04/02/2014
"15 ans au GIGN", Eric Delsaut & Eric Moingeon, Ed. L’àpart.
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.
« Ceux qui jouent avec des chats doivent s’attendre à être griffés »
Cervantès
C’est en flânant dans les allées du Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan que nous avons rencontré Eric Delsaut. Arrêt net devant la pile de livres placée devant lui : « 15 ans au GIGN », cela interpelle. Et lors de la conversation, petit à petit, nous avons pris conscience de qui était cet homme sympathique et souriant : l’un des piliers du Groupement d’Intervention de la Gendarmerie Nationale… rien que cela.
Comme souvent chez nos amis militaires, Eric a l’humilité et la gentillesse des grands. Grand par la taille, mais surtout par la carrière : Il porte le badge n°70 donc est pratiquement né avec le GIGN du fameux Christian Prouteau. Et si on ne peut rapporter toutes les missions d’Eric, il suffira d’en citer une : la prise d’otage lors du vol Air France Alger-Paris en 1994. N’avez-vous pas vibré devant votre télé en regardant les hommes en bleu partir à l’assaut de l’Airbus ? Eric était l'un d'eux…
C’est avec régal que nous nous sommes plongés dans son récit autobiographique, écrit en collaboration avec Eric Moingeon : engagement dans les Chasseurs Alpins, puis à la Gendarmerie Mobile, sélection puis entraînement au GIGN et enfin toutes ses missions, en France, Algérie, jusqu’à la fameuse intervention de Marignane. Morceaux choisis :
1982, Eric Delsaut lors de la sélection initiale en vue d’intégrer le GIGN. Tenue et moustache fleurant bon les années quatre-vingt… J
Sélection & Entrainement
Eric lors d’un exercice de descente en rappel à partir d’un hélicoptère, à 60m du sol
La corde de rappel mal positionnée sur l’épaule, un départ un peu trop précipité et hop ! M’échappant de la main avec la vitesse, la corde est brutalement remontée tel un fouet, frôlant mon visage. Réflexe efficace, instinct de survie… d’un ample mouvement, je l’ai happée sur la longueur de mon bras en l’enroulant de deux tours et ai terminé ainsi, freinant au mieux ma descente, sous les yeux médusés de l’assemblée. Je n’oublierai jamais le regard de Philippe Legorjus [commandant le GIGN] à l’arrivée.
Burk au travail avec Fabrice Galli, adjudant instructeur au CNICG
Quand la tête d’un des maîtres-chiens apparaissait (…) chacun de nous comprenait instantanément qu’ils cherchaient un « os » pour enfiler la « toile » [vêtement de protection] et aussitôt, toutes les têtes se tournaient dans une autre direction, comme si de rien n’était (…) servir d’appât pour leurs bestioles, merci ! Mais ils savaient qu’ils pouvaient compter sur deux volontaires, Jean-Jacques R et moi. J’aime les chiens. Cela étant, ce n’était pas une partie de rigolade. Un de leurs molosses, Hutan, devenait vicieux et teigneux en vieillissant. Il valait mieux ne pas laisser une main sortir de la « toile », sinon il s’en serait délecté. Sur la « fuyante » [fuite], c’était la gamelle assurée ! J’en savais quelque chose, j’y avais goûté. Impossible de résister à la percussion du bolide de 40 kg vous arrivant sur le paletot tel un boulet de canon. On se retrouvait forcément allongé, le nez écrasé dans le gazon, à brouter le trèfle tout en se faisant secouer comme un paillasson.
Action
Photo GIGN
On s’est positionné d’un côté de la porte et nous avons tous attendu le « top action » de l’officier. La négociation ayant échoué, il fallait neutraliser [le forcené], si possible sans le blesser gravement. Je tenais fermement mon [révolver] MR73. Quand on attend comme ça, prêt à l’action devant une porte fermée masquant un possible danger, on se passe tout un film dans la tête. On se demande comment sera le gars, dans quelle position, dans quel état d’esprit. Et dans quel état d’esprit serai-je face à lui ? Allait-il ouvrir le feu en me voyant apparaître dans l’embrasure de la porte ? Devrai-je faire feu pour me défendre ? A moins d’être devin, mystère ! La réponse à toutes mes questions, j’allais la découvrir sans tarder, c’était une question de minutes, de secondes.
Melun, 14 juillet 1984
En 1989, Eric devient maître-chien, et forme désormais une équipe avec Burk.
