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27/01/2018

« Par l'ardeur et le fer - Paroles de soldats maintenanciers », LTN Antoine-Louis de Prémonville, 7e RMAT ; LTN Guillaume Malkani, 6e RMAT ; LTN Pierre-Ange Paninforni, 54e RA, 4e RMAT, 25e RGA ; LTN Laurent Biger, 7e BCA, ALAT ; éd. Lavauzelle

Extraits publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

 

L'on peut rester vingt-quatre heures s'il le faut, même trente-six heures, sans manger ;

mais l'on ne peut rester trois minutes sans poudre et des canons arrivant trois minutes plus tard n’arrivent pas à temps.

Napoléon

 

Une Plume pour L’Epée a toujours eu à cœur de s’intéresser, au travers des récits de soldats, à tous les conflits, mais aussi à toutes les armes composant la Force. La découverte de ce livre a été dès lors une très heureuse surprise…

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En premier lieu, nous sommes ravis de voir aborder l'arme du Matériel, mal connue, peu mise en avant et pourtant, une évidence, éminemment stratégique (une opération sans matériel ?). Elle est aussi souvent « chahutée » ; le fait est que l'on se focalise toujours sur ce qui ne fonctionne pas... en oubliant l'usure de nos VAB antédiluviens, les insidieux grains de sable du désert, la faiblesse de nos moyens logistiques...

Ensuite, plutôt que de se livrer à un essai purement "académique", les jeunes coauteurs ont eu l'excellente idée de faire le tour des popotes, regroupant les témoignages de vétérans de Daguet, de Bosnie, d'Afghanistan, du Mali, de RCA, abordant la dualité commandement/technicien, ou encore l'efficace système D français, le tout rendant le livre vivant et, de fait, sa lecture très plaisante.

« Par l’ardeur et le fer » s'inscrit donc parfaitement dans notre scope du récit de soldat, comble un vide important, et répare une injustice criante, en nous éclairant sur l'engagement sans faille des soldats maintenanciers. Alors, par Saint-Eloi, vive le Matériel !

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AMX30, Opération Daguet, Première Guerre du Golfe

En quatre ou cinq jours, la division à laquelle j’appartenais a fait près de 3 600 prisonniers Irakiens. En raison de notre implication dans le dispositif des forces, nous avons également été confrontés à ce problème pour lequel nous n’étions absolument pas formés. Lorsque vous voyez une demi-douzaine de soldats arrivant vers vous avec leurs armes tendues à bout de bras, il faut gérer. Accompagné de quatre hommes, de mon conducteur et d'un chef de section parlant un peu l'Arabe, je pars au-devant d'eux et essaie de leur faire comprendre qu'ils doivent déposer leurs armes. Rien ne nous prémunissait d'une éventuelle manœuvre. Si, au dernier moment, les prisonniers avaient choisi de retourner leurs armes, cela se serait surement mal passé pour nous…

GAL André (alors CNE), Première Guerre du Golfe, 1990

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VAB dans les ateliers de l’aéroport de Sarajevo. Notez les impacts de balles…

Quand ça chauffe et que les véhicules doivent sortir, eh bien, on les sort. Par conséquent la solution trouvée a été très simple : on ne dormait pas. Je partais du principe que si un véhicule blindé rentrait en atelier et que je n'avais pas de problème d'approvisionnement, il devait sortir. Peu importe qu'il soit terminé à quatre ou cinq heures du matin.

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L'appréciation du danger est quelque chose de très paradoxal. On est conscient du danger, mais quand on est dedans, cette conscience s'altère. On a fait des choses sans se poser la question du risque de se faire dessouder. Par exemple, lors de la constitution du poste, nous nous faisions sniper. Nous étions une dizaine dehors. Les tirs ont commencé. Que faire ? On pouvait s'en aller ou rester et se faire tirer comme des lapins. On est rentré, mais tranquillement, sans précipitation. Mais il faut replacer cela dans un contexte où les snipers ne cherchaient pas encore à tuer : Il m’a fallu trois ou quatre jours pour comprendre que les crevaisons à répétition sur le CLD étaient le résultat des tirs d’un sniper qui se faisait un pneu chaque soir. Le premier mois, nous n’avons pas eu de blessé. Cela a commencé doucement, à mesure que nous devenions plus efficaces, et donc que l’on gênait.

COL Grateau, blessé en Bosnie en 1992

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Dépannage de VAB, 3e RMAT

Deux ou trois semaines après son arrivée, l’OMLT Soutien connaissait déjà l’épreuve du feu. C'est ainsi que commença ce que j'appelle le jeu du chat et de la Souris. Une OMLT ou un GTIA d'Infanterie, c'est le chat. Il va chercher sa proie sur le terrain qu'il aura choisi. Ce n'est pas si grave s'ils sont pris à partie ; étant des unités de manœuvre, elles sont faites pour cela. Nous, nous étions plutôt des souris. Un camion tractant une citerne sur une route accidentée, avec seulement des logisticiens à son bord, armés de FAMAS, et c'est beaucoup moins manœuvrable et cela constitue donc une cible facile. D'où une certaine pression sur le moindre coin de route.

COL Desmeulles, 3e RMAT, Afghanistan 2007

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Prise en remorque d’un IVECO, Mali

Ce fut un véritable challenge quotidien. Abandonner dans le désert un VBCI, ou même un véhicule civil, était impensable. En convoi, quelle que soit la panne, ils ont toujours trouvé une solution pour ramener les matériels sur une plateforme relais, quitte à recourir à des solutions de fortune impliquant chewing-gum, latérite et bout de ficelles pour faire repartir le véhicule. Nous avions une politique du sparadrap, mais nous n'avions pas d'autre moyen pour assurer notre mission.

J’ai vu des hommes faire fondre du plastique pour réparer une durite. Et la réparation a tenu.

COL de Roquefeuil et LTN Hamiche, BATLOG Normandie-Provence, Mali 2014

***

Malkani.jpg< Titulaire d’un Master de lettres modernes dont le mémoire de recherche porte sur les notions d’histoire et d’idéal dans l’œuvre de Jean Lartéguy, le Lieutenant Guillaume Malkani a été réserviste au sein de la Gendarmerie Nationale avant de rejoindre l’Armée de Terre en intégrant le 4e bataillon de Saint-Cyr au titre de l’arme du Matériel. Il a pris le commandement d’une section électronique d’armement au 6e RMAT.

photo.jpg> Diplômé des facultés de droit, sciences-politiques et langues, le Lieutenant Antoine-Louis de Prémonville est également docteur ès Lettres et Civilisations. Ancien militaire de réserve, il rejoint l’active au sein du 4e bataillon de Saint-Cyr au titre de l’arme du Matériel. À l’issue de son passage aux Écoles Militaires de Bourges, il prend le commandement d’une section du 7e RMAT. Outre « Par l’ardeur et le fer », il a dirigé « Citoyens-soldats au XXIe siècle, une réserve opérationnelle pour une armée professionnelle » (Lavauzelle, 2013)

Engagé volontaire en 1999 après avoir suivi des études de comptabilité, le Lieutenant Pierre-Ange Paninforni a servi au 42e RT avant de rejoindre le domaine de la maintenance au 54e RA. Sous-officier semi-direct, il sert ensuite au 4e RMAT. Accédant à l’épaulette OAEA, il rejoint le 25e RGA en tant qu’adjoint des services techniques.

A l’âge de 18 ans, le Lieutenant Laurent Biger incorpore Saint-Maixent avant de rejoindre le 7e BCA puis le 1er RIMa en qualité de maintenancier. En 2013, il réussit le concours des Officiers d'Actives des Écoles d'Armes et accède à l'épaulette. Il sert aujourd'hui au sein de l'ALAT.

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« Par l’ardeur et le fer- Paroles de soldats maintenanciers », par les LTN Antoine-Louis de Prémonville (dir), Guillaume Malkani (dir), Pierre-Ange Paninforni, Laurent Biger.

ISBN 978-2702516119 – Prix 21,50 € – Format 15,5x22,5 - 150 pages - cahier-photo couleur

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Aux éditions Lavauzelle, disponible ici

Page FaceBook .

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Nous avons eu la chance d'échanger avec l'un des coauteurs, l’éminemment sympathique LTN Guillaume Malkani. Une belle rencontre au Salon de l'Ecrivain Soldat de Nice où il a représenté tant son 6e RMAT que l'Arme en général. Quelle bonne idée de se montrer ! A renouveler J

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Ajoutons que Guillaume est l'auteur d'un essai majeur/définitif sur l’un des plus grands auteurs de la milittérature, ou plutôt de la littérature française tout court : « L'idéal de Jean Lartéguy ». Paru aux éditions Via Romana et disponible ici. Page FaceBook .

« Les hommes de guerre sont de l’espèce qui se rase pour mourir. Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé. Ils cultivent la force physique et la belle gueule, s’offrant le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver. Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue. »

Jean Lartéguy

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Hommage

A tous les soldats maintenanciers morts pour la France, morts en service commandé,

Aux blessés,

A leurs proches.

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Gao, Mali. Démontage de la roue d'un VAB. Photo G. Gesquière

Les soldats maintenanciers m’ont vraiment impressionné, et ils en ont impressionné bien d'autres ! Lorsque certains de nos camarades de la mêlée voient arriver un logisticien, ils ne savent pas trop quoi en penser. Ce sont des gens qu'ils ne côtoient pas au quotidien et qu'ils peuvent percevoir, à tort, comme un frein à leur manœuvre. Aussi, voir les maintenanciers au cœur des opérations, répondre présent en dépit des contraintes tactiques et techniques, ça a forcé leur respect. Ensuite, ils n'ont cessé de demander à bénéficier de maintenanciers détachés à leur côté…

CDT Breton, AMAT (Adjoint Matériel de Théatre) au Mali

 

 

 

 

 

18/12/2017

« De la cité au rang des officiers », CNE Mehdi Tayeb, 4e RCh, 2e RH, BRB 2. Autoédité.

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos inédites issues de la collection de l’auteur. Droits réservés.

 

La vie est un combat, accepte-le.
La vie est une tragédie, lutte avec elle.
La vie est une aventure, ose-la.
 
Mère Teresa
 

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« De la cité au rang des officiers » est un récit-plongée dans une carrière qui peut (et c'est si regrettable) sembler atypique : gosse des cités, né dans un contexte familial autodestructeur, au bord du précipice de la délinquance, Mehdi Tayeb découvre l'armée grâce au service militaire. Trouvant sa voie, n'ayant peut-être pas la "gueule de l'emploi", il gravit cependant les marches : militaire du rang, sous-officier, officier.
 
Outre une belle leçon de vie, le (désormais) Capitaine Tayeb, s’il reste forcément discret sur ses missions de renseignement, livre un témoignage rare sur les opérations des Hussards.
 
Déployé 3 fois au Kosovo et en Afghanistan (la première fois comme militaire du rang, la seconde comme sous-officier, la troisième comme officier !), 2 fois au Mali, en RCI, en Bosnie (infiltration épique qui tourne au drame pour l’un des acteurs), au Tchad, son parcours est exceptionnel... et l'homme l’est tout autant, à la fois tendre et volontaire.
 
Pour reprendre la formule consacrée, et sans jeu de mot : "il mérite d'être cité en exemple".

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Mehdi Tayeb et ses camarades de la cité, 1994

Je me remémore les déboires que j’ai connu étant plus jeune. Nombreux sont ceux qui auraient pu me coûter un séjour en prison et mes amis auraient pu tous être mes voisins de cellule.  J’avais fait du vice un mode de vie. J’ai volé avec ma sœur et même avec ma mère, alors, comment tomber plus bas ? Et même quand j’ai commencé à travailler, je n’ai pas su arrêter (…) Chaque semaine, du lundi au vendredi, de 8h à 17h, je mets des colis sur des palettes afin de les envoyer dans des villes où je ne mettrai jamais les pieds. Tous les jours se ressemblaient et j’avais peu d'espoir de voir changer ce quotidien si terne. Est-ce cela la vie lorsque l'on devient adulte ? (…) Il y a une chose dont j’étais certain : la monotonie me tuait à petit feu.

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Nous progressons à une vitesse de deux cents mètres par heure. Ce rythme semble ridicule, mais le terrain, la neige, le dénivelé et le poids des sacs sont autant de facteurs qui ne permettront pas d'atteindre notre objectif avant le lever du soleil. A la fin de la nuit, nous sommes à un kilomètre mais le jour se lève et nous ne pouvons plus nous déplacer. Alors on s’enterre afin de disparaître de la surface.

Bosnie

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Au bout de mes deux heures d’observation, je réveille Ludovic pour qu'il prenne ma place. Je me glisse dans mon duvet et puis, brisant le silence de la nuit, des bruits de pas semblent se rapprocher de notre cache. Je réveille le transmetteur pour le mettre en alerte. Nous ne faisons plus aucun bruit. Les pas se rapprochent, le rythme s’accélère. Nous nous tenons prêts à utiliser nos armes. D’un coup, perçant notre camouflage, un ours !

Kosovo 

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Avec le lever du soleil, la tempête de neige s’est arrêtée. Le ciel est bleu et les températures glaciales. Tout le monde tremble de froid. Un capitaine nous confirme qu’un hélicoptère viendra nous récupérer à 23h. En attendant, j’urine dans un sac zip afin de faire une bouillotte de circonstance. Et pendant quelques minutes, j’ai l’impression de poser mes mains sur un radiateur. Quel plaisir !

Bosnie

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Mehdi Tayeb, Afghanistan 2012

Il me faut quelques secondes avant d'être certains d'avoir compris ce qui m'arrive. Le brigadier-chef Pierre me demande si je vais bien. Je reprends mes esprits et lui explique que je vais devenir officier. Il se réjouit pour moi. Pendant la durée du voyage jusqu'à Gap, je me suis remémoré ma mère, mon père et l'alcool, mon père frappant ma mère et mon beau-père sur son lit de mort, mon pardon à ma mère dans sa tombe, le quartier et le vice, mais aussi mon arrivée à Gap pour mon service militaire, tous ces appelés qui sont devenus des amis. Mon engagement. Toutes ces OPEX et ces pauvres gens que j’ai vus dans la misère. Tous mes cadres qui m’ont poussé quand il fallait. Ma merveilleuse femme qui m’a soutenu comme personne. En dix ans et sept mois, je suis passé de la cité au rang des officiers.

***

0 Tayeb bio.JPGMehdi Tayeb nait en 1977 dans une cité de la banlieue sud de Paris. Père absent, mère alcoolique, il est livré à lui-même, vivant de larcins et petits boulots. Il découvre l’armée grâce à son service militaire au 4e Régiment de Chasseurs de Gap. Trouvant sa voie, aidé en cela par un beau-père « stabilisant » et une épouse rayon-de-soleil, il s’engage et gravit les échelons de la hiérarchie, ENSOA puis OAEA. Spécialiste du Renseignement, le Capitaine Mehdi Tayeb a une carrière opérationnelle riche, ayant été déployé à ce jour, avec le 4e RCh, le 2e RH et la BRB2, au Kosovo (3 fois), en Afghanistan (3 fois), au Mali (2 fois), en Bosnie, en Côte d’Ivoire et au Tchad. Mehdi est marié à la charmante MDL Soumia, 4e RCh, 132e BCAT, 54e RT, et fier papa de Thylda.

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Avec Mehdi et Soumia à Saint-Cyr-Coëtquidan, 2017

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De la cité au rang des officiers, CNE Mehdi Tayeb

ISBN 978-2955922903 – Prix 9,99€ - Format 13x18, 188 pages.

Autoédité. Disponible ici.  Page FaceBook

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Chasseur de 1ère Classe Mehdi Tayeb, 2000 ; Maréchal des Logis Chef Mehdi Tayeb, 2009 ; Lieutenant Mehdi Tayeb, Mali 2014

Désormais fier de défendre les trois couleurs de mon pays, j’invite les plus jeunes à la recherche d’un métier hors-norme à suivre mes traces. Il n’y a pas en France une seule entreprise qui offre une telle perspective de carrière et de reconnaissance sociale. Alors, peu importe votre histoire : visez haut et grimpez les marches à grands pas !

 

 

 

 

10/11/2017

« La naissance d’un pilote – L’enfant qui rêvait d’un Mirage », LCL Marc Scheffler, EC3/3, EC2/3, EPAA, éd. Nimrod

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur. Droits réservés.

 

Il n'y a qu'une façon d'échouer,

c'est d’abandonner

avant d'avoir réussi.

Georges Clémenceau

 

Il est bien connu que plus on s’en approche, plus un mirage s’éloigne. Il existe cependant des exceptions…

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Avec « La naissance d’un pilote », comme un prequel à son remarquable « La guerre vue du ciel », Le Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler revient sur toute la période de sa vie allant des rêves d’un ado à la chambre décorée de posters de Mirage, à son installation effective dans le cockpit d'un 2000D. Et ce ne fût pas facile… Révisions-nuits-blanches de la « prépa » ; virilité des relations au sein de l’Ecole de l’Air ; stress et sueur pour maîtriser ses montures, Tucano et Alphajet ; épuisants « jeux » de chat et de souris aériens avec des instructeurs intraitables ; toutes les étapes qui ont fait du damoiseau un chevalier du ciel.

Récit brillant qui se lit comme un roman d'aventure, aidé par des dialogues percutants (marque de fabrique de l’auteur). Une leçon de vie aussi, celle d’un rêve accompli à force de volonté, courage et abnégation. Absolument passionnant.

Un feulement lointain résonne dans les vallées. J’embrasse du regard toutes les montagnes environnantes. J’aperçois soudain des éclats traînant de minces filets gris. Trois petites flèches sombres disposées en triangle se dessinent au-dessus des sommets et virent vers nous. Un trio de Mirage F1 nous rase dans le rugissement des réacteurs. Je les regarde, rêveur, s’éloigner sur l’horizon.

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Marc Scheffler ; accueil « musclé » par les anciens, à l’école des Pupilles de l’Air en 1991

- Tes résultats en maths sont catastrophiques. Tu n’as pas le niveau pour suivre une Maths sup, je ne parle même pas de Maths spé. La Fac ouvre ses portes dans quelques semaines. Tu as encore le temps de t’inscrire et d’arrêter ta « Sup » maintenant.

- Nous ne sommes qu’au tout début de l’année…

- Crois-en mon expérience, tu n’iras pas dans la classe supérieure. Vous êtes une soixantaine, nous n’en garderons qu’une quarantaine.

- Je vais progresser, laissez-moi…

- De tout façon, tu n’auras aucune chance aux concours !

1991, « prépa » aux Pupilles de l’Air

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Marc Scheffler à Ecole de l’Air, 1994

Le vol, c’est avant tout beaucoup de travail au sol, à emmagasiner et à digérer de la théorie (….) Pour réviser, je me suis construit une cabine de Tucano « made in Marco ». Sur des panneaux en contreplaqué j’ai collé des impressions en couleur de la planche de bord et des banquettes latérales. J’ai poussé le détail jusqu’à reproduire la manette de gaz et à rallonger le manche d’un joystick à l’aide d’un tuyau en pvc. Une simple chaise fait office de siège éjectable et j’ai installé un « flight simulator » sur mon Commodore 64 relié à une bonne vieille télévision cathodique. C’est là que le soir, reproduisant les gestes, je grave dans ma mémoire toutes les procédures (…) Je rabâche les actions réflexes jusqu’à en rêver la nuit.

1994, Ecole de l’Air

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Marc Scheffler dans son Tucano, Ecole de l’Air, 1994

Un élève du 1er escadron vient de se faire arrêter de vol et la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre. Pour prendre la température, nous nous rassemblons autour de Ranx, l’une des vedettes de l’unité.

- On n’est pas des bouchers. Si le gars en vaut la peine, on est forcément plus bienveillant. Après, s’il se ramasse complètement, il y a un moment où tu ne peux plus rien faire pour lui (…) On lui laisse une chance, mais s’il se croûte une deuxième fois, on se dit que le jour où il fait ça avec quatre-vingt paras derrière, ça peut mal se terminer (…) Avec notre expérience, on doit vous aider, vous former et décider. On préfère ne pas prendre le risque avec un jeune plutôt que de le voir échouer ensuite, ou pire, se tuer plus tard. C’est dur à entendre pour vous, mais c’est la réalité.

Le discours paraît soudain rude et froid. Conscient que ce n’est pas le message qu’il veut faire passer, Ranx s’empresse d’ajouter :

- Mais ne pensez pas à ça. Foncez, donnez tout ce que vous avez, l’Armée de l’Air a besoin de bons mecs qui se tirent les doigts du cul pour réussir.

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Tucano de l’Ecole de l’Air, atterrissage en patrouille serrée ; 1994

[Décollage prématuré…]

Nous sommes alignés sur la piste. Dans un balancement franc de la tête d’arrière en avant, Tong vient toucher sa poitrine avec son menton et libère son Tucano. Sans réfléchir, je l’imite…

- WOW ! WOW ! WOW ! s’écrie Carlis derrière moi, on n’en est pas encore au décollage en patrouille serrée !

Meeeeerrrrrrde ! Je devais décoller dix secondes derrière ! Réflexe, je me jette sur les freins.

