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12/11/2013

« E.V.3 - Engagé Volontaire 3 ans », MDL Patrick Camedescasse, artilleur. Ed. Catybou

 

A la mémoire de mon père Francis Broquet, E.V.3, Maréchal des Logis au 421e Régiment d’Artillerie Anti-Aérienne.

 

 

« - Eh bien, Adjudant, qu’avons-nous comme recrues ?

- Oh mon Capitaine, nous en avons de tous les états : des avocats, des savants, des dessinateurs…

- Un tas de feignants et de propre à rien, quoi ! » 

Légende d'une carte-postale humoristique, vers 1900.

 

 

"11 avril 1970, quartier Pajol, Montbéliard. Je suis civil, un sac sur l’épaule. Je quitte l’armée en passant devant le poste de garde. Je sais que je vais le faire… C’est sûr. C’est certain…

Depuis longtemps déjà, dans ma tête, j’avais fait et refait cette sortie. Tout est programmé. Un « bras d’honneur », immense, grandiose, éléphantesque, « mammouthesque », pour extérioriser ma déception de ces trois années en kaki.

Quelque pas encore. Ça y est. J’y suis. Je vais le faire. Je vais le faire…"

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Flashback : nous sommes en 1967. Les cheveux des garçons s’allongent et les jupes des filles raccourcissent. Un Bordelais de 18 ans, Patrick Camedescasse, n’est pas trop fan de l’école. Sa voie semble toute tracée : ouvrier, artisan… mais avant cela, il faut passer une étape incontournable pour un jeune homme, cheveux longs ou pas : le service national. Plutôt que de « glandouiller » en attendant l’appel, Patrick se dit qu’après tout, l’engagement de 3 ans, pourquoi pas…

En dehors des dîners de famille, rares sont ceux qui ont abordé leur service militaire. Alors remercions Catherine, femme de Patrick et son éditrice, d’avoir soutenu la démarche d’écriture de son mari. On peut imaginer les conversations du couple autour de « Mais cela n’intéressera personne !». Et bien si Patrick, cela intéresse. Cela intéresse même beaucoup !

Heureusement donc, Patrick s’est lancé et nous livre avec « E.V.3 » le bien sympathique récit de ses 3 ans d’artilleur dans un régiment d’appelés. Un livre qui se lit avec le sourire aux lèvres, mais qui générera, à n’en point douter, un peu de nostalgie chez les plus anciens d’entre vous.  Ceux-là même qui, un matin, ont ouvert fébrilement une enveloppe contenant  une feuille de route, mentionnant  une date, un régiment, une caserne dans une petite ville de France ou d’Allemagne…

Prenons cette route avec Patrick, pour une sacrée aventure … Cela en était vraiment une.

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A cette époque, Antoine et ses élucubrations faisait des adeptes de cheveux longs (…) Aussi, quel plaisir pour un coiffeur appelé ! Quelques passages de tondeuse et notre chevelure gît aux pieds de l’artiste. S’en suivent des quolibets du style : « J’espère que Monsieur est satisfait, il pourra revenir quand il voudra ! » (…) J’ai alors l’impression, en regardant mes camarades, de me reconnaître. Nous sommes tous semblables.

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La première revue qui nous tombe dessus se nomme « revue du slip sur l’homme ». Imaginez nos têtes lorsque, devant nos lits, en pleine journée, cet ordre nous arrive. Chacun à son tour, nous baissons nos pantalons (…). A l’époque, dans notre paquetage, nos slips sont blancs, mais là, surprise… Il y en a des blancs, des gris, des colorés devant, des colorés derrière, des jaunes bizarres (…) et comble du raffinement, un collègue sans slip. (…) Les ventes de « Génie sans bouillir » montent en flèche. Maintenant, n’ayant pas de récipient adéquat, nous faisons tremper notre lessive dans nos casques lourds…

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Réveil brutal en plein sommeil quand un sous-officier zélé nous fait lever. Il en choisit un au hasard et lui ordonne d’ouvrir son armoire. En principe, nous avons le devoir de ranger correctement nos effets. Tout « au carré », les chemises d’un côté, les treillis de l’autre selon un plan que l’on doit respecter (…) Le plus bordélique de la chambre est désigné. Nous nous attendons au pire et le pire arrive : le sous-officier ouvre la porte de l’armoire et tout le paquetage tombe sur ses pieds.  (…) Les vêtements sont alors jetés par la fenêtre. Tout y passe, treillis, chemises, capotes, slips, chaussettes, chaussures, casque, ceinturon, béret… Fier de son travail, notre homme se retire. Nous sommes écroulés de rire et, pour ma part, j’ai cette image à jamais marquée : La vue du canonnier H déambulant à poil entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage pour récupérer son paquetage.

