logis. Après son instruction à l’Ecole d’Application de l’Artillerie à Châlons-en-Champagne, il est affecté au 1er RA de Nevers, puis Montbéliard. Il est libéré en 1970. Patrick est marié à Catherine, par ailleurs son éditrice, et père de deux garçons, Christophe qui effectue son service national au 11e Régiment de Cuirassiers, et Jérôme qui y échappera, le service vivant ses dernières années…

 

***

 

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Hommage

A tous les appelés, volontaires service long, engagés volontaires, morts pour la France, morts en service commandé,

avec une pensée particulière pour les appelés du 1er RCP, morts à Beyrouth dans l’attentat du Drakkar,

Aux blessés.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

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Armés de nos vingt printemps verts,

Artilleurs mes frères,

Aux souvenirs buvons un verre !

 

 

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11 avril 1970, quartier Pajol, Montbéliard. Je suis civil, un sac sur l’épaule. Je quitte l’armée en passant devant le poste de garde. Je sais que je vais le faire… C’est sûr. C’est certain…

Depuis longtemps déjà, dans ma tête, j’avais fait et refait cette sortie. Tout est programmé. Un « bras d’honneur », immense, grandiose, éléphantesque, « mammouthesque », pour extérioriser ma déception de ces trois années en kaki.

Quelque pas encore. Ca y est. J’y suis. Je vais le faire. Je vais le faire…

Je ne le fais pas.

Je me retrouve dehors. La sentinelle ? Je ne la regarde même pas. Je cours. Je pleure. De joie ? D’émotion ?

 

 

 

 

 

 

 

Récit biographique, engagé volontaire, 33e RA, ENSOA, EAA, 1er RA

 

27/10/2013

"Les cloches sonnent aussi à Kaboul", père Jean-Yves Ducourneau, aumônier militaire, Ed. EdB

 

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.

 

 

« Il n’y a pas de difficulté de fond, ni d’impossibilité, de vivre ensemble la vocation chrétienne et la vocation militaire. Si l’on considère ce qu’il est positivement, le service des militaires est une chose très belle, très digne et très bonne. Le cœur de la vocation militaire n’est rien d’autre que la défense des siens. Trouvons le principe explicatif de la participation d’une guerre : si elle est une défense de la partie oppressée, une défense des persécutés, des innocents, une défense  au risque même de sa vie, cette défense peut causer des dommages ou apporter la mort à l’oppresseur. Mais dans ce cas, c’est lui qui en est responsable. »

Jean-Paul II

 

 

« - Tu vois ce gars qui soulève 115kg de fonte ? - Ouais. - A ton avis, c’est qui ? - J’sais pas. Un Légionnaire ? Un Marsouin ? - Et bien non, c’est notre Com Ciel. - Notre quoi ? - Notre Commandement Ciel, notre padre, notre aumônier quoi… »

Cette conversation est fictive, mais s’est peut-être tenue, qui sait, sur une base d’Afrique ou d’Afghanistan… L’armoire à glace dont on parle est le père Jean-Yves Ducourneau, aumônier catholique aux Armées et auteur. Grâce à lui, et après « Dieu désarmé » de notre cher padre Kalka, nous avons la joie d'aborder un nouveau récit d’aumônier : « Les cloches sonnent aussi à Kaboul ».

 

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« Les cloches sonnent aussi à Kaboul » est le journal de marche du père Ducourneau lors de ses déploiements en Afghanistan, mais il dépasse largement le cadre strictement factuel de la vie d’un aumônier militaire. C’est un livre profond, dense, qui invite à la méditation. Jean-Yves s’expose, se livre, ne cachant en rien ses émotions, même s’il reste homme pudique. Certes, un lecteur anticlérical acharné pourra  rester sourd aux mots de Jean-Yves. Dommage, ce ne sont que mains tendues. Mais ce même lecteur ne pourra nier l’amour  que le padre porte à ses frères d’armes. Ou mieux, à ses fils d’armes…

Quelques extraits.

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L’aumônier militaire que je suis maintenant n’a pas la vocation d’un curé de paroisse. Je suis plus heureux en marchant sur les cailloux acérés d’Afghanistan qu’assis autour d’une table bien cirée du XIX°, en train de remplir les lignes de mon agenda paroissial.

 

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Bénédiction d'un VAB à la demande des soldats

Nous savons bien qu’ici [en Afghanistan], sur cette terre de cailloux rugueux et de sang versé depuis des lustres, la vie est précaire. Lorsque, avant de venir dans ce pays de tous les extrêmes, nous remplissons nos sacs militaires camouflés, entassant tant bien que mal nos rangers et autres treillis de combat, chacun pense à l’éventualité cruelle de ne plus jamais ranger ses affaires au retour, tant ce retour semble incertain, surtout pour les combattants de première ligne, dont la jeunesse innocente me donne parfois beaucoup de signes d’inquiétude et de compassion, comme si j’étais, à ce moment-là, leur père.

Leur père, je le suis, par la grâce de Dieu. Je suis leur padre.

 

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Soudain, dans le fracas de cette matinée que d’aucuns redoutaient, nous déplorions un blessé, le très jeune Caporal Jérôme, du 35e RI, qui sentit siffler dans son dos le projectile 7.62, froid et tueur. Porté par ses copains jusqu’à leur véhicule blindé, il fût rapidement évacué. Puis le service médical, avec à sa tête Xavier, le colonel médecin du 1er RIMa à qui je veux rendre un hommage appuyé, le prit tout de suite en charge. A peine arrivé sur les lieux, Jérôme, que le chef de corps veillait déjà, me reconnut et m’appela : « Ah ! Padre ! ». Ses larmes devinrent discrètement les miennes, son silence devint parole criante en moi et, en retour, ma main devint la sienne.

 

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Photo © Thomas Goisque

Épris de liberté et de grands espaces [il] était maintenant enfermé dans ce cercueil de zinc qui trônait au milieu de l’allée de notre chapelle en bois. Je revois ses camarades, dressés autour de lui, habillés de leurs atours militaires, au garde-à-vous malgré un froid sans nom qui nous saisissait tous de l’intérieur, retenant leurs larmes d’hommes blessés dans leur chair de parachutiste du 35e RAP de Tarbes. Tous semblaient attendre une explication… Je ne leur ai parlé que d’espérance, d’amour et de miséricorde, de fraternité blessée, de soutien nécessaire, de prière, du sens du sacrifice d’une vie donnée pour la mission et du sens de la vie et de la mort que chacun portait en soi… Ces mots dérisoires, je le sais, qui semblent vides et creux à ceux qui touchent de leur doigt la mort d’un frère aimé, étaient pourtant les mots que l’Esprit de Dieu, dans la faiblesse de ma voix, mettait pour eux en mon cœur.

 

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Photo © Thomas Goisque

Aujourd’hui 15 octobre 2010, jour de la fête liturgique de sainte Thérèse d’Avila, celle qui a fait de sa vie un sacrifice éternel pour l’Eglise du Christ, nous avons perdu notre infirmier-major, l’adjudant-chef Thibault Miloche (…). Il vient d’écrire en lettres de sang son nom sur la trop longue liste de plus de 480 noms des soldats de la coalition tombés depuis le début de l’année.

(…) L’hommage que ses frères d’armes lui ont rendu a été à la hauteur du personnage, chaleureux et émouvant. Durant la messe du souvenir que nous avons célébrée à Tora en présence de tous ses amis, j’ai vu une belle et sainte fraternité prendre corps et s’élever comme une offrande vers le Ciel ouvert. Ensuite, durant cette longue procession de frères aux visages graves jusqu’à l’hélicoptère gris qui attendait sur la zone de se poser pour emporter le corps loin de nos yeux embrumés, j’ai entendu la plainte intérieure des cœurs en larmes crier vers le mystère divin qui, soudain, semblait toucher chacun d’entre nous de ses doigts saints.

 

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Mon fils, laisse-moi te dire que sur ta route de militaire, tu rencontreras aussi, et cela quelle que soit ta foi, des aumôniers. Ces étranges personnages qui grenouillent çà et là, dans les compagnies, les services, les postes de garde ou les terrains de manœuvre, qui sont sans armes et sans grades. Ils sont à ton service pour t’aider à grandir, dans ta foi si tu es croyant, ou dans la vie tout simplement, si ta route n’a pas encore croisé Dieu. N’hésite pas à aller vers eux si tu vois qu’ils ne viennent pas vers toi. Ils t’accueilleront comme leur enfant qu’ils ont reçu par la grâce de Dieu et tu pourras leur faire confiance. Ils sont là pour toi, crois-moi sur parole.

Padre Jean-Yves Ducourneau

 

* * *

 

v_auteur_242.jpgLe père Jean-Yves Ducourneau est né en 1960. Elevé pour une grande part en famille d’accueil, une mère lointaine, sa jeunesse est faite d’errance (dont un engagement dans l’armée qui fait long feu), et de quête de soi. Le 1er janvier 1985, il ressent « le besoin d’entrer dans une église », et se lie d’amitié puis d’affection avec le prêtre. C’est dès lors un tout autre cap qui est donné  à sa vie. Il entre au séminaire, en ressort ordonné en 2004. Mais ce n’est pas un homme de paroisse. D’abord aumônier des prisons, c’est vers l’armée qu’il se tourne en 1996. Il devient aumônier militaire, rattaché à la base aérienne de Mont-de-Marsan, dans sa Gascogne qu’il aime tant. Dès lors vient le temps des OPEX : Tchad, Ex-Yougoslavie, RCA, Côte d’Ivoire, Liban, deux déploiements en Afghanistan...  Prêtre de la Mission de Saint-Vincent-de-Paul, il est auteur de plusieurs livres : « Les cloches sonnent toujours à Kaboul », « L’autre combat », « Jésus, l’église et les pauvres », et de nombreux essais sur Saint-Vincent.  Figure de l’armée, le padre Ducourneau allie physique d’haltérophile et profonde spiritualité. Il revendique le surnom de « Com Ciel » [Commandement Ciel] donné aux aumôniers, et s’amuse de son sang O+,  qu’il lit « Ô Croix », comme manifestation de l’humour de Dieu. Le père Ducourneau est actuellement aumônier de l’ENSOA de Saint-Maixent.

Le padre Ducourneau en "live"

 

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Prix : 17,20€ - ISBN 978-284024-398-4 – Format 13,5x21, 376 pages

 

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Disponibles aux Editions des Béatitudes/EdB ici.

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Les aumôniers dans votre bibliothèque militaire

Non exhaustif 

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Du même père Ducourneau : « L’autre combat », essai sur la reconstruction humaine après des blessures visibles ou invisibles. Disponible chez EdB ici.

Une Plume pour l'Epée abordera prochainement ce livre.

 

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Incontournable, « Dieu désarmé » du padre Richard Kalka. Nous avons abordé ce récit formidable ici.

Disponible chez l’éditeur Little Big Man ici.

 

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Pour les fans d'histoire : « L’aumônier militaire d’Ancien Régime - La vie du prêtre aux Armées des guerres de Religion à la Première République (1568-1795) », par le père Robert Poinard, vicaire général du diocèse aux Armées.

