15/07/2017
« Ceux de 40 »
« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, éd. Albin Michel
« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux, autoédité
« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, éd. Librinova
« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, éd. Les Archives dormantes
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs – Droits réservés.
A la mémoire de mes grand-pères Roger Broquet et Maurice Camut, 69e BC, et de mon oncle Pierre Dusausoy, 2e RSA, combattants de 40.
Combien d’hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts
sans qu’on en ait parlé ?
La Bruyère
Ils étaient de la bonne bourgeoisie provinciale, nés pour porter gants blancs et Casoar, ou maçons aux mains calleuses. Ils étaient descendants de boyards, à leur aise au Ritz, ou petits paysans vendéens guinchant aux bals musettes …
Tout les éloignait, si ce n’est cet orage grondant à l’Est, discours éructant, bannières claquant au vent. Alors, les uns comme les autres ont pris les armes et ont combattu. Nous connaissons l’issue : la guerre fut drôle, puis éclair.
Certes personne n’a oublié la défaite de 40. Par contre, les hommes qui ont mené le combat, on en parle bien peu. On les a presque moqués ! Qui d’ailleurs connait le nombre de soldats français tués en mai-juin 40 ? 60 000 en 5 semaines ! Et 120 000 blessés. C’est beaucoup pour une armée qui, d’après nos « facétieux » amis anglo-saxons, aurait immédiatement agité le drapeau blanc…
Pour l’illustrer, voici quatre beaux récits qui ont le mérite, outre de réparer une injustice criante, d’aborder des parcours variés : 2ndes classes ou officiers, fantassins, sapeurs, cavaliers, légionnaires ou marsouins ; certains, après la bataille, se remettant de leurs blessures ou survivant tant bien que mal dans les stalags, d’autres participant à la glorieuse victoire finale ou à la défense de l’Empire. Après-guerre, ils retrouveront leurs chantiers de maçonnerie, leurs champs de blé, ou mèneront d’autres combats, dans les rizières et le bled. Ainsi va la vie.
Ils garderont cependant tous ce point commun : l’honneur d’avoir défendu la patrie. Combien peuvent s'en honorer ?
Hommage à « Ceux de 40 ».
« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, marsouin, méhariste, para-colo.
Tirailleurs sénégalais, 1940. Photo ECPAD
C’est au mois de juin [40] que nous montâmes en ligne, si l’on peut ainsi dire d’un front qui, rompu, n’existait plus et que le haut commandement s’efforçait de rétablir de cours d’eau en cours d’eau. Le nôtre fut la Dordogne (…) Ma section fut chargée de défendre un pont au droit d’un charmant village. N’ayant de voisin visible ni d’un côté, ni de l’autre, ma responsabilité me parut immense. J’étais décidé à l’assumer.
Tirailleur sénégalais, 1940. Photo ECPAD
Le pont était de petite taille mais suspendu et je n’avais les moyens ni de le défendre ni de le faire sauter. J’entrepris de déposer les poutres du tablier, travail qui n’excédait pas la force de mes trente Africains. Quand il comprit ce que j’avais décidé de faire, la maire du village tenta de s’interposer. Il fit valoir au gamin que j’étais que la guerre était perdue et que sauver l’honneur ne valait la destruction de son village, promise par la stupide résistance que je préparais.
Claude Le Borgne en Mauritanie, après la Bataille de France
J’étais jeune il est vrai [18 ans]. Face au maire et sans la moindre hésitation, je sortis de son étui mon pistolet et, l’en menaçant, lui déclarais que la mission que j’avais reçue serait accomplie, quoi qu’il en coûte à son charmant village. Telle fut, dans cette malheureuse campagne, la seule occasion que j’eux de mettre l’arme au poing.
Plutôt qu'une autobiographie classique, « Route de sable et de nuages » s'apparente à un recueil de pensées, nées de la longue, brillante et quelque peu atypique carrière du général marsouin Claude Le Borgne : Saint-Cyrien au cursus écourté par la Blitzkrieg, sous-lieutenant tout minot (18 ans), il est lâché avec une poignée de tirailleurs sénégalais "à vue de nez" dans la débâcle de 40. Reprenant son cursus d’officier en Afrique du Nord, la reconquête métropolitaine se passera de lui : il est méhariste dans les sables de Mauritanie, au contact, avec ses goumiers et tirailleurs, des tribus-seigneurs maures. Abandonnant ses "chameaux" pour les ailes de Saint-Michel, il fait la campagne d'Indochine comme para. C'est ensuite l'Algérie, qui le laisse meurtri. Il poursuit cependant sa carrière, à Madagascar, puis dans l'Europe nucléarisée de la Guerre-Froide.
Du haut de ses 94 vaillants printemps, beaucoup d'humour, de recul et de sens de l'analyse. Un livre profond, qui s'avère le témoignage remarquable -distillant un rien de nostalgie- d'un militaire trait d’union entre France d'hier et d'aujourd'hui.
Claude est le frère du GAL Guy Le Borgne, autre figure de l'Armée française.
Aux éditions Albin Michel.
Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, ou sur les sites du Net.
Avec le GAL Claude Le Borgne, grand monsieur, au Salon des Ecrivains-Combattants 2016
Il est bien connu que le vieillard, sentant sa mort prochaine, voit le monde courir à sa perte du même pas que lui. Nul n’ajoute foi à ses jérémiades. Il en va toujours ainsi.
Pourtant, le tocsin que branle le vieux pourrait bien être, pour la première et dernière fois, le bon.
Essayons, fût-ce sans espoir, de le faire entendre…
***
« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux
René Brondeau, 1er RCA, au Maroc avant-guerre
11 mai - On pouvait lire maintenant, sur chaque visage, la même anxiété. Les Allemands n’étaient pas loin. Plus bas, des maisons écroulées fumaient depuis des heures. Dès que la nuit tombait, la même peur, la même angoisse, étreignait les sentinelles.
12 mai - Les canons des panzers tiraient sur leurs défenses ébranlant la terre qui se soulevait dans un vacarme d’apocalypse. Après des heures de combat les hommes avaient senti l’épuisement les gagner, mais ils résistèrent courageusement. René vit tomber deux camarades. L’un d’eux gémissait. L’autre semblait avoir été tué. Ils parvinrent à repousser l’ennemi mais au prix de dizaines de tués. Le régiment avait perdu surtout des appelés, des pères de famille. René en fut très ému. Il s’était immédiatement identifié à ces soldats tués, car il était père lui aussi, et depuis si peu !
13 mai - Les panzers apparurent. C’était une gigantesque armada bruyante et enfumée, qui fonçait droit vers le régiment…
Didier Hertoux d’ap. René Brondeau, sur la ligne de front Trilemont-Huy
A gauche René Hertoux, cuisinier et trompette du 91e RI, 1938
Sommes-nous toujours à la même heure ? Que faut-il que je fasse pour que les heures se remettent en marche ? J’ai comme un souvenir ou une sensation, ou une vision qui m’effleure et qui monte et se diffuse comme de la vapeur autour de mon corps. Dans le ciel il y a des nuages d’eau et de chaleur. Et dans cette buée, je vois la tristesse des soldats se mélanger. On ne peut plus rien distinguer mais la tristesse fait une passerelle entre les soldats. Mais ces soldats ne bougent pas. Ils attendent tout le temps. Et puis, à un moment, ils disparaissent tous. Je ne les vois plus. Je suis triste de ne plus les voir, mais je ne sais pas pourquoi. Et je sens qu’eux aussi, ça les rend triste. Je suis au pays de nulle part, au pays du temps qui se perd. Que se passe-t-il ? J’ai envie de m’enfuir de moi et de me faufiler dans un univers heureux, comme dans un rêve. Ça y est ! J’y suis ! (…) Je reconnais la ferme. Mais je n’entends rien. C’est bizarre. Il y a quelque chose qui n’est pas normal.
René Hertoux à l’hôpital, après ses trois graves blessures reçues au combat.
Didier Hertoux, ancien officier para des Forces Spéciales, aurait pu aborder sa propre carrière (on le souhaite, cela dit en passant…), et pourtant il a choisi de retracer les parcours de son père René Hertoux, 91e RI, 124e RI, et de son beau-père René Brondeau, 1er RCA, 11e RDP, 1er GFM, pendant la campagne de France, la défaite, l'internement dans les Stalags.
Ces deux René, humbles bonnes gens, se sont comportés avec un immense courage : le premier est grièvement blessé au combat, plusieurs camarades tués à ses côtés ; le second lutte avec le 11e Régiment de Dragons Portés, laminé par la déferlante des panzers et des Stukas, puis avec le 1er Groupe Franc du CNE de Neuchèze auprès des cadets de Saumur. Fait prisonnier, il s’évade de son stalag ; repris, il est envoyé à Rawa-Ruska et n’est libéré qu’en 45.
Jamais sans doute les deux René n’auraient imaginé faire l’objet d’un livre. Et pourtant il existe bel et bien, ce livre (et est de plus fort joliment écrit.). Une belle œuvre de mémoire.
Disponible auprès de l'auteur (18,50€ port compris - bénéfices au profit de l'association des blessés de l'Armée de Terre). didier.hertoux @ gmail.com. Bon de commande ici.
1985, René Hertoux reçoit la médaille militaire. Trop ému, son discours est lu par son fils Didier
Un soldat sort sa blague à tabac. D’un index dur il bourre sa pipe. Un autre, entre ses doigts courts et noueux, roule habilement une cigarette. Sous la peau cornée de leur pouce, la molette râpeuse d’un briquet fait jaillir la flamme. Ils ont des mains d’ouvrier, des mains de paysan ; un type d’homme commun tiré à des milliers d’exemplaires à travers l’Europe. Un type d’homme identique à ceux d’en face.
René Hertoux, mai 40
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« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, fils du GAL Serge Andolenko, légionnaire
Dimitri Amilakvari, Serge Andolenko et sa mère
C’est là qu’est grièvement blessé mon ami de toujours, le prince Obolenski, engagé lieutenant du 12e Régiment Etranger, deux balles de mitrailleuse dans le poumon, pour avoir ramené sur son dos son capitaine blessé entre les lignes.
C’est là qu’est exécuté d’une balle dans la nuque mon camarade de promotion Alain Speckel, avec sept autres officiers et deux de ses hommes, pour avoir tenté de protéger ses tirailleurs sénégalais du massacre par les allemands.
C’est là, à Stonne, bataille oubliée alors que l’une des plus dures de la seconde guerre mondiale, selon les Allemands eux-mêmes, que les 42 000 Français du 21e Corps d’Armée tiennent tête aux 90 000 Allemands des VIe et XVe Korps. Du 15 au 17 mai, le village est pris et repris 17 fois.
C’est juste à côté, à La Horgne, que la 3e Brigade de Spahis marocains et algériens, à cheval, affronte une brigade de la 1ère Panzer Division.
C’est là que se distingue le Général Juin lors de la défense de Lille, retardant les Allemands vers Dunkerque, permettant aux Anglais de s’éclipser.
C’est là que le Général de Lattre de Tassigny, commandant la 14e DIM, se bat pied à pied du début à la fin de la campagne jusque dans la région de Périgueux, resté invaincu.
C’est là que la ligne Maginot, prise à revers, se bat pour certains ouvrages jusqu’après l’armistice.
C’est là que l’Armée des Alpes réduit à néant l’attaque italienne et bloque les Allemands devant Grenoble.
C’est là que l’Armée de l’Air abat près de 1 000 avions allemands qui feront défaut pour la Bataille d’Angleterre
C’est là que meurent près de 100 000 Français, en cinq semaines.
Voici une bien jolie biographie : celle du Général Serge Andolenko, par son fils Pierre. Personnage haut en couleur, Russe-blanc réfugié en France, Saint-Cyrien, le général a servi aux 1er, 3e, 4e, 5e et 6e RE, et comme homme du Renseignement, 2ème bureau de la 3e DIA. Pacification du Maroc, du Levant, Syrie face aux Australiens et Français Libres (dont son camarade le Légionnaire-prince Amilakvari, dans le camp gaulliste – chapitre certes dramatique de l’histoire française, mais qui nous vaut de savoureuses anecdotes, Amilakvari et Andolenko réussissant à se contacter au téléphone, d’un côté du front à l’autre, grâce à un légionnaire [« - Comment as-tu fait ? - Je m’ai démerdé »] et s’arrangeant pour que leurs hommes ne se retrouvent pas face à face et obligés au combat !). Revenu dans le giron allié, c’est la glorieuse campagne d'Italie et la reconquête de la France. Chef de corps du 5e Etranger pendant la guerre d'Algérie, il vit la guerre-froide comme attaché militaire à Vienne.
On peut s'étonner que son nom ne résonne pas avec plus d'éclat, si ce n'est à la Légion. Mais il est vrai qu'une certaine omerta a perduré pour les officiers restés fidèles au gouvernement de Vichy. Triste ; le devoir de mémoire ne peut être sélectif.
Ajoutons que le texte de Pierre est très complet, tout en se lisant comme un roman d’aventure (c’est un compliment).
La première édition du livre est épuisée, mais une seconde est en projet avec un nouvel éditeur. Nous contacter pour mise en relation avec l'auteur.
Avec Pierre Andolenko, 2016
Entre deux attaques, passé en deuxième ligne, je déjeune avec trois de mes lieutenants. Nous sommes sur une crête, pour rester attentif à tout mouvement possible. Au milieu du casse-croûte, l’artillerie commence à tirer et nous voyons, à intervalles réguliers, des paquets d’obus remonter vers nous. La dernière volée tombe à moins de cent mètres. Et là, quelques secondes qui durent des siècles, et dans la tête : « Lequel d’entre nous va se coucher le premier ? Pas moi en tous cas, j’aurais trop l’air d’un con ! ». Et nous nous regardons tous dans les yeux. Et nous nous disons tous, les uns aux autres « Je suis mort de trouille, mais je ne me coucherai pas ! ». Et la volée suivante tombe sur la crête, derrière nous. Stupide, bêtise, mais qu’est-ce qu’on est bien vivant après ça !
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« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, 8e RG, 1ère CMT, 38e RG
Sapeur Lucien Violleau
Janvier 1937 – Dimanche soir, bal de la Saint-Vincent à la salle des fêtes. Pas de permission de spectacle car « garde d’écurie », mais cela ne m’a pas empêché d’y aller et de me coucher à deux heures du matin. Une visite du lieutenant-colonel vétérinaire est annoncée pour la semaine suivante. Pansage et fayotage. Dimanche soir, permission de spectacle : bal à Saint-Martin, retour à trois heures du matin. Aventure survenue à Théveneau sur le bord d’un mur avec une pétasse de Montoire : fou rire tout le lundi.
Sapeur Lucien Violleau
Mai 1940 – Un violent bombardement m’a fait passer des minutes terribles ; les premiers obus allemands sont tombés à cinq cent mètres de nous (…) J’ai juste le temps de traverser la route pour rejoindre le central [de communication], un premier obus est tombé à cinquante mètres, puis se rapprochant, une douzaine, dans un rayon de 20 mètres. Un autre est tombé au centre du village, enflammant une maison. Enfin, le plus terrible est tombé dans un angle de grange, à l’endroit même où s’était réfugié le sergent-chef Duny. L’obus lui coupe un bras, près de l’épaule, et le pauvre chef expire quelques minutes après. Une drôle de panique s’ensuit (…) Toutes les lignes téléphoniques sont coupées.
Tout laissait prévoir ce bombardement… Le quartier général entier de la division et beaucoup d’officiers s’étaient installés, avec toute les lignes téléphoniques, très en vue du terrain occupé par les Boches. En un mot, tous les soldats croient, soit à une trahison, soit à un haut-commandement incapable. Le moral est à zéro.
Chambrée de Stalag
Décembre 1944 – Un certain soir de décembre 1940, je débarquais sur la terre ennemie. Quatre années de captivité dans le pays chleu. Combien d’heures de découragement, de désespoir, tristes, inhumaines ? Malmené, travail par tous les temps, à contrecœur, contre mon intérêt. Combien d’injustice, de privations, matérielles et morales, de réflexions moqueuses et insolentes endurées ? Combien d’heures de bonheur, de joies perdues et qui ne se rattrapent jamais ? Combien de larmes, de soupir au pays ? Quel poids de haine un cœur de prisonnier peut-il accumuler, pendant quatre longues années, contre ses inhumains geôliers ?
Lucien Violleau prisonnier en Allemagne
Mars 45 - A six heures du soir passe à toute allure une chenillette allemande descendant du front. Peu après, c’est des chars des autos, à toute allure également. Puis arrive une grande nouvelle, apportée par un soldat allemand à pied, sale, dans un état poussiéreux incroyable, boitant, avec un soulier sans talon. Et voici la nouvelle, bonne, à tel point bonne qu’on a tous douté, même devant la réalité de la fuite éperdue. Et cette nouvelle, dont on aurait tous chanté et dansé de joie, la voici : les Américains sont à six kilomètres ! Ce soldat allemand nous dit : « Maintenant la guerre est finie, enfin, c’est temps ».
« 2710 jours » est le journal intime d'un jeune agriculteur vendéen, conscrit de 1937, emporté dans la tourmente de 40 et qui passe 5 ans en captivité en Allemagne. De l’insouciance, voire l’ennui, du service militaire, ponctué heureusement par les bals musettes, au travail forcé, le froid, la faim, les brimades des Stalags, en passant par la drôle de Drôle de Guerre et l’ouragan de la Blitzkrieg. Le texte, écrit à l’origine sur des cahiers d’écolier, outre l’évident intérêt historique, rend le personnage extrêmement attachant. Une petite merveille de livre. Tout ce qu’on aime.
Le petit-fils de Lucien, Damien Pouvreau (à l’origine de la publication du livre, qu’il nous a gentiment dédicacé, et qui a fourni les photos inédites qui illustrent cet article) s'est inspiré du journal de son grand-père pour composer l'album "2710 jours de ma jeunesse" et créer un spectacle musical, actuellement à l'affiche du Grenier à sel d'Avignon, tous les jours à 20h et jusqu'au 27 juillet, dans le cadre du festival d'Avignon (sélection pays de la Loire). Voir ici. Le devoir de mémoire prend de bien heureuses formes.
Page FaceBook de Damien Pouvreau ici. Vidéo là.
« 2710 jours » est publié par Les Archives Dormantes, très sympathique maison. Disponible ici.