- Relâche, relâche ! Hurle Caris, maintenant qu’on est partis, on continue. Tu restes à côté de lui sans converger.

Nos Tucano s’élèvent côte à côte. Une fois remis de sa surprise, Tong lance d’un ton moqueur :

- On ne me l’avait jamais faite celle-là…

1997, Ecole de l’Air

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Debriefing, Ecole de l’Air, 1994

De retour dans le box de débriefing, je m’attends à une sérieuse remontée de bretelles (…) Boubou m’expose en détail mes lacunes et conclut :

- Tu dois travailler ta rigueur et ta précision en pilotage, anticiper, analyser et percuter plus rapidement sur l’avion, la radio, etc. C’était mieux à la fin ; au départ, tu étais complètement à la rue …

- J’ai eu du mal…

- Il y a quatre mots de trop ! A la prochaine remarque, je te sors du box à l’horizontal. Sois tu écoutes et tu apprends, soit tu vas aller faire autre chose.

Février 97, Ecole de l’Air

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Vol en formation ; Ecole de l’Air, 1994

- Allez Claudia, à toi !

J’empoigne le manche et la manette des gaz. Immédiatement, le Tuc se met à s’agiter. Comme je suis crispé, mes va-et-vient aux gaz sont trop amples et mes coups de manche trop appuyés. Presque à le toucher, le Tucano de Tong danse à quelques mètres devant moi.

- Compense l’appareil, souffle un peu et remets-toi en position souplement, me conseille Caris.

Je bataille sans réussir à trouver le bon dosage sur les gouvernes. Dès que je me rapproche trop, nos deux Tucano se repoussent comme des aimants. Mon leader ne me lâche pas des yeux, prêt à dégager si je m’approche trop. Trop prêt, je suis dangereux. Trop loin, je ne suis pas en place. Mon espace vital s’est soudain rétréci. Jusque-là je n’avais évolué que seul et le ciel était à moi. Là, pendant dix minutes, je fais l’accordéon avec l’avion de Tong. Caris tente de dédramatiser :

- Commence par te calmer un peu, j’entends ton souffle saccadé et j’ai l’impression de voler derrière un asthmatique…

Mai 1997, Ecole de l’Air

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Marc Scheffler « sur le toit »

Mon Gadget vibre, à la limite de la perte de contrôle. Tassé sur mon siège par le facteur de charge, je résiste. Le monde tournoie à toute vitesse, en blanc et bleu. Par instants, ma vision se voile. Le cœur dans les chaussettes, les manettes de gaz « dans le phare », j’ai attrapé le manche à deux mains pour lui emboîter le pas et me coller dans son sillage, le plus près possible. Ne pas se laisser distancer, ne pas se laisser déphaser.

Puisqu’il ne parvient pas à se débarrasser de moi, Dalvi change de tactique. Il fonce en bordure de grosses volutes blanches et rondes et s’enroule autour à pleine vitesse. Je le perds quelques secondes avant de le retrouver derrière presque à la verticale, accroché au flanc cotonneux. Tu ne vas pas me baiser aussi facilement ! D’une traction virile, je repars à sa poursuite.

Mars 1998, Ecole de l’Air

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Marc Scheffler dans son Alphajet, Ecole de Guerre 1998

Je comprends que Kaman a l’intention de me donner une bonne correction. Piqué au vif, je m’agite en cabine pour retrouver ce putain d’enfoiré… Je m’agrippe à la poignée gauche de la verrière afin de m’aider à tourner encore plus mon buste vers l’arrière, presque à me démancher le cou. Ma nuque me tiraille, j’en chie de plus en plus. Il réapparaît enfin, légèrement plus bas, en retrait, et remonte, le nez pointé vers moi. Il est offensif, en position favorable, et va durcir le combat. Je suis défensif, me voilà contraint à chercher une porte de sortie pour me débarrasser de mon poursuivant et éviter une mort virtuelle. Mais j’ai l’avantage de l’altitude. Mâchoire serrée, je vire en plongeant vers lui et ruiner ses espoirs de me trouer.

Septembre 1998, Ecole de l’air

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Je rentre de mon dernier vol sur Alphajet. Mes oreilles sont pleines du bourdonnement du vol et ma tête est encore à des milliers de pieds au-dessus du sol. Pendant une poignée de secondes, je reste là, assis dans mon cockpit, encore coupé du monde par mon casque. Je regroupe calmement les affaires, cartes et documentation diverse et descends de l’avion. Jamais l’air ne m’a paru plus léger.

Novembre 1998, Ecole de l’Air

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Capture.JPGLe Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler entre à l’Ecole de l’Air en 1994, promotion « Lieutenant Pierre Soubeirat ». Il a servi au sein de l’EC 3/3 « Ardennes » et de l’EC 2/3 « Champagne » à Nancy-Ochey comme pilote de Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol. Il a participé à onze détachements opérationnels dont Ex-Yougoslavie, Tchad (2 fois) et RDC, Afghanistan (5 fois) et Lybie (2 fois), cumulant 4700 heures de vol, dont près de 2 200 sur Mirage, et plus de 150 missions de guerre.

Après 10 ans en escadron de Chasse et 6 ans à l’Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air (EPAA), il a été appelé à d’autres fonctions au sein de l’armée de l’Air.

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Avec nos camarades Marco et l'éditeur Nimrod au Salon du Livre de Paris 2017

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Marc est auteur de deux récits « La guerre vue du ciel », abordé ici, et « La naissance d’un pilote ». 

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« Naissance d’un pilote – L’enfant qui rêvait d’un mirage », LCL Marc Scheffler

ISBN 978-2915243697 - Prix 21€ - Format 23x15, 244 pages, cahier-photo couleur

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Aux éditions Nimrod, disponible ici.

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Hommage

A tous les aviateurs morts pour la France, au combat et en service commandé,

Aux blessés.

A tous ceux qui transmettent leur savoir aux aiglons.

Monte sans peur vers le soleil.

Le sol pour toi n'est qu'une escale

Et ton royaume, c'est le ciel.

Chant de tradition de l’Ecole de l’Air

***

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Je me relâche. Derrière nous, le paysage et la civilisation s’éloignent. Aucune vibration. Je me sens soudain libre, en équilibre au-dessus du vide. Mon cockpit prend des allures de terrasse panoramique. Les champs ne sont plus qu’une mosaïque de carrés verts et jaunes, les lacs deviennent des taches d’encre sur le dégradé vert des forêts. Les routes ne sont bientôt plus qu’un enchevêtrement de veinules grisâtres, la Loire et ses affluents de longs serpentins bleus. Et moi, je suis suspendu dans le ciel, avec pour seul souci de réussir ma mission. Un sentiment extraordinaire m’envahit, un mélange indescriptible de griserie, de plénitude et d’évasion totale.

A part nous, qui peut vivre ça ?

LCL Marc « Claudia » Scheffler

 

 

 

 

 

07/09/2017

Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr et Triomphe 2017

Photos © Natacha/UPpL’E – Merci de nous contacter si vous souhaitez en réutiliser

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Comment rater le F.I.L.M et le Triomphe ? Formidable immersion dans le monde mili, parmi les cadets légitimement fiers, casoars ébouriffés par le taquin vent breton, chic bleu turquin ou sabre sur TDF... joyeux « tonneau » et solennel « à genou les homme »... occasion rêvée de retrouver ou faire connaissance avec nos chers miliauteurs…

Alors, pour la 5ème année consécutive, nous avons pris le chemin de Coëtquidan.

Revenons en image sur ce beau week-end, qui, comme de coutume, a tenu toutes ses promesses.

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La 8e édition du F.I.L.M

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Avec Pascale Lumineau, maman du MCH Pierre-Olivier Lumineau, 40e RA, mort en Afgha le 9 juin 2012 lors d'une attaque suicide, qui tua également trois camarades, l’ADJ Stéphane Prudhom et le BCH Yoann Marcillan, 40e RA, et le MAJ Thierry Serrat, GIACM.

Le drame vécu aurait pu enfermer Pascale dans une détresse solitaire. Mais si détresse il y a, évidemment, la solitude n’a pas été une option. Au contraire, Mme Lumineau s’est largement impliquée dans le soutien, créant l’association "De la pierre à l'olivier" qui vient en aide aux familles endeuillées, aux soldats blessés phy ou psy, via des mises en relation, des interventions publiques et des groupes de parole.

En outre, elle a publié un livre, « Une vie sans toi, mon fils, mon soldat », recueil de poèmes en prose écrits pendant les premières années de son deuil. Témoignage forcément très émouvant.

Une dame éminemment sympathique, toute en simplicité et discrétion, comme son mari. Une belle rencontre.

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Page FB de l’association à rejoindre ici. Le livre peut être commandé en envoyant un message sur la page.

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La saine convivialité au Triomphe : déjeuner avec Mr et Mme Lumineau et la CNE (r) Audrey Ferraro

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Nous voici avec le GAL (2s) Jean-René Bachelet, Cyrard, Chasseur alpin, ancien chef de corps du 27e BCA, passé par les 11e BCA et 1er RI, instructeur à l’Ecole Militaire de Haute-Montagne à Chamonix, auquel s’ajoute plusieurs postes d’Etat-Major, notamment celui de commandement de la formation de l’Armée de Terre à Tours. Une telle carrière mériterait une autobiographie complète, mais c’est sur une mission phare que le général s’est penché :

En 1995, le GAL Bachelet est commandant du secteur de Sarajevo dans le cadre de la Forpronu, au paroxysme de la crise. La Bosnie donc, conflit dont nous savons tous la complexité. Nous avons hâte de lire « Sarajevo 1995 – Mission impossible », récit écrit par un sympathique montagnard au caractère bien trempé, pour lequel la langue de bois est inconnue.

N’est-il pas formidable de nous (et vous) donner la possibilité de rencontrer et d’échanger avec de telles personnes ? Merci au F.I.L.M !

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Livre publié aux éditions Riveneuve, disponible ici.

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Et puisque nous venons de parler de la chance qui nous était donnée par le F.I.L.M, poursuivons…

C’est toujours un honneur de rencontrer un Grand Ancien, pour l’occasion l’ADJ Alexis Le Gall, FFL. A 17 ans, dès le 21 juin 1940, il traverse la Manche avec son frère Jacques et rejoint le général de Gaulle à Londres. Il est de fait l’un des fondateurs des FFL, dont il connaîtra tous les combats : El Alamein avec le BM5, Tobrouk, Tripolitaine et Tunisie avec la 1ère DFL, débarquement de Provence, campagne de France jusqu’en Alsace où il est grièvement blessé en 1945. Il en a tiré un récit, au très beau titre : « Les clochards de la gloire ».

A 95 ans, avoir la volonté d’être présent à Coëtquidan, moment certes sympathique mais forcément fatiguant, afin d’œuvrer pour le devoir de mémoire et le lien armée-nation, c’est magnifique.

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« Les Clochards de la gloire », aux éditions Charles Hérissey, disponible ici

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Nous connaissions déjà « virtuellement » le CNE Mehdi Tayeb, 2e RH, 4e RCh, BRB 2, pour avoir lu son autobiographie « De la cité au rang des officiers » et échangé. La rencontre n’a fait que confirmer notre bonne impression sur le personnage.

Son livre est un récit-plongée dans une carrière qui peut (et c'est regrettable) sembler atypique : gosse des cités, né dans un contexte familial compliqué, au bord du précipice de la délinquance, Mehdi découvre l'armée grâce au service militaire. Trouvant sa voie, n'ayant peut-être pas la "gueule de l'emploi" (?) mais très certainement un beau cœur et un esprit saint, il gravit les marches, sous-off' puis officier Ouaoua. Spécialiste du renseignement, il reste forcément discret sur les opérations récentes, mais livre quand même un témoignage rare, sur les Hussards notamment. Déployé 3 fois au Kosovo et en Afgha (la première fois comme militaire du rang, la seconde comme sous-officier, la troisième comme officier !), 2 fois au Mali, mais aussi en RCI et Bosnie (infiltration épique qui aurait pu tourner au drame...), son parcours est exceptionnel... et l'homme tout autant, à la fois tendre et volontaire.

Pour reprendre la formule consacrée, et sans jeu de mot (?) : "il mérite d'être cité en exemple". Une lecture qui fait du bien.

Et nous en profitons pour saluer la charmante épouse de Mehdi, fière cavalière de montagne. 

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Livre autoédité, disponible ici. Page FB officielle ici.

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Un grand plaisir, celui de retrouver la CNE (r) Audrey Ferraro, après une première rencontre à Coët, il y a trois ans déjà. Ancienne militaire passée par le 4e Bataillon de Saint-Cyr, spécialiste de la Com’, Audrey est désormais réserviste. Elle est l’auteur d’un essai/témoignage, « Trahison sanglante en Afghanistan », qui aborde un évènement tragique de la guerre en Afghanistan, qu’il convient de garder en mémoire : Le 20 janvier 2012, un membre de l'armée afghane ouvre le feu sur des soldats français en plein footing dans leur base de Gwan. Cinq d'entre eux y laissent la vie, quinze sont blessés, tous les membres de l'OMLT K4 issus des 93e RAM, 4e RCh, 2e REG et 28e RT sont marqués à jamais.

Plus de la moitié du livre est composée des témoignages des survivants, de l'encadrement médical, de la base arrière, de proches des victimes...

Essai très complet, très émouvant, que nous avons abordé ici. Hommage à Ceux de Gwan.

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Chez Publibook, disponible ici. Page FB d'Audrey

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Retrouvailles encore, cette fois avec le médecin en chef (LCL) Etienne Philippon, SSA. Etienne complète, et c’est heureux, la milibibli des Afghaners avec « Médecin en Afghanistan ». Nous venons d’en entamer la lecture, et ce journal de marche, récit intime, s’avère d’ores et déjà très réussi. Nous en profitons pour saluer respectueusement l’engagement et l’abnégation des hommes et des femmes du Service de Santé, médecins et infirmiers, sans oublier les auxiliaires sanitaires.

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Aux éditions Lavauzelle, disponible ici.

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Nous voici avec notre camarade le LCL Hubert le Roux, habitué du F.I.L.M, lauréat l’année dernière du « Prix des Cadets », avec son complice Antoine Sabbagh, pour « Paroles de soldat », choix très « terrain » que nous avions trouvé particulièrement pertinent…

Nous avons abordé le livre ici

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Aux éditions Tallandier. Disponible ici

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Certes « Une Plume pour L’Epée » est focalisée sur le récit de soldats, mais nous avons toujours laissé une place à la photo, qui raconte une histoire. Alors évidemment, c’est un bonheur d’avoir rencontré Sandra Chenu-Godefroy, ancienne Gendarme, miliphotographe majeure. Son dernier projet en date est enthousiasmant : le livre « Sentinelles », qui rend un hommage *si mérité* à tous nos soldats anges-gardiens, patrouillant dans nos rues. Son « travail » photographique est somptueux, et on ne peut que se réjouir de la réussite de la souscription publique pour réunir les fonds importants nécessaires à la parution du livre (oui, nous avons participé !).

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Voir le projet ici

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Nous avons eu l’honneur d’être « portraités » par Sandra avec Tigrou l’aventurier. Si vous vous en étonnez, voir ici. 

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Toujours dans le domaine de la photo, nous voici avec David Bernigard, auteur avec François Blanchard d’un très beau livre sur la patrouille de France, « La grande dame ». Sujet photogénique s’il en est ; nous gardons en mémoire la prestation « à tomber par terre » de la patrouille au Triomphe l’année dernière. L’Armée de l’Air n’était pas en reste cette année, avec les shows impressionnants des « Couteau Delta » sur Mirage 2000 et du « Rafale solo display ». Le public de Coët a été gâté.  

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David vendait en outre une série de clichés, trop tentants pour y échapper. Le choix, difficile, s’est porté sur celui-ci, afin de compléter notre « galerie de portraits » où l’on trouve déjà des Légionnaires de Victor Ferreira (ici et là), des Gendarmes du GIGN par Mika...

« La Grande Dame » est publié par Blackfeather éditions, disponible ici

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Quelques livres en dehors de notre « scope » du récit de soldat, mais qui méritent votre intérêt :

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Le CNE Léo Karo, ancien des Services Spéciaux, est auteur de polars. Un premier livre, « L’archange contre Daech » est paru, un second tome à paraître et un troisième en gestation. Disponible sur le site de Léo ici

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Deux civils qui s’intéressent de près au monde militaire. Le premier vous est déjà bien connu : Nicolas Mingasson, photographe, reporter et écrivain, l’un des premiers à avoir écrit sur l’Afghanistan, projet mené aux côtés d’une section du 21e RIMa, et notamment le SGT Christophe Tran Van Can.  Nous avons abordé « Afghanistan, la guerre inconnue des soldats français », il y a près de 5 ans déjà, ici

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Sorte d’épilogue à son premier livre, Nicolas revient sur l’Afghanistan au travers de « 1929 jours », recueil d'entretiens menés pendant deux ans avec les parents, les épouses, les enfants, les frères d'armes ou les chefs des soldats morts en Afghanistan. Aux éditions Les Belles lettres, disponible ici

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A ses côtés Pauline Maucort. Journaliste radiophonique, elle aussi s’est intéressée aux vétérans de guerre, les rencontrant, échangeant longuement avec eux. Elle en a tiré un livre brillant, « La guerre, et après… ». Nous avions ainsi présenté notre ressenti post-lecture sur notre page FaceBookPauline, journaliste, a recueilli les témoignages de 9 soldats, un tireur d'élite, un légionnaire vétéran de RCA, des blessés de Bosnie et d'Afgha, un psy, etc. Elle en a tiré un livre extrêmement fort. On y retrouve évidemment la fraternité d'armes, le courage, le mal-être (la guerre n'est romantique que pour ceux qui ne l'ont pas faite), mais pas que : sont également abordés des thèmes rarement sous le feu des projecteurs dans les récits autobiographiques (autocensure, tabou, pudeur...) : le sexe, la fumette, le sexisme, l'incompétence, l'échec... Le fait de se raconter, via une tierce personne, a certainement été libérateur (de plus les témoignages sont majoritairement anonymes) (pour le grand public en tous cas ; nettement moins pour nous...).

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Aux éditions Les Belles Lettres, disponible ici.

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Deux bons camarades : Grégoire Thonnat, auteur de la bien connue et « successfull » série des petits quizz, le dernier en date concernant nos amis Policiers, et l'éditeur Pierre de Taillac venu comme à son habitude avec un stand garni de pépites milittéraires !

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Enfin, nous ne manquerons pas de saluer notre chère amie Delphine, organisatrice du F.I.L.M et impliquée dans la communication des écoles. Il nous semble qu’un record d’affluence a été battu cette année. Une fois de plus, mission brillamment accomplie Delphine. Bravo à toi et à toute l’équipe !

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« Une Plume pour L’Epée », c’est évidemment #milittérature et #miliphoto, mais aussi #milisoutien !

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Clin d’œil à W.O.L.V.E.S.

Association créée par Sandrine et Céline, en vue de participer au rallye des Gazelles 2018 et y représenter tant les veuves que les orphelins de guerre. Voir le projet ici. Page FB .

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Clin d’œil à InvaincuS et à Solidarité Défense

Calendrier-livre de photos de blessés, projet Sabrina Daulaus et Sébastien Breissan, au profit de Solidarité Défense. C’est magnifique. Projet ici. Page FB .

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Et clin d’œil à nos chers camarades du collectif « Debout Marsouins !». Nous avons abordé leur si beau livre ici.

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Mais pas de F.I.L.M… sans Triomphe…

Comme le veut la tradition, les 3e Bataillon de l’ESM et 2e Brigade de l’EMIA ont reçu leur nom de baptême.

Pour les Cyrards de la 203e promotion : « Général Loustaunau-Lacau ».

Pour les Dolos de la 56e : « Lieutenant-Colonel Mairet ». 

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Pour illustrer ces beaux noms de baptême, deux livres : « Mémoires d’un Français rebelle », autobiographie du GAL Loustaunau-Lacau et « Les Parachutistes SAS de la France Libre, 1940-45 » de David Portier en hommage au LCL Mairet.

Hélas épuisés, à dénicher sur le marché de l’occasion.

Nous en profitons pour souhaiter une belle carrière, ou suite de carrière, aux Cyrards de la promotion « Chef d'escadrons de Neuchèze », aux Dolos de la « Colonel Vallette d’Osia » et au 4e Bataillon « Capitaine Jean Lartéguy » ; une bonne continuation à la « Général Saint-Hillier », la bienvenue à la 204e promotion de la Spéciale et à la 57e de l’EMIA.

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Au gala des Dolos de la 55e promotion au Pré-Catelan. Oui, nous avons passé une bonne soirée J et saluons avec affection tous nos jeunes camarades de la "Vallette d'Osia" ! 

 

Chic à Cyr ! Chic à nos soldats !

 

 

 

 

15/07/2017

« Ceux de 40 »

« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, éd. Albin Michel

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux, autoédité

« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, éd. Librinova

« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, éd. Les Archives dormantes

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs – Droits réservés.

 

A la mémoire de mes grand-pères Roger Broquet et Maurice Camut, 69e BC, et de mon oncle Pierre Dusausoy, 2e RSA, combattants de 40.