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Le samedi je passe l’appel à minuit et constate que tout le monde est bien présent. Pourtant, vers 2 heures du matin le sous-officier de service désire effectuer un deuxième appel (…) Nous voici donc partis à la recherche de l’éventuel absent qui aurait pu faire le mur. Pour les quatre premières chambres, tout est pour le mieux, mais je sens mon collègue bien réservé sur les chiffres. Entre les permissionnaires, les malades, les gens de garde et les présents, les totaux sont bien difficiles à établir.  Nous entrons dans la dernière pièce et là, après calcul et recalcule  il nous manque deux canonniers, bien présents au dernier appel. Le chef de chambre pense nous embrouiller et nous explique qu’ils sont certainement aux toilettes. Personnellement, je n’y crois guère, mais le sous-officier de permanence, crédule, fonce comme un fou (…) A peine a-t-il tourné les talons que deux canonniers de la chambre d’en face se faufilent et prennent place dans les lits des deux absents.

Je ferme les yeux et dis à mon collègue de contre-appel que le compte est bon et lui explique que je me suis sûrement trompé dans mon premier calcul. Méfiant, il recompte et tombe sur le bon total…

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Les obusiers sont chargés et prêts à cracher, quand soudain l’officier de tir hurle « Halte au feu ! Halte au feu !». Surpris, nous nous exécutons en donnant ordre à nos tireurs de lâcher le cordon de mise à feu. Nous patientons et cherchons des informations sur ce brusque contre ordre. « Des civils sont entrés dans le périmètre de tir et malgré la demande expresse de notre Colonel, ils refusent de déguerpir » nous explique notre Lieutenant. (…) De nouveaux renseignements nous parviennent. La Gendarmerie de Mourmelon, prévenue, a détaché quelques éléments de la brigade afin d’évacuer ces perturbateurs. Raison de leur intrusion : le ramassage d’escargots…

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Un besoin naturel mais pressant me signifie que je vais devoir faire connaissance avec les feuillées du régiment. Je redoute cet instant car j’aime bien mon intimité, espérant une grande solitude. J’accélère le pas, j’entre, personne. Tranquillement je me mets en position de trône et commence à faire ce que je dois.

Et c’est alors que l’impensable se produit, la porte faite de branches et branchages s’ouvre et là, devant moi, mon Capitaine !

« Ah ! Camedescasse, bonjour ! Vous permettez que je vous accompagne ? »

« Euh… Oui mon Capitaine … » 

Et le voilà qui prend place à mes côtés et commence sans complexe à déféquer, tout en me demandant si mes nouvelles fonctions me plaisaient.

« Euh… Oui mon Capitaine… »

Un bruit typique, mais qui n’a rien d’un coup de canon, rend inaudible ma réponse. Et il commence à me parler de la météo, de Nevers, des escargots que l’on peut ramasser dans le coin (…) et me quitte en me souhaitant une bonne journée.

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« Disons-le sans faux-fuyant : cette période s’est révélée formidable d’humanité, d’échanges, de camaraderie. Dans ce brassage hétéroclite de 16 mois, creuset de solidarité et de sociabilité, sont parfois nées des amitiés profondes et durables… »

Patrick Surel, camarade de service de Patrick Camedescasse.