Lucien Violleau
Avril 1941 – Les civils allemands ont une foi sans limites dans la victoire finale, une admiration sans borne pour Hitler, qu’ils portent aux nues par leurs paroles et leurs gestes. Ils ont remplacé les formules de politesse "bonjour", "bonsoir", "au revoir", "salut" par le "Heil Hitler" qu’ils prononcent tout naturellement, à chaque instant avec grand respect. C’est le cri à la mode. Les hommes, en se saluant ainsi, lèvent la main "à la Hitler". La folie.
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Hommage
Aux combattants de 39-40
60 000 soldats français morts au combat,
7 500 Belges, 6 000 Polonais, 3 500 Britanniques, 3 000 Néerlandais, 1 300 Norvégiens,
150 000 blessés.
2CL René Hertoux, 124e RI, vétéran de 39-40, blessé de guerre, médaille militaire, croix de guerre, citation à l’ordre de l’Armée, 3 citations à l’ordre du régiment.
La voie de l’honneur est un chemin étroit et peu fréquenté. Les plus anonymes y sont capables de coups d’éclats, et le banal peut se teinter de sublime. L’historien a fait son œuvre et pour décrire la débâcle de 1940 et l’effondrement de la France, il a analysé, recoupé, enquêté. Avec le recul, le sens de l’histoire peut se redessiner. Les héros discrets peuvent enfin y trouver leur place, car leur courage solitaire et obstiné force l’admiration.
« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux
13:59 Publié dans 2nde Guerre Mondiale, Afrique, Algérie, Cavaliers, Fantassins, Indochine, Légionnaires, Levant, Marsouins, Bigors, Mili-Livre, Paras, Sapeurs | Lien permanent | Commentaires (0)
10/12/2015
Commandos-Paras en Indochine, Fusiliers-Marins en Algérie et Gendarmes en Afghanistan
Extrait publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.
« L'épreuve du guerrier », CDT (h) Jean Arrighi, Commando-Para, régiment de Corée et Légionnaire. Indo Editions
Commando-Parachutiste du 8e GCP 1953. Photo issue du Net.
Lorsque les deux têtes roulèrent dans le trou, on eût dit que les voix infernales, subitement assourdies, se taisaient et s’éloignaient ; ce fut comme si la nuit, brusquement, envahissait le monde, comme si la civilisation d’un seul coup s’en retirait et comme si, enfin, une ombre gigantesque, poussée par la mort, descendait dans la fosse pour y fermer les yeux de ces martyrs…
« L'épreuve du guerrier » par le CDT (h) Jean Arrighi. Un grand ancien ; que l'on en juge : Guerre d'Indochine au sein des Commandos-Parachutistes, Commandos Nord-Vietnam et Régiment de Corée, prisonnier du Vietminh après les combats de la RC19 entraînant l'anéantissement du GM100, Guerre d'Algérie après avoir intégré la Légion...
Le livre est une suite de récits, instants vécus par l'auteur ou rapportés (par exemple un très intéressant rappel des combats contre les Japonais en 1945, histoire aussi tragique que méconnue). Il s'agit aussi d'un plaidoyer pour les soldats impliqués dans ces guerres de « décolonisation ». C’est admirablement écrit, avec de belles envolées lyriques rappelant un certain Hélie de Saint-Marc…
Chez Indo Editions, disponible ici.
Avec le Commandant Jean Arrighi, Salon des Ecrivains-Combattants 2014
Le GM100 anéanti sur la RC19. Photo issue du Net.
Et alors, perdu dans ma contemplation, parmi ces cadavres et tous ces feuillets épars au vent, mouillés des larmes des familles, des femmes et des fiancées, il me semblait entendre, venant à moi de fort loin, de très très loin, vieille Europe et Afrique confondues, un agglomérat de gémissements de douleur, des cris de désespoir, que ces deuils soudain trop nombreux me renvoyaient en échos prodigieux, plaintifs, insoutenables. Tous ces faire-part de détresse, repoussés et jetés alors sur la route, enlevés comme par un vent de colère, trainant au hasard sous mes pieds plus heureux, j’évitai de les piétiner, comme j’évitai les corps de ce charnier maudit.
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« Aurore aux portes de l'enfer », Lucien-Henri Galéa, DBFM. Editions Lavauzelle
Halftrack en Algérie. Photo issue du Net.
« - Eh !!! Attention !!! »
Suivi de sa queue de flamme, un obus de bazooka arrive droit sur l’engin. Lulu donne un grand coup de botte sur la tête du chauffeur qui hurle et, fort heureusement, accélère. L’obus frôle l’arrière. Le jet de flamme brûle les yeux d’Arthur qui reste pétrifié, avant d’exploser dans le no man’s land. HT2 n’a pas attendu tout ça pour cracher des tous ses tubes de mitrailleuses en direction du départ de feu.
Les engins se découpent en ombre chinoise, sur le ciel à présent bien éclairé par cette pute de Lune. Un deuxième obus file vers HT2, heurte un poteau du réseau, explose dans un bruit fracassant en projetant des débris dans tous les azimuts. (…) A ce moment, des cris s’élèvent du no man’s land. Accompagnés par un tir de mitrailleuses lourdes, une vingtaine de Fels montent à l’attaque.
« Aurore aux portes de l'enfer » par Lucien-Henri Galéa, Fusilier-Marin. Un récit romancé, retraçant l'épopée d'une bande de camarades, engagés volontaires en 1960, de leur formation à Siroco (école des FM à Alger) aux patrouilles et combats le long de la frontière marocaine, à bord de leurs Half-Tracks. Un bon récit, bien mené, qui se lit d'une traite, rendu très vivant par les nombreux dialogues écris "comme on cause" et qui aborde un secteur méconnu du théâtre d'opération algérien. Un bel hommage aussi aux Fusiliers-Marins, dont les témoignages sont (encore trop) rares.
Aux éditions Lavauzelle. Disponible ici.
Lucien-Henri Galéa,18 ans, Bab el Assa 1961. Collection de l’auteur.
Neuf mois ! Il faut neuf mois pour faire un petit homme. Ici, en neuf mois, il ne reste qu’un seul survivant des Dalton. Ce survivant, ce n’est pas un petit homme ; c’est un autre homme, un mutant, qui a compris que la guerre n’est pas un jeu et que la gueuse à la faux frappe sans discernement, les copains comme les ennemis. Que Dieu maudisse ces politiques qui, le cul bien à l’abri, envoient leur jeunesse se faire trouer pour des chimères, et une fois que leur jeu pervers leur a pété à la gueule, les renvoie sans un mot de remerciement à la niche. Lui est riche. Riche des souvenirs que lui ont laissés ses copains. Ils seront à ses côtés tout au long de sa vie.
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« POMLT, Gendarmes en Afghanistan », COL Stéphane Bras, EGM 11/3, 13/3. Editions Anovi
Photos inédites issues de la collection du Colonel Bras. Droits réservés. Merci de ne pas les diffuser sans son aval (nous consulter).
Ces hommes [de la Police afghane] font d’abord preuve d’un courage exemplaire. Habitués aux situations les plus difficiles après trente années de guerre, ils ne nous ont jamais opposé le moindre refus pour partir en opérations. C’était d’ailleurs parfois à nous de les freiner, tant leur courage pouvait tourner à l’inconscience et à la catastrophe programmée.
Je ne dépeins pas non plus une image idyllique de l’ANP [Afghan National Police]. Durant les sept mois du mandat, il nous a régulièrement fallu rappeler à l’ordre, avec tact et diplomatie, nos partenaires afghans. Ainsi les policiers, et leurs chefs en tête, sont incapables de planifier la moindre opération. Tout se prépare dans l’improvisation la plus totale.
Un béret bleu-roi en Afgha, cela vous dit quelque-chose ? Non, ce n'est pas l'ALAT et son cobalt... c'est celui des Gendarmes ! Très peu le savent, on en conviendra. [Pour les fans d'uniformologie : béret de la FGE, Force de Gendarmerie Européenne].
Et qui sait que, pendant la campagne, de 100 à 200 gendarmes étaient déployés pour former la police du pays ? Pas grand monde non plus, on en conviendra aussi. Et c'est injuste.
Saluons donc l'initiative de cette publication du (très sympathique !) COL Stéphane Bras, qui, en 2010, dirige des gendarmes mobiles de l'EGM 11/3 de Rennes et 13/3 de Pontivy en Kapisa et Surobi, dans le cadre des POMLT (Police Operational Mentor and Liaison Team / Équipe de Liaison et de Tutorat Opérationnel de la Police). Il aborde tous les moments de l'OPEX : mise en condition en France, stratégie pour l'essentiel à inventer, relève des hommes du 17/1 de Satory et 23/9 de Chauny, missions avec les policiers afghans, éternelle dualité "confiance/méfiance" (infiltration talibane/tir "Green on Blue"), adaptation obligatoire au contexte "culturel" (horaires fantaisistes, corruption "raisonnable"), rapports avec les Terriens de la Brigade Lafayette ; ses impressions sur tout cela...
Indispensable pour compléter sa bibliothèque sur les Afghaners ; les Gendarmes en étaient ! Il ne faut pas l'oublier et nous saluons leur action.
Aux éditions Anovi, disponible ici.
Avec le COL Stéphane Bras au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr, 2015
Nous nous sommes régulièrement posé la question de la corruption et de la confiance que nous pouvions accorder aux policiers. J’ai fini par penser que la corruption était un facteur culturel en Afghanistan et qu’il s’avérait utopique de vouloir la faire disparaitre totalement. Lorsque les gendarmes de Tora ont entrepris la mise en œuvre de postes de contrôle sur la Highway 7 par les policiers qu’ils « mentoraient », ces derniers ont accueilli très favorablement cette idée, expliquant qu’ils pourraient ainsi récupérer de l’argent et des denrées auprès des conducteurs arrêtés ! Dans ces conditions, et même si cela peut paraître choquant hors du contexte local, nous avons opté pour un respect strict de nos valeurs lorsque nous accompagnions les policiers (…) tout en étant ni dupes, ni naïfs sur les pratiques lorsqu’ils évoluaient seuls. Au final, je dirais que « nos » policiers étaient « raisonnablement » corrompus…
Au centre, le Colonel Stéphane Bras
Progressivement, les Afghans nous gratifieront d’accolades et de poignées de mains interminables pour nous témoigner leur sincérité. Ils nous appliqueront en fait leurs us et coutumes et je verrai dans ces effusions et autres démonstrations chaleureuses une forme de respect réciproque (…) Je m’amuserai de cette façon si particulière de saluer en me gardant bien de prévenir mes supérieurs de la forme d’accueil qui leur sera réservée. Car quoi de plus surprenant pour un général ou un colonel de gendarmerie qui rencontre pour la première fois un officier de l’ANP que de se voir embrasser par un grand gaillard barbu !
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19:42 Publié dans Afghanistan, Algérie, Commandos, Fusiliers, Commandos Marine, Gendarmes, GIGN, Indochine, Légionnaires, Mili-Livre, Paras | Lien permanent | Commentaires (0)
04/09/2015
Marin sur les fleuves d'Indo & pilote de Corsair en Algérie, chef des FS au Kosovo, Commissaire des armées en CdI, valeureux Poilus et déroute djihadiste au Mali
Poursuivons la visite de notre bibliothèque militaire, entamée ici.
Cette fois-ci, nous revivons les combats d’un grand-ancien d’Indochine et d’Algérie. Nous accompagnons au Kosovo le chef des Forces Spéciales françaises et en Côte d’Ivoire un Commissaire des Armées. Nous visitons la base de Nancy-Ochey, tanière des Muds alias Mirage 2000D. Nous nous posons des questions sur nos valeureux Poilus et nous concluons, grâce à l'assistant militaire du chef des opérations terrestres de Serval, avec la brillante victoire de nos soldats sur les djihadistes au Mali !
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« De Saïgon à Alger », LV Bernard Bachelot, Dinassaut 6, 14F, 12F
LCM en patrouille fluviale, Indochine
Certains hommes se sont finalement endormis couchés les uns sur les autres. A la surface du fleuve, l’eau phosphorescente scintille. Les remous font danser le reflet des étoiles et les lucioles transforment un palmier en arbre de Noël. Un souffle d’air fait vibrer le feuillage. Ce frémissement provoque un malaise. Et toujours le croassement lancinant des crapauds-buffles. Les guetteurs viets, tapis dans ces branchages, doivent écouter le passage du convoi. Les oreilles se tendent. Le bruit sourd d’un tam-tam. Est-ce la peur ? Non, le rythme est plus net maintenant : les Viets donnent l’alerte. Deux coups brefs, un coup sourd. Pam, pam, poum… pam, pam, poum… Les doigts se crispent sur les armes.
Corsair de la 14F partant en mission depuis la base de Telergma dans le Constantinois, Algérie. Photo Bachelot
Le napalm s’enflamme à une vingtaine de mètres au-dessus de la grotte. Bien décidé à réussir ma deuxième attaque, je garde une ligne de vol parfaitement horizontale et attends « le plus tard possible ». J’appuie sur le bouton et tire violemment sur le manche. Le sommet de la falaise apparaît au-dessus du nez de mon appareil, trop haute me semble-t-il pour être franchie. Trop près de la montagne, je ne peux dégager en virage. En un mouvement reflexe, je pousse à fond la manette de gaz et accentue fortement ma pression sur le manche. Ma cellule se met à vibrer violemment, je suis à la limite du décrochage. La falaise fonce sur moi.
L’exode, Alger, 1962.
Un choc, une blessure. En cet instant ma vie bascule. Un monde – le mien – s’effondre. Des valeurs essentielles auxquelles j’avais appris à croire et à être fidèle – patriotisme, honneur, parole donnée… - ont toutes été violées. Ne sont-elles plus désormais respectables ? Terrible déception qu’accompagne un sentiment de révolte qui, des années durant, me rongera et qui, 45 ans après, reste encore vivace.
« De Saïgon à Alger » par le Lieutenant de Vaisseau Bernard Bachelot, EN48. Un monsieur discret, rencontré lors du salon des écrivains-combattants 2013, et pourtant un grand ancien : il a combattu de 51 à 53 sur les fleuves de Cochinchine, au sein de la Dinassaut 6, Flottille Amphibie Indochine Sud, avant de devenir pilote de l'Aéronavale, flottilles 14F puis 12F dont il prend le commandement. Formé aux Etats-Unis, c'est aux commandes de son Corsair qu'il intervient lors de la campagne de Suez puis de la Guerre d'Algérie - époque déchirante pour lui, Bernard étant pied-noir, amené à bombarder sa propre maison de famille… L'issue du conflit sonnera d'ailleurs le glas de son engagement militaire. Très beau récit.
Aux éditions L'Harmattan, disponible ici.
Avec le LV Bernard Bachelot au Salon des Ecrivains-Combattants 2013
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« L’Europe est morte à Pristina », COL Jacques Hogard, Légionnaire
Miliciens de l’UÇK [milice indépendantiste Albano-Kosovare]
Une embuscade vient d’être déclenchée par l’UÇK sur un convoi de civils serbes, deux cents tracteurs emportant hommes, femmes et enfants, sur la route reliant Pec à Mitrovica. Je fais effectuer une reconnaissance par un hélicoptère armé qui me rend compte de la position des éléments de l’UÇK. Je lui demande alors de tirer quelques rafales de semonce afin de les contraindre à décrocher et cesser cette agression inqualifiable sur des civils armés.
Quelques minutes plus tard, je suis, à ma très grande surprise, appelé à la radio par le Général britannique Mason qui m’enjoint de faire cesser les tirs contre ses SAS ! Je réalise alors que les éléments de l’UÇK qui se livrent à cette embuscade (…) sont encadrés – au minimum accompagnés- par mes « frères d’armes » des Forces Spéciales britanniques…
« L’Europe est morte à Pristina » par le COL Jacques Hogard, Légionnaire, commandant le groupement interarmées des Forces Spéciales françaises au Kosovo, GIFS « Grakaniko », vétéran du Rwanda dont il a tiré un premier récit « Les larmes de l’honneur », que nous avons abordé ici.
Dire que le conflit au Kosovo a été « compliqué » est un euphémisme, l’implication occidentale pouvant (devant) faire débat. Jacques ne s’en prive pas, battant en brèche certains choix militaro-politiques Otaniens [il démissionnera d’ailleurs de l’Armée après cette OPEX]. L’Histoire jugera. En attendant, nous ne pouvons qu’espérer que les communautés serbe et albanaise trouvent le chemin d’une coexistence pacifique… Et souvenons-nous des neuf soldats français morts au Kosovo, entre 2000 et 2009. Hommage à eux et aux blessés.
Aux éditions Hugo Doc. A commander chez votre libraire ou sur le Net.
Avec le COL Jacques Hogard, notamment après sa conférence sur le Kosovo à l’IDC en mai 2014
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« La nuit africaine », Commissaire des armées (CNE) Julien Eche
La Vierge aux larmes de sang, œuvre de Sandre Wambeke inspirée du livre de Julien Eche
Les Français nous prennent pour des gosses souriants : l'Afrique heureuse, qu'ils disent. Un peu comme si nous n'étions pas assez civilisés pour avoir l'air grave. C'est qu'ici, jeune homme, nous savons dès la naissance que nous sommes mortels comme tous les hommes, et que la finalité, c'est la cendre. Alors la vie doit être heureuse, joyeuse, rythmée et agréable.
Vous autres Blancs, imaginez repousser sans cesse la mort, elle entre par trop en considération dans vos calculs ; il n'y a pour vous que l'épargne d'une vie, la position sociale, les chimères que votre société a inventé pour plus de richesse qu'il n'est physiquement possible (...) Alors vivez, oui, vivez ! Enchantez la vie des autres et faites en sorte d'être heureux, quoi qu'il vous arrive; Cela n'a rien de primitif. C'est au contraire la plus grande des sagesses.
« La nuit africaine » par le Commissaire des Armées (CNE) Julien Eche est un récit romancé, inspiré de son déploiement en Côte d'Ivoire peu après la guerre civile : Un jeune officier part à la tête d'une petite unité pour montrer la présence française dans la brousse. Un parcours initiatique, vu initialement par le narrateur comme une aventure "à la capitaine Binger" (qui rallia Dakar à Kong à la fin du XIX°), mais qui, au gré des rencontres et évènements, ira bien au-delà de l'imagerie exotique véhiculée par les affiches ventant la Coloniale dans les années 30. Une belle histoire, bien menée et profonde. Pas seulement une autre vision de l'Afrique, une autre vision du soldat aussi...