 

 

Combien d’hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts

sans qu’on en ait parlé ?

La Bruyère

 

Ils étaient de la bonne bourgeoisie provinciale, nés pour porter gants blancs et Casoar, ou maçons aux mains calleuses. Ils étaient descendants de boyards, à leur aise au Ritz, ou petits paysans vendéens guinchant aux bals musettes …

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Tout les éloignait, si ce n’est cet orage grondant à l’Est, discours éructant, bannières claquant au vent. Alors, les uns comme les autres ont pris les armes et ont combattu. Nous connaissons l’issue : la guerre fut drôle, puis éclair.

Certes personne n’a oublié la défaite de 40. Par contre, les hommes qui ont mené le combat, on en parle bien peu. On les a presque moqués ! Qui d’ailleurs connait le nombre de soldats français tués en mai-juin 40 ? 60 000 en 5 semaines ! Et 120 000 blessés. C’est beaucoup pour une armée qui, d’après nos « facétieux » amis anglo-saxons, aurait immédiatement agité le drapeau blanc…

Pour l’illustrer, voici quatre beaux récits qui ont le mérite, outre de réparer une injustice criante, d’aborder des parcours variés : 2ndes classes ou officiers, fantassins, sapeurs, cavaliers, légionnaires ou marsouins ; certains, après la bataille, se remettant de leurs blessures ou survivant tant bien que mal dans les stalags, d’autres participant à la glorieuse victoire finale ou à la défense de l’Empire. Après-guerre, ils retrouveront leurs chantiers de maçonnerie, leurs champs de blé, ou mèneront d’autres combats, dans les rizières et le bled. Ainsi va la vie.

Ils garderont cependant tous ce point commun : l’honneur d’avoir défendu la patrie. Combien peuvent s'en honorer ?

Hommage à « Ceux de 40 ».

« Routes de sable et de nuages », GAL (2s) Claude Le Borgne, marsouin, méhariste, para-colo.

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Tirailleurs sénégalais, 1940. Photo ECPAD

C’est au mois de juin [40] que nous montâmes en ligne, si l’on peut ainsi dire d’un front qui, rompu, n’existait plus et que le haut commandement s’efforçait de rétablir de cours d’eau en cours d’eau. Le nôtre fut la Dordogne (…) Ma section fut chargée de défendre un pont au droit d’un charmant village. N’ayant de voisin visible ni d’un côté, ni de l’autre, ma responsabilité me parut immense. J’étais décidé à l’assumer.

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Tirailleur sénégalais, 1940. Photo ECPAD

Le pont était de petite taille mais suspendu et je n’avais les moyens ni de le défendre ni de le faire sauter. J’entrepris de déposer les poutres du tablier, travail qui n’excédait pas la force de mes trente Africains. Quand il comprit ce que j’avais décidé de faire, la maire du village tenta de s’interposer. Il fit valoir au gamin que j’étais que la guerre était perdue et que sauver l’honneur ne valait la destruction de son village, promise par la stupide résistance que je préparais.

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Claude Le Borgne en Mauritanie, après la Bataille de France

J’étais jeune il est vrai [18 ans]. Face au maire et sans la moindre hésitation, je sortis de son étui mon pistolet et, l’en menaçant, lui déclarais que la mission que j’avais reçue serait accomplie, quoi qu’il en coûte à son charmant village. Telle fut, dans cette malheureuse campagne, la seule occasion que j’eux de mettre l’arme au poing.

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Plutôt qu'une autobiographie classique, « Route de sable et de nuages » s'apparente à un recueil de pensées, nées de la longue, brillante et quelque peu atypique carrière du général marsouin Claude Le Borgne : Saint-Cyrien au cursus écourté par la Blitzkrieg, sous-lieutenant tout minot (18 ans), il est lâché avec une poignée de tirailleurs sénégalais "à vue de nez" dans la débâcle de 40. Reprenant son cursus d’officier en Afrique du Nord, la reconquête métropolitaine se passera de lui : il est méhariste dans les sables de Mauritanie, au contact, avec ses goumiers et tirailleurs, des tribus-seigneurs maures. Abandonnant ses "chameaux" pour les ailes de Saint-Michel, il fait la campagne d'Indochine comme para. C'est ensuite l'Algérie, qui le laisse meurtri. Il poursuit cependant sa carrière, à Madagascar, puis dans l'Europe nucléarisée de la Guerre-Froide.

Du haut de ses 94 vaillants printemps, beaucoup d'humour, de recul et de sens de l'analyse. Un livre profond, qui s'avère le témoignage remarquable -distillant un rien de nostalgie- d'un militaire trait d’union entre France d'hier et d'aujourd'hui.

Claude est le frère du GAL Guy Le Borgne, autre figure de l'Armée française. 

Aux éditions Albin Michel.

Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, ou sur les sites du Net.

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Avec le GAL Claude Le Borgne, grand monsieur, au Salon des Ecrivains-Combattants 2016

Il est bien connu que le vieillard, sentant sa mort prochaine, voit le monde courir à sa perte du même pas que lui. Nul n’ajoute foi à ses jérémiades. Il en va toujours ainsi.

Pourtant, le tocsin que branle le vieux pourrait bien être, pour la première et dernière fois, le bon.

Essayons, fût-ce sans espoir, de le faire entendre…

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« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux

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René Brondeau, 1er RCA, au Maroc avant-guerre

11 mai - On pouvait lire maintenant, sur chaque visage, la même anxiété. Les Allemands n’étaient pas loin. Plus bas, des maisons écroulées fumaient depuis des heures. Dès que la nuit tombait, la même peur, la même angoisse, étreignait les sentinelles.

12 mai - Les canons des panzers tiraient sur leurs défenses ébranlant la terre qui se soulevait dans un vacarme d’apocalypse. Après des heures de combat les hommes avaient senti l’épuisement les gagner, mais ils résistèrent courageusement. René vit tomber deux camarades. L’un d’eux gémissait. L’autre semblait avoir été tué. Ils parvinrent à repousser l’ennemi mais au prix de dizaines de tués. Le régiment avait perdu surtout des appelés, des pères de famille. René en fut très ému. Il s’était immédiatement identifié à ces soldats tués, car il était père lui aussi, et depuis si peu !

13 mai - Les panzers apparurent. C’était une gigantesque armada bruyante et enfumée, qui fonçait droit vers le régiment…

Didier Hertoux d’ap. René Brondeau, sur la ligne de front Trilemont-Huy

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A gauche René Hertoux, cuisinier et trompette du 91e RI, 1938

Sommes-nous toujours à la même heure ? Que faut-il que je fasse pour que les heures se remettent en marche ? J’ai comme un souvenir ou une sensation, ou une vision qui m’effleure et qui monte et se diffuse comme de la vapeur autour de mon corps. Dans le ciel il y a des nuages d’eau et de chaleur. Et dans cette buée, je vois la tristesse des soldats se mélanger. On ne peut plus rien distinguer mais la tristesse fait une passerelle entre les soldats. Mais ces soldats ne bougent pas. Ils attendent tout le temps. Et puis, à un moment, ils disparaissent tous. Je ne les vois plus. Je suis triste de ne plus les voir, mais je ne sais pas pourquoi. Et je sens qu’eux aussi, ça les rend triste. Je suis au pays de nulle part, au pays du temps qui se perd. Que se passe-t-il ? J’ai envie de m’enfuir de moi et de me faufiler dans un univers heureux, comme dans un rêve. Ça y est ! J’y suis ! (…) Je reconnais la ferme. Mais je n’entends rien. C’est bizarre. Il y a quelque chose qui n’est pas normal.

René Hertoux à l’hôpital, après ses trois graves blessures reçues au combat.

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Didier Hertoux, ancien officier para des Forces Spéciales, aurait pu aborder sa propre carrière (on le souhaite, cela dit en passant…), et pourtant il a choisi de retracer les parcours de son père René Hertoux, 91e RI, 124e RI, et de son beau-père René Brondeau, 1er RCA, 11e RDP, 1er GFM, pendant la campagne de France, la défaite, l'internement dans les Stalags.

Ces deux René, humbles bonnes gens, se sont comportés avec un immense courage : le premier est grièvement blessé au combat, plusieurs camarades tués à ses côtés ; le second lutte avec le 11e Régiment de Dragons Portés, laminé par la déferlante des panzers et des Stukas, puis avec le 1er Groupe Franc du CNE de Neuchèze auprès des cadets de Saumur. Fait prisonnier, il s’évade de son stalag ; repris, il est envoyé à Rawa-Ruska et n’est libéré qu’en 45.

Jamais sans doute les deux René n’auraient imaginé faire l’objet d’un livre. Et pourtant il existe bel et bien, ce livre (et est de plus fort joliment écrit.). Une belle œuvre de mémoire.

Disponible auprès de l'auteur (18,50€ port compris - bénéfices au profit de l'association des blessés de l'Armée de Terre). didier.hertoux @ gmail.com. Bon de commande ici.

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1985, René Hertoux reçoit la médaille militaire. Trop ému, son discours est lu par son fils Didier

Un soldat sort sa blague à tabac. D’un index dur il bourre sa pipe. Un autre, entre ses doigts courts et noueux, roule habilement une cigarette. Sous la peau cornée de leur pouce, la molette râpeuse d’un briquet fait jaillir la flamme. Ils ont des mains d’ouvrier, des mains de paysan ; un type d’homme commun tiré à des milliers d’exemplaires à travers l’Europe. Un type d’homme identique à ceux d’en face.

René Hertoux, mai 40

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« Les canons étaient sous le bureau », Pierre Andolenko, fils du GAL Serge Andolenko, légionnaire

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Dimitri Amilakvari, Serge Andolenko et sa mère

C’est là qu’est grièvement blessé mon ami de toujours, le prince Obolenski, engagé lieutenant du 12e Régiment Etranger, deux balles de mitrailleuse dans le poumon, pour avoir ramené sur son dos son capitaine blessé entre les lignes.

C’est là qu’est exécuté d’une balle dans la nuque mon camarade de promotion Alain Speckel, avec sept autres officiers et deux de ses hommes, pour avoir tenté de protéger ses tirailleurs sénégalais du massacre par les allemands.

C’est là, à Stonne, bataille oubliée alors que l’une des plus dures de la seconde guerre mondiale, selon les Allemands eux-mêmes, que les 42 000 Français du 21e Corps d’Armée tiennent tête aux 90 000 Allemands des VIe et XVe Korps. Du 15 au 17 mai, le village est pris et repris 17 fois.

C’est juste à côté, à La Horgne, que la 3e Brigade de Spahis marocains et algériens, à cheval, affronte une brigade de la 1ère Panzer Division.

C’est là que se distingue le Général Juin lors de la défense de Lille, retardant les Allemands vers Dunkerque, permettant aux Anglais de s’éclipser.

C’est là que le Général de Lattre de Tassigny, commandant la 14e DIM, se bat pied à pied du début à la fin de la campagne jusque dans la région de Périgueux, resté invaincu.

C’est là que la ligne Maginot, prise à revers, se bat pour certains ouvrages jusqu’après l’armistice.

C’est là que l’Armée des Alpes réduit à néant l’attaque italienne et bloque les Allemands devant Grenoble.

C’est là que l’Armée de l’Air abat près de 1 000 avions allemands qui feront défaut pour la Bataille d’Angleterre

C’est là que meurent près de 100 000 Français, en cinq semaines.

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Voici une bien jolie biographie : celle du Général Serge Andolenko, par son fils Pierre. Personnage haut en couleur, Russe-blanc réfugié en France, Saint-Cyrien, le général a servi aux 1er, 3e, 4e, 5e et 6e RE, et comme homme du Renseignement, 2ème bureau de la 3e DIA. Pacification du Maroc, du Levant, Syrie face aux Australiens et Français Libres (dont son camarade le Légionnaire-prince Amilakvari, dans le camp gaulliste – chapitre certes dramatique de l’histoire française, mais qui nous vaut de savoureuses anecdotes, Amilakvari et Andolenko réussissant à se contacter au téléphone, d’un côté du front à l’autre, grâce à un légionnaire [« - Comment as-tu fait ? - Je m’ai démerdé »] et s’arrangeant pour que leurs hommes ne se retrouvent pas face à face et obligés au combat !). Revenu dans le giron allié, c’est la glorieuse campagne d'Italie et la reconquête de la France. Chef de corps du 5e Etranger pendant la guerre d'Algérie, il vit la guerre-froide comme attaché militaire à Vienne.

On peut s'étonner que son nom ne résonne pas avec plus d'éclat, si ce n'est à la Légion. Mais il est vrai qu'une certaine omerta a perduré pour les officiers restés fidèles au gouvernement de Vichy. Triste ; le devoir de mémoire ne peut être sélectif.

Ajoutons que le texte de Pierre est très complet, tout en se lisant comme un roman d’aventure (c’est un compliment).

La première édition du livre est épuisée, mais une seconde est en projet avec un nouvel éditeur. Nous contacter pour mise en relation avec l'auteur.

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Avec Pierre Andolenko, 2016

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Entre deux attaques, passé en deuxième ligne, je déjeune avec trois de mes lieutenants. Nous sommes sur une crête, pour rester attentif à tout mouvement possible. Au milieu du casse-croûte, l’artillerie commence à tirer et nous voyons, à intervalles réguliers, des paquets d’obus remonter vers nous. La dernière volée tombe à moins de cent mètres. Et là, quelques secondes qui durent des siècles, et dans la tête : « Lequel d’entre nous va se coucher le premier ? Pas moi en tous cas, j’aurais trop l’air d’un con ! ». Et nous nous regardons tous dans les yeux. Et nous nous disons tous, les uns aux autres « Je suis mort de trouille, mais je ne me coucherai pas ! ». Et la volée suivante tombe sur la crête, derrière nous. Stupide, bêtise, mais qu’est-ce qu’on est bien vivant après ça !

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« 2 710 jours », Sapeur Lucien Violleau, 8e RG, 1ère CMT, 38e RG

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Sapeur Lucien Violleau

Janvier 1937 – Dimanche soir, bal de la Saint-Vincent à la salle des fêtes. Pas de permission de spectacle car « garde d’écurie », mais cela ne m’a pas empêché d’y aller et de me coucher à deux heures du matin. Une visite du lieutenant-colonel vétérinaire est annoncée pour la semaine suivante. Pansage et fayotage. Dimanche soir, permission de spectacle : bal à Saint-Martin, retour à trois heures du matin. Aventure survenue à Théveneau sur le bord d’un mur avec une pétasse de Montoire : fou rire tout le lundi.

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Sapeur Lucien Violleau

Mai 1940 – Un violent bombardement m’a fait passer des minutes terribles ; les premiers obus allemands sont tombés à cinq cent mètres de nous (…) J’ai juste le temps de traverser la route pour rejoindre le central [de communication], un premier obus est tombé à cinquante mètres, puis se rapprochant, une douzaine, dans un rayon de 20 mètres. Un autre est tombé au centre du village, enflammant une maison. Enfin, le plus terrible est tombé dans un angle de grange, à l’endroit même où s’était réfugié le sergent-chef Duny. L’obus lui coupe un bras, près de l’épaule, et le pauvre chef expire quelques minutes après. Une drôle de panique s’ensuit (…) Toutes les lignes téléphoniques sont coupées.

Tout laissait prévoir ce bombardement… Le quartier général entier de la division et beaucoup d’officiers s’étaient installés, avec toute les lignes téléphoniques, très en vue du terrain occupé par les Boches. En un mot, tous les soldats croient, soit à une trahison, soit à un haut-commandement incapable. Le moral est à zéro.

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Chambrée de Stalag

Décembre 1944 – Un certain soir de décembre 1940, je débarquais sur la terre ennemie. Quatre années de captivité dans le pays chleu. Combien d’heures de découragement, de désespoir, tristes, inhumaines ? Malmené, travail par tous les temps, à contrecœur, contre mon intérêt. Combien d’injustice, de privations, matérielles et morales, de réflexions moqueuses et insolentes endurées ? Combien d’heures de bonheur, de joies perdues et qui ne se rattrapent jamais ? Combien de larmes, de soupir au pays ? Quel poids de haine un cœur de prisonnier peut-il accumuler, pendant quatre longues années, contre ses inhumains geôliers ?

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Lucien Violleau prisonnier en Allemagne

Mars 45 - A six heures du soir passe à toute allure une chenillette allemande descendant du front. Peu après, c’est des chars des autos, à toute allure également. Puis arrive une grande nouvelle, apportée par un soldat allemand à pied, sale, dans un état poussiéreux incroyable, boitant, avec un soulier sans talon. Et voici la nouvelle, bonne, à tel point bonne qu’on a tous douté, même devant la réalité de la fuite éperdue. Et cette nouvelle, dont on aurait tous chanté et dansé de joie, la voici : les Américains sont à six kilomètres ! Ce soldat allemand nous dit : « Maintenant la guerre est finie, enfin, c’est temps ».

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« 2710 jours » est le journal intime d'un jeune agriculteur vendéen, conscrit de 1937, emporté dans la tourmente de 40 et qui passe 5 ans en captivité en Allemagne. De l’insouciance, voire l’ennui, du service militaire, ponctué heureusement par les bals musettes, au travail forcé, le froid, la faim, les brimades des Stalags, en passant par la drôle de Drôle de Guerre et l’ouragan de la Blitzkrieg. Le texte, écrit à l’origine sur des cahiers d’écolier, outre l’évident intérêt historique, rend le personnage extrêmement attachant. Une petite merveille de livre. Tout ce qu’on aime.

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Le petit-fils de Lucien, Damien Pouvreau (à l’origine de la publication du livre, qu’il nous a gentiment dédicacé, et qui a fourni les photos inédites qui illustrent cet article) s'est inspiré du journal de son grand-père pour composer l'album "2710 jours de ma jeunesse" et créer un spectacle musical, actuellement à l'affiche du Grenier à sel d'Avignon, tous les jours à 20h et jusqu'au 27 juillet, dans le cadre du festival d'Avignon (sélection pays de la Loire). Voir ici. Le devoir de mémoire prend de bien heureuses formes.

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Page FaceBook de Damien Pouvreau ici. Vidéo

« 2710 jours » est publié par Les Archives Dormantes, très sympathique maison.  Disponible ici.

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Lucien Violleau

Avril 1941 – Les civils allemands ont une foi sans limites dans la victoire finale, une admiration sans borne pour Hitler, qu’ils portent aux nues par leurs paroles et leurs gestes. Ils ont remplacé les formules de politesse "bonjour", "bonsoir", "au revoir", "salut" par le "Heil Hitler" qu’ils prononcent tout naturellement, à chaque instant avec grand respect. C’est le cri à la mode. Les hommes, en se saluant ainsi, lèvent la main "à la Hitler". La folie.

***

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Hommage

Aux combattants de 39-40

60 000 soldats français morts au combat,

7 500 Belges, 6 000 Polonais, 3 500 Britanniques, 3 000 Néerlandais, 1 300 Norvégiens,

150 000 blessés.

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2CL René Hertoux, 124e RI, vétéran de 39-40, blessé de guerre, médaille militaire, croix de guerre, citation à l’ordre de l’Armée, 3 citations à l’ordre du régiment.

La voie de l’honneur est un chemin étroit et peu fréquenté. Les plus anonymes y sont capables de coups d’éclats, et le banal peut se teinter de sublime. L’historien a fait son œuvre et pour décrire la débâcle de 1940 et l’effondrement de la France, il a analysé, recoupé, enquêté. Avec le recul, le sens de l’histoire peut se redessiner. Les héros discrets peuvent enfin y trouver leur place, car leur courage solitaire et obstiné force l’admiration.

« La gloire de nos pères », CNE (er) Didier Hertoux

 

 

 

 

24/05/2017

« Le soleil se lève sur nos blessures », collectif « Debout Marsouins ! », 3e RIMa, autoédité

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés

 

 

La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber,

mais de se relever à chaque chute.

 Confucius

 

Ils portaient en eux, parfois inconsciemment, une certaine idée de la France. Ils se sont engagés. Ils ont été envoyés au bout du monde par les Français. Ils ont combattu pour les Français. Ils l’ont fait avec courage. Mais ils sont tombés.

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Ils ne sont pas morts. Ils ont été blessés dans leur chair ou leur esprit. Cependant, pour eux, ce fût tout comme une mort : ils n’ont pu poursuivre la mission; ils ont abandonné leurs camarades; ils ont failli; ils se sont demandés si la vie avait encore un sens.

Nous voici bien graves, et ce n’est pas faire justice à cette attachante équipe de joyeux lurons qu’est « Debout Marsouins ! » et à leur livre plein d’espérance, « Le soleil se lève sur nos blessures ». Mais il est vrai que l’histoire n’est pas terminée :

Les cicatrices sont vives, le potentiel physique est diminué, les nuits peuvent être agitées de cauchemars, et le deuil des frères d’armes est porté à jamais. Le chemin a été long, semé de souffrance et de doutes, mais tous ces soldats se sont relevés, et ont décidé de se confier.