Aux éditions L’Harmattan, disponible ici.

 

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Pour les fans d’uniformes : « Insignes et tenues des aumôniers militaires français depuis 1852 », par Dominique et Marie-Claude Henneresse.

Aux éditions ETAI, disponible ici.

 

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A venir : "Un prêtre à la guerre" du padre Christian Venard. Rattaché au 17e RGP de Montauban, il était sur les lieux après la tuerie opérée par Mohammed Merah et est accouru pour accompagner le jeune CPL Abel Chennouf dans la mort.

Parution début décembre aux Ed. Taillandier. Peut être commandé ici.

 

Autres confessions 

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« Soldats de la parole », ouvrage collectif sous la direction du grand rabbin Haïm Korsia.

Publié par l’Aumônerie Israélite des Armées. Disponible ici.

 

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« Aumônier en Algérie », Journal du pasteur Caumont, aumônier protestant.

Chez Ampelos Editions. Disponible ici.

 

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Pour contacter toutes les aumôneries, voir ici.

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Hommage

Au CNE Patrice Sonzogni, 35e RAP, mort pour la France en Afghanistan,

A l’ICS Thibaut Miloche, 126e RI, mort pour la France en Afghanistan,

A tous les morts pour la France en Afghanistan,

Aux blessés, tant dans leur physique que dans leur psychisme.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

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Il est des endroits où les cloches telles qu’on les connaît, jolies, polies et bien arrondies, sont inexistantes. C’est pourquoi, avec l’habilité et l’ingéniosité de bon nombre de soldats, on arrivait à fabriquer des cloches avec les moyens du bord (…) Une douille d’obus peut ainsi avoir une seconde vie beaucoup plus pacifique que la première !

Cependant, une chose reste pour moi une évidence humaine et pastorale : quelle que soit la matière dans laquelle la cloche est fondue, elle ne sonnera jamais juste tant que les souffrances des pays traversés seront  sur sa portée musicale. Aucune mélodie harmonieuse ne pourra danser dans le vent de Dieu tant que les droits les plus élémentaires des pauvres, des veuves, des enfants, des personnes âgées et des malades de toutes les régions du monde dans lesquelles nos soldats sont envoyés seront bafoués par des conflits fratricides dus au péché de l’homme, à son arrogance, son insolence, son goût du pouvoir et son amour de l’argent.

Padre Jean-Yves Ducourneau

 

 

 

 

Aumônier des armées, récit biographique, journal de marche, Afghanistan

19/10/2013

« Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français », Nicolas Mingasson, écrivain-photographe intégré au 21e RIMa, Ed. Acropole

 

Extraits et photos © Nicolas Mingasson [sauf mention contraire], publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Cette chronique est dédiée à Mme Monique Panezyck, maman du CCH Jean-Nicolas Panezyck, 21e RIMa, mort pour la France le 23 août 2010 en Afghanistan. Avec notre affection.

 

 

"La première victime de la guerre, c'est toujours la vérité" 

Rudyard Kipling, écrivain britannique.

 

La fraternité militaire fait souvent preuve d’amertume lorsqu’elle évoque la société civile : incompréhension sur le sens de son engagement, indifférence envers ses sacrifices… Et pourtant, il existe une poignée de ces civils qu’il convient de mettre à part : Un beau matin, ils ont frappé à la porte du Ministère de la Défense. Comme les soldats, ils ont dû prouver leur force, physique et mentale. Comme les soldats, ils ont fait leurs bagages. Comme les soldats ils ont serré dans leurs bras femme, enfants, proches, en leur disant : « Ne vous inquiétez pas, je serai prudent ». Comme les soldats, ils se sont envolés vers des pays où règne le fracas des armes. Mais, contrairement aux soldats, ils n’emportaient qu’appareils photo, stylos et pc portables.

Ils s’appellent Yves, Sébastien, José, Alphonse, Thomas, Sylvain, Bertrand… Ils s’appellent aussi Nicolas Mingasson.

Ce sont des reporters, des photographes, des écrivains, qui loin d’un travail journalistique d’opportunité, ont décidé d’accompagner nos troupes sur le long terme.

Et s’ils n'ont pas été en mesure d’apporter leur soutien aux soldats sur le terrain, c’est au retour qu’ils l'ont fait, en témoignant du sens de leur engagement, de leurs sacrifices…

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« Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » est avant tout l’histoire d’une rencontre : celle de Nicolas Mingasson et du Sergent Christophe Tran Van Can, 21° RIMa. Ce dernier s’est porté volontaire pour « accueillir » Nicolas, au grand dam (dans un premier temps) des hommes de sa section.

Durant toute l’année 2010, le photographe-écrivain collera aux basques du Sergent, partageant toute la vie des Marsouins, entraînements, patrouilles, chambrées…

De cette « vie commune » naissent « Journal d’un soldat français en Afghanistan », témoignage de Christophe écrit avec le soutien de Nicolas et « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français », propre ressenti de Nicolas, accompagné de ses photos. Un livre fort, superbement écrit et illustré, très facile d’accès, donc particulièrement conseillé aux non-initiés.

C’est dans un premier temps sur le second ouvrage que nous nous penchons, mais nous reviendrons évidemment sur le premier.

 DSC01712.JPG Le Sergent Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, Fréjus

Ils sont ailleurs. Pas seulement loin, mais véritablement dans un ailleurs ; un autre monde qui ne partage rien avec celui où je me trouve : la France estivale des vacances, la France des courses au supermarché, du cinéma, de l’usine ou du bureau… Et je me surprends souvent à penser à eux, au détour d’un rayon ou au comptoir d’un café. 

A lui seul, ce paragraphe justifie le sous-titre choisi par Nicolas : « La guerre inconnue des soldats français ». Car qui peut prétendre connaître cette guerre ? Les combattants, les Afghans, quelques initiés, dont Nicolas. Mais le Français moyen ? Comment pourrait-il connaître cette guerre ? Quelques secondes au journal télévisé, et encore, lorsqu’un homme est tombé ; quelques reportages, souvent bons, mais en 2nde partie de soirée...

La guerre est, pour celui qui ne la subit pas, une inconnue. Qui peut mesurer le degré d’abnégation des soldats ? De leurs proches ? Qui peut imaginer le stress, l’épuisement, la crasse et la peur ? Qui peut imaginer le résultat d’un attentat suicide ? Voit-on des morts ? Voit-on des jambes arrachées ? Entendons-nous les cris du copain blessé ?

Inconnue la guerre, et celle-là plus encore : l’Afghanistan, pays lointain géographiquement, culturellement… l’Afghanistan, si éloigné des préoccupations des français…

Alors, on oublie ? On passe à autre chose ? Non. Douze ans de guerre, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes déployés, 88 tués, des centaines de blessés dans leur chair, dans leur psychisme, des familles meurtries, des soldats qui se sentent incompris, quantité négligeable de la république, après tant de sacrifices… Il ne faut pas passer à autre chose. On lit le livre de Nicolas, pour que ne nous soit plus si inconnu ce qu’endurent ces jeunes gens, envoyés au bout du monde, parfois vers la mort. Car ne l’oublions pas, le soldat a certes choisi le métier des armes, mais il est envoyé au combat par nous et pour nous

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Impatients comme des fauves en cage, ils rêvent d’y être déjà, mais voudraient aussi pouvoir reculer le jour de la séparation [d’avec leurs familles]. Ces semaines d’entrainement sont pour eux des voleuses de temps qui les séparent encore des vallées poussiéreuses et brûlantes d’Alasay et de Bedraou.

Ici, rien ne va changer. Mois après mois, les mêmes personnes se promèneront sur les mêmes plages, emprunteront le même tronçon d’autoroute pour rentrer du travail. Et, cet été, les vacances seront joyeuses et reposantes. Mais pour eux ?

Ce soir, ils ne s’extraient pas seulement physiquement du monde commun. Ils en sortent aussi psychologiquement. Même s’ils n’en ont pas encore conscience, ils vont au-devant de l’indicible, de l’inénarrable.

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Ils vont passer des heures sous la tente à se préparer, à s’équiper (…) Je suis littéralement fasciné par leur souci du détail. Ils peuvent passer dix minutes à se demander si telle poche aura mieux sa place à droite ou à gauche, si elle n’est pas trop basse, si le câble de la radio ne gênera pas un mouvement ou ne risquera pas d’être arraché. Ils en discutent ensemble, observent comment fait  le copain. Ils essaient, défont ce qu’ils viennent de faire, recommencent encore et encore jusqu’à ce que cela leur convienne parfaitement.

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Dans quelques heures, un foyer américain pleurera son soldat, quelque part en Alabama ou en Arizona. A moins que cela soit au Kansas. Du Black Hawk qui vient de se poser, des Marines extraient le corps d’un soldat. Soudain, le temps se fige autour de nous, les pales de l’hélico semblent tourner dans un vide immense et silencieux. Plus rien n’a d’importance que ce soldat qui ne rentrera pas à la maison. Autour de moi, les gars se redressent un à un et se mettent au garde à vous. Un soldat reconnaît un autre soldat. (…) La réalité du monde extérieur vient de leur sauter à la gueule, comme une vague submerge une digue. Et c’est peu dire que l’ambiance n’est plus la même. Peu à peu, les gars s’enfoncent dans leurs pensées (…) ils sont secoués et se mettent à gamberger. C’est Christophe qui finit par sortir la section de sa torpeur, balançant une énorme connerie à Guigui. Il a réussi son coup, les gars reprennent le dessus.

Je commence à comprendre que l’une de leurs forces est de savoir dresser des barrières autour de leurs émotions pour se concentrer sur l’essentiel : la mission. Et je continuerai à découvrir, dans les mois qui vont suivre, la force de caractère, la volonté que cela exige d’eux.

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Impossible d’y pénétrer du regard. C’est à pied qu’il faut s’y enfoncer pour la découvrir. Les chemins qui la parcourent sont étroits et bordés de murets en terre, si bien qu’il est impossible d’y circuler avec des blindés. Leur sentiment d’oppression ne fait que croître à mesure qu’ils s’y infiltrent. C’est un véritable labyrinthe au milieu duquel la population les observe. Les visages sont impénétrables, dénués de toute émotion apparente. Qui est qui ? Qui fait quoi ? Comment le sauraient-ils ? Un seul rôle est clair, celui des soldats. Et ils sont la seule cible non seulement visible mais clairement identifiée. En face d’eux, au contraire, tout est trouble, c’est un véritable brouillard. Insurgé ? Paysan ? Informateur ? Les deux à la fois ? Ca gamberge sévère…

Je comprends leur frustration. Des mois, des années de préparation, un armement comme ils n’en ont jamais eu, l’envie de « faire le boulot ». Ils sont jeunes, téméraires, tout en muscles et bourrés d’hormones. Ils n’ont peur de rien, sûrs d’eux et de leur technique. Ils ont un côté chiens fous mais ne sont pas dupes,  il ne s’agit pas de jouer avec le feu. « On fait les malins à vouloir y aller, mais c’est vrai que c’est complètement con. Quand on reviendra avec un gars dans un sac ou avec une patte en moins, on fera moins les finauds. » Mais c’est plus fort qu’eux ! L’envie de vivre l’emporte sur l’envie de survivre. Et vivre, pour eux, à 400 mètres des positions insurgées, c’est combattre. 