Aux éditions L'Harmattan. Disponilbe ici.
Avec le Commissaire des Armées Julien Eche
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« Dans le repaire du Mirage 2000D – Nancy-Ochey », Alexandre Paringaux, photographe
Ses équipages sillonnent les cieux des Balkans, de l'Afrique, de l'Asie centrale et de l'Afghanistan. Cette omniprésence repose certes sur des matériels performants, en perpétuelle amélioration, permettant de répondre aux défis technologiques d'engagement toujours plus exigeants. Mais elle repose surtout sur les femmes et les hommes de la base aérienne de Nancy-Ochey qui permettent de répondre en permanence aux sollicitations opérationnelles. Quelle que soit leur spécialité, toutes et tous sont des rouages indispensables dans la performance de la BA 133. Dévoués et pugnaces, ils démontrent au quotidien un engagement sans faille, en dépit d'un environnement difficile. Les opérations menées au Kosovo, en République Démocratique du Congo, en Afghanistan, en Lybie ou encore au Mali attestent de leur engagement militaire et de leur abnégation.
Colonel Louis Péna, Commandant de la Base aérienne 133 « Commandant Henry Jeandet »
« Dans le repaire du Mirage 2000D – Nancy-Ochey » n’est qu’un exemple parmi toute une série de beaux livres publiés par le photographe Alexandre Paringaux et Frédéric Lert, journaliste aéro de référence. On trouve en effet, dans la même collection, des ouvrages dédiés à ER 2/33 « Savoie », EC 3/3 « Ardennes », la Patrouille de France, les bases de Saint-Dizier, Mont-de-Marsan, Salon-de-Provence, les Forces Aériennes Stratégiques, le porte-avions Foch… Des livres-albums où l’on retrouve évidemment de superbes photos d’avions, mais aussi les hommes qui les font voler, les arment et les entretiennent ; ceux qui font fonctionner la base ; ceux qui la protègent. L’ensemble est visuellement remarquable, accompagné d’un texte fouillé et de nombreuses interviews. A chaque fois une petite bible, tant le sujet est traité avec exhaustivité. Attention, les tirages s’épuisent vite…
Aux éditions Zéphir. Disponible ici.
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« Le petit quizz de la Grande-Guerre », Grégoire Thonnat
De qui s’agit-il ?
De nos cinq arrière-grands-pères, combattants de la Grande-Guerre en France et Russie ; Abel, Ernest mort pour la France, Gaston, Fiodor et Vassilï
Si les taxis parisiens sont rentrés dans l’Histoire avec les « taxis de la Marne », qu’ont-ils fait qui écorne un peu le mythe ?
Ils ont mis les compteurs afin que les autorités militaires règlent la course !
Avec « Le petit quizz de la Grande-Guerre » de Grégoire Thonnat, nous sortons évidemment de notre contexte « récit de soldat », mais ce livre mérite un coup de projecteur, bien qu’il soit d’ores et déjà un succès de librairie (25 000 exemplaires vendus). Il est composé d’une centaine de questions/réponses sur des évènements clés, anecdotes, idées reçues... Une manière ludique d’aborder la Première Guerre Mondiale, pour un prix modique (moins de 5€). L'Education Nationale pourrait tout à fait l’utiliser dans la cadre du Centenaire... (puisque l'on parle de pédagogie innovante, passons à l'acte).
Aux éditions Pierre de Taillac. Disponible ici. A noter, dans le même esprit et par le même auteur, le « Petit quizz de la Marine ».
Avec Grégoire Thonnat et les éditeurs Pierre de Taillac et Nimrod, aux Invalides pour le centenaire de l’ECPAD
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« Offensive éclair au Mali », CBA Rémi Scarpa, 92e RI
« Rapaces » de la 4e Cie du 92e RI au combat dans les rues de Gao. Photo ECPAD/Jérémy L, issue du livre.
Les « Cent jours » de l’offensive les avaient soudés ; la chaleur étouffante n’avait distingué ni les grades ni les armes d’origine ; l’ennemi, tenace et imprévisible, avait été vaincu par l’effort conjoint des combattants, ceux de l’avant, commandés par des états-majors réactifs, des logisticiens et des transmetteurs, des pilotes et des mécaniciens (…) Cette victoire des armes de la France, c’était celle de l’union, chère au cœur du Général de Monsabert , l’union des armes, des âmes et des cœurs.
« Offensive éclair au Mali » par le CBA Rémi Scarpa, Gaulois du 92e RI. Ouvrage qui restera comme la référence sur Serval. En premier lieu, qui aurait été plus légitime que le CBA Scarpa, assistant militaire du GAL Barrera commandant les forces terrestres, pour écrire un tel livre ? Ensuite, vous y trouverez toutes les informations sur l’organisation de la force, le déroulement de l’opération au jour le jour, les unités impliquées (avec une large place laissée au Soutien, Transmetteurs, Tringlots, Logisticiens…), le matériel employé, les alliés africains, les insignes et fanions, des plans, les hommages à ceux qui sont tombés… le tout accompagné de témoignages. En sus, des clichés *sublimes* de l’ECPAD ou issus des collections particulières de nos combattants (ce qui en fait aussi un beau livre-photo). « Et c’est pas fini… » J En bonus, un film de 55 mn réalisé par l’ECPAD.
Aux éditions Pierre de Taillac. Disponible ici.
Avec le CBA Rémi Scarpa, Salon du Livre de Paris 2015 & Prix littéraire de l’Armée de Terre – Erwan Bergot.
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A suivre…
19:40 Publié dans Algérie, Aviateurs, Commissaires, Administratifs, Côte d'Ivoire, Fantassins, Forces Spéciales, Grande-Guerre, Indochine, Kosovo, Légionnaires, Mali, Marins, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
21/06/2015
Commando de chasse harki, Appelé en Algérie, Ministre-combattant, Léopard de Bigeard, Pilote de Jaguar de Daguet et SBS britannique
Le temps nous manque, mille fois hélas, pour aborder sous forme de recension tous les récits lus et appréciés. En guise de rattrapage, nous lançons une nouvelle rubrique, abordant de manière plus « synthétique » des livres à même de compléter votre milibibliothèque en fonction de vos centres d’intérêt. Cette fois-ci : la Guerre d’Algérie, avec un Zouave, un Fantassin (et ministre), un Chasseur d’Afrique et un Léopard de Bigeard ; la Guerre du Golfe, opération Daguet vécue par un pilote de Jaguar, et enfin les Forces Spéciales britanniques au travers de l’autobiographie d’un SBS.
Nous poursuivrons cette série au fil de l’eau et rien ne dit que certains de ces livres ne seront pas traités plus en profondeur dans le futur.
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« Harkis, mes frères », SCH Jean Hinnerblès, 2e BZ, 94e RI
Algérie, Jean Hinnerblès alias « Gerfaut », 24 avril 1961
Tendant l’oreille, il perçut comme un frôlement de chaussure sur le sol, aussitôt suivi par le bruit d’un caillou qui roule, ce qui confirma la présence du Fell sur la piste ; puis une ombre apparut sur le sentier, puis une autre, puis trois… Ils étaient là, à deux mètres du canon de sa carabine. Gerfaut attendit, le cœur battant, prêt à lui exploser la poitrine. Alors que le premier allait sortir de son champ de vision, reprenant son self-control, il pointa l’arme sur la cible mobile, en hurlant très fort : feu !
« Harkis, mes frères », par le SCH Jean Hinnerblès, 2e BZ, 94e RI. Sept ans de combat en Algérie, à la tête d'un commando de chasse harki. Un récit écrit à la troisième personne, ce qui lui donne un petit côté roman de guerre.
Paru en 2010 chez Amalthée. ISBN 978-2310005050. Livre épuisé, mais nous pouvons mettre en relation avec l’auteur.
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« Il était une fois l’Algérie d’un appelé », Georges Pagé, 9e RCA
Alger, 26 mars 1962
Ce samedi, je décide d’aller me recueillir rue d’Isly. Le drame a eu lieu il y a à peine cinq jours. Tout semble dévasté, gravats sur les trottoirs, impacts sur les murs et sur la chaussée. Des gens viennent des autres quartiers. On commente l’absence de tous ceux qui sont morts. Comme je suis habillé en militaire, certaines personnes me regardent de façon haineuse. Je comprends et ne m’attarde pas dans cette sinistre rue où tant de braves gens ont perdu la vie. L’armée a tiré sur des Français. C’est affreux.
« Il était une fois l’Algérie d’un appelé – 1960-1962 », par Georges Pagé. Historique des dernières années de l'Algérie française, alors que l'auteur, appelé, est rattaché à l'état-major/9e Régiment de Chasseurs d'Afrique : communauté pied-noir du secteur d'Inkermann où Georges est basé, la rue d'Isly où il se trouve après la fusillade du 26 mars, le commando Georges, les SAS, ses rencontres a posteriori avec plusieurs acteurs des évènements (du GAL Massu à Pierre Messmer en passant par Michèle Hervé, grièvement blessée lors de l'attentat de l'Otomatic...), etc.
Paru en 2002 chez PG Editions. ISBN-13: 978-295182190. Il est possible de contacter l’auteur via son site ici.
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« Un seul cœur, un seul drapeau », CDT Hamlaoui Mekachera, 6e RTA, 60e RI
Algérie, 9e Cie du 60e RI, ligne Morice. Au centre, Hamlaoui Mekachera.
Mon intégration au sein du régiment de l’ex-Royal Marine [60e RI] a soulevé une certaine animosité. Je le ressentais quotidiennement, étant considéré comme le « bouc émissaire » de la perte de l’Algérie. Cela occultait le fait que c’était bien moi le plus grand perdant de cette tragédie algérienne.
« Un seul cœur, un seul drapeau », par le CDT Hamlaoui Mekachera. Orphelin de son père officier du 3e RTA, Mekachera intègre l'école des enfants de troupe de Miliana. Sous-officier sorti de Cherchell, il fait la campagne d'Indochine comme radio puis démineur du 6e RTA puis l'Algérie au sein du 60e RI. En 62, il rejoint la France et poursuit sa carrière d'officier dans plusieurs régiments d'infanterie. Quittant l'armée comme CDT, il est directeur de centre hospitalier, s'investit dans la vie associative, notamment auprès des musulmans rapatriés. Nommé délégué ministériel à l'intégration, membre du conseil économique et social, il termine sa carrière d'homme d'état comme ministre délégué aux anciens combattants. La partie "militaire" ne représente qu'un tiers du livre, essentiellement consacrée la période « enfant de troupe et école ». La seconde, «civile », est axée devoir de mémoire.
Paru en 2013 chez L’Harmattan. ISBN 978-2343017013. Disponible ici.
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« Trois ans chez Bigeard », 1CL Albert Bernard, 3e RPC
Schneidenbach mortellement blessé le 21.11.1957 lors de l’opération « Timimoun ». Photo SCH Marc Flament.
[Schneidenbach] atterrit juste derrière le lieutenant Douceur et moi, en plein cœur du groupe rebelle. A peine libéré de son parachute, il part la mitraillette au poing avec d’autres camarades et ils arrosent la crête des dunes qui nous environnent pour dégager la zone de saut. Douceur se souvient avec émotion de cette dernière image qu’il garde de Schneidenbach progressant dans le désert. A la fin de la journée [nous retrouvons] le jeune homme en pleine agonie après avoir reçu une balle tirée à bout portant dans le front : sans doute s’est-il fait surprendre par un de ces redoutables tireurs isolés, enterrés dans le sable. L’infirmier Jacques Robert lui couvre le front d’un bandeau de compresses pour réduire l’hémorragie.
« Trois ans chez Bigeard », récit du 1CL Albert Bernard, 3e RPC. Il n'y a pas plus légitime que le léopard Albert [en photo de couverture avec le CNE Florès] pour évoquer cette ambiance particulière qui régnait au sein du 3e RPC en 56/58 : Radio de la 4e Cie, il est sous les ordres des fameux CNE Florès ou LTN Douceur et en contact constant avec « Bruno », qui le surnomme "Beauté" du fait de sa voix joliment radiophonique...
Le bled, la bataille d’Alger, le « Je vous ai compris », le putsch ... tout cela vu de l'intérieur, suivi d’un document inédit de Bigeard, avec ordres du régiment, ordres du jour et notes de présentation de 1955 à 1957.
Paru en 2012 aux éditions LBM. ISBN 978-2915347913. L’éditeur a malheureusement disparu mais nous pouvons mettre en relation avec l’auteur.
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« Jaguar sur Al Jaber », CNE Alain Mahagne, EC 2/11 « Vosges »
Clip : Jaguar pendant la guerre du Golfe.
Ma verrière était perforée de part et d’autre et au milieu… il y avait mon casque. Dès lors, je réalisais que j’étais blessé. Aucune peur ne m’envahit, je restai lucide et maître de mes moyens. J’annonçais calmement mes problèmes à la radio :
« - Charly. Je suis touché. J’ai un trou dans la tête et je pisse le sang. – Tu confirmes Charly ?! »
« Jaguar sur Al Jaber », par le CNE Alain Mahagne, EC 2/11 « Vosges ». Un des (trop) rares témoignages sur la 1ère guerre du Golfe et l'opération Daguet, et non des moindres, puisqu'Alain a participé au raid des 12 Jaguars, le jour J, sur la base aérienne koweïtie d'Al Jaber, fortement défendue par la DCA irakienne. Pour preuve, une balle a traversé son cockpit, le blessant à la tête...
Paru en 1993 (SHAA), réédité en 2011 aux éditions A4PM. ISBN 978-2-9536496-3-5. Pour se le procurer, contacter l’auteur ici.
N’oublions pas les 12 Français morts lors des opérations Daguet, Libage, MONUIK. Hommage à eux, aux blessés et à tous Ceux du Golfe.
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« En première ligne », Duncan Falconer, SBS, 14 INT
Soldats de l’IRA [Armée Républicaine Irlandaise]
J’entendis un bruit, tout près ; un pied qui écrasait une brindille. Tous les sens en alerte, le front plissé à force de me creuser la cervelle, je retins ma respiration, mon cœur s’arrêta de battre. On aurait dit que tout se passait au ralenti. Le bruit reprit quelques secondes plus tard. Cette fois, j’en étais sûr, c’était un bruit de pas, suivi bientôt par un second. Mon cœur battait à tout rompre, j’avais une chape de plomb sur la poitrine. Quelqu’un s’approchait lentement le long de la haie. Je gardais la bouche entrouverte, réaction instinctive qui améliore la finesse de l’ouïe. Je pris plusieurs respirations profondes, l’adrénaline affluait dans mes veines. Je fis pivoter très lentement mon arme pour pointer le canon sur le bout de la haie, à quelques mètres devant moi. Encore un pas. J’effleurais doucement la détente.
« En première ligne » de Duncan Falconer, plus jeune recrue de l’histoire du Special Boat Service. Une plongée [jeu-de-mot] passionnante dans l’univers du SBS et du « Det »/14 INT, piliers, avec le SAS, des Forces Spéciales de Sa Très Gracieuse Majesté. La sélection et l’entraînement, la lutte contre l'IRA, l’abordage des cargos et plateformes pétrolières… mais aussi, et peut-être surtout, une belle histoire d’homme(s). On peut remercier Nimrod de rendre accessible aux non anglophones des témoignages de cette qualité. A lire en parallèle à « Parcours Commando » de Marius.
ISBN 978-2915243093. Disponible chez Nimrod ici.
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A suivre…
18:00 Publié dans Algérie, Aviateurs, Chasseurs, Fantassins, Golfe, Harkis, Marsouins, Bigors, Paras, Royaume-Uni | Lien permanent | Commentaires (2)
28/03/2015
« Pour l’honneur… avec les Harkis », GAL François Meyer, 23e RS, Commando 133 « Griffon ». Ed. CLD
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez en réutiliser.
+ A la mémoire de mon oncle Pierre Dusausoy, 2e Régiment de Spahis Algériens, combattant de 1939-1940 +
« Si les musulmans d’Algérie et les Français veulent écouter ma voix, ils s’uniront pour ne former qu’un seul peuple ;
et ce peuple sera le plus grand et le plus puissant de la Terre »
Emir Abd el-Kader
C’est étrange. Nous n’avons pas de liens spécifiques avec l’Algérie ; nous ne sommes ni d’origine pied-noir, ni algérienne ; nous sommes nés après 1962 ; nous n’avons pas perdu de papa ou de tonton pendant le conflit. De ce fait, nous devrions garder une certaine distance vis à vis de ce conflit. De l’intérêt, certes, mais historique. Et pourtant nous nous sentons viscéralement impliqués. Il y a donc quelque chose de « spécial » avec l’Algérie, quelque chose de « plus », quelque chose de « pas guéri ».
Alors oui, dans ce contexte, passer plusieurs heures à discuter avec le GAL Meyer, Spahi, bledard, défenseur de « ses » Harkis, refusant d’embarquer sans eux, alors qu’en 62 il n’est que lieutenant, un gamin, cela compte pour nous. Oh bien sûr, pour les plus jeunes de nos lecteurs, le nom de « Meyer », n’évoque rien. On ne vous en veut pas. Après tout, vous n’êtes pas responsables de vos programmes d’Histoire… Quant aux 80 000 Harkis massacrés après les "accords de paix" et dont vous n'avez pas non plus entendu parler, vous en voudront-ils, eux ? Inch Allah.
LTN François Meyer
En novembre 1958, lorsque je traverse la Méditerranée, l’Algérie est sous le feu des combats depuis déjà quatre ans. J’arrive de Saumur et je débarque sur une terre française. Elle est appelée à le rester puisque le Général de Gaulle est récemment venu le dire : « L’Algérie est organiquement française aujourd’hui et pour toujours ».
Au centre le LTN François Meyer, porte-étendard du 23e RS
Au temps des Léopards, les militaires de la Métropole nous moquent un peu. Hormis pour défiler, nous ne servons pas à grand-chose… Les jours de prises d’armes à Saïda, il est vrai, le régiment se présente dans sa tenue de tradition, chèches, burnous et sabres, et nous donnons l’image d’un monde d’avant-hier. Mais en opération, les pelotons ont une toute autre allure. Discrets et silencieux, nous nous affranchissons des pistes. « Ils passent partout et vont plus vite que nous ! » a-t-on lu dans un rapport interne de l’ALN [Armée de Libération Nationale algérienne]... »
LTN François Meyer
En fin de journée, je donne fréquemment rendez-vous à Hamza, le chef des Harkis. C’est l’heure à laquelle Janet, mon sous-officier adjoint, place les sentinelles à leur poste. Nos chevaux sont abreuvés et nourris. Nous nous tenons en haut du ksar [fortin], au-dessus des rumeurs du peloton. Immobiles, nous observons au loin les premiers feux du campement et, beaucoup plus loin, ceux des bergers. C’est le moment où le vent du soir se lève et fait tourbillonner le sable. A cette heure, je me sens loin de la guerre et d’Alger.