On connait une des clés fondamentales de la guérison : accepter les mains tendues et parler. Avec ce livre, nos amis du 3e RIMa tendent à leur tour les mains et parlent : aux soldats en soin, handicapés, souffrant de SSPT, à leurs camarades, aux proches… et pourquoi pas aux Français dans leur brouillard métro-boulot-dodo ?

Saluons la volonté des CCH Benjamin Itrac-Bruneau et Rodolphe Guadalupi, à l’origine du projet. Ils ont su fédérer les énergies et ont convaincu des camarades à se livrer (et il faut du courage pour le faire, nous en sommes conscients). Et le résultat est là : un livre très émouvant, écrit avec un talent certain. L’un des grands récits milittéraire de ces dernières années, qui fait honneur au bel esprit Colo et à l’armée en général.

Le soleil se lève sur nos chers Marsouins de Vannes. Il n’est pas encore bien haut sur l’horizon pour certains, mais même s’il n’atteint jamais le zénith, ce n’est déjà plus la nuit.

Si notre métier n’est pas d’écrire, nous savons néanmoins nous exprimer avec nos cœurs et nos tripes. Et c’est ce que nous avons fait. Nous avons voulu réaliser ce livre pour nos frères d’armes morts pour la France ou blessés, pour tous les soldats de nos armées, pour leurs familles et leurs proches et pour vous, nos concitoyens. (...) Nous ne recherchons aucune gloire, mais espérons simplement que notre engagement et, dans une plus large mesure, celui de nos frères d’armes, soit connu, compris et reconnu par les Français.

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Marsouins à l’entrainement, région d’Ati, Tchad.

Ca ne siffle plus autour de nous, ça claque en permanence. Un avertissement que répétaient ceux qui avaient connu l’épreuve du feu me revient à l’esprit : « quand ça claque ce n’est pas bon signe, c’est que ça passe tout près ». Pour commander mon groupe, il me faut un minimum de champ visuel. Je suis donc légèrement accroupi. Soudain, je reçois comme un grand coup dans la gueule, ce genre d’uppercut à assommer un cheval. Je ne réalise pas que je viens de me faire toucher. Je cherche à commander, sans me rendre compte que j’en suis incapable, je ne peux pas parler, je parviens juste à émettre des borborygmes en crachant du sang, dès que j’ouvre la bouche. Je me sens faiblir.

LCL Jean-François Libmond, blessé en 1978 au Tchad lors du combat d’Ati.

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CCH Rodolphe Guadalupi en Bosnie

Avant même de comprendre ce qu’il m’arrive, une multitude de pensées imprécises se bousculent dans ma tête. Il me semble de n’avoir d’autre choix que d’accepter quelque chose que je ne comprends pas ni ne maîtrise. J’ai l’impression qu’une sorte de bulle se crée autour de moi, à l’intérieur de laquelle le temps se fige et l’espace se réduit à ma stricte personne. Un peu comme si l’Univers ne se limitait plus qu’à moi et moi seul. Je ne perçois absolument plus rien de mon environnement. Plus rien n’existe à part moi, tout le reste ne compte plus.

CCH Rodolphe Guadalupi, blessé en 1995 en Bosnie

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CCH Salami Abdou en Afghanistan

Je commence à reprendre mes esprits. Je mesure ce qui m’arrive mais sans comprendre et surtout sans l’admettre. Le fait de me retrouver en France, loin de mes camarades et de ne plus pouvoir continuer la mission m’anéantit (…) J’ai envie de tout casser ; j’ai envie de hurler ; Je me demande pourquoi moi ? Pourquoi ai-je été obligé de rentrer avant la fin du mandat ? J’ai le sentiment d’avoir abandonné mon groupe et ma section (…) Je veux revoir mes potes. J’ai besoin qu’ils me rassurent, qu’ils m’aident à me libérer de ce sentiment d’inachevé. J’ai besoin qu’ils me disent qu’ils ne m’en veulent pas de les avoir laissé tomber au milieu de ce vaste merdier.

CCH Salami Abdou, blessé en 2009 en Afghanistan

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CCH Benjamin Itrac-Bruneau en Afghanistan

Je passe mon premier mois à Percy entre pansements, soins, séances de kiné, visites de camarades du régiment, d’autorités, d’amis, de la famille, d’anciens… J’ai parfois l’impression d’être une bête de foire, répondant aux mêmes questions, certains se sentant obligés de me raconter leurs campagnes, comme pour justifier la souffrance qu’ils lisent dans mes yeux et qu’ils ne connaissent pas. Mais au moins je suis rarement seul et cela m’évite de ressasser sans arrêt l’embuscade du 3 août. Car si mon corps est à Paris, mon esprit est resté dans ce petit verger où, pendant quelques instants, ma vie a été plus intense, plus perceptible, plus concrète, plus vive qu’elle ne l’avait jamais été. En quelques instants je suis passé du courage à la peur, de la vie à la mort, de la résignation à la lutte ; mais de Marsouin… à plus rien.

CCH Benjamin Itrac-Bruneau, blessé en 2009 en Afghanistan

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CCH Salami Abdou, médaille militaire, et ADC Nadège Donzé, marsouin d’honneur, à Vannes

Je ressens comme un sentiment d’injustice. Pourquoi eux ? Y en aura-t-il encore d’autres ? Et si oui, combien ? Bien qu’aucun lien de parenté n’existe entre eux et moi, je me sens affectée et me surprends à laisser couler quelques larmes. Je suis effondrée, un peu comme si ces hommes étaient mes frères. Bien sûr, dans nos traditions militaires, nous parlons de « frères d’armes », mais ces hommes, au fond, me sont inconnus. Pourtant, c’est quelque chose de plus fort que moi, presque un besoin, de les voir, de modestement contribuer à améliorer leur quotidien entre les quatre murs blancs de leur chambre d’hôpital.

ADC Nadège Donzé, affectée au cabinet du ministre de la Défense, visite les blessés sur son temps libre

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Le pont de Vrbanja, Bosnie

Je retourne sur le pont. Décidément, les ponts jalonnent ma vie (…) J’entame le deuxième pack de bière. Ma tête commence à tourner, je commence à gueuler, à crier très fort, encore plus fort. Je gueule pour évacuer le stress, le mal-être, la rage, la haine, toute cette merde qui me ronge depuis dix ans. Le bruit des voitures couvre mes cris. Je gueule, je hurle à m’en faire péter les cordes vocales. Dans quelques instants, l’ivresse m’attirera vers le bas et mon voyage tourmenté se terminera.

Je crois aujourd’hui que je ne voulais pas mourir, je ne voulais pas quitter la vie, je ne voulais pas abandonner ma famille, mes amis. Je voulais juste qu’on m’aide.

CCH Eric, blessé physiquement et psychologiquement en Bosnie en 1995 lors de la reprise du pont Vrbanja

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Soldats français au Mali

Nous devons humblement accepter de n’être que des hommes. Nous ne sommes pas des machines de guerre insensibles à toutes les blessures faites à notre corps, à notre cœur et à notre esprit. C’est sans doute en acceptant cette fragilité qu’il est possible de sortir de la dépression. Il n’y a que dans l’abandon du rôle qu’il s’attribue ou que les autres lui attribuent que le blessé psychologique pourra se reconstruire.

CCH Eric, blessé physiquement et psychologiquement en Bosnie en 1995

***

150px-3eme_RIMa.pngLe collectif « Debout Marsouins ! » a été créé à l’initiative de deux Caporaux-Chefs du 3e RIMa Rodolphe Guadalupi et Benjamin Itrac-Bruneau, avec la volonté de témoigner de leur engagement au service de la France, mais aussi de leur reconstruction physique et psychologique, après leurs blessures respectives en Bosnie et Afghanistan. Fédérant autour d’eux plusieurs Marsouins du 3e, vétérans du Tchad, de Bosnie et d’Afghanistan, blessés physiquement ou moralement, mais aussi des proches, des personnes œuvrant dans le soutien, des psychologues, infirmiers et médecins militaires. L’aventure est menée à bien et quinze textes sont publiés en autoédition, sous le beau titre « Le soleil se lève sur nos blessures ». Préface du COL (r) Pierre Servent.

Nous ne sommes pas des têtes brûlées. Nous sommes des citoyens au service de nos concitoyens et de notre pays, dont nous défendons les intérêts, les armes à la main, dans la discipline, dans le respect des lois, et sans état d’âme à chaque fois qu’on nous le demande. Nous sommes en même temps le bras armé de la Nation et le bouclier de chaque Français.

Nous ne sommes pas des victimes. Nous sommes des blessés de guerre.

Collectif « Debout Marsouins ! »

 

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Souvenirs de nos bons moments avec Nadège, Benjamin et Rodolphe en 2016. Déjeuner à Paris, Salon du Livre et Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr à Coët. 

Mais notre relation avec les soldats auteurs ne s’arrête pas après une rencontre sur un salon, la lecture du livre et son humble promotion. Nous la vivons dans la durée et beaucoup sont devenus des amis proches. Un exemple : Le 20 mai dernier, nous avons assisté à une conférence de l’IHEDN sur le thème « Les gueules cassées, blessures visibles et invisibles », organisée par notre chère Nadège du collectif « Debout Marsouins ! ».

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Sous la houlette du médecin en chef (COL) Jean-Christophe Amabile, du Service de Santé, excellentes interventions, passionnantes et d’une heureuse spontanéité, du CCH Frédéric Cantelou, Marsouin du 1er RIMa blessé physique et psychique au Mali, de l’ADC Christian Bonnot, chef du bureau environnement humain du 1er RIMa, et de Mr Henry Denys de Bonnaventure, président de l’UBFT – fondation « Les Gueules Cassées », blessé en Algérie. Parallèlement, l’artiste René Apallec présentait ses œuvres, impressionnants collages sur le thème de la blessure de la face. Voir son site ici.

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Le 16 mars 2013, au Mali, Frédéric Cantelou est gravement blasté, blessé, brulé, par l’explosion d’un IED.  Le CPL Alexandre van Dooren, pilote de leur AMX10RC, est tué ; les deux autres membres de l’équipage sont grièvement blessés eux aussi. Nous étions présents sur le pont Alexandre III, pour honorer le sacrifice d’Alexandre et manifester notre soutien à ses proches et camarades. Nous avions tenus à partager notre émotion sur le blog naissant. C’est ici.

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A l'issue de la conférence, les participants ont  manifesté leur soutien à l’association « Au-delà de nos handicaps » représentée par son président le GAL (2s) Georges Lebel, via une participation financière au projet  « Mercantour Dream Warriors », raid que vont effectuer en juin huit militaires atteints de blessures physiques invalidantes ou psychiques/SSPT et deux jeunes adultes civils handicapés. Soutenez comme nous ce beau projet ici. Page FaceBook

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Et pour conclure ce semi aparté (vous aurez noté le Général Lebel posant avec le livre), nous adressons toute l’affection des CCB (Caporaux-Chefs de Bataillon) d’Une Plume pour L’Epée à nos camarades Marsouins ! (blague privée :))

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« Le soleil se lève sur nos blessures » par le collectif « Debout Marsouins ! »

[grades et fonctions à l’époque des faits]

SGT Jean-François LIBMOND, blessé par balle à la gorge lors du combat d'Ati, Tchad, 1978,

1CL Eric, blessé lors la reprise du pont de Vrbanja, Bosnie, 1995,

1CL Rodolphe GUADALUPI, blessé à Sarajevo, Bosnie, 1995 ; Catherine BLANDIN sa maman,

1CL Benjamin ITRAC-BRUNEAU, blessé en Kapisa, Afghanistan, 2009 ; 1CL Chay-Dene, premier camarade à lui porter secours,

CPL Salami ABDOU, blessé par explosion d'IED en Kapisa, Afghanistan, 2009,

1CL Maxime GARNIER, blessé psy après sa mission en Kapisa, Afghanistan, 2009 ; propos recueillis par le collectif et retranscris par Georges GUEHENNEUX,

Olivier BOREL, psychologue de la CISPAT,

COL Thierry MALOUX, chef de la CABAT,

Médecin-général inspecteur Dominique FELTEN, ICAS Anne-Sophie REHEL et MAJ Sébastien KEIRSSE, médecin et infirmiers au groupe médico-chirurgical de Sarajevo, Bosnie, 1995, propos recueillis et retranscris par Sabine FOSSEUX,

ADJ Nadège DONZE, chargé du suivi des dossiers des blessés au sein du cabinet du MINDEF en 2008/2009,

Préface du COL (r) Pierre SERVENT.

ISBN 9781364289119 – Format 15x23, 200 pages – Prix 8,45€

Disponible ici.

Page FaceBook .

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Hommage

A l’ADJ Jean-Louis Allouche, Tchad

Au CPL Joseph Lenepveu, Tchad

Au 1CL Guy Jolibois, Tchad

Au CPL Johnny Comtois, Bosnie

Au CPL Marcel Amaru, Bosnie

Au 2CL Jacky Humblot, Bosnie

Au CPL Anthony Bodin, Afghanistan

Au CPL Johan Naguin, Afghanistan

Au CCH Thomas Rousselle, Afghanistan

Au 1CL Kevin Lemoine, Afghanistan

Au SGT Johann Hivin-Gérard, Afghanistan

A tous les Marsouins du 3e RIMa morts pour la France,

A tous les morts pour la France,

Aux blessés physiques et psychologiques,

A leurs proches.

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« Amazing Grace » par le 3e RIMa, sous la direction de Philippe Hardy 

Durant toutes les années que mon fils a passées au 3e RIMa et à chacun de ses départs en mission, mon entourage familial et amical me montrait une sollicitude un peu encombrante, comme si j’étais la victime, la mère d’une future victime de guerre. J’ai refusé de tous cette attitude et l’ai combattue. J’estimais en effet que le métier de Rodolphe, malgré les terribles risques qu’il comportait, ne devait pas inspirer la « pitié », mais plutôt le courage et la fierté, accompagnés de noblesse, cette noblesse de ceux qui vont au bout de leurs convictions.

Catherine, maman du CCH Rodolphe Guadalupi, blessé en 1995 en Bosnie

 

Je suis aujourd’hui sergent. Je voulais quitter ce métier militaire qui m’a tant fait souffrir. Mais au bout du compte, je ne vois pas d’entreprise capable d’autant d’attentions à l’égard d’un de ses fils. Fils, un mot bien différent des termes usuels : salarié, employé, personnel, ressortissant… J’existe aux yeux de mes frères d’armes, je ne suis pas jugé, je suis un guerrier des Troupes de Marine, je suis un soldat de France.

SGT Maxime Garnier, vétéran d’Afghanistan, blessé psy

 

 

 

 

 

 

27/04/2017

Le Ministère de la Défense au Salon du livre 2017

Photos Natacha/UPpL’E – Droits réservés

 

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Retour sur la belle journée passée au Salon du Livre de Paris. Les années passent et le succès des mili-auteurs ne se dément pas, voire s’amplifie, vue la foule désormais présente sur le *superbe* stand du Ministère de la Défense, pour échanger et se faire dédicacer les livres. Mais il est vrai que les écrivains combattants ont peut-être des « choses » à raconter un peu plus intéressantes que la moyenne… :)

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Il faut désormais faire la queue pour approcher les soldats auteurs. Qui s’en plaindrait ? Voici ceux que nous avons rencontrés lors de notre visite le samedi, une toute petite partie du potentiel, car d'autres étaient présents les vendredi et dimanche, ou présentaient des livres tout à fait intéressants mais sortant de notre "scope" du récit autobiographique (histoire, stratégie, BD...).

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COL Marc « Claudia » Scheffler

Débutons avec notre camarade Marco. Il est l’un des parrains d’Une Plume pour L’Epée, car rencontré alors que le blog n’était qu’à ses balbutiements. Profitant de soirées solitaires laissées par sa dernière OPEX au Tchad, notre auteur « Mud » a repris la plume pour un second livre, toujours sous les couleurs Nimrod. A la clé : « Naissance d’un pilote », en quelque sorte un préquel à son premier récit, le remarquable « La guerre vue du ciel », abordé ici. Marco revient en effet sur toute une période allant du rêve d'ado à la chambre décorée de posters de Mirage, à son installation effective dans le cockpit d'un 2000D. Se lit comme un roman d'aventure (et c'en est une). Absolument passionnant !

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- Allez Claudia, à toi !

J’empoigne le manche et la manette des gaz. Immédiatement, le Tucano se met à s’agiter. Comme je suis crispé, mes va-et-vient au gaz sont trop amples et mes coups de manche trop appuyés. Presque à le toucher, le Tucano de Tong danse à quelques mètres devant moi.

- Compense l’appareil, souffle un peu et remets-toi en position souplement, me conseille Caris.

Je bataille sans réussir à trouver le bon dosage dur les gouvernes. Pire, je suis de plus en plus sur les nerfs et ne parviens pas à franchir la barre des derniers mètres. Dès que je m’approche trop, nos deux Tucano se repoussent comme des aimants (…) Trop prêt, je suis dangereux, trop loin, je ne suis pas en place. Mon espace vital s’est soudain rétréci. Jusque-là, je n’avais évolué que seul et le ciel était à moi. Là, pendant dix minutes, je fais l’accordéon avec l’avion de Tong ? Caris tente de dédramatiser :

- Commence par te calmer un peu, j’entends ton souffle saccadé et j’ai l’impression de voler derrières un asthmatique…

*

Aux éditions Nimrod. Disponible ici

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« La guerre vue du ciel » a été abordé ici.

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Avec Mr Nimrod, éditeur majeur s’il en est, et « Claudia »

***

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COL Raphaël Bernard

Après l’aviateur, l’artilleur… Raphaël Bernard poursuit la promotion active de « De sueur et de sable », son journal de marche alors qu’il a été placé à la tête d'un convoi composé de Tchadiens, Népalais et Ivoiriens, retraçant une épopée de 14 jours/1200 km dans le nord Mali. Premier témoignage sur Barkhane, ce livre mode « salaire de la peur » se lit avec beaucoup de plaisir. Nous l’avons abordé ici.

Quelques semaines après le salon, Bernard était déployé au Tchad. On a évoqué un second livre…

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Le véhicule stoppe à deux cents mètres de notre position. Il s’arrête et éteint ses feux. Je regarde le commandant Abakar. Nos yeux disent la même chose : bizarre. Je demande à Tornade d’envoyer un élément pour contrôler le véhicule en positionnant un second élément en appui direct prêt à ouvrir le feu. J’ignore la nature exacte de ces « voyageurs » (…) J’entends la tourelle du blindé deux cents mètres à l’ouest pivoter avec un bruit de crémaillère. Tout le monde observe et retient son souffle. Je saisis mon Famas qui me suit partout. Je le colle sur la poitrine. Les officiers tchadiens saisissent leurs Kalachnikov…

*

Aux éditions Le Polémarque. Livre abordé ici

***

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Marius

Et après les armées de terre et de l’air, voici la Marine. Doit-on présenter Marius ? :) Le commando-marine & acteur est toujours heureux d’aller à la rencontre de ses fans, et ils sont nombreux : « Parcours commando » (abordé ici) est certainement le plus grand succès public de la milittérature de ces dernières années, avec des dizaines de milliers d’exemplaires vendus.

Nous souhaitons d’ailleurs le même succès à tous les autres livres, ils méritent la plus large diffusion possible.

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Je reste persuadé que l’homme, quelles que soient son éducation, son origine ou ses racines, garde toujours en lui une étincelle qui peut lui permettre de changer et d’évoluer dans le droit chemin. Pour y parvenir, pour transformer cette étincelle en flamme, il lui faut cependant l’entretenir et la stimuler, avoir le désir, l’envie et la volonté de changer, mais aussi le courage d’affronter le regard des autres et d’écouter les conseils qu’ils peuvent vous donner. Bien des hommes se murent dans leurs certitudes privant cette étincelle de la moindre molécule d’oxygène et l’amenant ainsi à s’éteindre définitivement.

*

Aux éditions Nimrod. Livre abordé ici

***

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ADJ Sébastien Dupont

Enfin une rencontre avec l'ADJ Sébastien Dupont, ancien de l’ECPAD, désormais membre de la cellule communication de la BA 126. Il est vrai que nous le « pistions » depuis un certain temps... Long échange et anecdotes partagées. Nous avons hâte, évidemment, de lire son "Journal d'un reporter militaire", sujet largement inédit, qui met enfin à l’honneur les photographes et communicants de notre armée. 

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J’ai essayé d’être en osmose avec ceux que je photographiais, de faire un travail plus humaniste qu’artistique, même si la qualité graphique de l’image fait partie de sa force et de son impact dans les mémoires (…) La photo n’est finalement pour moi qu’un moyen de me rapprocher de ces hommes et de ces femmes, de les comprendre, de leur donner, en quelque sorte, la parole. Si mes images ont été là pour traduire leur message, je n’aurai pas été totalement inutile.

*

Aux éditions de la Flèche. Disponible ici.

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Et enfin une bien sympathique découverte : Justine Perard, auteur de "Justine, vent debout", témoignage retraçant son parcours d’élève de l’École des Mousses de Brest. Bonne nouvelle que cette parution : sujet totalement inédit et bien trop peu de livres sur la Royale...