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La peur est une émotion qui se maîtrise. C’est même pour beaucoup la définition même du courage. La contenir au point de pouvoir repartir de l’avant en sachant que  les insurgés sont dans la zone, qu’un copain est entre la vie et la mort. Etre capable de sortir d’une ruelle, de s’exposer pour récupérer P, de le mettre à couvert et lui sauver la vie. Quand je leur parle de courage, ils me répondent : «  On fait notre job », « N’importe quel gars ici ferait la même chose ». Ces dialogues sont à l’image de ce qu’ils sont : des garçons ordinaires qui, par les valeurs qu’ils ont acquises, par la cohésion qu’ils ont développée et par les situations auxquelles ils sont confrontés, sont capables d’accomplir des actes réellement héroïques.

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Il faut de la rage pour sortir de là, une force venue de loin, quelque chose d’animal, de vital. Les uns après les autres, les gars se lancent en tirant une rafale vers la zone des insurgés. Et, dans un même mouvement, toute la compagnie fait corps autour d’eux, en faisant pleuvoir un déluge de plomb sur les talibans. Les poumons en feu les jambes tremblantes, il faut avancer encore et encore. Vingt mètres, dix mètres, cinq mètres… et pouvoir plonger, enfin, de l’autre côté du muret protecteur (…)

Cette journée qu’ils me racontent au mois de septembre, près de deux mois plus tard, est encore toute fraiche dans leur esprit. Il reste dans leur voix des accents d’excitation, de plaisir d’avoir vécu ensemble ces moments extrêmement forts et puissants. D’en être sortis vivants aussi. Quand je les avais quittés fin juin, trois jours seulement avant cette journée de combat autour du pont de Tagab, l’expression « frères d’armes » sonnait creux pour eux. Plus maintenant.

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Fin de la garde. Prendre les ordres auprès de l’adjudant Cédric. Les transmettre aux gars du groupe. Au programme du lendemain : protection d’une action CIMIC [civilo-militaire] à Shekut. Départ à 5 heures du matin. Les gars ont à peine dormi la nuit précédente, ils sont crevés. Déjà 22 heures. La douche, l’ordinaire ? L’ordinaire en premier ; à cette heure, il ne devrait pas y avoir encore trop de queue. La douche et enfin son box. Peut-être un tour au foyer pour acheter quelques barres de céréales ou des cigarettes… Ils auraient bien aimé passer un coup de fil en France, mais le réseau est coupé depuis plusieurs heures déjà. Quant à la salle Internet, où il faudra peut-être attendre une bonne demi-heure, peu y pensent. Se coucher. Dormir.

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Mais Panezyck ne rejoindra pas l’autre rive. Il s’écroule au bout de quelques mètres, fauché par un tir précis. A quelques dizaines de mètres de lui, un insurgé l’a regardé s’élancer et courir. Et a décidé qu’il ne passerait pas. Pourquoi lui et pas un autre ? Mauvaise question, sans réponse (…) Quelques secondes plus tard, le lieutenant Mezzasalma s’élance au secours de Panezyck alors que tout autour de lui les hommes ouvrent le feu en direction de la zone d’où proviennent les tirs. C’est un acte d’un courage insensé, qui touche à ce qu’il y a de plus sacré entre tous les soldats : être capable de donner sa vie pour les autres. Touché à son tour alors qu’il rejoint le corps de Panezyck, il se bat jusqu’au dernier souffle, tirant ses dernières balles avec son arme de poing. 

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En raccrochant, je ne peux m’empêcher de m’en vouloir de ne pas être là-bas. C’est un sentiment étrange, difficile à cerner. Un mélange d’empathie et de cohésion avec un groupe au milieu duquel j’évolue depuis des mois. Mais je m’en veux aussi de ne pas y être pour capter ces moments dramatiques qui témoignent de leur engagement. Nous avions plusieurs fois évoqué cette question : devrais-je prendre ou non des photos si l’un d’eux venait à être tué ou blessé. Tous me répondaient que « Oui, évidemment, il faudra que tu fasses des photos ! » Ne pas montrer jusqu’où ils sont prêts à aller leur semblait être une forme de trahison. Mieux, ils ne comprennent pas ou n’acceptent pas la pudeur de leurs chefs et des politiques qui veulent donner à leur guerre un visage qu’elle n’a pas, sans morts ni blessés.

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F est déjà nostalgique à l’idée de quitter l’Afghanistan : « Après, c’est sûr, on ne fera que de la merde. »

Je le retrouve plusieurs fois le regard perdu vers la vallée de Bedraou.

Que lui dire ?

2013 : Des éléments du 21e RIMa sont déployés au Mali, dans le cadre de l’Opération Serval. Ils forment le 1er Groupement Tactique Inter Armes avec des unités du 2e RIMa, du 1er RHP, du 3e RAMa, du 6e RG, du 3e RPIMa, du 1er REC et du CPA 20.

Le 28 janvier, après un raid blindé aux côtés de l’armée malienne, ils s’emparent de Tombouctou.

***

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Nicolas Mingasson

 

Voilà, « Afghanistan – La guerre inconnue des soldats français » est refermé.

Alors, me direz-vous, le lecteur connait-il désormais cette guerre ? Et bien non, elle restera pour lui, à jamais, une inconnue, puisqu’il n’est ni combattant, ni civil afghan.

Et pourtant, Nicolas a magnifiquement réussi son projet. Son livre est un incontournable, rejoignant le panthéon des grands récits sur l’engagement français en Afghanistan.

Contradictoire ? Non, car pour le lecteur, quelque chose de formidable ne lui sera plus inconnu, et là est l’essentiel :

Grâce à Nicolas, le lecteur connait désormais les hommes qui font cette guerre pour lui.

 

Vidéo de Nicolas réalisée en 2010. Retrouvez le Sergent Tran Van Can et les Marsouins du 21e en "live", entre action et émotion.

 

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Nicolas Mingasson

A Nicolas : Merci pour ton accueil, merci pour Christophe, merci pour Lorenzo et Jean-Nicolas, merci pour eux tous.

 

***

Nicolas.JPGNé en 1967, Nicolas Mingasson tombe tout jeunot dans la photo de guerre, inspiré par les Don McCullin et autres Gilles Caron. Reporter à Gamma et France soir, il couvre en 1993 le conflit bosniaque. Il se passionne également pour le monde polaire : expédition à ski au Pôle Nord en 1995, 6 mois dans l’Arctique russe en 2008.  C’est à cette occasion qu’il exploite ses talents d’écrivain et publie  « Terre des Pôles » en 2008 puis  « Sentinelles de l’Arctique » en 2009.

En 2010, Nicolas sollicite l’armée français. Il soumet  un projet précis : suivre un unique soldat pendant un an, raconter « les hauts comme les bas », parler du soldat, mais aussi de l’homme qui se cache derrière : mari, père de famille… Ce projet a certainement fait débat, mais Nicolas est finalement autorisé à suivre le Sergent Christophe Tran Van Can, du 21e RIMa, évidemment volontaire. Partageant les mêmes piaules, vivant au rythme exact du groupe, participant à tous les entraînements, Nicolas rejoint à trois reprises les marsouins en Afghanistan dans leur base de Tagab en Kapisa. Il est présent lors du désengagement du régiment, vers Kaboul puis la France. De cette « expérience » naît « Journal d’un soldat français en Afghanistan » co-écrit avec le sergent Tran Van Can (Ed. Plon), puis en 2012 « Afghanistan - La guerre inconnue des soldats français », où il livre son propre ressenti, accompagné de ses photos.

Nicolas vit entre Paris et Sarajevo, est marié et père de trois enfants.

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« Journal d’un soldat français en Afghanistan » a reçu en 2011 la mention spéciale du prix de l’Armée de Terre Erwan Bergot, le prix Grand Témoin de la France Mutualiste et le prix de la Saint-Cyrienne, association des élèves et anciens élèves de l’ESM, en 2012. Bien entendu, Une Plume pour l'Epée abordera prochainement ce récit.

***

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Prix : 21€ - Format 19x26 - 192 pages, tout couleur, ISBN 978-2-7357-0664-7 

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Aux éditions Acropole

Livre disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.

Site de Nicolas Mingasson ici

 

***

 

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Hommage

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Au Capitaine  Lorenzo  Mezzasalma, 21e RIMa, mort pour la France en Afghanistan,

Au Caporal-Chef Jean-Nicolas Panezyck, 21e RIMa, mort pour la France en Afghanistan,

Aux Marsouins du 21e morts pour la France,

Aux blessés. 

 

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Photos © AB

Ces deux vitrines, présentées lors de l’exposition « 45 ans d’opérations extérieures », hôtel de ville de Versailles en 2013, sont composées des décorations et objets personnels du CCH Panezyck, prêtés par sa mère.

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Mme Monique Panezyck, dans la chambre de son fils à Versailles. © JP Guilloteau/L'Express

 

Les soldats français qui se sont battus et qui se battent toujours en Afghanistan ne regrettent rien de leurs choix et de leur engagement. Ils sont même, pour l’immense majorité d’entre eux, fiers et heureux d’avoir rempli la mission que la France leur a confiée. Mais ils sont amers. Amers du manque de reconnaissance de la nation française. Ils rêvent de drapeaux agités à leur retour, d’un peu plus que les trente secondes traditionnelles consacrées par le journal télévisé de 20 heures lors du décès d’un des leurs. Ils rêvent d’une nation qui les soutienne, d’une nation qui reconnaisse les sacrifices qu’ils font pour elle.

Nicolas Mingasson

 

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Ceci n'est qu'une image virtuelle. Mais ne vous y trompez pas, soldats, elle est le reflet du cœur d'une multitude de Français.

Vous les trouvez trop silencieux ? Vous avez raison. Mais prêtez l'oreille :

Pour toutes celles et ceux qui lisent ce texte, vous n'êtes pas des inconnus, et ils vont s'adresser à vous, en prononçant ce mot avec nous :

Merci !

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

 

 

 

 Livre, photos sur les Marsouins en Afghanistan, 21e RIMa

06/10/2013

« La guerre vue du ciel », LCL Marc Scheffler, EC 3/3 « Ardennes », EC 2/3 « Champagne », Ed. Nimrod

 

Extraits et photos publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

 

Porté par ma fougue, je n’ai qu’une envie : être projeté au cœur de l’action. Non pas pour participer de façon obscène à une guerre et son cortège de drames humains effroyable, ni pour la gloire de quelques médailles. Mais un sentiment profond d’injustice me pousse à vouloir combattre pour une cause qui me parait juste. On n’embrasse pas une carrière sous les drapeaux, qui plus est en risquant sa peau au quotidien dans une machine à tuer, sans avoir une certaine idée de son pays et de ses valeurs.