Février 1959, Saïda. Le 23e Spahis est passé en revue par le COL Bigeard – Collection particulière
[Au mess des officiers du 23e RS] « Ici comme ailleurs nous partirons… La France quittera l’Algérie ». Veut-il nous sonder ? En tous cas, la réflexion produit un effet profond. D’ordinaire, le soir au cours du dîner, nous parlons des affaires du jour (…) nous commentons peu les perspectives politiques. Et quand nous sortons de table, c’est pour passer au salon pour une partie de bridge (…) « La France quittera l’Algérie ! Scandaleux ! » Le Commandant Guyot quitte le salon avec indignation. Beaucoup d’indignation ! (…) Cette soirée ne ressemble plus aux normes. Resté seul avec nous, le Capitaine Gély nous fait servir un nouveau verre et nous garde longtemps. Il sait de quoi il parle. Il a servi au Tonkin dans les années 50 à la tête d’une section de Légionnaires...
Commando « Griffon ». Au premier plan le LTN François Meyer ; 4ème au centre, le SLT Gilles d'Agescy.
Les Harkis sont lucides. Ils savent que le FLN est en train de gagner des points sur le plan politique et que les négociations engagées n’annoncent rien de bon pour eux. Mais beaucoup continuent d’espérer que l’Armée ne quittera pas l’Algérie sans qu’une paix certaine soit assurée pour tous. Ils pensent même que l’Armée aidera à la reprise d’une vie normale. Et croire cela ne relève ni de la naïveté, ni de l’imagination (…) Le Général de Gaulle lui-même, avec son immense prestige, n’a-t-il pas solennellement déclaré : « Je considère l’armée française, avec sa loyauté, son honnêteté, sa discipline, comme la garantie que la parole de la France sera tenue ».
Harkis et Moghaznis de Bou Alam, assassinés le 23 avril 1962
Le 17, le maire de Bou Alam, Hadj Kaddour, six anciens Moghaznis et tous les Harkis de sa tribu sont emmenés et exécutés au lieu-dit Aïn Korima. Le 23, c’est au tour de neuf anciens supplétifs. Enlevés sous leurs tentes, ils sont sauvagement assassinés par le FLN dans le djebel Alouat. Les deux Spahis qui n’étaient pas rentrés le 12 avril étaient eux attachés, nus, promis au supplice. Mais ils arrivent à tromper la vigilance de leur gardien et à s’enfuir, profitant de la nuit. Ils gagnent ensuite un poste militaire et donnent l’alerte. Ils nous racontent que devant ses bourreaux, avant d’être exécuté, un Harki, Abid Mohamed, leur a lancé : « Il est plus facile de nous tuer aujourd’hui, maintenant que nous n’avons plus d’armes ! » Furieux, le chef FLN sort son poignard et lui coupe les lèvres avant de la mettre à mort. Le 26, six autres supplétifs sont enlevés et mitraillés près du village de Sidi Slimane.
LTN François Meyer, commando 133 Griffon
Bien qu’officiellement dissout, le Commando est envoyé à la recherche des « criminels ». Nous arrivons bien trop tard pour attraper qui que ce soit (…) Au retour, alors que nous survolons les djebels en hélicoptère, à quelques kilomètres au nord de Bou Alam nous apercevons au sol un groupe d’hommes qui nous font des signes. Nous nous posons. Ce sont les Harkis du poste d’Agneb. Ce poste est tenu depuis 1960 par une Harka importante dont la fidélité et le courage au combat sont connus de toute la région. Aujourd’hui menacés, ils demandent à partir pour la France. A mon grand regret, je ne peux les prendre à bord, nos hélicoptères sont déjà chargés au maximum. Mais je leur promets d’alerter le commandement dès mon arrivée. Lentement, ces hommes s’éloignent de nous en silence. Forte image d’un abandon qui ne peut s’oublier.
Le Djebel Dira. Collection particulière.
[Les soldats algériens de l’ALN] tournent autour de nous. Un officier vient protester sur place dès notre arrivée et réclamer la livraison des Harkis. Il est clairement éconduit. Trois jours plus tard, nous voyons enfin le « Djebel Dira » accoster. C’est bientôt l’animation de l’embarquement. Les Spahis ne sont pas peu fiers de cacher au milieu de notre groupe quelques Pieds-Noirs éperdus et menacés, qui n’ont pas pu avoir de place sur le bateau. Ils m’ont demandé mon accord.
Maintenant, c’est notre tour. Nous avançons sur la passerelle d’embarquement (…) Une section de Légionnaires arrive en chantant, impeccable, au pas.
Nous laissons derrière nous la pure lumière d’un 13 juillet à Oran. La chaleur et la brume légère vont arriver bientôt. Les eaux sales du port lèchent maintenant les flancs du bateau. Il s’écarte du quai, la terre d’Algérie s’éloigne lentement. Chez nous, c’est le silence.
***
Le Général François Meyer naît dans une honorable famille versaillaise. Saint-Cyrien, il rejoint la Cavalerie. Affecté au 23e Régiment de Spahis, il combat en Algérie de 1958 à 1962, à cheval, puis à la tête du 133e Commando de chasse harki « Griffon ». Très tôt conscient d’une indépendance inéluctable, il engage sa parole, accompagné par le SLT Gilles d’Agescy, son subordonné : ils ne quitteront pas l’Algérie sans leurs hommes. Mission accomplie, envers et contre toutes les « directives gouvernementales » mais grâce, il faut le souligner, aux Marins, en particulier les Commandos, qui facilitent l’embarquement à Oran. Parole tenue. Honneur sauf. Retrouvant Saumur, François Meyer n’aura de cesse de soutenir ses soldats musulmans et leurs familles, sauvés du massacre : aide à l’installation en Lozère avec le soutien de la famille de Lescure et du préfet, création d’une association, recherche d’emploi, lobby auprès des pouvoirs publics… Parallèlement, François Meyer poursuivra sa carrière militaire, commandant d'un régiment blindé au camp de Canjuers, dirigeant les travaux de la commission Armée-Jeunesse au cabinet du Ministre de la Défense dans les années 90.
François Meyer, alors Colonel, entouré d’anciens Harkis sur le plateau de la Roure, en Lozère, en 1991.
Article sur le Général Meyer, sur le site de l’association « A.J.I.R pour les Harkis » ici.
Avec le Général François Meyer, chez lui à Versailles
Pour une fois, nous ne citerons pas les médailles de l’auteur, aussi méritées soient-elles. En effet, un « titre », que les Harkis et leurs descendants lui ont attribué, et que nous reprenons à notre compte, éclipse les breloques : celui de « Juste parmi les justes ».
A Bou Alam, lorsque nous apprenons par la radio que 90% des Français approuvent la politique algérienne du Général de Gaulle et les accords d’Evian lors du référendum organisé en métropole seulement, le sentiment d’abandon est général.
Beaucoup (de Harkis) se retirent discrètement et rejoignent leur village d’origine (…). Malgré tout, d’autres demeurent près du poste. Certains continuent de croire en la promesse que nous leur avons faite, Gilles d’Agescy et moi-même : « Nous resterons avec vous jusqu’au dénouement », c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il leur soit effectivement proposé protection et avenir. Cette parole, nous sommes déterminés à la tenir. Et en raison de la manière dont le FLN se comporte avec eux, il s’agit de garantir la possibilité d’un transfert en France.
Je me battrai pour cela.
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ISBN : 978-2854434606 - Prix ~21€ - Format 22,5x14, 215 pages – Cahier-photo N&B
Aux éditions CLD
Le livre, écrit en collaboration avec Benoît de Sagazan et paru en 2005, est épuisé. A dénicher sur le marché de l’occasion, par exemple sur Amazon.
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Hommage
Aux Harkis et Moghaznis morts pour la France,
Aux Spahis morts pour la France,
A tous les morts pour la France dans les départements français d’Afrique du Nord,
A tous les civils assassinés.
*
« Tous ceux qui, après le 1er avril, porteront encore l’uniforme des colonialistes ou logeront près des postes militaires signeront d’eux-mêmes leur arrêt de mort ».
Message du FLN, Wilaya 5, adressé au maire de Bou Adam le 19 mars 1962.
*
« Toutes les dispositions ont été prises pour qu’il n’y ait pas de représailles »
Discours de Georges Pompidou, Premier-Ministre, à l’Assemblée Nationale le 27 avril 1962.
*
L’historien Jean-Charles Mauffret estime à 80 000 le nombre des Harkis et Moghaznis massacrés après l’indépendance.
***
Groupe Facebook "25 septembre Journée nationale des Harkis" ici.
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En direction de la ville, l’entrée de la citadelle n’est pas entourée de murs, mais seulement de grilles. Faisant face à la foule hurlante [qui fête l’indépendance], j’observe un vieux Harki, seul. C’est le vieux Dine Ben Larbi, un ancien Spahi de l’Armée d’Afrique. Il a perdu femme et enfants pendant la guerre. On lui confie encore quelques tâches ménagères.
Je m’avance derrière lui pour l’inviter à se mettre à l’abri. Il se retourne. Je vois son visage baigné de larmes. Il me dit : « Ne me regarde pas mon Lieutenant, ne regarde pas un homme qui pleure. Mais moi tu vois, tout seul, je crie encore : Vive la France ! ».
Il se retourne et, s’avançant vers la foule hurlante, crie :
« Vive la France ! Vive la France ! Vive la France ! ».
François Meyer, 7 juillet 1962, Géryville
12:56 Publié dans Algérie, Cavaliers, Harkis, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (8)
23/03/2015
Mili-reportage : Salon du livre 2015
Photos © Natachenka. Merci de nous consulter si vous souhaitez en réutiliser.
[Préambule : notre « reportage » est en mode « affectif ». Nous ne sommes ni journalistes, ni officiels. Nous pouvons nous le permettre J]
La Salon du Livre de Paris est notre premier rendez-vous officiel de l'année avec les mili-auteurs [car les rencontres suivantes se passent plutôt autour d’un verre ou d’un dîner… J]. Il lance notre année milittéraire, qui se poursuivra avec le Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan et le Salon des Ecrivains-Combattants, trois évènements que nous ne raterions pour rien au monde…
Comme les années précédentes (voir 2013 ici et 2014 là), le Ministère de la Défense a investi les lieux, fier de montrer aux visiteurs tous les talents de ses hommes et femmes, certes au top sur le terrain, mais aussi sur le papier !
Gros succès public pour le stand R11 qui réunissait Terriens, Aviateurs et Marins. Tout avait été fait par le SIRPA : beau et grand espace idéalement situé, des centaines de livres présentés, allant du récit autobiographique à la BD en passant par l’histoire et la stratégie, et cette possibilité *formidable* d’échanger avec nos soldats, tous très disponibles.
Grande muette, disait-on ?
Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’être présents, voici notre mili-reportage. [et comme à notre habitude, quelques petits messages privés aux auteurs suivent les photos…]
Avec le CBA Rémi Scarpa, 92e RI, qui présentait son tout récemment paru « Offensive éclair au Mali ».
Cela commence fort avec ce livre, superbe hommage à l’éclatante victoire de nos soldats et de nos alliés africains au Mali. Magnifiquement illustré, reprenant des témoignages de tous les héros de Serval, laissant une place importante aux logisticiens (sans Tringlots, Transmetteurs, Ripainsels… pas d’opération). Dès à présent un classique. Précipitez-vous, il est déjà presque en rupture de stock !
Chez Pierre de Taillac, éditeur engagé qu’il convient de soutenir. Disponible ici.
[Le 16 ? Formidable ! Un soldat-auteur portant *mon* béret noir ! Certes vous êtes déjà beau en TdF et bleu-cerise, mais alors, en bleu et jonquille, qu’est-ce-que cela va être…].
[Message subliminal : « Offensive éclair au Mali » est présélectionné pour le prix des cadets et nous prévenons amicalement nos amis Cyrards et Dolos que nous serons physiquement présents au Triomphe en juillet. Ce n’est pas pour influencer, n’est-ce-pas… J [on rigole]].
Avec le LCL Hubert Le Roux, ayant été en charge du recrutement des sous-officiers et hommes du rang de l'Armée de Terre, auteur avec Antoine Sabbagh de « Paroles de soldats »
Magnifique initiative ! Une « collection » de témoignages de nos soldats, déployés dans le cadre des OPEX de 1983 à 2015. Liban, Golfe, Rwanda, ex-Yougo, Afgha, Libye, Mali, RCA… Idée lumineuse du LCL de donner la parole à ceux qui n’auraient pas osé se lancer seuls dans l’aventure de l’écriture (car c'en est une). Merci pour eux et merci pour nous.
Edité par Taillandier. Disponible ici.
[Désolé mon Colonel de vous avoir monopolisé pendant la visite du CEMAT. Mais nous avons vu qu’il était revenu vers vous pour papoter…]
Avec le COL (r) Max Schavion, ancien chef de la Division Etudes, Enseignement et Recherche au sein du Service Historique de la Défense, porte-voix du CNE Manhès, combattant de la Grande-Guerre.
Certes en cette année de centenaire, il y a un « buzz » sur nos Poilus. Et c’est tant mieux ! Mais si vous ne deviez lire que quelques livres, celui-ci en ferait indéniablement partie… Nous ne pouvons être plus clairs.
Edité par Pierre de Taillac. Disponible ici.
[RdV au Triomphe, bar des Lieutenants, pour finir la conversation]
Avec Arthur Hopfner, Commando Marine, qui présentait son second opus « L’empreinte du passé » sur le stand de son éditeur Edilivre.
Avec Arthur, nous ne sommes plus dans la phase découverte mais dans l’affection pure et simple. Arthur, c’est le béret vert dans toute sa splendeur. C’est un honneur d’être considéré par ce garçon comme des amis. Mais au-delà (mettons l’affectif de côté pour revenir à la littérature), c’est un auteur brillant, conservant, et c’est un plus, toute l’humilité des « gars biens ». Profitez de vos vacances ou d’un week-end et lisez ses romans « Toujours y croire » et « L’empreinte du passé ». Vous ne le regretterez pas.
Disponible chez Edilivre ici.
Page FaceBook officielle d'Arthur ici.
[Arthur ! Siiii ! Ecris ton autobiographie ! Ton pote Marius l’a bien fait et il ne semble pas le regretter, l’arsouille…]
[Heureusement que je n’ai lu ta dédicace qu’après t’avoir quitté]
Avec Sylvain Tesson
Vous connaissez le trio ? Sylvain Tesson, écrivain, Thomas Goisque, photographe, Bertrand de Miollis, artiste. Ce sont des civils, mais de par leur histoire personnelle, familiale, affective, ils appartiennent à la belle fraternité mili. Nous avons donc profité de l’occasion pour échanger quelques mots avec Sylvain et de lui faire dédicacer « Haute-Tension – le 27e BCA en Afghanistan » et « D’ombre et de poussière » dont il est coauteur.
Nous n’en dirons pas beaucoup plus sur Sylvain si ce n'est qu'il va mieux et que nous nous en réjouissons.
Nous avons abordé "Haute Tension", coécrit avec Thomas Goisque (photos) et Bertrand de Miollis (dessins) ici et "D'ombre et de poussière" avec Thomas sus-nommé, ici.
« Entre le CEMAT et Infos des milis »
Maintenant, un petit « coup de projecteur » sur une dame, croisée par (un heureux) hasard : elle anime avec d'autres la page FaceBook « Infos des milis ». Elle est très discrète. Nous sommes avec elle sur une photo, mais elle ne souhaite pas s’afficher, préférant rester dans l’ombre [contrairement à nous, fanfarons]. C’est tout à son honneur. Et pourtant, elle fait partie de ces personnes qui s’impliquent totalement dans le soutien à nos soldats, passant des heures à animer leurs pages FaceBook. Alors voilà, nous voulons saluer officiellement ici toutes ces personnes – souvent des femmes, c’est à noter – qui se cachent derrière les pages « Infos soldats », « En soutien à nos soldats », « Soutien au 7 eme bca en afgha », « Juste pour vos yeux », « Respect et soutien à nos soldats », « Un militaire français, ça se respecte » « Militaire Actu », « Un militaire est loin de sa famille pendant qu'il veille sur la votre », « Informations - Militaire - Opex »... (Que ceux qui ne sont pas cités ne nous en veuillent pas. Vous êtes plus nombreux à soutenir haut et fort nos soldats qu’on ne le croit).
Jamais ces personnes ne recevront de médailles dans les salons du GMP ou du boulevard Saint-Germain, mais ce n’est pas si grave, car nous *savons* l’affection que leur porte nos soldats. Et cela vaut toutes les breloques.
[Domi : merci pour tout ce que tu fais, merci à toutes celles et ceux qui t'accompagnent !]
Voici en quelques mots et photos la belle journée passée ce samedi 21 mars. Ce n’est qu’un pâle résumé de ce que nous avons vécu. Il y aurait encore tant à dire… mais nous ne pouvons tout raconter. La seule chose que nous répéterons, encore et toujours : Allez au-devant des soldats ! Echangez avec eux ! Osez ! Ils sont formidables...
13:35 Publié dans Algérie, Cavaliers, Mili-Livre, Mili-Reportage | Lien permanent | Commentaires (2)
05/06/2014
« Les enfants de Sidi-Ferruch », 1CL Jean-Pierre Hutin, 3e RPC, éd. Le Spot
Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et des éditions Le Spot. Photos Jean-Pierre Hutin & SCH Marc Flament « Aucune bête au monde… », éditions de la Pensée Moderne. Droits réservés.
Nous vous supplions, proconsuls, de demeurer loin de Rome,
de chanter vos requiem de l'autre côté de la mer.
Nous ne voulons pas les entendre.
Vos morts nous gênent et votre courage nous fait peur !
Philippe Heduy, "Au lieutenant des Taglaïts".