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Je suis de quart. J’aime faire 20h-minuit et 4h-h. Voir le coucher de soleil au milieu de l’Atlantique, c’est extraordinaire. Toutes ces couleurs qui se mélangent et s’assemblent si bien, de l’orangé jusqu’au bleu-gris, en passant par des teintes jaunes et rouges, avec la mer, qui englobe tellement bien le ce cadre magnifique. J’ai aussi la chance de pouvoir assister au lever de soleil, où tout est en ébullition : les couleurs, les sons du jour. C’est comme si après une nuit noire, le monde revenait à la vie.

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Aux éditions Saint-Honoré, disponible ici

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Enfin, vos serviteurs avec Céline du SIRPAT. Nous la remercions, à nouveau, pour son accueil, son intérêt pour notre projet (et ses invitations :). Très beau stand, non moins belles et beaux auteurs, et la foule au rendez-vous. Mission accomplie avec brio Céline ! Félicitations à partager avec les sympathiques autres communiquants de l’Air, de la Marine, du service de Santé et de l’ECPAD.

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Et on ne le répétera jamais assez :  Allez à votre tour à la rencontre des soldats-auteurs, porte-paroles de tous leurs camarades. Vivez ce que nous vivons : le grand bonheur d'échanger avec des femmes et des hommes d'exception.

Chic à nos soldats !

 

 

 

 

 

 

 

 

15/03/2017

« Légionnaire », ADC (er) Victor Ferreira, 4e RE, 13e DBLE, 3e REI, 2e REI ; LTN (r) Bertrand Constant, 2e REP ; Mareuil Editions

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

 

Et le temps passera. Ces hommes, anonymes sous le képi blanc, continueront de défiler majestueusement et de se battre comme ils l'ont toujours fait, relevés par d'autres hommes au même képi blanc, ayant toujours dans les yeux le reflet de cette foi intérieure qui ennoblit la Légion.

Maréchal Juin

 

 

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Au GRLE, Fort de Nogent

Ce n’est pas un scoop, Une Plume pour L’Epée aime les Légionnaires. Nous les côtoyons d’ailleurs régulièrement, comptant bien des amis bérets verts, ayant nos habitudes au fort de Nogent pour Camerone, à la popote des Caporaux-Chefs, visitant la Crèche, guinchant au bal de Miss Képi Blanc, etc. Mais vous, les connaissez-vous ?

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Voici un bien joli livre qui peut vous éclairer et « tuer » quelques « légendes urbaines » sur la Légion (ramassis d’anciens délinquants, tueurs en puissance et autres blablabla). Après le très beau "La Légion dans la peau", notre ami Victor Ferreira a repris son bâton de pèlerin et son appareil-photo : parcourant pendant deux ans les bases béret-vert, jusqu’en Côte d’Ivoire. Il a « flashé », sans artifice car c’est sa marque de fabrique, des visages de jeunes et d’anciens. Posant à chaque fois les mêmes questions, il a confié les enregistrements à un autre Légionnaire, Bertrand Constant, qui a rédigé les textes d’accompagnement.

« Légionnaire » est superbe de simplicité, tant pour les photos que pour les textes. Et c’est heureux, car ces hommes n’ont aucun besoin « d’amberlification »…

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« - Qu’est-ce que tu veux dans la valise ?

- Ben, pas grand-chose, cigarettes, affaires de toilette, mes bricoles habituelles…

- Mais, on dirait que tu pars pour l’Armée ?

- Oui, Maman, je pars à la Légion. »

Evidemment, elle a pleuré. Et moi aussi.

Jean, 72 ans, de Hongrie

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J’ai souffert en arrivant mais je commence à m’adapter. Je sens que ça vient, que je vais trouver mes marques. En fait, j’aime tout ici. On me force à faire des choses que je n’aurais jamais pensé pouvoir faire. On me dit de le faire, j’essaie et j’y arrive. Chaque jour il y a une progression. Maintenant je crois en mes capacités, j’ai confiance en moi.

Saikou, 25 ans, de Guinée-Conakry

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En arrivant au 2e REP, j’ai toujours été volontaire, je n’ai jamais reculé. Parfois, je ne comprenais pas tout, mais je disais « oui » et ensuite je trouvais les solutions. C’est ça l’esprit Légionnaire ; être bon, même quand on ne l’est pas.

Milos, 28 ans, de Serbie

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Je me suis engagé à 36 ans. Certains disent que c’est trop vieux mais ça dépend juste de ton état d’esprit (…) J’étais plus vieux que ceux qui s’étaient engagés en même temps que moi mais j’étais à 200%. Je suis passé « à la niaque ».

Gilles, 45 ans, de France

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On essaie chacun de notre côté d’honorer au mieux la Légion Etrangère et je dois dire qu’elle nous le rend bien. C’est notre refuge, notre famille toujours présente quand ça ne va pas. Il m’arrive de douter, de ne pas savoir quel chemin prendre et, dans ce cas-là, je m’assois et je regarde longuement mon béret vert. Je ne dirais pas que c’est un miracle mais, étrangement, tout revient dans l’ordre.

Fabien, 25 ans, de France

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Je suis très fier d’être Légionnaire parce que, dans mon pays, la Légion Etrangère est une légende, un mythe ! Et aujourd’hui, moi, le jeune Ukrainien sans boulot, je fais partie de cette légende.

Taras, 30 ans, d’Ukraine

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Je suis passé deux fois tout prêt de la mort. Parfois, j’ai peur juste à l’idée d’une troisième fois. C’est normal.

Patrice, 45 ans, de France

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Quand mon ex-femme a eu un cancer du sein, j’ai voulu démissionner en urgence pour m’occuper d’elle. Je voyais l’enfer arriver. Mais la Légion a été plus intelligente que moi. Mes chefs m’ont dit : « Non, ne démissionne pas, il y a des solutions. Tu es Parisien, on va te mettre en poste à Paris ». Et ils l’ont fait.

Jonathan, 34 ans, de France

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Tu peux être n’importe qui, commando ou astronaute ou médecin ou tout ce que tu veux, quand tu arrives à la Légion, c’est fini. Tout le monde repart à zéro. C’est extraordinaire.

Jorge, 67 ans, du Portugal

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10.jpgVictor Ferreira nait en 1963 au Portugal. En 1984, il s’engage dans la Légion Etrangère, pour laquelle il sert plus de 20 ans, aux 4e RE, 13e DBLE, 3e REI, 2e REI. Il est notamment déployé au Tchad, en RCA et en Bosnie. Lors de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, il est aide de camp du GAL Lecerf. Il quitte l’institution en 2007, alors adjudant-chef. Victor est désormais photographe professionnel.

 

DSC02927.JPGBertrand Constant est Saint-Cyrien. Optant pour la Légion, il commande une section de combat du 2e REP pendant 3 ans. Il quitte l’armée en 2000 pour une carrière de comédien. En parallèle à ses tournages réguliers, il développe des projets pour la télévision et le cinéma en tant que scénariste et réalisateur.

 

 

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Avec Bertand et Victor lors de la soirée du lancement du livre, à la librairie Fontaine Haussmann, novembre 2016.

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« Légionnaire », Victor Ferreira (photos) et Bertand Constant (texte)

ISBN 978-2372540216 – Prix 20 € - Format 22x17, 200 pages.

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Aux éditions Mareuil

Disponible ici.

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Pour mémoire, nous avons abordé le superbe premier livre de Victor « La Légion dans la peau » ici.

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Hommage

A tous les Képis Blancs.

Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense

Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé

N'est pas cet étranger devenu fils de France

Non par le sang reçu mais par le sang versé ?

 Pascal Bonnetti

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Non, cela n’a pas été facile de devenir Légionnaire,

On le devient en souffrant : sueur, sang, larmes…

Simplement voilà, c’était la voie, chance dernière.

Travailler avec des êtres différents, frères d’armes,

Route droite, unique, fraternelle, dans l’honneur ;

Aventuriers fiers. Merci, Légion, pour ce bonheur.

 

Extrait d’un poème de Pedro, postface à « Légionnaire », Victor Ferreira, Bertrand Constant

 

 

 

 

 

01/02/2017

« De sueur et de sable », COL Raphaël Bernard, EM 1re DIV, éd. Le Polémarque

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos et vidéos © Colonel Bernard. Droits réservés.

 

 

« Qu’importe si le chemin est long, du moment qu’au bout il y a un puits »

Proverbe touareg

 

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Il fût un temps où nous devions attendre des années avant de lire un témoignage sur une opération. Cette frustration est désormais caduque, la parole de nos militaires s’étant libérée ; leur volonté de témoigner certainement encouragée par l’Institution. Voici donc,  après les beaux récits sur Serval, un premier témoignage sur Barkhane et la MINUSMA.

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Journal de marche du Colonel Raphaël Bernard, artilleur promu chef de méharée-mécanique, « De sueur et de sable » nous fait vivre son épopée de 1200 km, ouverture de route dans le Nord-Mali, par un convoi composé de Tchadiens, Népalais et Ivoiriens. Nouveau « Salaire de la peur » (Ah ce p* de camion-citerne antédiluvien ! Ah ces p* de wadi !), mission digne de nos grands anciens de la Saharienne, le récit est aussi bien mené que l'aventure l’aura été en elle-même. Excitation, engagement, risques, galère, fatigue, doutes, rigolades... mais aussi l’occasion d’une belle introspection ; le désert, il est vrai, s’y prête.

Plongez à votre tour dans ce beau récit écrit avec le cœur, tout en sueur, sable... et fraternité.

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Le jour point. La lune est basse, presque occultée (...). Seul un petit croissant demeure encore et il est magnifique de finesse. Comme chaque matin, l’artiste revoit sa toile. Les touches de couleurs se succèdent et les pastels virevoltent dans le ciel. Le soleil viendra mettre de l’ordre dans tout ça avec un bleu superbe comme chaque jour ici. Les véhiculent fument, les hommes s’agitent, chargent les paquetages, « déshaubanent » les antennes, vérifient les véhicules et l’état des pneumatiques. J’aime cette ambiance.

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Le sapeur népalais me convie à venir goûter le dîner de ses hommes. Je suis touché et ravi ; j’accepte de bon cœur (…) Au menu il y a du riz, quelle surprise ! Une assiette m’est tendue une sauce aux légumes est versée. Me croirez-vous si je vous dis que la sauce ferait décoller la rouille sur une épave millénaire : ça AR-RACHE !!!

- Sir, it’s not too spicy, Sir?

- You’re kidding! I’m really a fan of Asiatic food!

Ma bouche est un volcan, mes lèvres pèsent trois tonnes et il me semble qu’elles enflent démesurément. Je vais cracher le feu, c’est sûr. Ca ne peut finir que comme ça. Pour autant, comme le dit Thérèse dans le Père Noël est une ordure : « Je mange car c’est offert de bon cœur ».

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Le véhicule stoppe à deux cents mètres de notre position. Il s’arrête et éteint ses feux. Je regarde le commandant Abakar. Nos yeux disent la même chose : bizarre. Je demande à Tornade d’envoyer un élément pour contrôler le véhicule en positionnant un second élément en appui direct prêt à ouvrir le feu. J’ignore la nature exacte de ces « voyageurs » (…) J’entends la tourelle du blindé deux cents mètres à l’ouest pivoter avec un bruit de crémaillère. Tout le monde observe et retient son souffle. Je saisis mon Famas qui me suit partout. Je le colle sur la poitrine. Les officiers tchadiens saisissent leurs Kalachnikov…

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Nous avons eu un fou rire lors du petit-déjeuner. Derrière nous, un jeune soldat faisait sa prière du matin. Les autres Tchadiens l’ont interpellé en arabe dans des éclats de voix et de rire. Je n’ai pas immédiatement saisi la raison de cette hilarité générale mais Abakar vint à mon secours. Le jeune Abdallah faisait fort convenablement sa prière, malheureusement pas dans la bonne direction. Au Mali la Mecque est plein est, justement où le soleil se lève. Et justement, il était là, l’astre repère. Bien que ne comprenant pas l’arabe, j’ai saisi l’infortune cocasse du jeune Abdallah, jeune croyant très mal réveillé, montrant ses fesses à la Mecque en se prosternant face à l’Ouest.

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Arrive le tour de la citerne de tous nos maux. Comme les autres véhicules, elle s’élance à tombeau ouvert, passe à un mètre de nous dans un bruit de mécanique et de ferraille, attaque le sable, vire légèrement. Nous suivons le monstre des yeux. Le nuage noir qui le suit laisse présager de sa colère et de sa hargne de vaincre. Pourtant, sa vitesse décroit doucement. Le monstre est bel et bien sorti de la piste principale et il baisse rapidement le nez avant de s’immobiliser. Son conducteur tente de repartir mais son action ne fait qu’ensabler un peu plus la citerne. Je vois les visages autour de moi se fermer. Je relance l’action par un « Allez, on s’y met tous et on l’arrache cette putain de citerne ! ». Et je saisis une pelle.

Je dîne sans appétit. Je repense à cette foutue après-midi où nous avons parcouru vingt-trois kilomètres en sept heures. Quel enfer, que de tension, de stress rentré et de prise sur soi pour se montrer confiant et « pushy » devant des hommes persuadés que je sais où je vais. Je suis exténué et j’ai besoin de faire une toilette comme pour chasser la chkoumoun qui nous colle aux pneus.

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Je suis furieux. Je dis [au chauffeur] qu’il est un amateur, que j’en ai marre de lui et de toutes les emmerdes qu’il nous apporte et que, arrivé à Anéfis, je le laisserai sur place (…) Le ton sur lequel je dis ces mots en haussant la voix fait taire les Tchadiens. Le chauffeur, au lieu d’accuser le coup et de plaider coupable (…) me regarde et me dit : « J’en ai marre, marre, marre et j’en ai marre de vous et de toi ! ». L’homme pointe son index de manière circulaire vers les Tchadiens puis finalement vers moi en le maintenant, bras tendu. Un Tchadien à ma droite relève brutalement le canon de sa Kalachnikov…

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Nous ne sommes plus très loin. Je me suis un peu isolé avec, à la main, un manche cassé de pelle. Mon esprit s’évade un peu, le présent se débloque et je pense à l’après.

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13000314_590126381145007_8615185324440209308_n.jpgSaint-Cyrien de la promotion « Chef de Bataillon de Cointet », Raphaël Bernard rejoint l’Artillerie. Déployé en Côte d’Ivoire, Sahara Occidental, Liban, Ex-Yougoslavie et Kosovo, passé par l’Ecole de guerre et titulaire d’un MBA d’HEC, il est chef de corps du 1er RA de 2013 à 2015. Fin 2014, en poste à Kidal Nord-Mali, il s’élance dans une mission d’ouverture de route de mille deux cents kilomètres, seul Occidental à la tête d’un convoi MINUSMA de cent quarante-deux Tchadiens, Ivoiriens et Népalais, expérience dont il tire le récit « De sueur et de sable ». Il est désormais chef du bureau Opérations de la 1ère Division.

Avant de partir au Mali, quelqu’un m’a demandé ce dont j’étais le plus fier. Je ne m’étais jamais posé cette question. Mon parcours professionnel ? Mon parcours académique ? Mon parcours sportif et associatif ? Mes OPEX ? J’ai réfléchi à ce que je ne pourrais jamais remplacer, à ce que je n’accepterais jamais de perdre, à ce qui me constitue les plus intimement. J’ai répondu sans hésiter : mes trois fils.

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Page FaceBook de l'auteur ici.

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Avec le COL Bernard, Salon de l’Écrivain Soldat, Nice 2016.

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« De sueur et de sable », Colonel Raphaël Bernard,

ISBN 978-1092525077 – Prix 15€ – Format 21x14, 255 pages.

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Aux éditions Le Polémarque

Disponible ici.

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Hommage

à tous les soldats qui ont défait les djihadistes au Nord-Mali et œuvrent aujourd’hui pour la stabilisation du Sahel.

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J’aime comprendre ce que chaque homme a en lui et ce qui le fait avancer : le pognon, l’aventure, l’idéal, l’égo, la vocation, la volonté de démontrer à son père ou ses proches qu’il est quelqu’un, qu’il est capable, qu’il est un homme… Suis-je anthropophile ou sociologue ? Je crois que c’est surtout ma façon, d’une part de respecter et de considérer mes garçons et d’autre part un biais pour les motiver et répondre à leurs attentes (…) Je suis convaincu que chaque soldat a des qualités en lui, même s’il est sans diplôme, même s’il a fui une école où il a additionné les échecs. Il s’agit, pour nous, de le remettre dans la spirale de la réussite, de valoriser ce qu’il sait faire et ce qu’il réussit en apprenant différemment que sur une chaise scolaire. L’Institution militaire est, pour la grande majorité des dix mille jeunes qui chaque année la rejoignent, une école de la seconde chance, une vraie école de la vie.

COL Raphaël Bernard

 

 

 

 

08/01/2017

Salon des Ecrivains Combattants & Balade Artistique et Littéraire de l’EOGN 2016

Photos Natacha/UPpL’E

 

Il est souvent des engouements qui s’estompent avec le temps. La collection de timbre, le footing du samedi matin… Mais celui qui nous concerne, lire ces beaux récits de soldats, rencontrer leurs auteurs, échanger avec eux, sont de tels bonheurs renouvelés que nous abordons la 5ème année d’existence d’Une Plume pour L’Epée plus motivés que jamais !

Et pour débuter 2017, retour sur les deux derniers salons milittéraires de l’année passée.

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Avec le général de division (cr) Claude Le Borgne. Saint-Cyrien pendant la Campagne de France, il rejoint la Coloniale. Méhariste en Mauritanie, il quitte les sables africains pour les rizières indochinoises, avant de les retrouver en Algérie. Commandant le 2e RP à Madagascar, il termine sa belle carrière avec la Guerre-Froide, chef des 9e BI et 5e DB en Allemagne.

C’est toujours un honneur de rencontrer un grand ancien, et celui-ci s’est révélé particulièrement charmant, du haut de ses 93 vaillants printemps ! Magnifique carrière au service de la France ; magnifique Monsieur.

A noter que Claude est le frère du GAL Guy Le Borgne, autre figure de l'Armée française.

A ce jour, nous n’avons que feuilleté le livre, mais d’ores et déjà une chose est certaine : il est merveilleusement écrit et nous avons devant nous une bien belle et passionnante lecture…

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Il est bien connu que le vieillard, sentant sa mort prochaine, voit le monde courir à sa perte du même pas que lui. Nul n’ajoute foi à ses jérémiades. Il en va toujours ainsi.

Pourtant, le tocsin que branle le vieux pourrait bien être, pour la première et dernière fois, le bon.

Essayons, fût-ce sans espoir, de le faire entendre…

Aux éditions Albin Michel. Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, ou sur tous les sites du Net.

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Enfin une rencontre avec Wladyslaw Sobanski. Déployé en Indochine en 1951, rejoignant le 2e Bataillon Thaï, il est fait prisonnier par le Vietminh quelques jours avant son rapatriement. Interné au camp 113, il y subit pendant 409 jours les affres du funeste Boudarel, professeur à Saigon, communiste ayant rejoint dès 1950 le Viêt-Cong. Wladyslaw n’aura de cesse, dès lors, de faire reconnaître par la Justice française le crime commis, hélas sans réel succès. Il est des prescriptions indignes.

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Dans le camp 113, Boudarel porte une responsabilité énorme dans la mort de mes camarades. Car on peut tuer un homme sans jamais lever la main sur lui. Il leur a porté le coup de grâce en manipulant leur conscience et en leur imposant des comportements, des sentiments, des réflexes pernicieux à un moment où ils étaient affaiblis à l’extrême et, de ce fait, hautement vulnérables. Il les a fait sombrer dans un gouffre psychologique et leur a ôté le goût et la volonté de vivre. Pour ma part, je ne fais plus que 39 kg, contre 90 au moment où j’ai été fait prisonnier.

Aux éditions Amalthée, disponible ici.

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Retrouvailles avec notre cher général Barrera, commandant la glorieuse brigade Serval au Mali, ancien Chef de corps du 16e Bataillon de Chasseurs, and so on. Nous renouvelons ici nos plus vifs remerciements au Général pour son soutien dans un projet qui nous tenait tant à cœur et qui, grâce à lui et quelques autres camarades, a abouti au-delà de nos espérances… (la solution à cette devinette se situe en page de gauche du blog, logo + rubrique « à propos »…).

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La section de Gaulois [92e RI] est alignée sur deux rangs, impeccable, les armes à la main. Ils sont commandés par un adjudant solide qui a encaissé le choc à plusieurs reprises. Le plus petit à droite tient son fusil de tireur d’élite par le canon, la crosse posée au sol. Il est jeune et pourtant il a l'air terriblement décidé. L'amiral [Guillaud, CEMA] lui demande s'il a tiré sur des terroristes avec son fusil ; réponse négative. Cela ne correspond pas à ce que je sais de cette section, à ce que je perçois de ce soldat. Je retourne le voir, seul, pour l'interroger. Non, il n'en a pas arrêté avec son fusil de tireur d'élite, ils étaient trop près et montaient à l’assaut contre son groupe, mais il en a abattu deux avec son pistolet automatique, à quelques mètres. C'était eux ou lui.