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

A la Chasse… BORDEL ! 

« Cri » de tradition des pilotes de Chasse

 

Les avions de Chasse m’ont toujours fasciné. Je me revois tout gosse, dans notre jardin, lever le nez vers le ciel dès le premier grondement d’un réacteur, chercher des yeux le Mirage IIIE, le Jaguar, en provenance de Reims, Dijon ou Nancy. J’avais même droit, parfois, au « boum » du passage du mur du son. Comme si le pilote me saluait.

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Qu’est-ce que j’aurais aimé lire, dès cette époque, « La guerre vue du ciel » du Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler ! Pensez : le récit d’un chevalier du ciel, 15 ans aux commandes d’un Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol. Missions de guerre au Tchad et Congo, en Libye,  six déploiements en Afghanistan… Il y a matière à conter.

Et Marco le fait brillamment, avec un parti pris assumé : coller le plus possible à la réalité (ce qui impose un soupçon de jargon aéronautique, mais très facile à assimiler).

Alors, plongé dans l’action, on se prend à stresser avec « Claudia » : Allons-nous finir par l’enquiller ce foutu panier du Boeing ravitailleur en vol ??!! Mais où sont-ils  ces p* de talibans !!?!

Comme si nous étions le troisième homme d’équipage…

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Marc et son NOSA Jeff, Kandahar, Afghanistan, 2010. © M. Scheffler

Nota : le Mirage 2000D est un avion biplace. L’équipage est constitué du pilote en place avant, et du NOSA, Navigateur Officier Système d’Arme, en place arrière.

 

Allez. Rugissement du réacteur… Décollage !

 

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Mirage 2000D, © C. Ambroise/Armée de l’Air

 

Entrainement – exercice Red Flag aux USA

Je maintiens ma position à 0,3 Nm. Soudain, une énorme masse noire accompagnée d’un rugissement jaillit devant moi et remplit ma verrière en une fraction de seconde ! Par réflexe je tire brutalement sur le manche. Trop tard ! Je passe de plein fouet dans le souffle d’un réacteur. La claque est phénoménale. Je lutte à grands coups de manche pour garder le contrôle de l’avion en m’écartant vers le haut et en surveillant dehors, puis je jette un coup d’œil aux paramètres moteurs. Tout est bon. J’expulse un « PUTTAAIN !!! » pour évacuer le trop-plein d’émotion. Je viens de croiser à quelques mètres d’un autre avion je viens surtout de croiser la mort. (…)

Derrière moi, Fioqui, mon navigateur, reste d’abord muet. Puis il rompt le silence :

- C’est pas passé loin…

 

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Ravitaillement en vol, © BA 133 Nancy-Ochey

 

Ravitaillement en vol « sport » au-dessus du Tchad

L’air est si turbulent et la visibilité si faible que nous avons du mal à rester en position. Par instant, je ne distingue que les saumons d’aile du Boeing qui danse au gré des violents soubresauts. La tenue de place accapare toute mon attention. Mes corrections au manche et aux gaz sont devenues brutales. Les grésillements incessants à la radio me rendent nerveux. (…) L’extrémité de ma perche de ravitaillement se pare subitement d’un panache violacé : les feux de Saint-Elme. L’air est chargé d’électricité statique. (…) Mon appareil fait des bonds de plusieurs mètres. Chaque virage est une torture. Pris de vertiges, je m’acharne à rester en place. Mon oreille interne me joue des tours. J’ai la sensation de voler sur le dos. (…) Après une éternité, j’ai l’impression que ça tabasse un peu moins. Le « boomer » en profite et déroule les deux tuyaux de ravitaillement en vol (…) Je me présente pour une première tentative. Impossible d’enquiller devant les mouvements erratiques du panier. Il se dérobe dans les derniers centimètres et ma perche passe immanquablement à côté. Après plusieurs essais et quelques belles frayeurs, je commence à être sur les nerfs. Les niveaux de carburant deviennent critiques. (…) 

[s’adressant à son navigateur]

- Transe, j’opte pour la méthode offensive !

- Tu vas faire quoi ?

Sa voix trahit une certaine appréhension…

(…) Nouvelle tentative.

Le panier part vers le haut. J’envoie un coup de manche vers l’arrière pour remonter le nez et l’attraper au passage. Ma correction est trop brutale. Le gland atterrit au-dessus du panier, qui vient se coincer entre la perche et le radôme.

- Et merde…

- Marco, ta technique c’est pas du 100%...

- Tu veux les commandes ?

- Non, non… je te rappelle juste que j’ai une femme et des enfants.

Sa réponse est un rappel à l’ordre. Je ne suis pas seul à bord. Je réduis légèrement les gaz. L’avion recule de quelques centimètres, mais le panier reste bloqué. L’espace d’un instant, le Boeing traîne le Mirage.

RAAAAAACK !

Le panier se libère et racle l’avant du fuselage. Transe est silencieux.

 

Appui des troupes au sol par un Mirage 2000D en Afghanistan.

"Armée de l’Air ! Armée de l’Air !"

Avec 40° de piqué, j’ai l’impression de plonger à la verticale. Je redresse au dernier moment, lorsque le sol me saute au visage. Le relief serpente devant moi. Jeff a intégré les coordonnées du point dans les centrales. Elles se matérialisent dans ma VTH par une petite croix. En transparence, je devine parfaitement la petite bâtisse rectangulaire est ses quatre murs d’enceinte crénelés.

Du fond de la vallée, je remonte vers la crête le long de la pente. Une centaine de mètres du sol, lancé à 1000 km/h. (…) Une seconde avant le passage, je distingue les cinq silhouettes des insurgés sur le toit…

 

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Expulsion de leurres pour un « show of force ». Un Mirage 200D du Champagne « montre ses muscles ». Photo © EMA

 

Soudain, c’est l’apocalypse dans la VTL. Des crépitements lumineux clignotent depuis les toits des véhicules italiens. Ce sont des tirs de riposte. Les mitrailleuses font feu de tout bois et les canons dansent sur les tourelles en arrosant les rangées d’arbres de part et d’autre de la chaussée. Gladiator 17 [homme du convoi, en liaison radio avec Marc] s’est jeté sur la fréquence et crie pour se faire entendre :

- Rage 31 de Gladiator 17, nous sommes tombés dans une embuscade, nous prenons des tirs des deux côtés de la route et nous ripostons. Je vous demande immédiatement…

Plus rien. Sa voix s’est arrêtée net. L’intensité du silence nous étouffe. La boule au ventre, je peux sentir battre mon pouls jusque dans les tympans. J’ai un mauvais pressentiment. J’écrase l’alternat pour un check radio. Pas de réponse. Tataï a compris comme moi :

- Marco, là, ça craint…

- Cherche sur les bas-côtés, sous les arbres !!! Et trouve-moi des types qui tirent !!!

 

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Marc et son NOSA Axel, avant un vol de nuit sur la Libye, 2011 © M. Scheffler

Moteur coupé, tout redevient calme. J’ouvre la verrière. J’enlève mon casque. Une légère brise me frappe le visage, et je frissonne dans ma sueur. Le calme après la tempête. Je savoure ce moment de plénitude. Much est déjà en bas de l’échelle. Les traits tirés, souriant, il rayonne de fierté.

 ***

 

1152081_2352711_460x306.jpgLe Lieutenant-Colonel Marc Scheffler, dit « Claudia », sort breveté de l’Ecole de l’Air en 1998. Il est affecté à l’EC 3/3 « Ardennes », puis à l’EC 2/3 « Champagne » de Nancy-Ochey comme pilote de Dassaut Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol de précision (bombes guidées laser ou GPS). Il a participé à dix détachements opérationnels dont Tchad/RDC, Afghanistan (6 fois) et Lybie, cumulant plus de 3 800 heures de vol, dont 2 200 sur Mirage, et plus de 150 missions de guerre.

Après 15 ans en escadron de Chasse, Marco rejoint Cognac et l’Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air (EPAA), où il avait déjà été instructeur en 2006-2009. Il transmet désormais sa grande expérience du vol et du combat à nos  futurs pilotes de chasse.

Marc est marié et père de deux enfants.

 *

MIRAGE_2000D_couv-53fec.jpg« La guerre vue du ciel » a été écrit en collaboration avec Frédéric Lert, que nous n’oublions pas. Frédéric est un journaliste indépendant, référence dans le monde de l’aéronautique militaire. On lui doit de nombreux articles dans la presse spécialisée (Air Fan, DSI…) et une vingtaine d’ouvrages, dont « Mirage 2000D » aux éditions Histoire et Collections.

 

 

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Prix : 23€  € - Format 15x23, 480 pages, cahier-photo couleur -  ISBN 978-2915243567

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Disponible sur le site de l’éditeur Nimrod ici.

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Page FaceBook de la Base Aérienne 133 Nancy-Ochey ici.

Site et page FaceBook de l'EC 3/3 Ardennes ici et ici.

Site de l'EC 2/3 Champagne ici.

Site et page FaceBook de l'EC 1/3 Navarre ici et ici.

 

Nous saluons évidemment les autres composantes de la BA 133 : ETD 2/7 Argonne, CFAA, ESTA, et tous ceux qui interviennent dans le cadre du soutien et de la sécurité.

Profitons de cette occasion pour présenter "Dans le repaire du Mirage 2000D - Nancy-Ochey", beau livre photo d'Alexandre Paringaux, en collaboration avec... Frédéric Lert (again).

 

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Il le trouve facilement, sur tous les sites du Net. Ou mieux : directement sur celui de l'EC 1/3 Navarre où il fait figure de collector, car dédicacé par l'auteur et le commandant de l'escadron.

Voir ici.

***

 

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Nous avons eu la joie de rencontrer Marco lors du Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Comme c’est souvent le cas avec nos amis militaires, il y a une certaine dualité chez l’homme : du « Dr Jekyll et Mr Hyde ». D’un côté, le pilote, exigeant, engagé, pas commode *du tout* quand les choses ne vont pas comme elles devraient. Et de l’autre, dans un contexte civil, un garçon éminemment sympathique, disponible, qui respire la gentillesse, très tourné vers les autres, ce qui transparaît d’ailleurs dans son livre, car il ne cache pas ses doutes et remords lorsqu’il impose à sa famille des choix de carrière qui vont rendre la vie de famille compliquée. Pas d’esbroufe chez Marco, pas de fausse modestie non plus, mais une saine humilité, que l’on retrouve chez la majorité des militaires.

 

[Lors de sa première affectation, présentation aux pilotes et navigateurs du 3/3. La tradition veut que chaque pilote possède un sobriquet]

« - C’est quoi ton surnom ?

- Claudia.

Silence général. Je précise :

- Claudia, comme Claudia Scheffler.

Hilarité générale… »

 

 

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© CedT

Piloter un avion de chasse était mon rêve de gosse, ma vie. A chaque fois que je pars en vol, je m’offre un petit plaisir qui n’a pas de prix : j’admire mon mirage pendant quelques instants. Année après année, il m’a emmené partout sans jamais me décevoir. Mon bureau se trouve là, à quelques mètres du sol. Immobile. C’est encore une masse sans âme. Mais il raisonnera bientôt de la fureur de son réacteur. Je suis toujours subjugué par son air martial. Dans quelques minutes, je serai installé aux commandes, entièrement absorbé par la mission. Des milliers de jeunes rêveraient d’être à ma place. Ils ont raison.