Qui s’attendrait à ce qu’un Léopard de Bigeard fasse les choses comme les autres ? Que ce soit faire la guerre ou écrire un récit autobiographique ? Ce serait mal les connaître !
Eh bien voilà un vrai récit de Léopard : « Les enfants de Sidi-Ferruch » par le 1CL Jean-Pierre Hutin, 3e RPC. Un livre dont on a beaucoup parlé dans le microcosme de la littérature mili. Certains l'ont qualifié d'OVNI, déconcertés par son style célinien revendiqué. Et oui, il y a de quoi être dérouté, dérangé. Phrases hachées en mode rafale de PM, ponctuation trous de balles. Lecture difficile donc, si vous ne vous laissez pas porter. Et après tout, c’est votre droit. Mais il y a une chose dont nous sommes certains, c’est qu’il aurait plu à Bigeard.
Le Bruit et la Fureur, mode Para-Colo. Il fallait oser. Chapeau [casquette lézard] bas à Jean-Pierre Hutin.
Faut dire, au début, j’étais con. Je savais pas.
Sidi-Ferruch
En ce doux printemps 1958, j’étais là moi, con et tout content de l’être. A Sidi-Ferruch, petite station balnéaire noyée dans les pins, située, j’vous rencarde braves gens, près d’Alger. J’étais perdu comme ça dans les réflexions quand j’entendis la voix suave de notre nouvel adjudant qui sortait du PC de la compagnie. Il nous souhaita la bienvenue. Il ressortait de son petit accueil qu’il n’avait jamais rien vu d’aussi moche. Quoi, comment on pouvait lui parachuter des tarés pareils, consterné il était, il hurlait, des gonzesses on lui avait envoyé, d’ailleurs c’était sûrement une erreur de l’Intendance, nous à ce qu’il constatait on était sûrement les nouvelles mignonnes du Sphinx. Comment pouvait-il en être autrement, il devinait nos petites fentes à travers nos braguettes, des fentes je vous dis, comment faire la guerre avec des gonzesses ? Mais qu’est-ce qu’il avait fait au Bon Dieu pour avoir mérité des calamités telles que nous, d’ailleurs c’est simple quand les vrais soldats, eux qui en avaient des grosses comme ça - y faisait un petit geste, genre melon – nous verraient en rentrant d’OPS, y mourraient de rire, enfin ceux qui reviendraient. Les autres y z’auraient de la chance, ils verraient pas le désastreux spectacle.
4e Section, 1ère Cie du 3e RPC - Photo JP Hutin
Quelques jours plus tard, ils arrivèrent les hommes, les OPS, nous on voulait voir, de vrais soldats, pensez on bandait, nous les petits renforts, d’être comme ça aux premières loges, voir arriver la guerre (…) Le premier justement, comme ça, pas bégueule y nous salua, bonjour les bleus, ah voilà les renforts, y souriait. Pourtant on voyait bien qu’il était fatigué, je m’appelle Leroi, c’était un beau nom ça pour un soldat. A bien regarder il n’avait rien d’exceptionnel notre premier OPS. Plutôt petit, pas costaud, non un modèle standard, j’étais un peu déçu, moi forcément j’attendais une image et bêtement j’avais juste un homme exténué devant moi, d’ailleurs j’dis homme, mais y devait avoir tout carat dans les dix-neuf ans, vaguement six mois de plus que moi. Je me creusais, qu’est-ce qu’y faisait la différence entre lui et moi, j’ai mis un temps à comprendre, puis ah, ses yeux fallait voir, ils avaient un siècle. Comment c’était possible ça. Pourquoi des yeux si vieux, si âgés, dans un corps si jeune ?
On s’imagine pas le temps qu’il faut pour savoir.
3e RPC - Photo M. Flament
On est reparti brusquement, au pas de course, court, court, petit Léopard, une direction là-bas, voyez je montre du doigt, coup de feu, ça accrochait. Moi, je courais, hop hop. Vaguement inquiet déjà, mais un tout petit peu seulement. La peur la grande laide visqueuse engluante ce serait pour tout à l’heure. Je savais pas, j’allais savoir.
3e RPC au combat - Photo M. Flament
Crapahute… marche… pitonne… transpire… Bouffe du piton… de la piste… poussière… crache tes poumons Léopard… au bout de la piste là-bas… tout au loin… mais si près déjà… la première équipe voltige vient d’accrocher… une courte rafale… rran… une autre… plus longue… encore rran… tu le sais Léopard une fois de plus… la machine à faire des veuves vient de parler… cris… rafale… agonie déjà… gueulante… à droite… attention à midi… à une heure là sur toi… rafale… la grande faucheuse ricane à nouveau… à moi les petits oiseaux… venez dans le grand manteau de de la mort… Fells… Comanches…. Léopards… Apaches… Camouflés… prend tout le monde la grande Faucheuse... pas raciste… touché… maman… maman… cartonné… rapatrié par télégramme… pas de chance.
3e RPC - Photo M. Flament
Nous étions victorieux, la belle affaire ! La victoire dans ce formidable et hallucinant amas de pierres à l’infini et votre serviteur tout petit, insignifiant, au milieu de ce fatras d’éternité, tout se bousculait en moi. Plénitude d’émotions, j’étais en pleine ataraxie. Toutes ces émotions en moi semblaient m’avoir figé pour l’éternité. Mourir sur l’instant me parut une chose de raison, momifié par le vent du désert, on me retrouverait dans mille ans. Il faut bien faire vivre les archéologues. Envie de pisser. J’avais envie de pisser. Le drame de la condition humaine, c’est son enveloppe corporelle. J’aurais souhaité divaguer, philosopher à l’infini et voilà que cette putain de vessie me rappelait à mes petits devoirs matériels. N’est pas le père de Foucault qui veut. L’opération prit fin, comme toujours, sans prévenir, fini mon petit olympe personnel.
A gauche, JP Hutin
Dents de loup, John Wayne me voilà, grenade, poignard, corps souple et dur. Pas de graisse… fini le lard, envolé le gras, pas le temps, des loups Madame qu’on était j’vous le dis, tiens pour un peu madame si description vous mouillez j’irai jusqu’au loup-garou. On le grimpait vite ce piton au vu des renseignements bigo… Des fells de l’autre côté du piton y grimpent vers le haut… Vite avant eux sinon tir aux pigeons… Pensez, pas de course vite plus vite… des ailes… premier arrivé en haut y gagne, pour l’autre c’est la fin de la grande tourlouzine… Dix secondes avant eux… dix toutes petites secondes avant les fellouzes… Une éternité pour eux… A 30 mètres du compte les fells, tant pis, malheur aux vaincus. Ah melon fellouze… plein la gueule plein les dents plein les tripes… déchaînés… tue, tue, tue, enchainés à la mort on était… cent pour cent… sang pour sang… tu allais couler… pas le nôtre ce coup-là. S’en fout. Rouge quand même le sang des fells… Le grand pied, la grande partouze du sang. TUER.
3e RPC - Photo M. Flament
Rran… Rran… rafale… grenade. Cris à droite, vite, tire ! Bon Dieu, attention grenade, en avant, au paquet, tue, tue Etienne mon ami, mon frère tu cries, tu hurles, Maman, Maman, l’homme quand y sent la vie le quitter, il appelle le dernier refuge… fœtus… sa mère. Tu as morflé, merde, les tripes. Un pansement… Mon pansement individuel trop petit… dérisoire… Pisse la tripe… Moi acharné à colmater avec mon petit bout de gaze… Vite, plein de sang, éponge rouge, infirmier ! INFIRMIER ! Où est ce con de Bernard ? Voilà, voilà… Moi idiot, mon pansement déborde par la tripe qui déborde de partout, la main dans le tiède horrible de la vie, qui fout le camp. Voilà l’infirmier. Qu’est-ce que tu fous avec ton tampax usagé ? J’attends de l’eau chaude pour une infusion, connard. Faut compresser tout ça. Passe-moi 4 ou 5 pansements… Phénergan-Dolosal… Geste professionnel… Bandes. Tu crois qu’il va s’en tirer ? Peut-être… peut-être…
4e Section, 1ère Cie du 3e RPC – section de Jean-Pierre, en permission ce jour-là.
Les dieux barbares se marraient, ils riaient aux larmes, les fumiers, tu as signé Léopard, tu n’as qu’à jouir. Tu voulais être un beau camouflé, un rutilant Léopard, comme sur les affiches en couleurs. Engagez-vous rengagez-vous. Tu croyais pouvoir devenir un barbare en tout impunité, garder tes yeux pisseux, petites mirettes innocentes. Top facile Dupont… Ducon, à peine Leroi. Tu sais à présent, enfin presque. Maintenant tu commences à entrevoir, encore quelques massacres, ceux des tiens, ceux de l’ennemi et tu seras un vrai guerrier, un barbare à part entière.
Tu auras le droit de tes yeux.
Alger, 12 mai 1958
Le 12 mai 58 fût pour les Léopards le début de la grande sodomie. Un enculage sans vaseline. Brut. Même pas un petit doigt dans l’anus pour nous mettre en condition. Foutre non. Brut de brut. Le zob, la bite, le bonheur des dames, vroum, ran le paf dans le cul. Je m’égare. Je m’emporte encore et toujours. Je vous disperse. J’avais juré d’écarter la politique de mon récit. Difficile. Des souvenirs m’assaillent. Hantent mes tripes. Je me renie pour la petite Laura Dupont un peu Hernandez, abattue à la sortie d’un bal à Staouili la petite Laura. Dix-huit ans, belle, jeune, conne et innocente. Ne vous méprenez pas, ce n’était en rien ma petite amie, ce n’est pas la faute d’avoir essayé d’ailleurs. Elle ne voulait rien savoir. Moi je n’étais pas vraiment amoureux, non, c’est surtout mon petit Jésus que j’essayais de placer. Peine perdue, il était resté sur la paille mon petit Jésus. Elle était morte, cartonnée à la sortie d’un bal. Toujours la vie et ses cahots. Elle était morte avec sa vignette de garantie. Elle aurait dû avoir le droit de vivre, peut-être une vie ordinaire minable, longue et monotone, elle aurait sûrement grossi, enlaidi, les cheveux lourds et poisseux. Mais bordel c’était sa vie. La vie, personne n’avait le droit de lui prendre à cette petite conne innocente, personne, personne.
Maintenant, des années après, je suis toujours con. Mais je sais.
***
Jean-Pierre Hutin nait dans une famille marquée par le combat : ses grands-pères perdent l’un une jambe, l’autre un bras, pendant la Grande Guerre ; ses parents sont des résistants de la première heure, arrêtés par la Gestapo et déportés. Génétiquement guerrier, il devance l’appel. De 1958 à 1960, il combat en Algérie au sein du 3e Régiment de Parachutistes Coloniaux, les léopards de Bigeard. Et non, rien de rien. Non, il ne regrette rien.
Interview de Jean-Pierre Hutin.
Décoration de Micheline Hutin-Auproux, maman de Jean-Pierre.
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Prix : 15€ - ISBN 978-2-9541232-4-0 – format 14,5x21 190 pages – cahier photo n&b.
Aux éditions Le Spot
Livre disponible chez Europa Diffusion ici.
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Hommage
Aux Léopards morts pour la France,
Aux blessés.
Cette Légion d'honneur, c'est moi qui la porterai, mais ce sont mes paras qui l'ont gagnée.
Général Bigeard recevant la plaque de grand officier de la Légion d’Honneur
Retrouvailles d’anciens chez Vedel. A gauche Jean-Pierre Hutin, à droite GAL Bigeard.
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Les Léopards à Alger
Le barbare est de retour, les barbares sont là. Bientôt leur grande ombre camouflée planera sur la ville. Le haut état-major allait encore grincer des dents (…) A part mourir, pas de tradition, ces gens-là. Provocateurs en plus ! Saluent aucun gradé. Moi, Commandant Alex Dupont, moi qui ai 18 ans de carrière, moi quatre année prisonnier des boches, huit ans d’état-major en Indochine, six ans de cirrhose à Madagascar, j’ai vu de mes yeux, pas plus tard qu’hier, deux Léopards saluer un Caporal-Chef de la Légion, vous vous rendez compte, un Caporal-Chef.
Tout ça sous prétexte qu’ils mouraient ensemble, au loin, là-bas.
Jean-Pierre Hutin
20:10 Publié dans Algérie, Marsouins, Bigors, Mili-Livre, Paras | Lien permanent | Commentaires (4)
06/05/2014
« Un long oued pas si tranquille… », LTN (h) Alain-Michel Zeller, 12e BCA, éd. Fol’Fer.
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.
Ecrire et raconter, inlassablement, non pour juger mais pour expliquer. Ouvrir la porte à ceux qui cherchent une trace du passé et qui refusent le silence. Repiquer chaque matin le riz de nos souvenirs. Ne pas lâcher prise, jamais, pour celui qui est demeuré dans le bien et dont l’amour est resté là-bas, en Algérie.
CBA Hélie de Saint-Marc
Lorsque l’on évoque la Guerre d’Algérie des noms viennent immédiatement à l’esprit : Bigeard, Massu, Salan, Challe, Jouhaud, Saint-Marc, de Gaulle évidemment… et Zeller, n’est-ce-pas ?
Zeller. Général Zeller, vétéran des 1ère et 2nde guerres mondiales, l’Algérie française, la rébellion dite le putsch d’Alger, le « quarteron »… mais son prénom est André et non Alain-Michel. Alors, qui est l’auteur d’Un long oued pas si tranquille ? Son fils, appelé de la classe 59, Sous-Lieutenant au 12e BCA, blédard, traquant le fellagha à la frontière tunisienne tandis qu’à Alger et Paris le sort de l’Algérie française se nouait…
Cette situation, peu banale on en conviendra, suffit pour se précipiter sur ce livre. Et là, bonne surprise, car outre l’intérêt historique évident, « Un long oued pas si tranquille » est un récit autobiographique remarquable. Nous suivons Alain-Michel au 18e RCP pour sa formation parachutiste, à l’école de Cherchell dont il sort Aspirant, à Alger la blanche, où il flâne dans les rues de son enfance, sur la ligne Morice, où il monte des embuscades à la tête de son commando de chasse harki, ses rencontres dont celle au « trou » avec le SLT François d’Orléans, fils du comte de Paris, qui meure au combat en Kabylie quelques mois après, son incompréhension face aux évènements… et, non pas omniprésente, mais en filigrane, la figure bienveillante de son père, qui fait le choix que nous connaissons. Le tout écrit avec une classe certaine, à la fois pétillant de jeunesse, facétieux - esprit Chasseur oblige - et grave de par les évènements vécus.
Passionnant. Attachant. L’un des très beaux témoignages sur la Guerre d’Algérie.
L’engagement
Eté 58, Alain-Michel Zeller alors étudiant à l’IFP, Institut Français du Pétrole - Stage [on ne peut plus] pratique sur un chantier de forage à Coulommes. Photo de Cartier-Bresson pour Paris Match.
La situation en Algérie, après le formidable et enthousiaste mouvement du 13 mai 1958, évoluait plutôt favorablement et je me sentais confusément mal à l’aise de ne pas avoir encore participé à ce qui apparaissait comme la grande cause nationale du moment. Cette « guerre », que l’on n’appelait pas encore ainsi, durait déjà depuis plus de quatre ans. Jeune étudiant, j’avais participé à de nombreuses actions en faveur de l’Algérie française au sein d’associations militantes. La préparation militaire parachutiste était ouvertement un lieu où s’exprimait haut et fort la nécessité de garder la province Algérie à la France sans que cela n’ait eu un caractère séditieux.
Avril 59, Alain-Michel Zeller au Centre d’Instruction du 18e Régiment de Chasseurs Parachutistes, Pau.
Les dix-huit mois d’existence sévère que je venais de passer [à l’IFP], alliés à cette expérience prémilitaire antérieure [prépa militaire parachutiste], me poussaient à me porter volontaire pour les paras. Faute d’avoir suivi des chemins plus prestigieux, je choisissais cette voie en plein accord avec mon père, très pris par ses fonctions suprêmes. Je crois qu’il ressentait une certaine fierté à me voir emprunter cette filière, plutôt que de rechercher, ce qui était tout de même courant à l’époque, une affection « planquée ». De toute façon cela eût été vain car autant mon père aurait favorisé la solution que j’avais adoptée, autant il eût fait la sourde oreille (et il savait le faire !) dans la seconde hypothèse.
Juillet 1959, en partance pour l’Algérie
Le « Ville d’Oran »
Le « Ville d’Oran », doublant le château d’If et les îles du Frioul laissa derrière lui dans un sillage d’écume les rivages de la métropole. Notre contingent d’une quarantaine d’individus fût dirigé en cale, à l’avant du navire où les effets du tangage ne furent pas long à se manifester sur ceux qui n’étaient pas amarinés. Avec quelques camarades, je me souviens avoir emprunté en douce une coursive car nous avions reçu l’ordre de demeurer dans notre entrepont où croupissaient les collègues le teint blafard et le cœur au bord des lèvres… Elle nous mena sur le pont à l’arrière où se trouvaient encore une demi-douzaine de transats aussitôt investis. L’air frais allié à la houle était appréciable et sans trop nous faire remarquer, nous y passâmes une bonne partie de la journée avec nos rations et quelques canettes de bière.
Notre destin, à ce moment-là, se nouait définitivement ; les amarres avaient au propre et au figuré été larguées et nous voguions plein sud sans trop imaginer quelle existence nous attendait dans cette contrée proche et lointaine.
Juillet-décembre 59, Ecole des élèves Aspirants de Cherchell, promotion 906 « Georges Clémenceau », 13e section
Ferme de Brincourt
Ayant été abondamment « cornaquée » et mis en condition, vint le moment où notre section partit pour la première fois vivre la vie de poste à la ferme Brincourt à une dizaine de kilomètres au sud de Cherchell.
Une nuit, j’avais été placé dans un poste dit de « sonnette ». Cela consistait à se trouver en position de guet en avant des bâtiments dans un repli de terrain, entouré d’un léger réseau de cordes sur lesquelles étaient suspendues des boîtes de conserves censées donner l’alerte en cas d’intrusion.
Il était un peu plus de minuit, ciel bas, yeux qui commençaient à ciller, sollicités par le sommeil, quand un grand cri déchirant éclata dans la nuit et me glaça le sang. Pleur ou ricanement odieux, il me fallut un bon moment pour déterminer qu’elle en était l’origine. Le doigt sur la détente du Mas 36, je fouillais intensément du regard l’obscurité tout en percevant un mouvement confus. Je finis par comprendre que l’intrus n’était autre qu’un chacal qui déguerpit sous une pluie de caillasses, tout en éructant encore des glapissements stridents.