Nous avons abordé le *vivement* recommandé « Opération Serval » ici

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Nous venons de parler d’un bon camarade, en voici un autre ! Le colonel Philippe Cholous, gendarme mobile au passé de Marsouin, Afghaner, du beau militaire tout en panache à la Bayard ! Lui aussi contribué à l’aboutissement de notre projet (cf plus haut).

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Pris sous le feu, je ne peux débarquer pendant l’accrochage. Restant inactif à bord de mon Humvee qui est en milieu de rame, les minutes me paraissent interminables. Je sais que le blindage me met à l’abri des armes légères et que la proximité des habitations complique les tirs ennemis. Pour le reste, notamment les roquettes, je me sens vulnérable. Je me sens d’autant plus immobile qu’en tourelle, le servant de la mitrailleuse s’en donne à cœur joie. Les étuis pleuvent dans l’habitacle.

Nous avons abordé son très intéressant « Deux ans dans les pas de Zamaraï Païkan, général et héros afghan », ici

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Et nous en profitons pour présenter son dernier essai « De la philosophie essentielle du commandement militaire », couverturé avec du Guesclin. Aux éditions Lavauzelle, disponible ici.

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Un rencontre comme on les aime : le médecin en chef (LCL) Etienne Philippon complète, pour notre plus grand bonheur, la milibibli des Afghaners. Il nous reste à lire « Médecin en Afghanistan » (la pile est épaisse… tant mieux) mais nous allons évidemment apprécier ce journal de marche et nous inclinons respectueusement devant l’engagement et l’abnégation des hommes et des femmes du Service de Santé et des infirmiers régimentaires.

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La vie est belle après la bataille. C’est la joie d’être vivant, de respirer tranquillement. Je constate que, comme parfois ceux qui sortent des hôpitaux, plus on est passé proche de la mort, plus on a le sens de la vie. Drôle d’euphorie. La minute présente, écrasée jusque-là entre le passé lourd de danger et l’avenir redoutable, cesse d’être toute petite. Les minutes semblent remplir tout le temps de leurs plénitudes, comme l’espace de notre popote parait avoir l’immensité du monde.

Aux éditions Lavauzelle, disponible ici

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Avec l'ami Victor Ferreira en promo de son dernier opus "Légionnaire". Son complice Bertrand Constant étant retenu sur un autre salon, nous nous rattrapons avec une photo de la soirée de lancement du livre, à la librairie Fontaine Haussmann. Livre-collection de portraits de Képis blancs, Victor et Bertrand sont on ne peut plus légitimes pour aborder le sujet : le premier, photographe, est un ADC en retraite, passé par les 4e RE, 13e DBLE, 3e REI et 2e REI et le second, auteur des textes, est Saint-Cyrien, ancien lieutenant du 2e REP. Nous reviendrons évidemment sur ce beau livre, mais en attendant, teaser :

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On essaie chacun de notre côté d’honorer au mieux la Légion Etrangère et je dois dire qu’elle nous le rend bien. C’est notre refuge, notre famille toujours présente quand ça ne va pas. Il m’arrive de douter, de ne pas savoir quel chemin prendre et, dans ce cas-là, je m’assois et je regarde longuement mon béret vert. Je ne dirais pas que c’est un miracle mais, étrangement, tout revient dans l’ordre.

Fabien, 25 ans, de France. Photo Victor Ferreira, texte Bertrand Constant

Aux éditions Mareuil, disponible ici.

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Encore un copain : cette fois nous sommes avec le Légionnaire cavalier CES (h) Philippe de Parseval.

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Philippe est l’auteur d’une très belle biographie sur son beau-père le GAL (2s) Paul de Chazelles, exemple typique de ces grands soldats qui méritent tout, sauf l'oubli dans lequel ils sont si injustement plongés...

Ce livre, très joliment écrit, est donc le bienvenu, nous plongeant dans la brillante carrière du général : Saint-Cyr au début des années 30 ; pacification du Maroc avec les légionnaires cavaliers du 1er REC ayant troqué leurs chevaux pour des automitrailleuses ; bataille de France avec le 3e RH, prisonnier et évasion (forcément) rocambolesque d'Allemagne ; Armée d'Afrique, glorieuse campagne d'Italie, débarquement de Provence et libération de la France avec le 8e RCA ; puis c'est l'Indochine où il pousse dehors les Chinois et fait le coup de feu contre le Viêt Minh naissant, avec le 5e RCuir ; retour au Maroc où il retrouve ses chers Légionnaires en prenant le commandement du 2e REC ; guerre froide en Allemagne avec le 2e RSA ; et enfin Algérie, où il aurait pu laisser la vie, étant violemment bastonné et laissé pour mort à Tlemcen...

Indispensable dans toute milibibli Légion, Cavalerie, Grands Anciens...

Aux éditions Dualpha, disponible auprès de l’auteur  : patrianostra2 [at] yahoo.fr

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Avec Mgr Henri, Comte de Paris et Duc de France. Bien que n’ayant pas écrit à ce jour, spécifiquement, sur sa carrière militaire (on le regrette…), Monseigneur a toute sa place au salon des Ecrivains Combattants : vétéran d'Algérie, il sert par la suite au 5e RH et 1er REC. Rappelons aussi que son frère, François d'Orléans, meurt au combat le 11 octobre 1960 à Imzouagh.

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Mais un salon peut en cacher un autre… Quelques jours avant l’après-midi des Ecrivains Combattants, nous étions à Melun pour « la Balade Littéraire et Artistique de l’EOGN ».

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Il s’agit d’un nouveau salon, créé à l’initiative des officiers élèves de la promotion LCL Caron. Saluons la volonté de la jeune génération de mettre en avant les mili-auteurs et espérons que les futures promotions portant TeTRA et taconnets renouvelleront l’expérience.

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Avec les gendarmes afghaners, COL Stéphane Bras et COL Philippe Cholous, auteurs de deux récits qui rappellent le bel engagement des hommes en bleu [portant pour l’occasion le treillis camouflé CE] dans la campagne afghane. Nous avons parlé de celui de Philippe, présent au salon des Ecrivains Combattants, plus haut.

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Quant à « POMLT, Gendarmes en Afghanistan » de Stéphane, nous l’avons abordé ici

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Progressivement, les Afghans nous gratifieront d’accolades et de poignées de mains interminables pour nous témoigner leur sincérité. Ils nous appliqueront en fait leurs us et coutumes et je verrai dans ces effusions et autres démonstrations chaleureuses une forme de respect réciproque (…) Je m’amuserai de cette façon si particulière de saluer en me gardant bien de prévenir mes supérieurs de la forme d’accueil qui leur sera réservée. Car quoi de plus surprenant pour un général ou un colonel de gendarmerie qui rencontre pour la première fois un officier de l’ANP que de se voir embrasser par un grand gaillard barbu !

Aux éditions Anovi, disponible ici.

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Avec Roland Môntins, ancien chef de groupe du GIGN, l’un des héros de la libération des otages de l’Airbus d’Air France à Marignane par le Groupe Islamique Armé en 1994, lors de laquelle il est sérieusement blessé comme neuf de ses camarades. Roland aborde cette action d’éclat, qui reste dans les mémoires, dans « L’Assaut » et, plus généralement, sa brillante carrière dans « GIGN, 40 ans d'actions extraordinaires ».

A ses côtés, le MAJ (er) Jean-Luc Riva et son éditeur Nimrod. Nous avons abordé le livre trépident de Jean-Luc sur une autre prise d'otage, celle de Loyada à Djibouti, ici

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Arlé est le premier à franchir la porte. Il se met immédiatement en appui à gauche, face aux passagers. Il hurle : « Couchez-vous ! Couchez-vous sous les sièges ! » Thierry bondit derrière lui. En trois foulées, il enfile le couloir qui mène au cockpit. Tous les terroristes s’y sont regroupés. Il analyse en une fraction de seconde la situation. Le preneur d’otages le plus proche : embusqué-genou à terre-veste de steward-kalachnikov. Face à lui : front dégarni-chemise blanche-pistolet-mitrailleur. A droite : chemise blanche-lunettes-pistolet automatique. Tous stupéfaits.

« L’Assaut – Le GIGN au cœur de l’action », chez Oh, désormais XO Editions. Disponible ici.

« GIGN – 40 ans d’actions extraordinaires », aux éditions Pygmalion (Flammarion). Disponible ici.

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Chacun des tireurs prononce mentalement le chiffre clé [pour coordonner le timing]. 333. Les réticules sont calés sur les têtes des ravisseurs. 333. La respiration est bloquée et l'index a rattrapé le jeu de détente. 333. L'index écrase sans à-coup la queue de détente. Une seule détonation, un léger nuage de sable qui s'élève et les six balles filent à 840 mètres/seconde vers leurs objectifs.

Aux éditions Nimrod, disponible ici.

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Avec le LCL (er) Roger Drouin, pionnier de l'aviation de la Gendarmerie, auteur d'un brillant historique en 2 tomes, « L'aventure au quotidien ». Voir ici.

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Enfin, une superbe découverte : les photographies de Mika, GIGN. Clichés magnifiques et travail graphique itou. D'ailleurs, nous nous sommes laissés tentés par deux photos... On espère un livre un jour.

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Le cliché de la Russe-blanc

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Celui du Chasseur

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Nous en profitons pour recommander la visite du musée de la Gendarmerie de Melun. Mise en scène des (superbes !) collections moderne et très esthétique, parcours pédagogiques rigolos pour les enfants… Vraiment à faire. Voir ici.

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Et pour conclure, alors que nous sommes auto-portraités devant de beaux dessins de Jean-Louis Martinez  figurant dans le hall du musée, nous vous souhaitons à toutes et tous une belle et heureuse année 2017, en vous remerciant pour votre intérêt, et avec une pensez particulière pour tous nos soldats et leurs proches :

Merci pour votre engagement au service des Français.

Vous pouvez être fiers de vous.

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12/12/2016

« Trahison sanglante en Afghanistan », CNE (r) Audrey Ferraro ; « Afghanistan – Photographe, un métier risqué », CES (er) Hervé Tillette de Clermont-Tonnerre ; « Dans les pas de Zamaraï Païkan, général et héros afghan », COL Philippe Cholous

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation des auteurs ; droits réservés.

 

Moi contre mon frère ; mon frère et moi contre notre cousin ; notre cousin, mon frère et moi contre les autres.

Proverbe afghan

 

En parcourant nos nombreuses recensions sur l’Afghanistan, nous avons noté que les Afghans n’apparaissaient que sous un seul jour : celui de l’ennemi…

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Or il est bien évident qu’il ne faut pas confondre Afghan et Taliban. D’ailleurs, ce « peuple afghan » n’a rien de monolithique, malgré son Islam omnipotent. Mosaïque ethnique, vendetta de tradition, intérêts économiques (opium/aka morphine), attrait de l’Occident vs Charia, etc. Il y eut (il y a), en Afghanistan, des ennemis redoutables comme de fidèles alliés, des amis à la vie à la mort, comme d’ignobles traîtres...

Et pour illustrer ce fait, nous abordons trois livres, au mérite extraordinaire, relevant de l’euphémisme : nous éclairer sur la complexité afghane…

 

« Trahison sanglante en Afghanistan », CNE (r) Audrey Ferraro, CRR-Fr, éd. Publibook

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20 janvier 2012, un soldat de l’Armée nationale afghane ouvre le feu à l’intérieur de la base de Gwan sur ses mentors français, alors en plein footing ; ceux-là même qui ont pour mission de le former et venir en aide à son pays. Cinq d’entre eux perdent la vie, une quinzaine est blessée, tous les membres de l'OMLT K4, issus des 93e  RAM, 4e RCh, 2e  REG et 28e RT sont marqués à jamais. Si chacun garde en mémoire l’embuscade d’Uzbin, reconnaissons que cet ignoble massacre a reçu peu d’écho. Nous ne disserterons pas sur le « pourquoi », mais remercierons la CNE (r) Audrey Ferraro, officier d’information et de communication notamment en Opex, avant de poursuivre son cursus militaire dans la réserve au sein du Corps de Réaction Rapide, d’avoir, par cet essai regroupant les témoignages déchirants des survivants, de l'encadrement médical, de la base-arrière, de proches des victimes, inscrit dans la mémoire éternelle le sacrifice de Ceux de Gwan. Un très beau livre-hommage.  

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Avec la capitaine (r) Audrey Ferraro au Festival International du Livre Militaire de saint-Cyr Coëtquidan 2015

« Trahison sanglante en Afghanistan », aux éditions Publibook, disponible ici

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Le SCH Svilen Simeonov en « mentoring », fin décembre 2011, Gwan

Il neige. Les précipitations s’accentuent jusqu’à avoir un vrai temps d’Alpins. Lorsque je sors du bureau du capitaine, je tombe sur une scène mémorable : des soldats afghans en train de faire une bataille de boules de neige, comme le feraient nos jeunes engagés ou nos écoliers. Quelques centaines de mètres plus loin, un autre groupe est en train de faire un grand bonhomme de neige. Ce jour-là je suis face à une forme d’universalité dans laquelle je me retrouve : quelles que soient nos différences culturelles, nous sommes finalement très proches avec les mêmes espoirs ou les mêmes aspirations.

Témoignage du LCL Hugues C, chef du détachement OMLT K4.

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Puis la terre se soulève. Chacun  reconnait le claquement d’une arme automatique et réalise que nous sommes pris à partie. Le choc de l’impact à la hanche et le réflexe de survie me jettent à terre. Avec un des membres de l’OMLT, nous nous protégeons mutuellement. Je comprends que ne plus bouger peut être synonyme de survie. Un deuxième impact au coude et puis la résignation…

Penser à ma tendre femme et mes chers enfants me sert de réconfort face à la mort qui arrive. Pas de film de la vie qui passe, juste une dernière pensée pour ceux que j’aime.

Témoignage du LCL Hugues C, chef du détachement OMLT K4.

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SCH Svilen Simeonov, 2e REG, BCH Geoffrey Baumela, ADC Denis Estin, ADC Fabien Willm et CNE Christophe Schnetterle, 93e RAM, assassinés à Gwan

Le plus dur, c’est de voir l’envers de la mort, c’est-à-dire l’impact qu’elle a sur nos proches et les familles endeuillées. Etre prêt à accepter de mourir est bien plus simple que d’en connaître les conséquences autour de nous.

Témoignage du président des sous-officiers du 93e RAM.

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« Afghanistan – Photographe, un métier risqué », CES (er) Hervé Tillette de Clermont-Tonnerre, SIRPA-Terre, éd. Bergame

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13 juillet 2011, Sébastien Vermeille, photographe du SIRPA-Terre, est tué lors d’une attaque suicide d’un taliban alors qu’il couvre une shura. Quatre camarades perdent également la vie, les ADJ Emmanuel Técher et Jean-Marc Gueniat du 17e RGP, le LTN Thomas Gauvin et l’ADJ Laurent Marsol du 1er RCP. Le chef d’escadrons de Clermont-Tonnerre est désigné pour accompagner la famille Vermeille lors des cérémonies officielles, en premier lieu Sandrine, épouse enceinte de Sébastien, et Mathys, leur jeune fils. La vie militaire est ainsi faite que 6 mois plus tard, Hervé rejoint l’Afghanistan, sur les traces de Sébastien, avec pour mission de former des équipes de communication de l’Armée nationale afghane…

Dès 2013 et notre première rencontre avec le commandant au salon du Livre, où il officiait comme organisateur du stand du Ministère de la Défense, nous avions discuté de son manuscrit qu’il cherchait à publier. Nous sommes bien placés pour savoir que la tâche est difficile et nous réjouissons de l’aboutissement du projet. Un récit sans prétention, mais très humain, qui met à l’honneur comme ils le méritent, nos si talentueux photographes et vidéastes militaires.

« Afghanistan – Photographe, un métier risqué », aux éditions Bergame, disponible ici

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Le chef du SIRPAT, l’air grave d’une manière que je ne lui connais pas, me demande de récupérer mon chef de cellule et de venir immédiatement dans son bureau. « Fermez la porte s’il vous plait ». Je sens la mauvaise, la très mauvaise nouvelle. Les mots ont du mal à venir. La tête basse, l’air atteint par une douleur interne. « Bien écoutez. Nous venons de perdre l’un de nos camarades en Afghanistan. Il s’agit du caporal-chef Vermeille, photographe en mission sur la base de Tagab. Cela s’est passé lors d’une attente pour une shura alors qu’il couvrait cette activité sur le terrain. Je n’ai pas le détail pour le moment. Le plus important est de lancer la procédure pour prévenir la famille ».

Pascal et moi sommes passés en quelques secondes dans un autre monde. C’est une impression bizarre. Nous sommes là, dans le silence, sans voix, sans réactions. Une minute, deux minutes…

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Hervé de Clermont-Tonnerre et Mathis Vermeille

Je profite de quelques instants avec Mathis, pour mieux le connaître, être proche de lui. Le plus souvent, je suis en uniforme et cela présente du sens pour lui. « Comme papa », me dit-il souvent.

Paris, juillet 2011

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Le CES de Clermont-Tonnerre à droite, en pleine formation de l’équipe com afghane

[Les deux stagiaires afghans] ont pris en main leurs appareils. Avec de courtes explications théoriques et mises en œuvre pratiques, nous avons débuté le long travail d’apprentissage qui les mènera vers l’obtention de leurs diplômes. C’est important pour eux, car cela leur permettra d’apprendre un nouveau métier éventuellement transposable dans le civil, mais surtout de mettre en exergue les activités de leur bataillon. Ils pourront, grâce à leurs produits vidéo et photo rendre compte, au travers de l’histoire, des actions de leur armée.

 Nijrab, fin 2011

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Je quitte l’Afghanistan, ayant vécu au rythme du Sergent Vermeille, au moins celui de la vie de tous les jours sur la base. Je n’ai pas eu la chance de sortir dans les vallées comme il le faisait si souvent. Mais j’ai côtoyé Jeremy, Mickael et d’autres qui se préparaient ou rentraient de leurs missions. J’ai pu apprécier leur force, leur courage. J’ai pu voir, admirer, leur production photo et audiovisuelle. Ils sont bien les « soldats de l’image ». Ils méritent amplement ce titre, eux qui racontent l’histoire militaire de notre époque, et surtout de leurs camarades.

Nijrab, janvier 2012

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Avec le CES de Clermont-Tonnerre et Sandrine Vermeille.

Nous en profitons pour saluer Sandrine Guillerm-Vermeille, qui a perdu son mari alors qu'elle portait son second fils. Peut-on imaginer plus cruelles circonstances ? Une femme courageuse, aussi charmante qu'admirable.

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Elle est marquée à jamais mais se reconstruit, pour ses fils et pour elle-même. Pour preuve : son projet de participer, avec son amie Céline, veuve en 1ères noces du BCH Fabien Rivère, 515e RT, tué en Côte d’Ivoire en 2003, au rallye Aïcha des Gazelles 2018. Nous vous invitons à visiter le site de leur nouvelle association W.O.L.V.E.S (Widow, Orphan, Life, Voluntary, Energie, Sodarity / Veuve, Orphelin, Vie, Volonté, Energie, Solidarité) ici, rejoindre leur page FaceBook ici, et donner un petit coup de pouce financier

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« Deux ans dans les pas de Zamaraï Païkan, général et héros afghan », COL Philippe Cholous, Gendarmerie Mobile

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Récit très original de par son sujet, puisqu'il nous place dans l'intimité du commandant de L’ANCOP  [Police Nationale Afghane d'Ordre Public], dont Philippe a été conseiller permanent de 2013 à 2015 ; et plus généralement dans celle de cette unité largement inspirée de la Gendarmerie Mobile française.

Une vision de l'intérieur donc, qui va cependant au-delà du seul portrait d’un héros national (Zamaraï a été compagnon d’armes de Massoud), ami de la France, puisque Philippe vit parallèlement le retrait des forces occidentales et le passage de relais sécuritaire aux Afghans (non sans difficulté, nous le savons). Témoin d’un épilogue, en quelque sorte.

Son rapport aux Afghans, à l’Islam, aux alliés ; le terrain, les combats [le colonel est présent lors de 4 attaques contre le général], la corruption, la place des femmes…

En outre, il s’agit du deuxième témoignage de gendarme en Afgha, après celui du COL Stéphane Bras (abordé ici) et nous ne devons pas oublier l'engagement des hommes en bleu [portant pour l’occasion le treillis camouflé] dans le conflit.

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Avec notre très bon camarade Philippe Cholous, gendarme mobile au passé de marsouin et fier papa de hussard :)

« Deux ans dans les pas de Zamaraï Païkan, général et héros afghan », aux éditions Lavauzelle, disponible ici

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Colonel Cholous en Afghanistan

Les Afghans étaient respectueux et polis, même si le fait que je sois, au contraire de mes prédécesseurs et des militaires de la coalition, dépourvu de conducteur et d’équipe de protection, les a toujours persuadés que je n’étais pas vraiment un colonel. En revanche, me voir aller et venir toujours seul dans Kaboul et sur le terrain leur donna l’image d’un combattant autonome et un peu fou. Cette image leur plut et me servit. L’Afghan se plaît en effet volontiers à cultiver un côté fier, insouciant et bravache. Il y a dans les unités de l’ANCOP un petit côté « bandes de Picardie » et dans l’équipe de protection rapprochée de Zamaraï un petit côté « Cadets de Gascogne ».