Le patron et un camarade ont commencé les négociations, à tour de rôle. Les gamins se faisaient un film : ils étaient importants, on déplaçait le GIGN pour eux ! Ils jouaient aux grands bandits et ont demandé une voiture pour quitter les lieux. Ils ne voulaient même pas d’argent. Une voiture a finalement été garée à 20 m du bar, pour les obliger à se déplacer à découvert sur cette distance. Notre équipe les a vus sortir, l’un après l’autre, juste sous notre nez, sans leur otage resté dans le bar, mais l’arme à la main. On les a laissés s’avancer. Il fallait rester discret, au moindre bruit de notre part, ils auraient sûrement tiré. Burk avait les oreilles dressées, tous ses sens en éveil, n’attendant que mon ordre pour s’élancer vers l’objectif désigné. Le mot « attaque », il connaissait ! Il était calme, mais prêt.
Guipry, décembre 1989.
Vol AF 8969
La prise d'otages du vol Air France 8969 Alger-Paris, par quatre islamistes algériens membres du Groupe Islamique Armé (GIA), se déroule entre le 24 et le 26 décembre 1994 et se solde par la mort des quatre terroristes à Marseille lors de l'assaut du GIGN. Préalablement, trois passagers ont été exécutés pour faire pression lors des négociations avec les gouvernements algérien puis français.
Eric et Burk
La mission de chaque groupe était définie. Pour le mien, nous savions dès à présent que si nous devions intervenir, cela se passerait au niveau de la porte arrière de l’Airbus. Nous sommes tous rentrés chez nous, avec pour consigne de revenir dès le déclenchement du « bip » annonciateur d’un départ imminent. J’ai préparé mon sac avec tout l’indispensable. Il n’était pas moins de 19 heures quand le bip a sonné. J’ai juste pris le temps de dire au revoir à ma belle-famille, à mon épouse inquiète mais confiante et à mes deux petites filles, trop jeunes pour se rendre compte de ce qui se tramait. Elles attendaient le père Noël qui viendrait dans la nuit, pendant leur sommeil, déposer plein de jouets et c’est surtout cela qui retenait leur attention. C’est avec le cœur serré que j’ai filé vers la caserne. Le devoir nous appelait.
Eric
Nous avons aperçu les feux de position de l’Airbus amorçant sa descente vers le sol français. Nous étions soulagés : maintenant, il se trouvait chez nous et nous allions pouvoir agir. Cela faisait maintenant trois jours que nous étions sur le pont, le groupe était en effervescence. L’appareil s’est posé avant de rejoindre l’emplacement qui lui était attribué. Denis Favier a profité de la nuit pour envoyer une équipe de tireurs se positionner à des endroits stratégiques. Nous étions prêts.
L’instant était solennel, grave. Nous nous sommes regardés, d’un regard qui en disait long sur la suite. Des frissons me parcouraient l’échine, non pas sous l’effet du froid, mais de l’émotion. Et puis les poignées de mains ont commencé à circuler dans les rangs, au fur et à mesure que nous rejoignions nos emplacements. Nous ne l’avions jamais fait, sur aucune intervention précédente.
Photo GIGN
Nous nous sommes mis en colonne derrière nos chefs de groupe. Chacun savait ce qu’il devait faire. Nous nous sommes dirigés vers les passerelles qui nous attendaient, là, à quelques mètres, nous positionnant prestement sur les marches à nos emplacements respectifs. Le patron a lancé le « top action ». Les passerelles ont alors avancé lentement, au début, puis de plus en plus vite, en direction de l’avion. Sur la marche en contrebas, je voyais notre capitaine toubib Dominique D, avec son sac à dos rempli de matériels de soin et j’ai songé qu’il allait effectivement en avoir bien besoin. Et puis j’ai aperçu au loin les traînées lumineuses laissées par les balles traçantes tirées dans notre direction. Par la porte arrière droite de l’avion qui venait d’être ouverte, un des terroristes nous tirait dessus. C’est justement par cette porte que dans quelques minutes nous allions entrer, nous le groupe 1.
De vilaines pensées fugitives m’ont traversé l’esprit : et s’ils avaient réglé la minuterie des bombes de façon à ce que tout cela se termine en un grand feu d’artifice ? Et s’ils nous attendaient tranquillement derrière la porte, prêts à « rafaler » les premiers d’entre nous qui allaient pointer leurs nez ? Je songeais très fort à Annick, à mes filles…
Voilà, ça y était. Nous y allions.