Cherchell, défilé du 11 novembre 1959, ici le peloton IMO [Instruction Militaire Obligatoire]
Le 11 novembre 1959 nous donna l’occasion de défiler en ordre serré dans les rues de Cherchell (…) J’avais imaginé une facétie dont j’avais fait part à l’ensemble de ma section (…) Il s’agissait, arrivés à la hauteur de la maison close qui se dénommait « Chez Zizi » (…) de faire sur mon commandement un « tête ! droite ! » qui était en quelque sorte l’hommage des valeureux biffins aux laborieuses hétaïres. Ce qui fut décidé fut fait et je pense que ce fut la seule fois de ma carrière militaire que je donnais un ordre aussi impeccablement exécuté !
Permission à Alger
Alger, quartier d’enfance d’Alain-Michel Zeller. De droite à gauche : angle du parc de Galland ; patte d’oie rue Edith Clavell/bd du Telemly puis hors champ à gauche : rue Blaise Pascal et chemin de La Rochelle, longeant le musée d’où la photo a été prise.
Je profitais de ces quelques heures de liberté pour aller reconnaître un quartier que j’avais habité plus de quinze ans auparavant (…) Je m’aventurai vers le parc de Galland, non loin d’une école que j’avais fréquentée en 1943 (…) Retrouver la rue Blaise-Pascal et les escaliers de La Rochelle à l’angle desquels se trouvait l’immeuble dans lequel nous avions vécu. C’est du balcon de l’appartement au sixième étage que je me rappelais avoir assisté le 8 novembre 1942 au débarquement des Américains. Le spectacle était fantastique pour un petit garçon (…) Cette forme de pèlerinage je la continuais en passant devant l’épicerie mozabite au 175 boulevard du Telemly au-dessus de laquelle habitait le Général Hartemann, ami de mes parents, brillant aviateur qui devait mourir à bord d’un B26 en Indochine (…) Je pris ensuite la rue Edith Cavell, en pente sinueuse, comme beaucoup de rues d’Alger, pour arriver à l’église du Sacré-Cœur dans la rue Michelet où j’assistai à la messe célébrée par le chanoine Garganico, déjà curé de cette paroisse dans ma prime jeunesse (…)
Ce périple me confirmait, s’il en était besoin, que cette ville était partie intégrante de cette France diverse qu’évoquait Bernanos. Oui, décidément, cette province valait la peine que l’on fit tout pour qu’elle demeure française. Il n’était pas possible dans mon esprit qu’une solution généreuse et originale, en faisant appel à notre jeunesse, à notre enthousiasme, à notre courage, ne soit pas trouvée dans l’intérêt de tous.
Aspirant puis Sous-Lieutenant au 12e Bataillon de Chasseurs Alpins
Du fait de son caractère blagueur, Alain-Michel est classé dans la seconde partie du tableau de Cherchell, ce qui l’empêche de rejoindre les paras. Il opte pour les troupes alpines et le 12e BCA, basé à Blandan, sur la ligne « Morice », frontière tunisienne.
Alain-Michel Zeller et deux camarades Chasseurs à Bône
Bizutage Chasseur
A son arrivée au quartier, le jeune Aspirant a la surprise d’être immédiatement convié à un grand déjeuner, où le chef de corps l’accueille par un déconcertant « Ah ! Z’ai l’air de quoi ? ». S’ensuit toute une série d’évènements déconcertants: aspersion de soupe par un serveur maladroit, pied sous la table d’une bien entreprenante voisine, anisette et Sidi-Brahim à gogo au son du refrain du douzième « Ah c’qu’il est con l’douzième, ah c’qu’il est con c’con là ! », trou noir total et réveil le lendemain dans un lieu inconnu, le bras plâtré !
Une « salade de galons » avait été organisée dans les grandes largeurs : Le serveur maladroit n’était autre que le chef de bataillon. Celui à qui je m’étais présenté, le prenant pour le chef de corps, était l’officier de renseignements. La charmante « allumeuse » qui ne m’avait pas du tout laissé insensible était la femme du médecin-major qui, peut-être pour me punir d’avoir été trop entreprenant à l’égard de sa femme, m’avait confectionné ce plâtre dont il me délivra peu après ! Le résultat avait dépassé ce qui était prévu mais m’avait d’emblée fait admettre dans le corps des officiers du 12.
A la tête d’un commando de Chasse harki, sur la ligne « Morice », cote 159
Juin 1960, Blockhaus du PK 919, face au réseau électrifié de la ligne Morice
Le commando s’était installé sur les contreforts d’un épaulement de terrain (…) Le « chouf » s’exerçait avec le maximum d’acuité alors que le jour s’était levé, chacun observant les règles absolues de camouflage, se répétant ou se faisant répéter par chuchotement transmis de bouche à oreille les instructions d’éventuelles ouvertures de feu. Il ne se passa pas très longtemps avant que l’un des guetteurs, placé à l’extrémité du dispositif, me fit savoir qu’il venait de détecter une colonne importante venant de Tunisie dans notre direction. Ordre fut donné de rester totalement silencieux, camouflé et de laisser entrer la colonne le plus possible dans le dispositif…
1ère Section, 3ème Cie, 12e BCA, côte 159, juin 1960
Même s’ils vivaient un peu à part pour respecter leur mode de vie et leur statut différent de celui de la « régulière », les harkis étaient pleinement intégrés à notre existence. Ils apportaient leur connaissance du terrain et du milieu humain ; leur engagement n’était pas neutre : ils avaient clairement choisi leur camp. La loyauté de ces supplétifs ne fut jamais prise en défaut et le grand malheur fit que la trahison ne vint pas de leur côté mais précisément du côté qu’ils avaient choisi par conviction et à notre demande.
Comment oublier le vieux Diabi qui ouvrant la piste en zone interdite de nuit lorsque nous tendions des embuscades, se rabattait vers moi pour me faire changer tel itinéraire ou telle halte en me disant : « Pas par-là mon Lieutenant, c’est mauvais ! Les chacals nous attendent ». Ou de façon encore plus imagée : « Pas par-là, on va se faire couper les glaouis ! ».
Alain-Michel Zeller, avril 1960, Chabet R’tem
Le froissement des branches cassées s’interrompit, de longues minutes s’écoulèrent. Rien, seulement le sang qui afflue au cerveau, le pouls qui bat un peu plus vite surtout au niveau des tempes. Ce bruit reprit de plus belle une dizaine de minutes après, aucun doute, il ne s’agissait plus de quadrupèdes (…) Il fallait prendre une décision : ne pas nous laisser « allumer » à bout portant ni laisser entailler le barbelé pour nous faire « zigouiller » par un effectif sûrement supérieur au nôtre (…) Cette obscurité totale nous mettait à égalité mais nous avions l’avantage d’être relativement à couvert et de pouvoir prendre l’initiative du déclenchement des hostilités. Ce que je fis d’ailleurs en ordonnant feu à volonté.
La ligne Morice dans la région de Bône
Permission à Paris
Ma permission correspondit avec les fêtes de fin d’année et se retrouver à Paris dans le grouillement affairé de ces derniers jours de 1960 me procura une curieuse sensation. Malgré la joie de retrouver ma famille, mes amis, je comprenais que la France n’était plus sur la même longueur d’ondes que ses départements d’Algérie. Alors que tout m’incitait à profiter de ce temps de détente, de trêve, de retrouvailles, mon esprit retournait vers mon piton et mes hommes.
C’est ainsi qu’à l’un des offices auquel j’assistai à l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, paroisse fréquentée par une assemblée surtout bourgeoise, le prêtre dans son homélie se transforma en chantre de l’antimilitarisme et de l’objection de conscience. Une soudaine fureur me saisit, je me levai et sortis furibard non sans, dans ma précipitation, renverser quelques prie-Dieu, provoquant un certain émoi parmi les bien-pensants.
Raccompagné par mon père, je reprenais une Caravelle pour Bône. Je sentis chez lui une certaine émotion qu’il ne voulait surtout pas montrer. Je pense qu’étaient mêlés deux sentiments très forts, celui de me voir repartir vers un destin inconnu et peut-être fatal, mais aussi celui de son propre destin qui le pousserait quelques semaines plus tard à accomplir une fois encore son devoir.
La rébellion
Les généraux André Zeller, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et Maurice Challe, Alger, 23 avril 1961.
Samedi 22 avril 8:30, Communiqué de France 5 : « Les généraux Challe, Jouhaud, Zeller ont pris le pouvoir à Alger avec le concours du 1er REP, d’autres régiments parachutistes : les 14e et 18e RCP, les Commandos de l’Air, le 1er Régiment Etranger de Cavalerie, le 29e Régiment de Dragons ».
Devant l’accélération des événements, le chef de corps du 12e BCA me convoqua et, très neutre dans ses analyses de la situation, m’ordonna de partir avec le commando pour une opération de ratissage et chouf autour du Kef Salah et d’Aïne Bouzwili. Manifestement, cette sortie avait pour but de me mettre en dehors du coup.
Mercredi 26 avril. J’apprends avec abattement et démoralisation totale, alors que je suis rentré tard la veille de mon périple « ratisseur », que tout est fini à Alger.
C’est vraiment avec des rangers de plomb que je repars en embuscade aux abords de Blandan. Le moral n’y est vraiment plus.
Le moral n’y est plus et le cœur non plus. Alain-Michel propose sa démission des commandos de chasse, acceptée par le chef de corps, resté très couleur de muraille pendant les évènements d’Alger et sans doute soulagé de se « débarrasser » d’un élément « devenu gênant ». Pour les quelques semaines de service qui lui restent, le SLT Zeller est « promu » inspecteur en chef des postes de Bouglès et El Bahim, petit bordjs censés protéger la captation des eaux destinées à alimenter la ville de Bône.
Incarcération du GAL Zeller à la prison de la Santé
Vidéo ici.
Je reçus une lettre de mon père datée du 28 mai, veille de l’ouverture de son procès, écrite de la prison de la Santé. Elle était empreinte d’une rare élévation. Préparé à affronter la peine capitale il me disait que la paix de l’âme était son meilleur soutien et qu’il l’avait entièrement acquise. Il me confiait « aborder l’obstacle avec calme et confiance, ne se sentant rien à se reprocher, son seul souci étant de couvrir ceux qui bravement avaient partagé un idéal commun ». Il ajoutait quelques conseils me recommandant malgré les moments durs que je pourrais traverser de me fixer une ligne de conduite et de m’y tenir : « Les petitesses de ce monde ne sont rien lorsque l’on reste soi-même ».
Le 15 juin 1961, après 28 mois de service, Alain-Michel Zeller embarque à Bône sur le « Ville de Marseille ».
Au loin disparait l’Algérie française, à jamais.
photo © Rue des Archives
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Alain-Michel Zeller nait en 1937 à Lyon dans une vieille famille aux racines alsaciennes, très honorablement connue. Fils du Général André Zeller, combattant de 14-18 et 39-45, neveu du gouverneur militaire de Paris dont le fils, le LTN Jacques Zeller, est tué en 1950 en Cochinchine, ce n’est pourtant pas vers la carrière militaire qu’Alain-Michel s’oriente. Il rejoint l’Institut Français du Pétrole ou il est formé au rude métier de foreur pétrolier. Très engagé dans la cause de l’Algérie française, après une préparation militaire parachutiste, il devance l’appel en 1959 (Classe 59/1A) et rejoint successivement le Centre d’Instruction du 18e RCP, le peloton EOR de la Base Ecole des Troupes Aéroportées (BETAP) de Pau et l’Ecole des Elèves Aspirants de Cherchell. Il est affecté au 12e BCA à Blandan, sur la ligne « Morice ». Aspirant puis Sous-Lieutenant, il est à la tête de commandos de chasse harkis, traquant les fellaghas tentant de traverser la frontière tunisienne. Il vit la rébellion des Généraux d’avril 1961 à Alger, dans laquelle on connaît la part importante prise par son père, entre oreille collée au transistor et mission sur le terrain, volonté d’éloignement de sa hiérarchie. Quelques semaines après l’échec du « putsch », il quitte l’Algérie, son temps de service terminé (28 mois). Il poursuit dès lors une brillante carrière civile dans le transport international.
André-Michel Zeller est marié, père de 6 enfants et grand-père de nombreux petits enfants. Homme de conviction mais aussi plein d’humour, il est fier de deux distinctions spécifiques : vice-consul de Patagonie et chevalier du Tastevin.
Site des anciens de l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell ici.
Site de la Fédération Nationale des Amicales des Chasseurs ici.
Déjeuner avec Alain Zeller
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Prix : 20 € - ISBN 978-2-9527663-0-2 – Format 14x20 - 234 pages – cahier photo
Aux éditions Atelier Fol’Fer
Disponible ici.
Alain-Michel Zeller reçoit le Prix Algérianiste 2008, distinction Prix Témoignage, pour « Un long oued pas si tranquille »
Pour en savoir plus sur le GAL André Zeller, père d’Alain-Michel.
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Hommage
Aux Chasseurs alpins du 12e et Chasseurs-Parachutistes du 18e morts pour la France en Algérie,
Aux élèves officiers et sous-officiers de Cherchell morts pour la France,
A tous les soldats français, des deux rives de la Méditerranée, morts pour la France,
Aux Harkis,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc
Alain-Michel Zeller, mars 1960, Cote 159
Peut-être estimes-tu que tes vieux copains, moi du moins, s’associent à la colère publique et déversent autour de ton nom des torrents de hargne et de haine ? Tu te tromperais grandement. Chapeau très bas à ton paternel ! A mon avis « cette révolution d’Alger » a été montée par tout ce qu’il restait de noble et beau dans la nation. Si elle n’a pas été suivie, c’est la confirmation pure et simple du fait que notre nation se barre en couille !
Lettre de François de Rauglaudre, camarade d’Alain-Michel Zeller au 18e RCP.
Sainte-Jeanne, donnez-nous une aventure à la mesure de la France, comme celle que vous nous avez donnée à l’époque de la guerre d’Algérie et que nous n’avons pas su apprécier. Faites que nous courrions des dangers, que la vie devienne exaltante et dure, que nous oubliions nos comptes en banque, nos livrets de compte d’épargne, nos chaînes hi-fi, nos vacances, notre bougeotte, nos coucheries, nos barbituriques, nos prud’hommes, nos normes européennes, notre train-train plan-plan et revenez, alors, revenez Sainte Jeanne, brandir votre étendard et vous mettre à la tête de ceux qui vous suivront.
Il y en aura, Sainte Jeanne, il y en aura peut-être plus que nous ne pensons.
Vladimir Volkoff, prière à Jeanne d’Arc.
19:18 Publié dans Algérie, Chasseurs, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (7)
10/03/2014
« De l’Algérie à l’Afghanistan – Après Tazalt, avons-nous pacifié Tagab ? », LCL Bernard Gaillot, 13e BCA. Ed. Nuvis
Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Illustrations : montage de photos d’Algérie (© leurs auteurs) et d’Afghanistan, ces dernières issues de la collection de l’auteur. Tous droits réservés.
« Pacifier et occuper fortement le territoire par la méthode de la tâche d’huile. Combiner l’action politique et militaire pour prendre possession du pays. Entrer sans délai en contact intime avec les populations. Connaître leur tendance, leur état d’esprit et satisfaire leur besoin pour les attacher, par la persuasion, aux institutions nouvelles »
Le Général Gallieni à ses troupes à Madagascar, 1896-1905
Le « Bledard » de 1959 et « l’Afghaner » de 2009 ont-ils eu le sentiment d’écrire l’histoire ? On peut en douter : bien « d’autres chats à fouetter » alors qu’ils étaient au contact sur le terrain. Ou alors, peut-être une impression fugace dans le bateau, en voyant s’éloigner Alger la blanche ? Dans l’hélicoptère en jetant un dernier regard vers Tagab ?
Et pourtant, l’histoire sans guerriers gaulois, cavaliers francs, preux chevaliers, grognards, poilus, résistants, est un non-sens, n’est-ce-pas ?
Vous nous savez très attachés aux récits autobiographiques et autres journaux de marche. Mais en hommage à ces hommes qui ont fait, font et feront l’histoire, ouvrons aujourd’hui nos colonnes à un livre original mais particulièrement pertinent qui mêle histoire justement, stratégie et action : « De l’Algérie à l’Afghanistan – Après Tazalt, avons-nous pacifié Tagab ? », du LCL Bernard Gaillot. Un parallèle entre deux guerres qui a le mérite de nous faire « prendre de la hauteur » en abordant des thèmes dont nous avons beaucoup entendu parler : « pacification », « conquête des cœurs et des esprits »... Mais attention, si le LCL Gaillot est bel et bien un historien diplômé, c’est avant tout un soldat, homme de terrain, officier renseignement au sein du GTIA « Black Rock » de novembre 2009 à juin 2010, alors qu’il était Chef de Bataillon au 13e BCA.
Résumer un tel livre est illusoire, puisqu’il aborde en profondeur de nombreux aspects des deux guerres. Nous nous contenterons donc de quelques extraits, pouvant s’apparenter à des conclusions thématiques.
Les « Afghaners » sur les traces des « Bledards »
La population française n’a pas bien compris quels étaient les intérêts pour le pays de s’engager dans cette campagne afghane. Contrairement à l’Algérie, la France n’avait pas de lien historique fort avec l’Afghanistan (…) pays très éloigné de la France, avec lequel les échanges économiques demeuraient faibles, dont la population ne parlait pas français et demeurait fortement marquée religieusement et culturellement par l’Islam. De même il n’existait pas dans ce pays de diaspora française (un million d’Occidentaux vivaient en Algérie au début de la guerre) qui aurait eu intérêt à ce que le pays se stabilise. Enfin la menace représentée par les Talibans ne semblait pas aussi directe pour les Français que celle que représentait le FLN en Algérie.