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Le général Zamaraï et le colonel Cholous

Le général Zamaraï aime à relater des faits ou à raconter des anecdotes sur le terrain même où elles se sont déroulées. Ainsi, il m’a d’emblée amené à Uzbeen, sur les lieux des combats qui coûtèrent la vie à neuf marsouins et un légionnaire. C’était pour lui une manière pudique de montrer son respect pour le sang versé. Il en avait d’autant plus le respect que c’était là des Occidentaux morts pour l’Afghanistan. Il y a beaucoup de débats en France s’agissant de la question de savoir quel intérêt nous allions défendre là-bas. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que, dans l’esprit de cet Afghan, les Français ont donné leur vie pour l’avenir de son pays.

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Le colonel Cholous en Humvee

Pris sous le feu, je ne peux débarquer pendant l’accrochage. Restant inactif à bord de mon Humvee qui est en milieu de rame, les minutes me paraissent interminables. Je sais que le blindage me met à l’abri des armes légères et que la proximité des habitations complique les tirs ennemis. Pour le reste… notamment les roquettes, je me sens vulnérable. Je me sens d’autant plus immobile qu’en tourelle, le servant de la mitrailleuse s’en donne à cœur joie. Les étuis pleuvent dans l’habitacle.

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Le général Zamaraï et le colonel Cholous, départ pour l’Aïd

Ces deux ans d’Afghanistan m’auront marqué à jamais, notamment les missions en opération de guerre. De ce pays j’emporte des images fabuleuses. Pourtant, je sais qu’il ne me manquera pas. Ma vie est ici, auprès de mes ancêtres et parmi les miens. Certains Afghans, en revanche, me manqueront, au premier rang desquels le général Zamaraï, ce héros authentique, ainsi que les soldats de l’ANCOP dans les mains desquels j’ai si souvent remis ma vie. Leurs visages me reviendront. Du Pouliguen au col de Salang, le vent portera mes pensées vers eux, mes frères d’armes d’un temps.

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Photo Sébastien Joly, auteur du reportage ‘Aito.

Revenons sur notre introduction. Certes l’Afghanistan avait toutes les allures d’un guêpier, mais nous n’entrerons pas dans un débat sur le conflit.

Nous laisserons par contre la parole au SCH Yohan Douady, Marsouin, vétéran d’Afgha, qui y a perdu son camarade Cyril Louaisil, 

avec dans nos pensées Sandrine, Mathis, Maxence, la famille Vermeille, les proches de ceux de Gwan et de tous les morts en Afghanistan,

avec dans nos pensées les blessés et tous les Afghaners,

avec dans nos pensées, également, les Afghans dont le GAL Zamaraï, qui, contrairement aux Talibans, veulent continuer à voir voler dans leur pays les cerfs-volants.

« Certains pourront toujours prétendre que nous n’avons influé sur rien, que ces dix années de guerre en Afghanistan ont été inutiles, mais il suffirait que germent les quelques graines d’espoir que nous avons semées lors de nos mandats successifs, pour que rien n’ait été inutile.

Et même si rien ne germe, pourquoi devrions-nous regretter d’avoir essayé ?

Pourquoi devrions-nous renier ceux qui ont été tués ou blessés, en essayant ?»

 

 

 

 

17/11/2016

Salon de l’Ecrivain Soldat, Nice 2016

Photos Natachenka/UPpL’E. Droits réservés

 

 

Tout a commencé par un coup de fil de Jean-Pierre Hutin. Cela fait longtemps que nous échangeons, avec ce formidable léopard de Bigeard, que nous nous régalons de son érudition, comme de ses anecdotes du Sphinx (le bordel d’Alger) (ce n’est qu’un exemple :))…

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« Eh bien voilà, j’ai dans l’idée de monter un salon milittéraire à Nice. Qu’en pensez-vous ? ». Mais que du bien ! Nous avons donc sonné du cor pour rameuter les troupes, faisant profiter Jean-Pierre et son ami (et le nôtre désormais) Philippe de Parseval, co-organisateur, de notre réseau. Ils n’ont pas ménagé leurs efforts de leur côté. Résultat ? Une vingtaine d’auteurs, belle brochette de camarades, réunis à l’hôtel Splendid le 8 octobre dernier, avec le soutien, excusez du peu, des antennes niçoises de l’Union nationale des Combattants, Amicale des anciens de la Légion étrangère, Union nationale des Parachutistes, Cercle algérianiste et du Cercle littéraire Pages du sud. Alors évidemment, il y eu quelques défections du fait d’ennuis de santé ou obligations de dernière minute, mais ce salon de l’Ecrivain soldat s’impose déjà comme incontournable, aux côtés du Festival International du Livre Militaire de Coët, du salon des Ecrivains Combattants de Paris et du stand du Ministère de la Défense au salon du Livre.

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Retour sur ce beau moment : 

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Avec Jean-Pierre Hutin, Léopard de Bigeard, 1CL du 3e RPC, auteur du fracassant « Les enfants de Sidi-Ferruch » dans lequel il relate, dans un style célinien ébouriffant, sa guerre d’Algérie.

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Le barbare est de retour, les barbares sont là. Bientôt leur grande ombre camouflée planera sur la ville. Le haut état-major allait encore grincer des dents (…) A part mourir, pas de tradition, ces gens-là, provocateurs en plus. Saluent aucun gradé. Moi, Commandant Alex Dupont, moi qui ai 18 ans de carrière, moi quatre année prisonnier des boches, huit ans d’état-major en Indochine, six ans de cirrhose à Madagascar, j’ai vu de mes yeux, pas plus tard qu’hier, deux Léopards saluer un Caporal-Chef de la Légion, vous vous rendez compte, un Caporal-Chef.

Tout ça sous prétexte qu’ils mouraient ensemble, au loin, là-bas.

Nous avons abordé le livre ici

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Avec notre très cher padre Richard Kalka, actuellement aumônier de l’EM 11e BP et du 1er RCP, auteur de « Dieu désarmé », magnifique autobiographie à l’image du bonhomme (au sens littéral du terme), para qui a tout vu et tout vécu, du Tchad à l’Afgha en passant par le Rwanda et la Bosnie.

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Ils ne sont pas morts pour des idées. Oh, non. Même pas pour celles qui sont (…) dans les beaux discours des grands de ce monde. Non, ils sont morts pour leurs amis, leurs parents, leurs camarades. Pour toi, Lydie. Pour ceux qui, à côté d’eux, portaient le même sac et le même gilet pare-balles, qui suaient de la même façon, qui transpiraient les mêmes grosses gouttes de joie ou de colère, qui se dépassaient comme eux-mêmes se dépassaient, chaque jour un peu plus, quel que soit leur grade.


Ils sont morts pour ceux qui se demandaient, tout comme eux, ce qu’ils foutaient ici, dans ces belles montagnes et ces magnifiques vallées, qui puent la mort (…) derrière le sourire de certains qui affichent la politesse du félon.
Bien sûr, on prononcera leur éloge, on leur clamera des sermons et des panégyriques. On s’efforcera de noyer leur mort et la souffrance de leurs proches dans de belles paroles.


Mais eux, héros, la face à même le sol, ou dans le grand bleu du Ciel, ils prieront, toute une éternité, de cette prière sublime parce que céleste, quelles que soient leurs croyances et quelles que soient leurs convictions.

Livre abordé ici.


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Avec le COL Raphaël Bernard. Nous n’avons pas encore abordé « De sueur et de sable » sur le blog mais avons lu avec beaucoup de plaisir ce journal de marche du Colonel, à la tête d'un convoi composé de Tchadiens, Népalais et Ivoiriens, retraçant une épopée de 14 jours/1200 km dans le nord Mali. Premier témoignage sur Barkhane, il évoque tant le « salaire de la peur » que la glorieuse Saharienne, tout en laissant place à de belles et profondes réflexions sur la vie, l’armée, la famille, les hommes… le désert s’y prête.

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J’aime comprendre ce que chaque homme a en lui et ce qui le fait avancer : le pognon, l’aventure, l’idéal, l’égo, la vocation, la volonté de démontrer à son père ou ses proches qu’il est quelqu’un, qu’il est capable, qu’il est un homme… Suis-je anthropophile ou sociologue ? Je crois que c’est surtout ma façon, d’une part de respecter et de considérer mes garçons et d’autre part un biais pour les motiver et répondre à leurs attentes (…) Je suis convaincu que chaque soldat a des qualités en lui, même s’il est sans diplôme, même s’il a fui une école où il a additionné les échecs. Il s’agit, pour nous, de le remettre dans la spirale de la réussite, de valoriser ce qu’il sait faire et ce qu’il réussit en apprenant différemment que sur une chaise scolaire. L’Institution militaire est, pour la grande majorité des dix mille jeunes qui chaque année la rejoignent, une école de la seconde chance et une vraie école de la vie.


Nos impressions post-lecture ici


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Encore un camarade : le COL (er) Thierry Jouan, auteur « d’Une vie dans l’ombre », rare témoignage sur la DGSE, mais aussi sur les difficultés de la vie lorsque l’on a été confronté à des évènements hors du commun (Thierry, ancien Chasseur-para, était notamment présent à Kigali, sous couvert d’action humanitaire, lors du génocide rwandais).

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J’ai vécu des choses plus ou moins plaisantes, plus ou moins horribles. J’ai certainement fait des erreurs. Un psychologue vous dira qu’il faut toujours prendre le temps de les analyser, afin de rebondir et d’aller plus en avant. Certes. Mais ce qu’oublient trop souvent nos amis psychologues c’est que, peut-être, nous n’avons plus réellement envie de rebondir et plus envie d’aller plus en avant. Ce n’est pas de la résignation mais plutôt de l’abnégation. J’ai désormais simplement envie de jouir du présent, de vivre avec mon temps, avec mes enfants. Essayer de rattraper psychologiquement le retard. C’est tout.


Nous avons abordé son livre ici


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Le très sympathique CES (h) Philippe de Parseval, co-organisateur du salon, Légionnaire-cavalier comme son beau-père le Général de Chazelles, auquel Philippe a consacré une brillante biographie : « Le Général oublié ». Paul de Chazelles, Saint-Cyr au début des années 30 ; pacification du Maroc avec les légionnaires cavaliers du 1er REC ayant troqué leurs chevaux pour des automitrailleuses ; bataille de France avec le 3e RH, prisonnier et évasion (forcément) rocambolesque d'Allemagne ; Armée d'Afrique, glorieuse campagne d'Italie, débarquement de Provence et libération de la France avec le 8e RCA ; puis c'est l'Indochine où il pousse dehors les Chinois et fait le coup de feu avec le Viêt Minh naissant, avec le 5e RCuir ; retour au Maroc où il retrouve ses chers Légionnaires en prenant le commandement du 2e REC ; guerre froide en Allemagne avec le 2e RSA ; et enfin Algérie, où il aurait pu laisser la vie, étant violemment bastonné et laissé pour mort à Tlemcen... exemple typique de ces grands soldats qui méritent tout, sauf l'oubli dans lequel ils sont si injustement plongés...

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1939. Paul avait une alternative : soit rester le cul sur la selle, en attendant l’ennemi soit demander son affectation dans un groupe de reconnaissance, évitant ainsi de taper le carton dans les casemates ou dans les bivouacs, en attendant que l’allemand veuille bien se manifester. Il opte pour l’aventure, pour le mouvement. Il a raison : l’attente durera plus de huit mois ! Les joueurs de belote auront de l’entraînement pour affronter les quatre années de captivité.


Nous avons donné notre impression post-lecture ici


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Avec Jean-Louis Martinez, frère Chasseur à pied, poète et dessinateur. Après bien des échanges internet et conversations téléphoniques, c’était notre première rencontre et, il nous semble, le premier salon de Jean-Louis. Un homme absolument charmant, au talent indéniable, qui a fait l’unanimité !

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Oui je le resterai, je soutiens et soutiendrai
mes camarades si malmenés.
Je le resterai, afin qu’ils restent ancrés dans le cœur des Français.
Je le resterai, pour que leurs proches soient à tout moment protégés.
Pour les protéger d’un monde individualiste exacerbé.
Qui ne se réveille que quand la mort
Vient à sa porte
Le déranger.

Nous avons présenté ses deux premiers livres, « Soldat protecteur de notre liberté » et « Des mots pour des maux », dans des rubriques milibiblis, ici et

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Avec Philippe Boisseau. Une belle rencontre : sergent appelé du 3e RPIMa en Algérie, Philippe a participé aux combats de Bizerte en juillet 1961, opération tombée quelque peu, et injustement, dans l’oubli pour le plus grand nombre. Il la raconte dans « Les loups sont entrés dans Bizerte ».

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Quand je ne trouvais pas le sommeil, j'ai souvent pensé à vous, soldats tunisiens ou jeunes militants destouriens en bleus de chauffe, couchés en grappes dans les rues de Bizerte plombées de soleil, baignant par centaines dans votre sang qui coulait sur l'asphalte. Nous aurions pu être à votre place si la balance n'avait penché en notre faveur, pour quelques avions rapides et une poignée de chars vétustes, mais surtout cette gigantesque réserve de hargne qui nous habitait à cause de nos terribles histoires personnelles et de la dureté des djebels à laquelle nous étions faits et qui nous rendait impitoyables et invulnérables. Peut-être n'aviez-vous pas assez souffert pour pouvoir nous affronter.


Le livre est épuisé et l’éditeur France-Empire a disparu, à dénicher (avec de la chance…) d’occasion ; par exemple ici.


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Clin d’œil à deux auteurs, Pierre Couesnon et Gaston-Jean Gautier qui abordent un sujet, certes en dehors de notre scope du récit de soldat mais très sympathique, la Poste aux armées, avec deux historiques : « Le service postal dans les armées » et « Le facteur s’en va-t-en-guerre ».
Quel soldat n’attend pas avec impatience et espoir, encore aujourd’hui, le vaguemestre et sa lettre ou son paquet rayon-de-soleil ?
Pour vous procurer ces livres, nous vous invitons à vous rapprocher de l’amicale de la Poste aux armées ici.


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De gauche à droite : Jean-Pierre Hutin, Jacques Peyrat, Mme Michèle Soler, présidente du cercle algérianiste de Nice et Philippe de Parseval


Parmi les autres auteurs présents, dont les livres n’entrent pas non plus dans notre « scope », mais qui n’en sont pas moins dignes d’intérêt : Jacques Peyrat, ancien sénateur-maire de Nice, Légionnaire, et son autobiographie « Les joutes de l’arène », Gérard Bardy avec plusieurs historiques dont une biographie sur Susan Travers, seule femme légionnaire, ou encore Robert Saucourt et sa biographie sur LCL Georges Masselot.


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Page FaceBook du salon ici

Clins d’œil à la relève : Bryan Masson et Lélian Daudet.

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Nous avons passé, comme vous pouvez l’imaginer, un merveilleux week-end parmi nos camarades. Alors, imitez-nous, allez à la rencontre des écrivains combattants, des soldats en général, des jeunes comme des anciens. Vous ferez des rencontres formidables. Ne soyez pas timides, ils n’attendent qu’un petit peu d’intérêt de votre part.


Mais ce séjour à Nice, ce furent aussi des flâneries sur la Promenade des Anglais...

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Flammes vacillantes des bougies, galets polis par le flot des larmes, nounours pour les nouveaux anges de la baie…


Combien de Nice meurtris, de Paris meurtris, connaîtrions-nous aujourd’hui sans le courage et l’abnégation de nos soldats, de nos forces de l’ordre, qui se battent pour nous, ici et ailleurs ?


Hommage à eux.


Une nation perd sa liberté le jour où elle n’a plus en son sein des hommes prêts à se sacrifier pour la liberté.

Hélie de Saint-Marc

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19/10/2016

« Les enfants de Loyada », MAJ (er) Jean-Luc Riva, éd Nimrod

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et des éditions Nimrod. Droits réservés.

 

 

Ils ne savaient pas que c’était impossible ; alors ils l’ont fait.

Marc Twain

 

L'histoire militaire est faite de drames et de grandeur. Mais la mémoire est courte, voire sélective quand la politique s'en mêle. De ce fait, certaines actions, quand bien même menées héroïquement, restent dans les limbes, aussi cruel cela soit-il pour leurs "acteurs", les victimes, les combattants. Un exemple parmi d'autres : qui a entendu parler de Loyada ?
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Rappelons le contexte : Il y a quarante ans, alors que Djibouti, alias Territoire français des Afars et des Issas, est promis à l'indépendance, un commando du FLCS prend en otage trente-et-un enfants de militaires français dans un car scolaire, conduit par un appelé du contingent de 19 ans, Jean-Michel Dupont. Alertés, les Gendarmes du poste de Loyada bloquent le véhicule. D’un côté de la frontière, les troupes somaliennes se déploient. Du côté français, la 2e Cie du 2e REP et les AML de la 13e DBLE prennent position, rejoints par des tireurs d’élite du GIGN, nouvellement créé par Prouteau. Le chef de la gendarmerie locale, Jean-Noël Mermet, le Haut-commissaire adjoint, Jean Froment, le consul somalien (au jeu trouble), tentent de négocier avec les terroristes. Afin de calmer les enfants, une assistante sociale, Jehanne Bru, se porte volontaire pour rejoindre le car…


Il n’est pas simple d’aborder sous forme de recension un tel livre : il se lit d’une traite. On ne peut que féliciter Jean-Luc Riva, sur le fond - remettre à l’honneur cette opération quasi oubliée, pourtant fondatrice du GIGN et ajoutant à la gloire du REP ; et sur la forme : vous ne faites pas que lire, vous vivez l’instant dans toute sa dramaturgie.


Quatre hommes attendent et observent. L'un d'eux vient de s'avancer jusqu'à la lisière. Toute son attention se porte sur le ramassage scolaire qui s'effectue sous ses yeux. A ses pieds, dissimulés dans un sac de toile de jute, une arme, quelques chargeurs et des grenades. Son regard ne quitte pas le gros car vert, celui auprès duquel le chef de bord s'agite pour faire monter les enfants les plus jeunes. Ils sont encore quatre ou cinq à attendre de monter, c'est le moment ! Un signe et les quatre hommes sortent leurs armes des sacs et se mettent à courir vers le car de Jean-Michel Dupont.

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Jean-Michel se lève de son siège et regarde les enfants. Ils sont dans un nuage. Tous ces bambins ont l'impression d'être dans un western et aucun d'eux ne semble avoir pris conscience du danger qui les menace. Les larmes et les cris de tout à l'heure ont cessé. Pour passer le temps, ils mangent les quelques gâteaux et bonbons que leurs mères ont mis dans les cartables tout en regardant les hommes qui, à l'extérieur, leur font des signes d’encouragement. Comment ces enfants pourraient-ils se douter que c'est de leurs vies qu'il s'agit ?

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Le haut-commissaire adjoint Jean Froment en discussion avec le consul de Somalie, à proximité du car

La pagaille règne dans le bus. Jean-Michel Dupont a quitté son siège de chauffeur pour essayer de faire régner un peu d'ordre et calmer les gosses. Mais les enfants trépignent, s'agitent et demandent à descendre pour satisfaire leurs besoins naturels. Cela ne va pas pouvoir durer bien longtemps, pense Froment. Inquiet, il rejoint Mermet. Le gendarme l'interpelle : "Monsieur le haut-commissaire, il faut faire venir quelqu'un, une infirmière ou une maîtresse d'école, mais il faut calmer les enfants.
Jean Froment acquiesce d'un clignement de paupières sous son chapeau de paille. Son attention est surtout attirée par l'attitude du consul, qui a gagné le poste-frontière somalien à pied. Il le voit discuter avec les gardes somaliens en faisant de grands gestes. A quel jeu joue-t-il ?

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Ne montre pas ta peur se dit Jehanne Bru. En la voyant grimper dans le bus, le chauffeur Jean-Michel ressent un immense soulagement. Je ne suis plus seul ! Il a fait de son mieux pour distraire les enfants et les calmer lorsqu'ils s'agitaient, mais la crainte que l'un d'entre eux essaie de s'échapper ou craque nerveusement lui hante l'esprit en permanence. Les ravisseurs auraient-ils tiré ?

(…)

La petite Nadine Durand, qui souffre d'une rage de dents tenace, le rejoint pour se blottir sur ses genoux. Il lui fait prendre un peu d'aspirine afin de calmer sa douleur. Dès que celle-ci s'estompe, la petite fille adresse un beau sourire à Jean-Michel. D'ailleurs elle n'est pas la seule à venir parler avec lui. Peu à peu, il est devenu le héros des enfants, celui qui veille sur eux depuis le matin. Pourtant, certaines de leurs paroles naïves lui font froid dans le dos. "Dis; quand est-ce qu'ils vont te tuer, les méchants ? Eux, ils ne tuent pas les enfants ; mais toi, si, ils vont te tuer."