A l’issue de l’assaut, le groupe d’intervention compte 10 blessés graves.
Parmi les membres d’équipages, seul le copilote se blesse en sautant par un hublot.
Les quatre terroristes sont abattus.
Aucun des 173 passagers n’est touché.
***
La Gendarmerie est une vocation pour Eric Delsaut, un « rêve de gamin », mais à 17 ans, trop jeune pour la rejoindre, il s’engage dans l’armée de terre. Formé au Centre d’Instruction Infanterie des Troupes de Marine de Fréjus, il opte pour les troupes de montagne et sera sergent au 27e BCA d’Annecy. Aux termes de son contrat de trois ans, il intègre l’Ecole d’Officier de la Gendarmerie Nationale [EOGN] de Melun. Affecté à l’Escadron 5/15 de la Gendarmerie Mobile de Chambéry, membre de l’Equipe Légère d’Intervention, puis à l’Escadron 3/2 de Maisons-Alfort, il postule pour le GIGN, créé en 1974 par le célèbre Christian Prouteau. Eric atteint finalement son rêve terminant 8ème sur 120 postulants en 1983. Portant le brevet n°70, il mène toute sa carrière de gendarme d’élite à Versailles-Satory. Il quitte l’armée après 15 ans de bons et loyaux services.
Eric est marié à Annick et père de deux filles.
« 15 ans au GIGN » a été écrit en collaboration avec l’écrivain Eric Moingeon.
Rencontre avec Eric au Festival International du Livre Militaire 2013, Saint-Cyr Coëtquidan. Photo Natachenka.
Prix : ~16€ - ISBN-13 : 978-2360350599 - format 22,4x14,2 - 204 pages , cahier photo
Aux éditions L’àpart
[Le livre est désormais épuisé (et les éditions L'àpart ont disparu). Il faut donc le chercher sur le marché de l'occasion ; par exemple sur Amazon]
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Bibliothèque GIGN
(Non exhaustif)
Pour les cinéphiles : « L’Assaut », film de Julien Leclercq sorti en 2011, avec Vincent Elbaz, Grégori Dérangère, Mélanie Bernier, Philippe Bas...
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Hommage
Aux Gendarmes du GIGN morts pour la France, morts en service commandé.
Une pensée particulière pour Cédric Zewe, mort accidentellement le 7 novembre 2013 lors d’un entraînement.
A tous les Gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions.
Aux blessés.
Juin 1983, Eric Delsaut reçoit le brevet n°70 des mains de Christian Prouteau
Toutes les personnes qui ont été sauvées par les Gendarmes leur gardent, c’est évident, une reconnaissance éternelle. Mais combien sommes-nous à profiter aujourd’hui de la vie car un forcené, un terroriste, a été éliminé « préventivement » par le GIGN ? Nul de le sait. Alors, remercions nos anges gardiens.
Mon épouse a dû s’habituer à ce rythme de vie effréné et à cette petite sonnerie striduleuse venant interrompre un repas un repas familial prévu de longue date ou écourter toute autre activité. Mais c’était notre drogue, nous n’attendions que cela, le bipper, l’intervention. Nous avions tous besoins d’y aller, de foncer.
Eric Delsaut
09:13 Publié dans Gendarmes, GIGN, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Bonsoir ERIC
Je venais aux nouvelles du 40 ème anniversaire du GIG et je decouvre ton livre qui me semble passionnant come toutes les autres éditions.
Je suis toujours étonné que personne n'est réussit à décrire l'origine , la naissance , du GIG.
J'en faisais partie et j'ai prosédé à la selaction et mis en place le bareme de selection aves PROUTEAU et je les ai entrainés en natation a satory.
Personne n'a donne cette information.
DAN
Cordialement
Écrit par : BRAS | 20/03/2014
Bonjour
Le lien pour commander votre livre ne fonctionne pas. J'aimerai beaucoup me le procurer.
Merci
Bien cordialement
Geoffrey
Écrit par : DELNATTE | 01/04/2015
Effectivement, le lien ne fonctionne plus car les éditions l'àpart ont hélas disparu...
Donc la solution c'est d'occasion sur Amazon. Voir ici :
http://www.amazon.fr/15-ANS-GIGN-Eric-Delsaut/dp/2360350595/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1427903004&sr=8-1&keywords=15+ans+au+GIGN
Écrit par : UPpL'E | 01/04/2015
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