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

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EC 3/3 Ardennes, EC 2/3 Champagne

 

Hommage 

Aux Pilotes et Navigateurs morts pour la France, morts en service aérien commandé,

Aux blessés

 

Avec le salut fraternel du Chasseur (à pied...) et de la Russe-blanc

 

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Que fais-tu dans la vie ? Ce que j’ai toujours rêvé de faire ! Tu n’as pas été déçu ? Non, la réalité a dépassé mes rêves… Tu as bien de la chance, vivre sa passion n’a pas de prix. Et tu fais quoi ? Je suis pilote de chasse.

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

 

 

 

 

 Livre, récit biographique d'un pilote de Chasse, Mirage 2000D, Afghanistan, Lybie, EC 2/3 Champagne, EC 3/3 Ardennes, BA 133 Nancy-Ochey, Armée de l'Air

29/09/2013

« Dans la vie d’un Bigor – le 3e RAMa », Marlene Kuhn-Osius, photographe

 

Toutes les photos © Marlene Kuhn-Osius, publiées avec l’aimable autorisation de l’auteur.

 

 

 

"Les régiments d'artillerie de la Marine, faisant le fond de mon corps d'armée, méritaient beaucoup d'éloges pour leur bravoure et leur bon esprit. Jamais soldats ne se sont exposés de meilleur grâce au canon de l'ennemi et n'y sont restés avec plus de fermeté."

Auguste Viesse de Marmont, Duc de Raguse, Maréchal d’Empire, parlant du comportement héroïque des Bigors aux batailles de Lutzen et Hanau en 1813. Mémoires, 1856.

 

Suivant l’exemple de leurs aînés, les Bigors du 3e RAMa se sont eux aussi exposés aux canons de nos ennemis, en Côte d’Ivoire, Afghanistan, Mali… rendant coup pour coup. Comme le bruit d’un CAESAR ripostant doit être doux aux oreilles de nos soldats sous le feu…

Mais cette fois, il n’y aura pas de riposte, car c’est un inoffensif « Canon » qui les vise, celui de la photographe Marlene Kuhn-Osius.

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Sur une bonne idée du LTN Chems-Eddine Bouriche, officier communication et information du régiment de Canjuers, voici un petit livre-photo qui fait honneur à ce beau régiment. Il est vrai que le projet a été confié à Marlene, photographe de grand talent qui a su saisir de vrais instants d’action.

Et autre bonne idée : le livre est disponible, dans sa version numérique… gratuitement ! (Si !)

Laissons la place aux photos de Marlene, légendées par le texte du COL Cluzel, chef de corps en 2011-2013 (auquel vient de succéder le Colonel Reinbold).

 

Bigor au 3e de Marine, bien plus qu’une vie… 

 

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Une vie sous le signe de l’Ancre d’Or, dévouée au service des armes de France.

Une vie sous les plis d’un étendard glorieux de deux siècles de combats.

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Les yeux et la foudre d’une brigade prestigieuse, en appui de Marsouins et de Légionnaires qui opèrent vite, fort et loin, de la mer vers la terre, dans les sables d’Afrique et du Moyen-Orient, comme dans les pierres d’Afghanistan, aux confins des eaux claires du Pacifique et des Caraïbes, jusqu’au cœur de ténèbres s’il le faut.

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Une vie au sein de la Nation, ancrée sur la terre qui nous accueille, celle que nos anciens du 3e RAC libérèrent avec le Général Leclerc et que nous continuons de protéger pour le bonheur des nôtres. 

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Une vie d’effort et de rigueur, de veille et d’action.

Un peu de servitude.

Un peu de grandeur aussi.

Celle des hommes de bonne volonté qui vivent en frères d’armes et sourient avec le calme des vieilles troupes. 

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Une vie opiniâtre.

A l’affût toujours… Jamais ne renonce.

Notre vie.

 

Colonel Laurent Cluzel

Commandant le 3e Régiment d’Artillerie de Marine, 2011-2013

 

 ***

 

Marlene.JPGMarlène Kuhn-Osius est une photographe indépendante.

« Dans la vie d’un Bigor » est sa deuxième collaboration avec l’Armée de Terre, succédant à « Objectif Afghanistan » dédié aux Marsouins du 21e RIMa. Hélas (pour nous), le livre est épuisé L

Vous retrouverez son travail sur son site WEB : ici.

 

 

Pour vous procurer le livre numérique gratuitement (que vous pourrez évidemment imprimer), cliquez ici.

Pour un livre « papier », je vous invite à contacter Marlene via son site WEB.

 

Page FaceBook officielle du 3e RAMa ici.

 ***

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Hommage

Aux Bigors morts pour la France,

Aux blessés.

 

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A l'affût toujours, jamais ne renonce !

Devise du 3e RAMa

 

Et au nom de Dieu, vive la Coloniale !

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

 

 

 

Livre, photos sur les Bigors, artilleurs de Marine, 3e RAMa

22/09/2013

"Au service de l'espoir", CNE Philippe Stanguennec, CoTAM, Ed. L'Esprit du livre

 

Photos et extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

 

 

“Kabul tower, this is Cognac 05. Gooooooooood morning Kabul !” 

Capitaine Philippe Stanguennec, en approche de l’aéroport de Kaboul.

 

 

Ah Stang ! Sacré bonhomme ! Dès nos premiers échanges, il me faisait marrer. J’attendais donc avec impatience de me lancer dans son récit « Au service de l’espoir » : 12 ans à parcourir le monde comme pilote de Transall…

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Tout y est : l’exotisme, les soirées arrosées au bar du CoTAM (*), la fraternité d’armes, la franche rigolade, les drames aussi…

Le Capitaine Philippe Stanguennec a le chic pour rendre à la perfection cette ambiance, utilisant beaucoup le dialogue, maniant l’humour quand il le faut, distillant le stress lors des vols chaotiques…

« Au service de l’espoir », un bien beau récit, qui va ravir tous les fans de l’Armée de l’Air et au-delà !

(*) Commandement du Transport Aérien Militaire, rebaptisé Force Aérienne de Projection. 

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Stang aux commandes de son Transall

 

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Bon vol !

  

Aller, commençons par rigoler de bon cœur…

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© P. Stanguennec

 

A N’Djamena, discussion matinale au mess, avec un serveur tchadien.

- Qu’est ce qui ne va pas ce matin Joseph ?

- Les blancs, vous là, vous n’êtes pas gentils !

- Comment ça pas gentils… mais on ne t’a rien fait.

- Mais ce n’est pas vous, ce sont les gérants, là !

- Pourquoi ils ne sont pas gentils avec vous ?

- Hier soir, ils nous ont réunis dans la grande cuisine et ils nous ont demandés de nous déshabiller.

- Ah bon ? Et pourquoi ?

- Pour quelqu’un qui avait volé du fromage… et ils nous ont tous fouillés un à un. Ils étaient très méchants.

- Et alors ?

- Ils ont trouvé le voleur. Il avait tout caché dans son slip. Mais ce n’est pas une raison.

  

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En Centrafrique, la tourista, ce n’est pas rigolo du tout du tout. On ne se moque pas, hein…

Les maux de ventre déciment un par un l’équipage : consultations à l’infirmerie et régime banane ou riz. Saint-Immodium, Saint-Spasfon et Saint-Ercefuril, priez pour nous !

Cela dure deux ou trois jours. Entre-temps, il faut quand même assurer les vols. C’est ainsi que l’on a déterminé un point équidistant entre deux toilettes : celles de la villa [où nous logeons] et celles de l’aéroport. C’est un carrefour au centre-ville. Avant, on fait demi-tour, après, on continue. Sur la route, en se rapprochant du point de décision, tous les regards se portent sur le maillon faible : il est de couleur cramoisie et transpire à grosses gouttes…

  

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En Martinique, on ne se moque toujours pas, on « compatit » avec les copains restés en métropole :

Face à une mer turquoise, tout l’équipage est attablé au Kontiki. Nous sirotons un jus de banane tout en consultant la carte. En hommage à nos camarades aviateurs restés en métropole et qui viennent de rentrer dans la froidure de l’hiver, nous respectons une minute de silence. 

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Au Gabon, un petit énergumène manque d’être transformé en steak haché...

Nous survolons la brousse et apercevons le plateau où se trouve l’aéroport. Installé en finale, Pépi réduit sa vitesse, demande la sortie des éléments et du train d’atterrissage. Au seuil, je distingue un point qui se révèle être un gamin sur un vélo. « Mais qu’est-ce qu’il fait celui-là ? Y voit pas qu’on va se poser ? » En courte finale, v’la ti pas notre régional de l’étape qui entame un kilomètre lancé. Il fait la course avec nous ! « Remise des gaz ! » Nouvelle présentation. Le gamin est revenu au point de départ, pied gauche armé, prêt à enfoncer sa pédale. Pas de doute, il s’amuse comme un petit fou. Il va m’entendre celui-là ! En très courte, le gamin est à 200 mètres devant nous, sur la ligne centrale. Impossible de se poser sans l’écrabouiller… « Remise des gaz ! ».

 

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Et toujours au Gabon, on voit que le Contrôleur des armées a lui aussi de l’humour…

Stang doit transférer le contrôleur des armées. Un monsieur important, n’est-ce pas ? Petit souci cependant, ses insignes de grades sont particuliers, peu connus, et peuvent être pris pour ceux d’une autre fonction…

En montant, le contrôleur des armées trébuche sur le chef de soute en train de bricoler. Surpris, le jeune chef se retourne et apercevant subrepticement les insignes sur l’uniforme : « Oh excusez-moi ! Bienvenue à bord mon père ! ». Le contrôleur, un rien surpris mais sans se démonter : « Merci mon fils. Dieu vous bénisse ! ».

 

 

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Reste que, évidemment, la vie n’est pas un long vol tranquille. Et quand le ciel se met en colère, ça craint…

En Côte d’Ivoire, lors d’un vol Abidjan-Kortego

- Tu as vu devant ?

- Ouais…

Une grosse barrière de cumulonimbus nous barre la route, comme si nous étions au pied de l’Himalaya. Deux solutions : passer à travers ou en dessous. Au-dessus, difficile, les cumus montent très haut. A travers, nous allons givrer et nous faire chahuter.

- On passe dessous !

(…)

Phil se démène avec les contraintes géographiques et météorologiques pour nous trouver une route dans ce merdier.

(…)

La pluie redouble de violence. La visibilité se casse la gueule. La nuit va finir par tomber complètement. Nos zigzags nous retardent. Le carburant s’épuise et nos nerfs aussi.