IED en Algérie et Afghanistan (photo de gauche R. Crespel © La Voix du Nord)
Tout un chacun en âge de servir sous les drapeaux peut être envoyé pacifier l’Algérie. La population française en sera d’autant plus touchée que le nombre des soldats projetés augmentera de manière exponentielle [atteignant] 450 000 fin 1957 alors que le service militaire passait à 27 mois […] Le 18 mai 1956 à Palestro, des combattants de l’ALN [Armée de Libération Nationale algérienne] ont massacré 19 appelés tombés dans une embuscade. Les images du massacre furent largement diffusées et provoquèrent un véritable choc parmi cette population métropolitaine qui prenait conscience de l’horreur de cette guerre, mais aussi du fait que leurs proches pouvaient mourir de la sorte. [En Afghanistan] le pourcentage de soldats projetés par rapport à la population française totale (4000 pour 65 millions) est resté assez faible. Qui plus est, l’armée est maintenant professionnalisée et beaucoup [trop, ndlr] de Français considèrent que « ça fait partie des risques du métier que d’être blessé ou tué à la guerre… ». Le 18 août 2008, dans la vallée d'Uzbeen, des Talibans ont massacré 10 engagés tombés dans une embuscade. Les Français prennent alors conscience que si leur pays ne fait pas la guerre contre les Afghans, leurs soldats sont amenés à remplir des missions de guerre complexes et dangereuses.
A gauche photo © M. Flament - A droite : l’auteur avant un vol Nijrab-Tagab
En dehors de quelques manifestations de sympathie lors des événements tragiques qui ont contribué à faire prendre conscience à tous que les soldats français étaient particulièrement exposés en Afghanistan, l’armée française n’a pas senti d’engouement ou même de soutien particulier pendant cette campagne de pacification. Contrairement au « Bledard » soutenu par la majorité des Français parce qu’il œuvrait directement pour la sécurité et les intérêts du pays, « l'Afghaner » menait sa mission en Afghanistan dans la quasi indifférence que quelques manifestations ponctuelles de sympathie venaient rompre.
Artillerie 1959 vs 2009
L’armée en Algérie avait des raisons toutes particulières de s’engager avec détermination dans le conflit. Venger l’affront des défaites récentes [Campagne de 40 et Indochine], retrouver son honneur après avoir le sentiment de l’avoir perdu en abandonnant les Indochinois, prouver à la population française qu’elle était capable de mener à bien les missions confiées par la nation. En Afghanistan l’armée n’était pas mue par de tels ressentiments, elle avait pour objectif beaucoup plus commun pour l'institution militaire de remplir avec professionnalisme et courage les missions complexes et dangereuses qui lui étaient confiées.
En Algérie, la France combattait seule, avait déployé des moyens considérables pour parvenir à ses fins (…). En Afghanistan, [elle agissait] au sein d’une coalition otanienne largement dominée par les Américains qui imposaient outre leur effectif bien supérieur à celui de la somme toutes les nations formant la coalition, leur commandement mais aussi leur langue et leurs choix stratégiques. L’armée française n’a donc que rarement pu opter pour ses propres choix stratégiques alors qu’elle aurait pu s’appuyer sur sa grande expérience acquise lors des campagnes de pacification qui jalonnent son histoire. C'est après sept ans d'engagement en Afghanistan que les Américains se sont reportés aux enseignements tirés de la guerre d'Algérie par des officiers français tels que Galula ou Trinquier pour changer de stratégie et s'engager progressivement vers une approche plus centrée sur les populations.
A droite : inspection du GTIA à Tagab par le CEMA de l’époque, le général Georgelin (préface du livre)
En octroyant les pleins pouvoirs politiques au Général Massu pendant la campagne d’Alger, le gouvernement donnait un signal fort de sa volonté de totalement impliquer l’armée dans l’œuvre de pacification algérienne (…). Il n’en a pas été de même en Afghanistan où l’armée avait un rôle politique plus limité : soutenir les institutions politiques locales.
A gauche : SAS en Algérie ; à droite : distribution de stylos par les SEO en Afghanistan
En Algérie, les soldats ne se sont pas limités à combattre les fellaghas (…) Le pouvoir politique leur a demandé de s’impliquer beaucoup plus humainement afin de parvenir à reconquérir les esprits et surtout les cœurs des Algériens en remplissant des tâches multiples qui étaient bien éloignées de leur mission première : combattre (…) En Afghanistan aussi, la mission du GTIA et donc par extension du soldat français comportait un volet humain important qui devait participer à convaincre la population locale de choisir la paix proposée par leur gouvernement en menant principalement des opérations d'influence (contact avec la population, reconstruction du pays) (…) Ainsi, imitant les « Bledards algériens », les soldats en Afghanistan se transformèrent à leur manière en bâtisseurs, agriculteurs, conseillers pour la reconstruction, réconciliateurs, médecins pour la population, instructeurs de l’armée ou des policiers afghans et diffuseur des messages de la coalition.
A gauche : Bledards, photo Y-G Berges, © ECPAD. A droite : Chasseurs au contact
En Afghanistan comme en Algérie, les soldats français ont mené des opérations militaires de petite, moyenne ou de grande envergure, visant à prendre l’initiative sur les insurgés dans des zones difficiles d’accès et à les faire renoncer de commettre leurs exactions contre la population ou contre les soldats français. Ces démonstrations de force étaient régulièrement couronnées de succès et outre la déstabilisation des insurgés, elles provoquaient aussi un changement d’attitude de la population, sensible à la victoire du plus fort.
Contrôle des populations. Photo de gauche © IMA
La population locale constitue le centre de gravité de toute campagne de pacification. Ainsi, que ce soit en Algérie ou en Afghanistan, la mission première des pacificateurs était de conquérir la confiance de la population autochtone pour la faire adhérer à l’Algérie française ou au gouvernement légal de l'Afghanistan et à ses représentants dans les vallées. Si en Algérie, les soldats français, de par leur investissement et les liens historiques qui rapprochaient les Algériens à leur pays la France (l'Algérie représentait trois départements français), ont parfaitement réussi à isoler les fellaghas en ramenant une très grande majorité de la population dans le giron français, en Afghanistan, cette tâche était beaucoup moins aisée (…) La population de la Kapisa ou de la Surobi n’avait aucun a priori favorable pour les Français qui étaient présentés par les insurgés comme des infidèles puisque chrétiens et comme des occupants puisque, après les Perses, les Anglais ou les Russes, ils occupaient le pays et imposaient leur vision des choses.
A gauche : Saïdaen 1959, © Claude Sabourin ; à droite : l’EM de Black Rock lors d’un rare moment de détente, après la passation des consignes au 21° RIMA – 1er à partir de la gauche : l’auteur.
La guerre d’Algérie a profondément marqué dans la durée l’Armée française qui en est ressortie certes aguerrie et modernisée mais aussi profondément meurtrie et divisée. La campagne en Afghanistan a contribué à faire progresser une armée qui a pu expérimenter et faire progresser ses matériels les plus modernes, a pu redécouvrir les valeurs du combat interarmes voire interarmées ou interalliés, a pu prouver que ses chefs et ses soldats restaient réactifs et valeureux au combat, comme l’ont été leurs grands anciens.
6e BCA en Kabylie © ECPAD. CNE Thomas et le SGTIA Raven à Tagab en Kapisa
Algérie, épilogue complexe
Le 19 mars 1962, les accords d’Evian octroient l’indépendance à l’Algérie.
Il faut penser à l’amertume des soldats qui, obéissant à des gouvernements successifs, ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Cadres d’active et militaires du contingent se sont donnés entièrement dans ces missions de guerre et de pacification (…) Pour ma part, comme je l’avais dit en rentrant d’Extrême-Orient pour qualifier ce que je venais de vivre en Indochine, une fois de plus sur le bateau qui me ramenait vers la France avec le 15e BCA et voyant disparaître peu à peu la cité blanche d’Alger, à nos officiers aux yeux embués de larmes, j’ai dit : « Quel gâchis. ».
Le COL Desroche aux membres de l’Association des Anciens Combattants d’AFN, Chambéry, 11.3.2009
Évoquer l’œuvre de pacification entreprise en Kabylie représente une tâche douloureuse (…) Mais tous ceux que je rencontre encore aujourd’hui ont gardé un sentiment d’enthousiasme et de fierté qui n’a pas été altéré par le cours de l’histoire (…) Nous nous rappelons en effet que cette œuvre de pacification réussie avait été rendue possible grâce à l’adhésion totale des cadres et des hommes, engagés et appelés, chacun ayant eu à cœur d’apporter sa pierre à l’édifice.
GAL Vouillemin, commandant d’unité de la 2e Cie du 7e BCA, 1958-1961
« Monsieur le président, j’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan. J’ai choisi la discipline, j’ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la nation française, la honte de l’abandon. Celui et ceux qui n’ont pu supporter cette honte se sont révoltés contre elle. L’Histoire dira peut-être que leur crime fut moins grand que le nôtre ».
Général de Pouilly déposant au procès du Général Salan.
Chasseurs en Algérie et Afghanistan : contact établi avec la jeunesse
Afghanistan, épilogue ?
Les soldats en Afghanistan ont rempli la mission qui leur était confiée et ont grandement participé à ce que la France reparte la tête haute de cette campagne de pacification complexe et dangereuse. Ils ont été les acteurs de la mission réussie d’une armée française, qui est parvenue en Kapisa et en Surobi, non pas à neutraliser tous les insurgés, ce qui n’était pas leur mission, mais à les cloisonner, à redonner une part de liberté à la population et à permettre aux institutions locales, et en particulier à l’armée et à la police afghanes, de gagner en efficacité et en autonomie. Le dernier mot reviendra néanmoins à la population locale, qui choisira plus librement qu'elle pouvait le faire avant le début du conflit le parti du pacificateur ou celui de ceux qui s'y opposaient. A terme, la solution en Afghanistan demeurera afghane.
LCL Bernard Gaillot
* * *
Issu de l’EMIA (promotion Schaffar 95-97), le LCL Bernard Gaillot a passé l’essentiel de sa carrière dans les troupes alpines. En 2006-2009, il commande une Cie de l’ESM de Saint-Cyr (promotion Segrétain 2006-2009). Réintégrant le 13e BCA en 2009, il est déployé en Afghanistan, comme officier renseignement au sein du GTIA « Black Rock » de novembre 2009 à juin 2010. Parallèlement, le LCL Gaillot se passionne pour la guerre d’Algérie et en devient l’un des spécialistes, en faisant le sujet de son mémoire de DEA, qu’il soutient à la Sorbonne en 1997.
Le LCL Gaillot est désormais rattaché à l’état-major de l’OTAN à Mons. Il intervient ponctuellement dans le cadre de conférences sur son livre, en ouvrant sur les enseignements qu'il tire de cette comparaison originale entre les deux conflits, mais aussi sur les leçons apprises en Afghanistan sur le commandement des hommes en situation extrême, qu'il compare au management en situation de crise dans les entreprises.
Il s’appuie aussi sur son expérience de chef au combat et d'instructeur à Saint-Cyr pour prodiguer des formations au management à des équipes dirigeantes d'entreprise ou à des étudiants de grandes écoles, dans le cadre du nouveau partenariat entre le fond de dotation Saint-Cyr Formation Continue (SCYFCO) et le Ministère de la Défense.
Bernard est marié et fier papa de 6 enfants.
L’auteur (à droite) intervenant dans un stage SCYFCO : une armée qui s'ouvre en partageant son expérience du management en situation de crise aux dirigeants d’entreprise.
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Le Groupement Tactique Interarmes « Black Rock », déployé en 2009-2010 en Kapisa, commandé par le Colonel Vincent Pons, chef de corps du 13e BCA, était composé principalement de 550 Chasseurs alpins du 13, 60 artilleurs de montagne du 93e RAM, 70 cavaliers de cimes du 4e RCh, 70 sapeurs Légionnaires du 2e REG ainsi que 150 Gendarmes de Saint-Quentin.
« Sans peur et sans reproche »
Devise du 13e BCA et du GTIA Black Rock
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Prix : 25,65 € (éditeur) - ISBN 978-2-36367-055 –Format 23,8 x 15,4 - 236 pages
Aux éditions Nuvis - Livre disponible ici
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Hommage
Monument aux morts du 13e BCA, inauguré en 2013
Au Major Franck Bouzet, 13e BCA, mort pour la France en Afghanistan,
A l’Adjudant-Chef Laurent Pican, 13e BCA, mort pour la France en Afghanistan,
Au Caporal Enguerrand Libaert, 13e BCA, GTIA Black Rock, mort pour la France en Afghanistan,
Le MAJ Bouzet et l’ADC Pican étaient respectivement l’adjoint et le radio du LCL Gaillot à la section URH 13e BCA entre 1999 et 2002.
A tous les Bledards morts pour la France,
A tous les Afghaners morts pour la France,
Aux blessés.
« Il offre sa poitrine à son destin glorieux,
Il présente au soleil son haut front lumineux,
Et le vent en rafale a balayé ses yeux,
Les tirs ont ricoché sur son cœur généreux.
Un soldat est tombé, illuminant les cieux,
Et offrant à l’air pur son sourire radieux,
Recouvrant son regard d’un voile ténébreux,
Il est mort au combat mais il était heureux. »
Poème de Mme Sylviane Pons, épouse du chef de corps du 13e BCA, en hommage à Enguerrand Libaert
Le LCL Bernard Gaillot et le COL Vincent Pons arborant le drapeau savoyard au-dessus de Tagab
En 1959, les "Bledards" avaient vaincu militairement l’ALN et vaincu politiquement le FLN. On peut donc se poser légitimement les questions suivantes : comment cette double victoire tactique de l’armée n’a-t-elle pu être transformée en victoire stratégique et diplomatique ? Comment une armée victorieuse peut-elle réagir si elle est dépossédée de sa victoire par le pouvoir politique qui analyse différemment la situation ?
LCL Bernard Gaillot
Les insurgés arrivent à gagner des guerres en perdant des batailles. Dans ces conditions, la défaite du vainqueur est possible.
Sylvain Tesson, « Haute Tension - Des Chasseurs Alpins en Afghanistan »
19:38 Publié dans Afghanistan, Algérie, Chasseurs, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
24/11/2013
« Récits d’un homme de guerre », Michel Delcayre, 1er RIC, Bataillon de Corée, GM100, 6e RTS, 5e RIAOM, 23e RIMa , 2e RIMa, 1er RIMa. Editions des Cimes
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Tous droits réservés.
La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit. Un effort de la volonté, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années. On devient vieux parce qu’on a déserté un idéal.
Les années rident la peau, renoncer à la jeunesse ride l’âme.
Les préoccupations, les doutes, les craintes et désespoirs sont les ennemis qui lentement nous font pencher vers la terre, et devenir poussière avant la mort.
Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : et après ? Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.
Si un jour notre corps allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de notre âme de vieillard.
« La jeunesse », Général McArthur.
« J’aime le métier des armes. J’aime l’odeur de la poudre et entendre le fracas des armes, des batailles.
Je suis un homme de guerre. »
Michel Delcayre
Nous recevons régulièrement des messages d’auteurs nous présentant leur livre nouvellement paru. Nous en sommes toujours heureux et flattés. Notre première démarche, alors, est de nous renseigner sur l’ouvrage, la personne, le sujet traité. L’auteur est-il militaire, journaliste ? S’agit-il d’un récit biographique, d’un roman, d’un sujet historique ?
Lorsque j’ai ouvert le mail du fils de Michel Delcayre, titré « Récits d’un homme de guerre », des mots m’ont immédiatement sauté au visage : mon père Marsouin… vétéran d’Indochine… Bataillon de Corée… Algérie… Sympathisant OAS… Je ne sais si cela vous intéresse…
Réponse "au pas Chasseur", dans les 2 secondes donc : « Et comment ! »
Ainsi a débuté une nouvelle belle rencontre, des échanges humains sympathiques, et par-dessus tout l’impression d’avoir touché du doigt, au travers d’un homme, l’histoire de l’armée française, dans sa grandeur, mais aussi dans la tristesse du crépuscule d’un empire.
Michel Delcayre, un morceau d’histoire. Rien de moins que cela.
1949-1950, 1er RIC, Indochine
1951, Indochine, poste de Tenja – Michel en haut à droite, cigarette et képi.
Le 17 octobre 1950, alors qu’aucun renseignement tangible ne laisse penser qu’un danger plane sur la ville, le Colonel fait évacuer Lang Son. L’affolement est tel que, pour ne pas éveiller les soupçons de l’ennemi, le Colonel donne l’ordre de n’effectuer aucune destruction des stocks jusqu’à l’évacuation complète de la ville. On a donc quitté la haute région par Lang Son. On a suivi les ordres en évacuant en catastrophe, alors qu’il n’y avait pas lieu. On s’est tiré comme des poltrons. Le Colonel, sous Napoléon, aurait été fusillé. (…)
Pourquoi avoir lâché Lang Son ? Contrairement à Cao Bang, Lang Son n’était pas encerclé, à ma connaissance de 2e Classe, à l’époque.
C’est maintenant que je réfléchis à tout ça. Quand on est 2e Classe, avec les supplétifs [troupes indochinoises], « Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir ». Mais j’ai désobéi après, parce que j’ai compris.
1950-1953, Bataillon français de l'ONU en Corée, 23rd Regiment, 2nd Infantry Division "Indian Head"
1954, départ de Michel en Corée, sur « La Marseillaise »
Nous avons repris le bateau pour débarquer dans le port de Pusan, le 9 mars 1953. J’ai fêté mes 22 ans sur un navire de guerre américain. Nous prîmes le train, direction Séoul. Notre bataillon était en ligne depuis quelques 3 semaines. Il faisait entre -25 et -30°C. La guerre de mouvement était terminée. Nous étions en position dans les tranchées humides et froides, décor de tout mon séjour en Corée. Après 2 ou 3 semaines en première ligne, où il fallait casser la glace pour se laver la figure, en négligeant un peu le reste, on descendait en deuxième ligne, où on pouvait prendre une douche.
1953-1954, GM100, Indochine
1954, Indochine, Michel à droite avec deux camarades du GM100
Nous nous sommes retrouvés à Pleiku où opérait un régiment de montagnards, quelques pièces d’artillerie et deux ou trois avions. A quelques kilomètres de là, des plantations de théiers, toujours en exploitation. Une plantation de thé représente un des lieux les plus détestables pour mener un combat organisé. Les arbustes touffus arrivent pour la plupart à hauteur de poitrine d’un homme de taille moyenne. Il était de notoriété publique, les planteurs eux-mêmes le reconnaissaient à demi-mot, que les viets transitaient au travers de théiers pendant la nuit pour déplacer leurs unités ou transporter leur matériel et leur nourriture. Menant une opération, sur renseignement, nous sommes tombés sur deux compagnies Vietminh. Les combats ont été durs, nous avons eu quelques morts et plusieurs blessés. Les viets ont détalé, repoussés par la vigueur de notre unité. L’ennemi essuie au passage un sacré revers, laissant sur le terrain une soixantaine de morts.