 

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La quille (fin du Service)

Jeunes-gens, n’avez-vous jamais « subi », lors d’un long dîner, les souvenirs de Service du grand-père, du papa, du tonton ? Histoires rabâchées, écoutées poliment, mais qui doivent vous « saouler » un peu. Eh bien la prochaine fois, faites un effort : regardez avec attention ce grand-père, ce papa ou ce tonton, lorsqu’il en aura fini avec sa tirade débutée par « et alors là, le Pitaine… ».  Attachez-vous à son regard. N’y voyez-vous pas l’étincelle de l’émotion ?  Nostalgie de ses 20 ans ? Sans doute un peu, mais cette étincelle existe-t-elle, quand il évoque un souvenir de lycée, de son premier job ? Non, n’est-ce pas. Cela devrait vous interpeller.

Avec la disparition du Service, vous avez raté quelque chose, jeunes-gens, vous avez vraiment raté quelque chose… 

Quant à la France, quelle bêtise elle a fait en supprimant cet outil essentiel de cohésion nationale. Quelle gravissime bêtise.

 

Bravo et merci à Patrick pour cet E.V.3 que nous recommandons sans réserve, dans l’espoir que d’autres appelés et volontaires service long se lanceront à leur tour : il y a tant à raconter.

 

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Prix : 19€ - ISBN 9782953314151 - format 15,5x24 - 208 pages, nombreuses illustrations en couleur et N&B.

 

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Aux éditions Catybou

Pour commander le livre, voir ici.

Cadeau pour vous, lecteurs : En indiquant le code EV3LAPLUME, les frais de port en France métropolitaine sont offerts.

Page FaceBook du livre E.V.3 ici

 

 ***

 

Patrick Camedescasse d+®dicace son livre.JPGEn 1967, devançant l’appel, Patrick Camedescasse s’engage pour 3 ans. Il effectue ses classes au 33e Régiment d’Artillerie de Poitiers. Il rejoint à l’issue l’ENSOA de Saint-Maixent dont il sort Maréchal des Logis. Après son instruction à l’Ecole d’Application de l’Artillerie à Châlons-en-Champagne, il est affecté au 1er RA de Nevers, puis Montbéliard. Il est libéré en 1970. Patrick est marié à Catherine, par ailleurs son éditrice, et père de deux garçons, Christophe qui effectue son service national au 11e Régiment de Cuirassiers, et Jérôme qui y échappera, le service vivant ses dernières années…

 

***

 

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Hommage

A tous les appelés, volontaires service long, engagés volontaires, morts pour la France, morts en service commandé,

avec une pensée particulière pour les appelés du 1er RCP, morts à Beyrouth dans l’attentat du Drakkar,

Aux blessés.

 

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

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Armés de nos vingt printemps verts,

Artilleurs mes frères,

Aux souvenirs buvons un verre !

 

 

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11 avril 1970, quartier Pajol, Montbéliard. Je suis civil, un sac sur l’épaule. Je quitte l’armée en passant devant le poste de garde. Je sais que je vais le faire… C’est sûr. C’est certain…

Depuis longtemps déjà, dans ma tête, j’avais fait et refait cette sortie. Tout est programmé. Un « bras d’honneur », immense, grandiose, éléphantesque, « mammouthesque », pour extérioriser ma déception de ces trois années en kaki.

Quelque pas encore. Ca y est. J’y suis. Je vais le faire. Je vais le faire…

Je ne le fais pas.

Je me retrouve dehors. La sentinelle ? Je ne la regarde même pas. Je cours. Je pleure. De joie ? D’émotion ?

 

 

 

 

 

 

 

Récit biographique, engagé volontaire, 33e RA, ENSOA, EAA, 1er RA

 

Commentaires

Jeune Maréchal des Logis débarqué d'un an à l'école d'Application de l'Artillerie à Chalons/Marne ( à l'époque !) au 1er RA le 1er octobre 1971 pour une durée de 5 ans ( muté par la suite ) ... Que de bons souvenirs dans ce premier régiment et de bons copains !!! C'était la bonne époque pour tout ... Quand on voit le changement et la France d'aujourd'hui : quel gâchis !

Écrit par : CHATEAU | 17/12/2016

Merci pour votre commentaire. C'est sûr que les temps ont changé. Mais gardons espoir. La France et les Français ont de la ressource. Nos militaires, nos forces de l'ordre et bien d'autres dans société civile donnent l'exemple.

Écrit par : UPpL'E | 18/12/2016

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