(…)

- Bon aller, on arrête les conneries, cela ne donnera rien. On remonte en altitude

(…)

Le Transall monte vers la voute céleste. A ce petit jeu les illusions sensorielles sont redoutables. Je me force à croire nos instruments (…) car mes sens me disent que je suis en descente à forte inclinaison…

Au final, l’équipage décide de rebrousser chemin.

Il vaut mieux un beau demi-tour, qu’une belle frayeur, voire pire.

 

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Le crash du R155

 

Et la grande frayeur, Stang, Patrick  et Vincent la vivent en 1996, au retour d’un vol censé être banal [y en-a-t-il ?], de Villacoublay à Orléans

20h 27mn 30s : Arrêt moteur 1.

20h 27mn 34s :

- Le moteur 2 déroule ! Il s’est coupé !

Mon cœur fait un bon. Là, la situation devient extrêmement grave. Nous sommes maintenant en détresse, sans visibilité, sans moteur, à une hauteur d’environ 150 mètres.

(…)

Je lance un message de détresse. Je n’ai pas le temps de le terminer que tous les éclairages, l’ordinateur de bord et les écrans de navigation s’éteignent en même temps.

(…)

Nous nous retrouvons dans l’obscurité. Je regarde dehors, la nuit noire et glaciale me transperce. L’hélice droite mouline sans vie. Le silence de notre appareil en perdition est assourdissant.

Quelques secondes plus tard, le Transall se crashe en bordure d’autoroute, lieu-dit Chevilly. Les trois hommes sont blessés, mais vivants. Dieu a laissé à Stang le temps de profiter de son premier bébé, sa femme devant accoucher peu de temps après.

Afin d’exorciser le crash, le même équipage sera reformé pour un prochain vol. Imaginez les liens unissant désormais les trois miraculés !

Mais il n’y a pas que les éléments et les pannes mécaniques pour faire monter l’adrénaline…

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Séquence de leurres

Pour échapper à une menace, un aéronef poursuivi par un missile (guidé par la signature thermique de l’avion) peut éjecter des leurres constitués d'un matériau dégageant une forte chaleur en se consumant. Ceci a pour effet de tromper le missile et le détourner vers les leurres. Le déclenchement est automatique, dès que le système de contre-mesure a repéré une attaque potentielle.

 

L’équipage, prévenu par une alarme, n’a qu’une poignée de secondes pour réagir avant l’impact et changer brutalement de trajectoire. En sus, en vol de guerre comme au-dessus de l’Afghanistan, deux observateurs scrutent le sol.

Ambiance :

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En approche de l’aéroport de Kaboul - © P. Stanguennec

 

Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!

- Alerte missile ! Alerte missile ! Une séquence [de leurres] est partie !

Topper débraye le pilote automatique et vire à gauche, tentant de s’éloigner du site probable du tir.

Rien d’autre. Les observateurs n’ont rien remarqué.

(…)

En cabine, la tension monte rapidement à son paroxysme du fait que les actions à entreprendre sont limitées et que le temps pour les réaliser plus que symbolique : nous ne disposons que de 5 secondes avant l’impact.

- C’est notre troisième séquence en cinq missions ! On est partis pour battre un record, lance Topper.

- Ouais, mais c’est quand même pas trop cool, répond Thierry.

(…)

La lumière du roi Soleil fait place à une belle nuit étoilée. Nous attendons la frontière [tadjike] pour pouvoir nous relâcher un peu.

Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!

Tout le monde fait un bond.

Les observateurs nous confirment qu’ils n’ont rien vu venant du sol, mais la séquence de leurres est bien partie.

(…)

Ma résistance nerveuse commence à être éprouvée.

(…)

Enfin la frontière. Je me cale bien dans mon siège pour terminer le plus agréablement possible le vol, lorsqu’une lueur étincelante apparaît sur le côté droit de l’appareil. Elle est énorme et se déplace à une vitesse vertigineuse. Au même moment je gueule « Oh putain ! Putain ! » qui surprend tout le monde. Cette espèce de boule de feu se rapproche rapidement et je la prends pour la flamme d’un missile. La lueur disparait aussi vite qu’elle est apparue. Quelle frousse j’ai eu.

(…)

Ce dernier évènement m’a bien achevé psychologiquement. Je me suis dit qu’il était temps qu’on se pose et qu’on fume une clope, peinards, avec une binoche tadjike, sur un tube de Joe Dassin.

 

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Détachement Transall à Bangui, 1995. © P. Stanguennec

Evidemment, toutes ces "aventures", dans la joie ou la difficulté, soudent les hommes. Et cette solidarité dépasse les grades et les rôles. On rend donc hommage, comme il se doit, au camarade nouvellement promu, en écrivant une citation à l’ordre du bar de l’escadron :

Détachement Air Licorne, à mon commandement, Garde-à-vous !

Sergent Chêne, à genoux. Ouvrez le ban !

Les sergents s’exécutent : papapapa-papapapa-papa-papa-papa.

Si nous sommes réunis ce soir, en toute intimité, c’est pour marquer un instant important dans la carrière du susnommé. Le Sergent Chêne est entré dans l’Armée de l’Air par la porte de la cuisine en novembre 1991. Il est nommé Caporal-Chef la même année. Il n’hésite pas à user de ses charmes pour passer Sergent en 94 (…) En détachement en Asie centrale, a travaillé brillamment sa S2 (*) au bar du Tadjikistan Hôtel, sur l’album de Joe Dassin. (…) Au sein de l’escadron, le Sergent Chêne se démène sans cesse pour faire partir les équipages dans les meilleures conditions. Doté d’un sens critique affirmé sur le système militaire, d’un humour acide apprécié de tous et d’un physique que beaucoup lui envient, le Sergent Chêne, pour toutes ces qualités, mérite d’être cité en exemple.

(*) Sélection 2 - Contrôle d’acquisition des connaissances générales et théoriques permettant l’accès aux stages en école de formation.

 

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Une solidarité qui dépasse évidemment le cadre de l’Armée de l’Air…

- Un soldat français a été grièvement blessé à un check-point. Ils sont en train de le rapatrier sur l’aéroport. Tu peux l’évacuer ?

- Oui, oui, pas de problème. On va préparer le Transall. On l’attend.

(…)

L’avion est prêt. Tout est installé. Nous grillons une cigarette. Le jour se meurt.

(…)

Je raccroche et reste planté là, au milieu du parking. Je glisse mon portable dans la poche de ma combinaison. J’allume une Marlboro. Une vie s’est arrêtée et le reste continue de tourner… Je vivais là la fin tragique d’un de nos p’tits gars de France. J’étais tout à coup vidé.

- Le blessé est décédé. On rentre.

(…)

Nous volons dans la nuit noire. Les instruments scintillent dans l’univers confiné de notre cockpit. Au-dessus, les étoiles brillent de façon insolente. Les gestes se font mécaniquement. Nul ne vient troubler le silence.

 

In Memoriam

Artilleur de 1ère classe Kevin Ziolkowski, 40ème RA,

mort pour la France en Côte d’Ivoire.

 

* * *

 

DSC00611.JPGSuivant les trajectoires aériennes de son papa pilote de transport, Philippe « Stang » Stanguennec s’engage en 1991 après son baccalauréat au Prytanée national militaire de La Flèche. Elève officier du personnel naviguant, il est breveté pilote de transport en 1993. Il pilote le C160 Transall pendant 12 ans, au sein de l’ET 3/61 Poitou. En 2005, il rejoint le ET 3/60 Esterel comme pilote d’Airbus.

Marié et père de quatre enfants, Stang poursuit sa carrière de pilote de ligne, pour une compagnie civile.

Il m’a avoué : « J'ai toujours un peu de nostalgie quand j'entends un Cotam sur la fréquence, qui a le cap au sud vers l'Afrique... »

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Prix : 22€ - ISBN 978-2-915960-77-8 - Format 15,5x23,5 - 353 pages dont cahier-photo couleur.

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Le livre est disponible chez Prividef ici.

Page FaceBook "Au service de l'espoir" ici

 

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Le CNE Stanguennec aux commandes de son Airbus A310

 

 

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Hommage 

Aux équipages et passagers des C160 Transall F156 et F209 de la 63ème ET/CIET340, morts en service aérien commandé lors d’une collision en 1984 :

CDT Poincelet, pilote chef de bord,

ADJ Billard, pilote,

CDT Florysiak et LTN Galia, navigateurs,

MAJ Vochelet, mécanicien navigant,

ADC Hermann, photographe SIRPA-AIR,

ADC Hupliez, ADC Natton, SCH Thibault, largueurs BOMAP/1er RTP,

LTN Guyot, navigateur chef de bord,

CNA Julien et LTN Sire, pilotes,

MAJ Borie, mécanicien navigant.

 

A l’équipage et aux passagers du CASA CN235 de l’ET 1/62 Vercors, morts en service aérien commandé en 2003.

A l’équipage et aux passagers du DHC6 Twin-Otter de l’ET 3/62 Ventoux / Multinational Force and Observers in Egypt, morts en service aérien commandé en 2007.

Aux hommes et femmes du transport aérien, morts pour la France, morts en service aérien commandé.

Aux blessés.

 

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux navigants et pistards du Transport.

 

« La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout,

d’unir les hommes. »

Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes.

 

 

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Le ronron rassurant et lénifiant de nos moteurs nous berce. Nous nous installons dans une ambiance reposante. David s’est calé confortablement et observe les étoiles (…) Olivier gratte sur sa table de navigation (…) de son petit hublot au-dessus de sa tête, il observe la Lune qui continue sa course, relayant celle du Soleil qui a poursuivi sa route vers l’ouest. Patrick est allongé sur la banquette. Il a enlevé ses chaussures et somnole, le casque sur les oreilles. Inconsciemment, son cerveau reste en alerte, guettant le moindre bruit inhabituel. Il sourit. Il est heureux d’être là, en première classe, sur une banquette, au milieu de ses potes, à 6000 mètres d’altitude (…)

- Quelqu’un prend un café ?

(…)

Je descends dans la soute. L’éclairage est au minimum. La carcasse métallique de notre avion vibre à la fréquence de nos deux Tyne 22.

(…)

Patrick remplit les gobelets et me suit jusqu’au fond de l’avion. Je soulève le rideau du cadre 40 et je passe derrière. Un frisson me parcourt l’échine : le chauffage ne vient pas jusque-là. Patrick me tend un café et je lui tends une cigarette (…) On se sourit. Le café me réchauffe et me revigore. Nous profitons de chaque bouffée.

- On n’est pas bien là, mon canard ?

- On est bien là, mon canard.

 

 

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C’est un métier d’homme, rude et exigeant. Mais quand on a fait corps avec cet univers où, le temps d’une mission, la machine et les hommes qui composent son équipage ne font plus qu’un : quelle jouissance !

 

Saluons les camarades de Stang ! Patrick, Vincent, JP, Coco, Thierry, Topper, Jérôme, Higgins, Poupougne, Laurent, Stéphane, Willy, Nestor, Cédrik, Yves, etc.

 

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Douchanbe, Tadjikistan - ©  P. Stanguennec

 

Il n’y a pas de belles missions. Il n’y a que de bons équipages. 