Le GM100 reçoit l’ordre de rejoindre la bretelle de Pleirin le 19 mars en détachement armé, vers la région de Do Dak Bot au Tonkin (…) Les viets sont beaucoup plus nombreux que nous. Le rapport de forces est de 3 contre 1. Au cours de l’attaque du bivouac, le capitaine est tué. Il est remplacé par un Caporal-Chef… je me retrouve chef de section (…) Notre compagnie ou ce qu’il en reste se bat avec bravoure ; je suis au fusil-mitrailleur, déblayant tout devant moi. Je crible les fourrés autant que je peux. J’abats les tireurs embusqués qui viennent aussi de derrière.
Embuscade du PK15, 24 juin 1954. Tout le convoi de véhicules, chars, artillerie, est tombé dans une grosse embuscade. L’état-major du GM100 est anéanti (…) près de 1000 morts ou disparus en 3 heures de combat (…) Dans la nuit, nous, 1er bataillon, avons évacué An Khé en évitant la route, en la débordant par la jungle tout autour. Les viets étaient partout.
1955-1957, 6e RTS, Maroc, Algérie
1955, le 6e RTS au Maroc, Michel au 1er rang, 1er à gauche de la photo
Nous traversons le Moyen-Atlas pour chasser les fellouzes Oulmes sur les pistes. De Mécheria, nous faisons les ouvertures de route. Sergent, je commande un peloton de half-track (…) Nous pointons en direction du sud, vers Aïn Sefra sur la frontière maroco-algérienne. Cette frontière n’en a que le nom. Pas de mur ni de piquet. Du sable, toujours du sable. Nous protégeons la zone des infiltrations du FLN sur des centaines de kilomètres (…) Constamment sur la brèche, à pied à la recherche des fellouzes, nous montons de belles embuscades.
1958-1960, 5e RIAOM, AOF, AEF (Mali, Cameroun)
Michel en 1960, au Cameroun
Nous étions, quelque part, des mercenaires à la solde de la république de Douala (Cameroun). Nous combattions les Bamilékés qui avaient soif d’indépendance. Chez eux, le plan n’existait pas ! Ces mecs-là, bille en tête, fonçaient voir le grand marabout. Les cerveaux envoûtés de palabres nauséabondes : pas de problème, les balles, forcément, ricocheraient sur eux. Avant l’assaut ils ne se gonflaient pas à l’opium mais au vin de palme. Ce breuvage les mettait dans un état de folie pure. La mort ils ne l’envisageaient même pas. Armés de sagaies et de coupe-coupes, ils partaient par centaines au baroud. Ces grappes humaines venaient tomber sous les balles de nos mitrailleurs AA52. C’est triste à dire, mais c’était eux ou nous.
1961-1963 – 23e RIMa, OAS, Algérie
1961-62, Algérie, Michel alors au Commando Capdeville, avec le LTN Poupineau
Le cessez-le-feu approchant, nous avons quitté Affreville. Le Commando Capdeville a été regroupé, puis dirigé vers Alger pour la sécuriser. On appelait ça « Intervention Chicago ». Ça voulait dire que dès qu’il y avait un attentat, nous établissions partout des barrages pour tâcher d’intercepter les « malfaiteurs », nos camarades de l’OAS. Que nous aidions à filer au lieu de les arrêter. S’il s’agissait de terroristes fellaghas, nous avions le remède tout prêt. (…) On voyait bien que c’était la fin des haricots. De Gaulle avait déjà trahi la France, vendu l’Algérie aux felles. Moi, j’étais encore à fond avec l’O.A.S. D’abord, j’étais dégouté depuis l’Indochine, depuis qu’on avait abandonné les Thau, les Nung, tous massacrés par les communistes. Et en Algérie, rebelote ! On laisse tomber les harkis, leurs familles…
1963-1964, 2e RIMa, camp d’Auvours
1964, Michel lors d’une manœuvre de débarquement à Quiberon
A Auvours, le fossé entre engagés et une minorité d’appelés devenait béant. Ces derniers, jouant les « pauvres victimes » de nos « mauvais traitements », faisaient marcher leurs relations, appelant à l’aide leur papa ou un tonton haut placé, sortant leur plus belle plume pour se plaindre au ‘pitaine, voire plus haut (…) Travailler dans ces conditions m’insupportait au plus haut point.
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Dans le cœur de Michel, quelque-chose s’est brisé. Ce n’est pas un homme de compromis - on l’aura compris - il quitte donc l’armée en 1965. Un temps tenté par l’aventure mercenaire de Bob Denard, il fera finalement ses adieux aux armes.
« Récits d’un homme de guerre » ne s’interrompt pas pour autant. Nous suivons pour quelques chapitres encore le Marsouin dans sa nouvelle vie civile, sillonnant l’Europe au volant de son camion, s’engageant activement en politique à Dreux, aux côtés du couple Stirbois.
Bien entendu, avec un tel parcours, on entend en écho des « Hélie de Saint-Marc » et des « Pierre Sergent ». Mais Michel ne revendique pas les honneurs d’un prix littéraire (dont, j'en suis certain, il se « contrefoutrait ») (il emploierait certainement cette formule…). De plus, n’ayant pas tenu de journal de marche, ses souvenirs de premières campagnes sont forcément fragmentaires.
Reste que son témoignage est passionnant, complété intelligemment par des parties historiques le mettant bien en perspective.
Saluons enfin l’honnêteté de Michel, assumant totalement ses choix. Il n'est pas question ici d'apporter un jugement sur ses engagements, mais que vaudrait un récit biographique "politiquement correct", édulcoré ? Quel en serait l’intérêt ? Comme me l’a dit son fils Philippe : après tout, c’est sa vie.
Juillet 2005, retour en Corée.
2010, Michel Delcayre reçoit la médaille de la Paix par l'ambassadeur de Corée, Hôtel des Invalides.
En 2005, le gouvernement Sud-Coréen invite des vétérans du Bataillon de Corée à Séoul. Belle initiative de notre allié asiatique, qui n’a pas oublié ces Français (et tous les autres) qui se sont battus à leur côté pour leur liberté.
"Nous avons trinqué à nos hôtes, à nous aussi les vétérans. Je retiens du peuple coréen qu’il est un beau peuple plein de reconnaissance (je le savais déjà), rempli de joie de vivre. Il nous a accueillis comme faisant partie de sa famille, sincère, chaleureux.
Prenez-en de la graine, peuple de France."
Insigne de la 2nd Infantry Division "Indian Head" porté par le Bataillon français de l'ONU en Corée, conservé en Indochine.
287 tués dont 18 Coréens - 7 disparus - 1 350 blessés.
Rendons hommage à ces hommes. Ne les oublions pas.
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Michel Delcayre est né en 1931. Poussé par son goût de l’aventure, il s’engage en 1949 dans les troupes Coloniales. Marsouin pour la vie, il participe à l’ensemble des « opérations extérieures » des années 50 et 60, avec les 1er RIC, Bataillon de Corée/GM100, 6e RTS, 5e RIAOM, 23e RIMa , 2e RIMa et 1er RIMa : Indochine (2 campagnes), Corée, Maroc, AEF, Algérie...
Dans les dernières années de la guerre d’Algérie, dans un esprit « à la Hélie de Saint-Marc », refusant l'abandon des Harkis, il soutient le « putsch » des Généraux puis l’OAS. Il quitte l’armée en 1965 et sillonne dès lors l’Europe comme chauffeur routier, tout en s’engageant politiquement à Dreux, ville où il réside toujours.
Michel Delcayre est titulaire des Médaille Militaire, Croix de Guerre des Territoires Extérieurs, Médailles commémoratives Indochine, Corée, Médaille du Maintien de l’Ordre Maroc, Algérie, Médaille Coloniale Extrême-Orient, Médaille des Nations-Unies Guerre de Corée, Combat Infantry Badge (USA), Médaille des Combattants de la Paix (Corée du Sud).
Il a été soutenu dans son projet d’écriture par son fils Philippe, ancien Marsouin lui-même, EVSOM (Engagé Volontaire pour Servir Outre-Mer), 23e BIMa, Sénégal.
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Prix : 18€ - EAN : 9791091058063 - Format 24x15, 176 pages + cahier photos
Aux Editions des Cimes
Disponible en contactant Philippe Delcayre ici. [dédicace possible]
Page FaceBook "Récits d'un homme de guerre" ici.
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1955, Maroc, Michel Delcayre est décoré de la Médaille Militaire
Hommage
Aux morts pour la France en Indochine,
Aux morts pour la France en Corée,
Aux morts pour la France en Algérie,
Aux morts pour la France dans tous les T.O.E,
Aux blessés.
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1950, Michel à droite, sur la RC4.
Le 4 octobre dernier le général vietminh Võ Nguyên Giáp, vainqueur de Dien Bien Phu, disparaissait.
Le ministre français des affaires étrangères lui a rendu un vibrant hommage :
Je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille (…) Le général Giáp fut un grand patriote et un grand soldat.
Même si nous nous réjouissons de la réconciliation franco-vietnamienne, n'oublions pas :
Taux de mortalité des prisonniers de guerre
source : Wikipedia
Prisonniers français morts en Allemagne : 2%
Prisonniers allemands morts en Russie : 37%
Prisonniers russes morts en Allemagne : 57,5%
Prisonniers français morts dans les camps Vietminh 59,9%
Prisonniers de Dien Bien Phu , morts en 4 mois de captivité dans les camps Vietminh : 7 801 sur 11 721, soit 72% .
A la mémoire de tous ces prisonniers français en Indochine, traités par le Général Giáp et le Vietminh avec la pire des cruautés.
Nous saluons aujourd’hui la mémoire de ces hommes exceptionnels et présentons nos profondes condoléances à leurs familles. Ils furent de grands patriotes et de grands soldats.
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1962, les Harkis du Commando de Michel Delcayre.
A la mémoire de nos frères Harkis, sacrifiés par la France, traités par le FLN algérien avec la pire des cruautés.
Nous saluons aujourd’hui la mémoire de ces hommes exceptionnels et présentons nos profondes condoléances à leurs familles. Ils furent de grands patriotes et de grands soldats.
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2013, Michel et le COL Paczka, chef de corps du 2e RIMa, photo © Philippe Delcayre
- Citations -
"Jeune soldat courageux et décidé. Tireur de Fusil-Mitrailleur. S’est révélé à plusieurs reprises un combattant d’élite. Le 8 juillet 1950 dans le massif de Bao Daï (Tonkin), près de Dong Song, a neutralisé par son feu précis un poste rebelle, permettant la prise de 5 fusils. Le 15 juillet à Quai Song, s’est porté résolument à l’attaque d’une crête fortement tenue par l’adversaire. Le 29 juillet, a été magnifique de sang-froid, lors de l’opération de Kep (Tonkin) récupérant au lever du jour, par un coup d’audace 6 fusils au hameau de Ho Tong. Citation à l’ordre du régiment avec attribution de la Croix de Guerre TOE avec étoile de bronze."
"Au cours d’une opération dans la région de Tri Yen (Tonkin) le 12.1.1952 s’est accroché au terrain sous le feu concentré d’armes automatiques et de mortiers rebelles. Citation à l’ordre de la Brigade par le Général Salan."
"Chef de groupe confirmé toujours volontaire pour les missions dangereuses. S’est distingué à plusieurs reprises au cours des opérations dans les secteurs de Mani et Kumhwa (Corée). Le 17 juillet 1953 en particulier a participé à une embuscade dont les éléments étaient pris sous un violent tir de mortiers ennemis. A protégé avec son groupe des éléments amis qui comptaient un tué et trois blessés. Citation à l’ordre du régiment."
"A pu dégager son Commandant de compagnie grièvement blessé et le faire évacuer. Resté le gradé le plus élevé de la Cie, il a regroupé les survivants, effectué des contre-attaques pour récupérer les blessés et a décroché ce qui restait de la 4e Cie en organisant le combat retardateur jusqu’à l’arrivée de la nuit. Il est juste de dire que c’est le CCH Michel Delcayre qui a sauvé la 4e Cie du 1/Corée d’un anéantissement total. Combat entre PK17 et PK11, 1954, Indochine."
"Chef de groupe d’une bravoure au-dessus de tout éloge. A de nouveau fait l’admiration de tous le 24.2.1954 à la [Plantation Indochinoise de Thé, Pleiku] où faisant fonction de sous-officier adjoint d’une section de contre-attaque, tandis qu’un adversaire estimé à plus d’une Cie donnait l’assaut dans les théiers, il n’a pas hésité, pour accroître le rendement de ses tirs, à prendre lui-même un fusil mitrailleur avec lequel, tirant debout, malgré un feu intense, il a abattu plusieurs rebelles dont un tireur de fusil mitrailleur. Citation à l’ordre du corps d’armée par le Général Navarre."
Michel Delcayre, 1950 et 2010
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux anciens d'Indochine, de Corée, d'Algérie et de tous les T.O.E.
Récit biographique de soldat, guerre d'Indochine, guerre de Corée, guerre d'Algérie, OAS.
11:10 Publié dans Algérie, Corée, Indochine, Marsouins, Bigors, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (9)
02/09/2013
Hommage au CBA Hélie de Saint-Marc, Légionnaire-para, écrivain.
Sans conscience, pas d'honneur.
Sans devoir d'obéir à sa conscience, pas d'honneur.
Honneur brille au drapeau avant Patrie.
Capitaine Magniez, "Sois bon soldat", 1904.
Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant à 19 ans, arrêté par les nazis sur dénonciation et interné au camp de Buchenwald. Est l’un de 30 survivants d’un convoi de plus de 1000 déportés. Saint-Cyrien. Légionnaire. Guerre d’Indochine avec le 3e REI et le 2e BEP. Guerre d’Algérie avec le 1er REP qu’il commande par intérim. Entre en opposition avec la politique menée par le gouvernement. Refuse d’abandonner les français d’Algérie et les harkis. Passe 5 ans en prison avant d’être gracié. Réhabilité dans ses droits civils et militaires en 1978. Ecrivain. Prix littéraire de l'Armée de Terre Erwan Bergot en 1995 et prix Fémina en 1996 pour « Les champs de braises ». Grand-croix de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation, Croix de guerre des TOE avec 8 citations, Croix de la valeur militaire avec 4 citations, Médaille de la résistance, Croix du combattant volontaire de la Résistance, Croix du combattant, Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient », Médaille commémorative de la guerre 1939-1945, Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de Résistance, Médaille commémorative de la campagne d'Indochine, Médaille commémorative des opérations du Moyen-Orient (1956), Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord (1958) avec agrafes « Algérie » et « Tunisie », Insigne des blessés militaires (2), Officier dans l'ordre du mérite civil Taï Sip Hoc Chau. Décède le 26 août 2013.
Ce soir-là, je regarde le journal de 20h et les chaînes d'information. Combien de secondes accordées au CBA Hélie de Saint-Marc ? Les avez-vous comptées ?
Alors que les tambours de la guerre ne cessent de gronder, Afghanistan, Libye, Mali… Syrie. A quoi est dû ce silence assourdissant des médias ? Est-ce de l’indifférence ? Indifférence des médias seulement, ou indifférence de la France ?
Si la France détourne son regard lors du dernier voyage d'un vieux soldat, peut-elle encore regarder dans les yeux les jeunes gens qu’elle envoie combattre, pour elle, au bout du monde ? Peut-elle regarder dans les yeux la maman de Jean-Nicolas Panezyck, mort en Afghanistan ? Peut-elle regarder dans les yeux la fille d’Alexandre van Dooren, mort au Mali ?
J'écris cela sans rancœur : Sur le Net, où la parole n'est pas muselée, j'ai vu fleurir des milliers d'hommages. Mots simples de vieux soldats, certes, mais aussi de "ménagères de moins de 50 ans", de jeunes mamans, d'adolescents... Une multitude d'anonymes qui ont salué le Commandant, les yeux dans les yeux. Une France au regard franc. La vraie France.
« Reposez en paix Monsieur Hélie Denoix de Saint-Marc...
L’hommage que le journal télé ne vous donne pas, prenez-le de ces quelques lignes.
Merci d’avoir été.
Merci du fond du cœur. »
Commentaire d'une jeune-femme lectrice de La Plume & L’Epée, sur notre page FaceBook.
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Œuvres d'Hélie de Saint-Marc
Les Champs de braises. Mémoires avec Laurent Beccaria, Ed. Perrin.
Les Sentinelles du soir, Ed. Les Arènes.
Indochine, notre guerre orpheline, Ed. Les Arènes.
Notre histoire (1922-1945) avec August von Kageneck, conversations recueillies par E. de Montety, Ed. Les Arènes
Toute une vie, en collaboration avec Laurent Beccaria, Ed. Les Arènes.
L’Aventure et l’Espérance, Ed. Les Arènes.
***
Le CBA de Saint-Marc a été inhumé le 30 août dernier.
Lors de la cérémonie religieuse en la primatiale Saint-Jean de Lyon, devant plus d'un millier de personnes rassemblées pour un dernier hommage, l'une de ses filles s'est ainsi exprimée :
"Tu as préféré l'honneur aux honneurs".
Un homme doit garder la capacité de résister, de s'opposer, de dire "non". Ensuite, il n'a pas à s'excuser. Trop d'hommes agissent selon la direction du vent. Leurs actes disjoints, morcelés, n'ont plus aucun sens.
CBA Hélie de Saint-Marc
"Le dernier saut du para"
Dessin publié sur la page FB des « amis d’Hélie de Saint-Marc »
«J’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan. J’ai choisi la discipline, j’ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la nation française la honte de l’abandon. Ceux qui comme moi ont vécu, ont combattu en Afrique du nord ressentent davantage cette honte, mais j’espère que beaucoup de Français qui se renseignent la ressentent également et je pense que ceux –là garderont quelque indulgence pour celui et pour ceux qui n’ont pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle.
L’Histoire dira peut-être que leur crime fut moins grand que le nôtre ».
Général de Pouilly, déposant au procès du Général Salan.
Livres, commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, 1er REP
11:45 Publié dans Algérie, Indochine, Légionnaires, Mili-Hommage | Lien permanent | Commentaires (1)