Capitaine Philippe Stanguennec

 

 

 

  Livre, récit biographique d'un pilote de Transport, Transall

07/09/2013

"La Légion - Avec le 2e REP au cœur des crises internationales", ADC Thomas Gast, Epee Edition

 Photos et extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Photo du CPL Christophe Gobin transmise par sa maman. Droits réservés.

 

 

Ce qui importe n'est pas que nous vivions,

mais qu'il redevienne possible de mener dans le monde

une vie de grand style

et selon de grands critères.  

Ernst Jünger, Légionnaire, écrivain allemand.

 

Et de trois ! Après « Une vie de Légionnaire », du légendaire ADC Jean-Claude Saulnier et « Combattants sans passé », de notre ami slovène le SGT Robert Markus, nous revenons au 2e REP avec l’ADC (e.r) Thomas Gast et son récit biographique « La Légion – Avec le 2e REP au cœur des crises internationales ». Et nous en sommes ravis...

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...d'autant plus que ce récit est passionnant, très bien illustré, tout couleur, complété par d’utiles annexes (insignes, devises, chants des différentes entités de la Légion…). Nous le recommandons aux non-initiés car il est très facile d’accès.

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Le récit de l’ADC Gast est si riche, que le résumer en quelques paragraphes est un challenge difficile à relever. Tchad, RCA, Bosnie, Djibouti… Nous ferons donc deux focus : ses premières années de jeune Légionnaire au 3e REI en Guyane, et ses dernières missions, comme Adjudant du 2e REP, où il est acteur des  incidents dramatiques, trop méconnus, du Congo-Brazzaville.

3e REI, Guyane

Les petits monstres.

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La forêt de Mana était pire que la peste. Les moustiques nous déchiquetaient carrément. Ni les produits anti-moustiques, ni le Tafia [alcool de canne], ni les jurons, n’étaient d’une quelconque utilité. J’aurais préféré avoir un jaguar en face de moi que ces petits monstres invisibles qui piquaient même à travers les vestes et les ponchos.

Il y a bois et bois.  

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« Vous avez deux heures pour construire un radeau ! »  dit l’un des instructeurs, « Puis vous ferez la traversée pour aller sur l’autre berge où un délicieux déjeuner vous attendra »

Ce seul message aurait dû nous donner des soupçons, mais nous étions amaigris et morts de faim.

(…)

Moins de deux heures plus tard, le radeau se trouvait sur le bord sablonneux de la rivière. Une embarcation impressionnante ! Le travail nous avait rendu encore plus affamés et nous avions déjà l’eau à la bouche en pensant au délicieux repas qui attendait de l’autre côté. « A l’eau ! » criaient les instructeurs ! En unissant nos forces, nous arrivâmes à trainer le radeau jusqu’à l’eau… où il coula immédiatement ! Nous étions paralysés par la stupeur et la déception.

« Si à l’avenir vous voulez construire un radeau, coupez d’abord un bout de l’arbre que vous avez l’intention d’utiliser, et jetez-le à l’eau. S’il flotte, tant mieux… »

Miam miam.

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Un instructeur du CEFE accrocha un serpent vivant avec un fil, la tête en haut. Ensuite, il le laissa perdre tout son sang. Quand cela fut terminé, il lui fit une coupe circulaire autour du cou, ensuite une coupe longitudinale de la tête jusqu’à la pointe la plus extrême de son corps. Il saisit des deux mains la peau du cou du serpent et la lui retira lentement du corps. Pourtant, le serpent bougeait encore. Ce fût trop pour une journaliste qui préféra se retirer dans l’obscurité protectrice d’un évanouissement.

Jour de solde. Le Capitaine est joueur.

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« Bon, Gast ! dit le Capitaine. Ce serait donc 2300 francs ? Correct ? » Je hochais la tête avidement « Oui mon Capitaine ! » C’était pas mal d’argent pour un simple soldat. Il comptait lentement les billets et les poussait dans ma direction. Je les saisis, mais soudain, comme si cela lui venait justement à l’esprit, il remit sa main sur la liasse. « Oh ! J’avais presque oublié ! Tu dois 350 francs au club de la compagnie ». Il prit l’argent, pendant que je comptais désespérément dans ma tête. « Et puis tu avais payé à crédit au bordel. 1200 francs ». L’imposante pile d’argent initiale diminuait dangereusement. « En plus, je déduis à chaque soldat les billets pour la tombola annuelle de Noël. »….

Pas civilisés ?  

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J’étais encore couché dans mon hamac (…) lorsque des voix me réveillèrent. En me redressant je vis autour de moi une bonne douzaine de petits indiens [Oyampis], garçons et filles. Ils étaient assis et me regardaient fixement. Je n’oublierai pas leurs grands yeux magnifiques. Je ne sais ce qui me passa par la tête, mais je me levais, fouillais dans mon sac à dos, et trouvais quelque chose pour chacun : mon miroir, un couteau, un foulard, un savon… Je fis cadeau de choses qui m’étaient chères et qui avaient de la valeur, et j’en ressenti un immense bonheur. Ils prirent mes cadeaux et disparurent, en silence, sans un merci, sans un mot. (…) Un quart d’heure plus tard, j’entendis à nouveau des voix derrière moi, celles des enfants. Ils étaient revenus, et chacun avait un cadeau pour moi, des bananes, des mangues, un collier en corne (…) J’acceptais leurs cadeaux avec les larmes aux yeux.

La vie, quoi. 

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Mon cœur se mit à frapper staccato. Je savais que je parcourais des chemins qu’aucun autre parmi les mortels européens n’avait foulés avant moi. Nous étions au cœur de la Guyane. Il y avait des ruisseaux si purs qu’on pouvait y voir scintiller de la poussière d’or. Il y avait des collines et des voies navigables qui ne portaient aucun nom (…) Il y avait ici, dans la jungle profonde, des anacondas, des mygales et des serpents venimeux d’une taille inimaginable (…) C’était un sentiment écrasant, mais aussi libérant. Indescriptible. Je me sentais si proche de la Terre, comme je ne l’avais jamais été avant. Je vivais !

*

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Djibouti, Intermède musical 

Extrait de « Beau Travail », film de Claire Denis, 2000.

Les filles étaient camouflées en barmaids, timides et honorables. Elles venaient d’Ethiopie, de Somalie et d’Afrique noire. Les bars portant les noms de Tour Eiffel, Mic Mac, Chez Mama Fanta, Joyeux Noël, l’Amsterdam se réveillaient seulement bien après le coucher du soleil, et les barmaids oubliaient peu à peu leur « timidité »…

*

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1997, Opération Pélican, Congo-Brazzaville.

Au printemps  1997, une partie du 2e REP, dont la compagnie de Thomas, est envoyée à Brazzaville, pour relever le 8e RPIMa dans sa mission d’éventuelle évacuation des ressortissants occidentaux du Zaïre : Brazzaville, capitale du Congo, et Kinshasa capitale du Zaïre, (désormais République Démocratique du Congo), ne sont séparés que par le fleuve Congo. 

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Fleuve Congo - Evacuation d’occidentaux 

La situation reste calme à Kinshasa, un désengagement des forces est envisagé, malheureusement c’est à Brazzaville, autre poudrière, que les choses se gâtent…  Le 5 juin, à l’approche des élections opposant le président sortant Lissouba à son rival Nguesso, une flambée de violence éclate. La ville devient le théâtre de violents affrontements entre les forces armées congolaises et les milices « Cobra » de Nguesso.

La sécurité des ressortissants occidentaux n’est plus assurée. Ces derniers, menacés par les soldats ou miliciens incontrôlés, restent terrés à domicile et sont souvent victimes de pillages, de vols ou de brutalités physiques.

Le 7 juin, en soirée, des appels angoissés de Français menacés, voire violentés, conduisent le commandement à décider de procéder aux premières extractions afin de mettre les personnes à l’abri. À 19 h, le REP reçoit pour mission, en accord avec les autorités congolaises, d’extraire les civils en difficulté à proximité de la Présidence.

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Le Capitaine alla droit au but : « Bon, Gast, (…) La situation est la suivante » Il se tourna vers la carte accrochée au mur de son bureau et pointa son  doigt « Ici, exactement dans cette rangée de maisons, des Français se sont barricadés. Ils nous ont demandé de l’aide et il me semble qu’ils en ont besoin ! » Il leva les yeux de la carte « Gast, vous venez avec moi. Notre mission est de sortir les Français de là et de les amener ici ».  Je lui jetais un regard interrogatif. Ce n’était certainement pas tout (…) « Tous ceux qui nous feront obstacle sur place et qui essayeront de nous empêcher d’accomplir notre mission seront à considérer comme ennemis et devront être traités comme tels ».

Dans de simples camions,  les Légionnaires s’engagent sur l’avenue Schœlcher et prennent contact avec les différentes milices. La 3e section de la 1e compagnie, commandée par Thomas, marque un temps d’arrêt pour prendre contact, comme convenu, avec les autorités militaires congolaises chargées de la sécurité sur zone, tandis que le GCP [Groupe de Commandos Parachutistes] reste en appui.

Après avoir obtenu l’accord des autorités, les Français reprennent  leur progression. A environ 1 km de l’objectif, lorsque les éléments de tête s’engagent sur un rond-point, la colonne est délibérément prise à partie à courte portée par des miliciens congolais, embusqués sur le côté nord-ouest de l’avenue. Les Légionnaires sautent des camions et se retrouvent fixés par les tirs, dans une configuration peu propice à la riposte. Laissons désormais la parole à Thomas :

L’angle était trop aigu pour pouvoir toucher une des positions ennemies avec une grenade LRAC [Lance-Roquette Anti-Char]. Les grenades auraient peut-être ricoché et mis en danger nos propres hommes. Ce dont nous avions un besoin urgent, c’était un écran de fumée, mais il était inutile d’y penser : toutes nos grenades fumigènes étaient dans un des véhicules qui étaient exposé aux tirs massifs. Même la nuit ne nous offrait aucune protection, il faisait trop clair.

(…)

Tout mouvement, soit une tentative de décrochement, soit une contre-attaque pour nous dégager de là aurait signifié inévitablement de lourdes pertes.

(…)

Tandis que les renforts sont envoyés de la base, je fus informé par radio que l’un de mes chefs de groupe et un légionnaire avaient été grièvement blessés.

Je leur ordonnais de rester là où ils étaient, de protéger le périmètre proche et d’empêcher par des tirs sporadiques que l’ennemi n’attaque nos positions.

(…)

Des mouvements de troupe avaient lieu sur notre droite et nous n’avions aucune idée de quels éléments il s’agissait et quels étaient leurs intentions. Tous les scénarios étaient possibles ! Nous disposions seulement des munitions que chacun avait emportées sur lui (…) la plus grande partie des munitions était restée dans les véhicules qui se trouvaient  sous le feu ennemi.

Quand les Légionnaires de la CEA (Compagnie d'Eclairage et d'Appui  - le renfort envoyé par la base) arrivèrent sur la zone de combat, j’entendis enfin à ma gauche notre lourde mitrailleuse 7,62 mm : une vraie musique à mes oreilles.

(…)

Des éléments du GCP [Commandos Paras du 2e REP] commandés par le Capitaine Desmeules avaient réussi à s’avancer jusqu’à mes hommes blessés. Lors de cette action brillante et intrépide, qui montra une fois de plus ce dont cette unité était capable, l’un des leurs tomba sous une pluie de balles et fût tué sur le coup.  Si les soldats du GCP n’avaient pas été là, mon soldat et mon sous-officier auraient certainement succombé à leurs blessures.

(…)

Le renfort (CEA) prit position à gauche de ma section, face à l’ennemi. Ses éléments les plus avancés se retrouvèrent immédiatement sous les tirs adverses. Lors de cette action, un officier, deux sous-officiers et trois Légionnaires furent blessés, certains grièvement. Mais les bleus [couleur de la Cie] sont parvenus à renverser la situation en attaquant immédiatement et efficacement l’adversaire.

Le 2e REP perd un homme, et compte une dizaine de blessés, donc cinq grièvement. On estime à 25 le nombre de miliciens Congolais tués.

Brazzaville est désormais en guerre. L’Etat-Major renforce considérablement le dispositif, par l’envoi d’hommes des 2e REI et 1er REC, de blindés VAB, VBL, ERC90 Sagaie… matériel qui a cruellement manqué à Thomas et ses hommes le 7 juin.

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De fait, dans les jours qui suivent, le rapport de force change de camp :

Quand j’arrivais au carrefour et que je formais avec le VAB sur sorte de bouclier entre les Légionnaires et l’ennemi, je fus immédiatement pris sous le feu. Je répondu avec la 12,7 et fis signe au chef de groupe de décrocher. Pendant que mon VAB reculait lentement, avec le groupe à l’abri derrière, je tirais systématiquement sur tout ce qui me semblait dangereux. Soudain, la voix de mon conducteur, un Polonais rouquin, m’interpella : « Un heure, deux cents, un véhicule léger Toyota avec un canon antichar sans recul nous tire dessus ». Il avait prononcé ces mots d’une voix calme qui m’épatait, car j’étais moi-même essoufflé et en nage. (…) je pointais la 12,7 dans la direction et ouvrit le feu (…) je vis monter face à nous un nuage de fumée, qui voulait dire qu’une roquette avait été tirée sur nous. Juste à côté ! J’entendis l’impact derrière moi, ce qui me donna la chair de poule (…) une seconde plus tard, la Toyota explosa.

Il était temps de mettre en avant ces Légionnaires-Paras impliqués dans cet événement dramatique du Congo-Brazzaville, trop peu connu du grand public.

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Hommage 

Au Caporal Christophe Gobin,

alias André Gilles,

mort pour la France au Congo-Brazzaville,

Aux blessés. 

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Le CPL Christophe Gobin, photo aimablement transmise par sa maman à laquelle nous renouvelons toute notre sympathie.

*

Message reçu en octobre 2016 :

Brazzaville Juin 1997.
Un bond dans le passé. Nous y étions avec notre fille de 2 ans.
Presque vingt ans pour oublier la peur, le sifflement des balles, les tirs des obus qui tombaient non loin de la maison, les impacts sur le fuselage du Transall qui nous amenait à Libreville.
4 jours 3 nuits d'angoisse avant d'être exfiltrés de notre maison, escortés, libérés de cette prison de peur, évacués par nos militaires français jusqu’à l’aéroport où nous avons passé une nuit supplémentaire sous le feu incessant de Kalachnikov, sous la protection si rassurante des Légionnaires.
Un soulagement, une reconnaissance à vie ; s'ils n'étaient pas intervenus nous ne serions pas là aujourd'hui.
Jamais nous n'oublierons le regard courageux de ces hommes, d'un professionnalisme incroyable, d’un calme impressionnant, presque froid dans des situations d’extrêmes tensions, qui nous ont protégés durant ces événements, pour certains gravement blessés ou comme votre fils en échange de sa vie.
Nous leur devons d'être là, nous le lui devons. Nous n’oublions pas.
Nous sommes partis de Brazzaville sans pouvoir dire Merci à nos militaires. Mais comment et qui remercier? Nous ne connaissions rien d’eux, jusqu’à la publication de cette page où nous pouvions enfin découvrir un nom, un visage et une adresse.
Sachez Madame que nous avons un profond respect pour votre fils, qui représente pour nous le porte drapeau de tous ces hommes qui partent en mission dans des pays compliqués.
Nous n’oublierons jamais Christophe, qui est mort pour nous mais qui vit depuis dans nos mémoires, ni ses frères d’armes qui sont, comme lui, volontairement partis loin de chez eux pour nous sauver au péril de leurs vies.
Oui ce jeune légionnaire continuera à vivre en nous ; il a maintenant un nom, un visage, une histoire, et en plus il est beau !
Avec presque 20 ans de retard nous présentons toutes nos condoléances à la Maman de Christophe GOBIN et à sa famille, qui peuvent être fières de lui,
Avec le même retard nous présentons nos condoléances à sa deuxième famille, le 2eme REP, qui fait la fierté de notre pays et qui est venue nous porter secours un jour de printemps 1997 à Brazzaville.
Avec tout notre respect et toute notre gratitude.


Famille BELMUDES, Coopération française, en poste à Brazzaville en juin 1997.

* * *

DSC01000.JPGThomas nait dans une famille modeste de Haute-Franconie, RFA. En 1985, après plusieurs années passées dans un régiment para allemand, il succombe à l’appel du Képi Blanc. Engagé au 3e REI, il passe trois ans en Guyane puis rejoint le 2e REP de Calvi fin 1987. Légionnaire puis Sergent, Sergent-Chef et Adjudant, il participe à un nombre considérable d’OPEX : Tchad, RCA, Gabon, Djibouti, Bosnie, Congo-Brazzaville... Il quitte la Légion après 17 ans de service, marié et papa d’une fille. Certes, il a rejoint son pays d’origine, mais dans son cœur la France et la Légion ont une place immense.

Dès les premières syllabes « Allons enfants de la Patrie », j’ai pris conscience que j’avais signé un contrat et que je devais le remplir. Je commençais à chanter de manière hésitante (…) Je me posais la question : « Est-ce que j’étais prêt à combattre pour la Légion étrangère, donc pour la France et ses intérêts ? Et laisser ma vie, au cas où ? ». La réponse était oui, à cent pour cent. Autrement, je n’avais pas ma place ici. Je chantais donc plus fort : « égorger vos fils et vos compagnes… ». Et soudain je chantais à gorge déployée et je me sentais bien ! (…) Quelque chose qui pesait sur mon âme m’avait été enlevé. Je me sentais tout à coup libéré et sans contraintes ! Oui, cet hymne était devenu le mien. Vive la Légion ! 

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Prix : 19,90€ - ISBN 978-3-943288-04-9 - Format 16x23,5 - 353 pages - Tout couleur.

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Livre disponible chez l'éditeur Epee Edition ici.

Site de l'auteur ici.

Page FaceBook du livre ici.

Page FaceBook de l'auteur ici.

 

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*

Vor der Kaserne

Vor dem großen Tor

Stand eine Laterne

Und steht sie noch davor

So woll'n wir uns da wieder seh'n

Bei der Laterne wollen wir steh'n

Wie einst Lili Marleen,

Wie einst Lili Marleen.

 

Lili Marleen, version originale par Lale Andersen

 

« La Légion » de Thomas Gast. Comme un écho dans ma mémoire.

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Le GAL commandant les Forces françaises à Berlin vient de nous passer en revue.16e Chasseurs, chef de corps COL Muriel, quartier Napoléon, Tegel, Berlin-Ouest

1987. Thomas est Allemand ; je suis Français. Il porte fièrement le Képi blanc. Je suis tout fier de ma tenue bleue et jonquille. Il s’envole pour un morceau de France par-delà l’Atlantique, perdu sur le grand continent américain : la Guyane. Je rejoins un confetti  d’Allemagne libre, au-delà du Rideau de fer : Berlin-Ouest. Alors qu’il crapahute dans la forêt amazonienne, c’est une autre jungle qui m’attend, urbaine, avec sa vie trépidante, tourbillon pour oublier que nous ne sommes qu’une muraille de torses face aux divisions soviétiques (combien de temps aurions-nous tenu ?). Son regard est arrêté par un mur végétal ;  moi, c’est un mur de béton couvert de graffitis qui me barre l’horizon. Les petits indiens l’émeuvent. Dans ma Solferino, en descendant d’un bus mili sur Unter den Linden, alors que nous venions de transmettre l’ordre de ne pas parler aux est-allemands, pour leur propre sécurité, un jeune homme s’approche de moi : « Franzose ? » « Ja » et là avec un grand sourire, il sert le point, le pouce en l’air… Ça m’a ému.    

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Au Ku’dorf : le pianiste, le Chasseur jeunot (bière et Craven A), le bitter.

Le soir, avec les copains, j’allais au Ku’dorf, une cave située à deux pas du Ku'damm. Il y régnait un rien d’ambiance « Berlin des années 20 ». Un vieux pianiste jouait. Il avait vite repéré la petite bande de Chasseurs. Entre deux chansons, on lui payait des coups. Une pinte de bière / une mini-bouteille de bitter / une pinte de bière / une mini-bouteille de bitter, qu’il avalait cul sec, la tête en arrière, la coinçant entre ses dents…

Et tandis qu’à Cayenne, Thomas écoutait « Mon Légionnaire » de Piaf,  à Berlin, chaque soir, nous demandions au pianiste de jouer pour nous « Lili Marleen »… 

Lili Marleen, par Marlène Dietrich

Edith la Française et Marlène l’Allemande étaient sœurs de cœur.

Une partie du cœur de Thomas est restée en France, une partie du mien en Allemagne. Jenseits des Rheins, Ich grüße meinen Bruder Thomas.

 

Cette tendre histoire

De nos chers vingt ans

Chante en ma mémoire

Malgré les jours, les ans.

Il me semble entendre ton pas

Et je te serre entre mes bras,

Lily, Lily Marlène,

Lily, Lily Marlène. 

Lily Marlène, version française par Suzy Solidor, chant du 3e REI.

 

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Sachant que je ne reverrai sans doute jamais plus cet endroit et que les horloges sonnaient déjà la dernière ligne droite dans la Légion, j’emportais, la nuit tombée, une demi-douzaine de bières, une couverture et des cigarettes et j’allais, ainsi équipé, sous les regards étonnés des sentinelles, dans un lieu tranquille à l’écart du camp, au beau milieu du désert. C’était une nuit douce, qui n’en finissait pas. Mais je voulais aller jusqu’au bout de cette nuit magnifique (…) Je récapitulais la vie dans la Légion, avec un sourire sur les lèvres et accompagné d’une voix qui me chuchotait à l’oreille « Tu as tout fait comme il fallait ».

Adjudant Thomas Gast, Djibouti.

 

 

 

 

 

 

  Livre, récit biographique d'un Légionnaire, 3e REI Guyane, 2e REP, embuscade de Brazzaville, Congo