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Appuyé contre un palmier, Jean-Michel réfléchit une dernière fois à la trajectoire qu'il doit prendre, fait un pas puis fléchit sur ses jambes comme un sprinter au moment du départ. Il respire longuement et jette un ultime coup d’œil au bus. Il n'ira pas plus loin, son évasion s'arrête là. Il les a vus ! La silhouette de l'assistante sociale qui se penche sur les quelques têtes qui émergent à peine du bas des vitres du car, les mots terribles des gamins, leurs regards admiratifs aussi. "Tu es notre Superman !" lui ont-ils dit ce soir. Je dois pouvoir les aider, se dit-il en rejoignant finalement le car.

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Omar fait quelques pas en direction du car. Il regarde en direction du nord, là où les Français attendent, tapis dans la palmeraie. Il esquisse un sourire en pensant que jamais ils n'oseront attaquer. Ils ont bien trop peur qu'il n'arrive malheur à leurs chers petits ! Et puis il faut venir jusqu'ici dans le no man's land en traversant un glacis désertique de plus de 200 mètres. Ce serait un massacre.

(…)

Il fait maintenant 35°. Tout est moite et la sueur ruisselle sur leurs fronts ; les gouttes suivent un trajet vertical qui les amène sur les paupières qu'ils ont rivées à leur lunette. Dès que l'œil se décolle du caoutchouc, les petites gouttes de transpiration en profitent pour descendre encore. Alors, d'un revers de la main, les hommes les essuient jusqu'à la prochaine fois. Avec le soleil qui tape de plus en plus, le grossissement de la lunette allié à la chaleur provoque un effet de mirage qui fait danser le paysage devant leurs yeux. Et le sable ? Il s'infiltre au moindre mouvement ! Et il rentre partout, même dans les parties les plus intimes. Il leur faut une concentration à toute épreuve pour résister à la tentation de se gratter les burnes en permanence.

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Chacun des tireurs prononce mentalement le chiffre clé [pour coordonner le timing]. 333. Les réticules sont calés sur les têtes des ravisseurs. 333. La respiration est bloquée et l'index a rattrapé le jeu de détente. 333. L'index écrase sans à-coup la queue de détente. Une seule détonation, un léger nuage de sable qui s'élève et les six balles filent à 840 mètres/seconde vers leurs objectifs.

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C'est le signal de l'assaut. Les Légionnaires du 2e REP avec à leur tête le CNE Soubirou, le chef commande de l'avant, et les automitrailleuses AML de la 13e DBLE chargent. Deux cents mètres à parcourir sous le feu des soldats somaliens qui arrosent, tant les soldats français que le car.

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Ils y sont presque, les hommes du REP. Les bruits des balles et des moteurs d'AML ne parviennent pas à couvrir un son autrement plus dramatique qui enfle à mesure que les légionnaires avancent vers le car. Ce bruit, c'est celui des hurlements des enfants qui sont pétrifiés de peur. Jehanne Bru est au sol et le chauffeur Jean-Michel Dupont est recroquevillé sur sa banquette avec, autour d'eux, les gamins allongés qui se tiennent par les épaules comme pour se donner mutuellement du courage.

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A l'horreur va s'ajouter la cruauté. Idriss frappe [David] de toutes ses forces. Pas de la main, non ! Un grand coup de crosse circulaire, un coup monstrueux en plein visage. La puissance du coup est telle que la tête du petit David Brisson manque d'éclater. La joue de l'enfant est lacérée sur plusieurs centimètres tandis que la rétine de l'un de ses yeux se décolle sous le choc. Idriss n'en a cure. Il ramasse l'enfant pantelant et couvert de sang en l'attrapant par le col de sa chemise et le plaque devant lui, comme un bouclier. Vite ! se dit le caporal Larking, qui vient de monter dans le bus…


***


IMG_0013.jpgEn 1968, Jean-Luc devance l'appel pour rejoindre le 13e RDP le jour de ses 18 ans. Il suit une formation d'opérateur-radio puis est affecté en équipe de recherche. Il signe son engagement dans le régiment à l'issue de son service militaire. Sergent en 1970, il demeure en équipe de recherche jusqu'à son départ à l'état-major de Berlin en 1978. En 1981, il est affecté comme instructeur à l'ESM de Saint Cyr-Coëtquidan où il croise de futurs grands noms comme Denis Favier, futur patron du GIGN et DGGN, ou le futur Général Barrera avec lequel il rédige un document sur les Balkans (5 ans avant le début du conflit…). Après avoir réussi le concours des majors, il rejoint l’École Interarmées du Renseignement en qualité d'instructeur des futurs attachés de Défense affectés dans les pays de l'Est. Il effectuera jusqu'en 1994 de nombreuses missions à l'étranger dans le cadre de la mise à jour de la documentation relative à l'identification des matériels, en particulier en ex-Yougoslavie (92-93). Il quitte le ministère de la Défense en 1994 pour réintégrer la vie civile.

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Avec Jean-Luc Riva (au centre) et l’éditeur Nimrod (à gauche), au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2016.
Vue la qualité de ce premier livre-témoignage, nous ne pouvons qu’inciter Jean-Luc à s’intéresser à d’autres opérations…
Et nous remercions à nouveau l’éditeur Nimrod pour son exemplaire collector, dédicacé par l’auteur et le CDT Prouteau.

Page FaceBook de l'auteur ici.


***

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« Les enfants de Loyada - La prise d'otages de Loyada et l'indépendance de Djibouti » par Jean-Luc Riva, préfaces du GAL André Soubirou et du CDT Christian Prouteau.


ISBN 978-2915243666 – Prix 21 € - Format 15x23, 288 pages, cahier-photo.

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Aux éditions Nimrod


Disponible ici
***


Vidéo J.T. TF1 1976

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David Brisson


In memoriam


Nadine Durand, 8 ans, tuée par un terroriste,


Valérie Geissbuhler, 8 ans, décédée des suites de ses blessures,


Valérie, 8 ans, Marie-Laure, 8 ans, Josiane, 6 ans, Marie-Line, 7 ans, blessées par les terroristes et les soldats somaliens,


David Brisson, 5 ans, sauvagement frappé au visage par un terroriste et utilisé comme bouclier humain.


David, lui, ne s'en remettra jamais. Il ne bénéficiera d'aucun suivi psychologique - cela n'existait pratiquement pas à cette époque - et il devra vivre avec des blessures qui laisseront des traces indélébiles sur son visage comme dans son esprit. Sa mémoire gardera le souvenir du fracas de Loyada comme celui du bruit des vitres brisées par les balles, à tel point qu'un jour la projection d'un gravillon dans le pare-brise de la voiture le transportant provoquera en lui une crise de panique. Arrivé au bout du chemin, David choisira de quitter volontairement ce monde au mois de mai 2014.


Franck Rutkowski, 7 ans, pris en otage par le FLCS en Somalie,


A tous les enfants de Loyada.

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CNE Soubirou – LTN Prouteau


Hommage


Au LTN Doucet, blessé lors de l’assaut ; à ses camarades de la 2e Cie du 2e REP,


Aux tireurs d’élite du GIGN,


A tous ceux qui ont participé l’opération.

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Le chauffeur Jean-Michel Dupont, appelé du contingent, ayant la possibilité de s’échapper, est finalement retourné dans le car pour ne pas abandonner les enfants – Le gendarme Jean-Noël Mermet a tout tenté pour une issue pacifique.

Hommage à tous Ceux de Loyada


Et il y a les obscurs, ceux dont aucun livre ni journal n'a retenu les noms : Le Gendarme Jean-Noël Mermet, en poste à Loyada, le Haut-commissaire adjoint Jean Froment, Jean-Michel Dupont le chauffeur appelé et Jehanne Bru l'assistante sociale.
Peut-être parce que le héros doit toujours être un guerrier et que la guerre n'était pas leur métier. Mais sans eux, les guerriers n'auraient pas été les héros de Loyada. En gagnant du temps et en maîtrisant le comportement des enfants, ils ont permis à l'action de libération des otages de se dérouler dans les meilleures conditions. C'est grâce à eux que les gendarmes du GIGN et les légionnaires du REP ont pu réussir cette action désespérée.

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[Edit 1.11.2016] Sympathique petit mot de Jean-Noël Mermet, reçu après publication de cette chronique.

***

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Djibouti, Légionnaires de la 2e Cie du 2e REP, avec une mitrailleuse prise aux soldats somaliens

 

- Qu'est-ce que tu fais avec [les terroristes], Hassan ?
- Je me bats pour l'indépendance.
- En prenant des gosses en otages ? Cela va finir comment, Hassan ?
Un rire sardonique lui répond.
- Comment veux-tu que cela finisse ? La France cède toujours.

 

Discussion entre le gendarme Mermet et Hassan Elmi Gueldon, son ex-collègue passé à la rébellion

 

 

 

 

20/09/2016

« Opération Serval - Notes de guerre, Mali 2013 », GAL Bernard Barrera, éd. du Seuil

Extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur, photos ECPAD – Droits réservés

 

« Veni, vidi, vici »

Jules César après sa victoire à la bataille de Zéla

 

Etre associé à Jules César, voici qui va faire sourire (voire bleu-ceriser ?) l'aussi modeste que sympathique général Bernard Barrera…

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Et pourtant, lorsque nous avons cherché notre habituelle citation d’introduction, celle-ci s’est imposée d’elle-même.

Evidemment, elle ne s'applique pas spécifiquement au général commandant la brigade Serval, mais bien à tous les hommes et femmes qui l'ont composée, auxquels il convient d'associer les forces de soutien et les alliés Tchadiens et Maliens. Qui aurait imaginé, début 2013, une telle charge dans le désert ? Un parachutage sur Tombouctou ? Des djihadistes extirpés à la fourchette à escargot de l'Adrar des Ifoghas ? Et pour finir une si implacable victoire française sur les nouveaux barbares ?

Hommage à tous Ceux du Mali. Vous êtes venus. Vous avez vu. Vous avez vaincu. Vous avez écrit l'une des pages les plus glorieuses de l'histoire de France et qui plus est, pour une cause des plus nobles.

Quant à vous lecteurs, revivez l'opération avec le même plaisir que fût le nôtre grâce à ce récit particulièrement bien écrit, très "terrain", sans vaine prétention, passionnant de bout en bout.

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Il est 17 heures, il fait froid. J'ai passé l'après-midi dans le petit camp d'instruction à voir les ateliers, à discuter avec les formateurs qui apprennent consciencieusement les actes réflexes du combattant (…) Un petit soldat trapu s'approche de moi. Il me pose la question à laquelle tout le monde pense : « Mon général, l’Afghanistan se termine. Est-ce qu'on n'arrive pas trop tard ? » Autour de moi, tout le monde se tait (…) Ils sont quarante à me regarder. Un général a forcément la réponse. Ne jamais mentir, la confiance est un fusil à un coup et seul le langage de vérité permet de commander sereinement, de rester crédible aussi. « Je n'en sais rien. Mais ce dont je suis sûr, c'est que ce monde est de plus en plus dangereux et instable, que la France aura toujours besoin de ses soldats pour la défendre et que, en cas d'alerte, il faudra être prêts immédiatement. (…) Apprenez votre métier, nous ne savons pas de quoi sera fait l'avenir ».

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La charge

Tout se met vite en place. Les hélicoptères survolent en rase-mottes les bras du fleuve Niger, les marécages, les troupeaux. Les Maliens nous saluent, les bergers, les enfants. Ils nous voient foncer vers les nord, vers Tombouctou. Pour eux, nous sommes la liberté, la fin d'une oppression par la terreur.

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GAL Barrera entre Gao et Ménaka

Mes hommes sont accablés par la chaleur, le poids de leur équipement, stoppés à l'ouest par les mines ; les djihadistes sont pilonnés, mais cela fait dix ans qu’ils tiennent cette vallée interdite. Les abris sont cachés, creusés et masqués par des bâches, recouvertes de sable. A l'exception de quelques équipes très mobiles, l'ennemi est invisible. Nous arrivons sur le dur. Le fracas des obus, des bombes d'avions et des roquettes de Tigre les font douter. Le risque d'être pris à revers accentue son sentiment de vulnérabilité. Jamais ils n'auraient imaginé qu'une armée occidentale accepte de s'engager dans ce dédale de rochers, si favorable au combat défensif.

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Hommage au CPL Cédric Charenton, 1er RCP. Son cercueil est salué par le général Barrera à Tessalit. Photo Noël Quidu

La brigade vient de perdre son premier soldat au feu. Il ne sera pas le dernier. Après les premières pertes, la psychologie d'une troupe n'est plus la même en opération. Elle correspond à une prise de conscience collective de la mort, le moment où chacun prend conscience « réellement » qu'il peut être touché, l'instant ou la mort a un visage, celui d'un camarade. C'est aussi le moment ou la peur, le ressentiment et la haine peuvent s'emparer d'une troupe mal commandée. Nos unités encaisseront les pertes sans céder à la lâcheté d'une violence disproportionnée, mais, ce soir, nous pensons tous à la famille du sergent-chef Vormezeele.

(…)

J'ai rejoint l'équipage. Le mécanicien m'a ouvert la rampe arrière avant de s'esquiver. Il fait nuit, mais l'intérieur de l'avion est éclairé. Le cercueil vert est sanglé au centre de la soute. Je vais rester quelques instants face à lui, mesurant pleinement le poids des responsabilités, le caractère unique du métier de soldat, tuer et être tué, autant de raisons d'être précautionneux avant d’engager ses hommes au combat. Au nom de la brigade et de ces milliers d'hommes qui pensent à lui en silence, je salue mon sous-officier avant son dernier voyage.

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Soldats tchadiens au Nord-Mali

Les nouvelles ne sont pas bonnes. Courageux et offensifs, nos Tchadiens ont attaqué l'entrée de la vallée. Leurs pickups et blindés ont foncé vers les positions ennemies, sirènes hurlantes, en mitraillant les résistances décelées, suivant une technique de rezzou. De violents combats, des assauts répétés menés par les officiers, en premier lieu Mahamat Déby, fils du président, ont permis d'enfoncer les premières lignes. Les défenseurs ont préféré se faire exploser plutôt que d'être faits prisonniers, certains feignant de se rendre, emportant dans la mort les fantassins de tête. Le soir, force est de constater que l'entrée de la vallée tient toujours.

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Au centre GAL Barrera, à droite son assistant militaire CBA Rémi Scarpa. Photo Noël Quidu

Je m'arrête au pied de la tour, assis avec une bouteille d'eau face aux hélicoptères posés à quelques mètres. A mes côtés, Rémi ne dit rien. Ma décision est prise. Il faut assumer ses responsabilités jusqu'à l'adrar, ne pas se contenter de rester à Gao en laissant les paras seuls face à un ennemi décidé et enterré. Ce sera la victoire de tous ou ma défaite.

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Adrar des Ifoghas

Le Tigre décolle et fonce vers le sud, obus et roquettes chargées en position. Les djihadistes tiennent leurs positions et se dévoilent simultanément à 10 et 300 mètres, sur deux lignes de défense Les compagnies et les sections avancent entre les rochers. [Le colonel] Desmeulles et ses capitaines sont à la manœuvre, employant au mieux leurs appuis pour faire baisser la tête des défenseurs et avancer leurs Légionnaires et leurs Rapaces. En gilets pare-balles et casques, ils escaladent les rochers et fouillent les grottes. A la grenade, ils neutralisent les nids de mitrailleuses. « Nous sommes les hommes des troupes d'assaut, soldats de la vieille Légion », ainsi commence le chant du REP. Si lui n'y arrive pas, personne ne le pourra.

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La section de Gaulois est alignée sur deux rangs, impeccable, les armes à la main. Ils sont commandés par un adjudant solide qui a encaissé le choc à plusieurs reprises. Le plus petit à droite tient son fusil de tireur d’élite par le canon, la crosse posée au sol. Il est jeune et pourtant il a l'air terriblement décidé. L'amiral [Guillaud, CEMA] lui demande s'il a tiré sur des terroristes avec son fusil ; réponse négative. Cela ne correspond pas à ce que je sais de cette section, à ce que je perçois de ce soldat. Je retourne le voir, seul, pour l'interroger. Non, il n'en a pas arrêté avec son fusil de tireur d'élite, ils étaient trop près et montaient à l’assaut contre son groupe, mais il en a abattu deux avec son pistolet automatique, à quelques mètres. C'était eux ou lui.

Ce fantassin m'a répondu simplement, respectueusement, les yeux dans les yeux. C'est grâce à des hommes comme lui que notre armée s'est couverte de gloire sous les ordres de l'Empereur, qu'elle a tenu sur la Marne et fait face à Verdun. Ce soldat symbolisait ce matin-là l'infanterie éternelle, celle de nos victoires et de nos peines.

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En quittant la ruelle de Gao, sous les rires des enfants et des vendeuses, je réalise une fois encore que cette opération n'est pas comme les autres. Depuis janvier, j'ai conduit la libération des villes, des régions, la destruction des katibas (…) En voyant cette population reconnaissante et insouciante, je prends un bol d'oxygène, percevant la joie de la liberté, l'équilibre retrouvé des familles, la protection des soldats. La raison d'être d'une armée en campagne.

 

***

general-bernard-barera-a-tessalit.jpgSaint-Cyrien de la promotion « Général de Monsabert », Bernard Barrera opte pour l’Infanterie, rejoignant le 2e Groupe de Chasseurs puis le 92e RI. En 2004, il retrouve ses Diables bleus en prenant le commandement du 16e BC. Vétéran de Bosnie, du Kosovo, du Tchad et de Côte d’Ivoire, il est nommé à la tête de la 3e Brigade mécanisée en 2011. En 2013, il conduit sa brigade Serval à la victoire sur les djihadistes sahéliens. A son retour, il s’oriente vers la communication comme directeur-adjoint de la DICOD et est désormais sous-chef Plans programmes de l’Armée de Terre. Promu général de division en 2014, Bernard Barrera est marié et père de 4 enfants.

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Lessive à Gao. Photo Noël Quidu

J'ai toujours l'impression d'être lieutenant, mais je vieillis, je mûris et le regard des autres devient de plus en plus respectueux, donc lointain. Il faut l'accepter, mais ne pas se prendre au sérieux, rester un lieutenant curieux et insolent quand il faut. Nous sommes tous mortels.

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Avec le GAL Barrera au Festival du Livre Militaire de Saint-Cyr, au salon des Ecrivains-Combattants 2015 et à la Sidi-Brahim 2016.

Nous remercions vivement le général pour son accueil on ne peut plus chaleureux à chacune de nos rencontres.

Et le 16 est toujours… ?

***

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ISBN 978-2021241297 - Prix 21,50 € - Format 24 x 15,2 - 433 pages, cahier photo. 

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Aux éditions du Seuil

Disponible chez votre libraire préféré(e), éventuellement sur commande, et sur tous les grands sites du Net.

« Opération Serval » a reçu la mention spéciale du prix littéraire de l’Armée de Terre Erwan Bergot 2015, le prix du Grand Témoin junior 2016 de la France Mutualiste et le prix Capitaine Thomas Gauvin 2016, décerné par l’association des Ecrivains-Combattants.

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Bibliothèque « Ceux du Mali »

Outre « Opération Serval », et tous abordés sur le blog (suivez les liens) : « Libérez Tombouctou ! », COL Frédéric Gout ; « Envoyez les hélicos ! » COL Pierre Verborg ; « Offensive éclair au Mali », CBA Rémi Scarpa ; « Un prêtre à la guerre », padre Christian Venard.

***

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Hommage

Aux morts pour la France au Mali et dans le Sahel, au combat ou en service commandé

LTN Damien Boiteux, 4e RHFS

SCH Harold Vormezeele, 2e REP

CPL Cédric Charenton, 1er RCP

BCH Wilfried Pingaud, 68e RAA

CPL Alexandre Van Dooren, 1er RIMa

CCH Stéphane Duval, 1er RPIMa

BCH Marc Martin-Vallet, 515e RT

SCH Marcel Kalafut, 2e REP

ADC Dejvid Nikolic, 1er REG

SCH Thomas Dupuy, CPA 10

ADJ Samir Bajja, 4e RHFS

CPL Jean-Luc Ronis, 2e RM

CPL Baptiste Truffaux, 21e RIMa

SCH Alexis Guarato, CPA 10

1CL Mickaël Poo-Sing, 511e RT

MDL Damien Noblet, 511e RT

BRI Michael Chauwin, 511e RT 

Aux trois soldats de la base de Nîmes-Garons, SCH Pascal Simon, CCH Ronald Danger, BCH Nacim Ameur, morts dans un accident de la route alors qu’ils rejoignaient Clermont-Ferrand en vue de leur déploiement au Mali. 

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A nos frères d’armes, morts au Mali et dans le Sahel, au combat et en service commandé

~500 Maliens, 68 Tchadiens, 10 Nigériens, 10 Burkinabés, 9 Guinéens, 7 Togolais, 4 Néerlandais, 3 Sénégalais, 1 Bangladais, 1 Chinois.

*

Aux blessés,

A tous les soldats de Serval, d’Epervier, de Barkhane, de la MISMA et de la MINUSMA,

A leurs proches.

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***

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Brigade Serval, 14 juillet 2013

Quelle que soit leur brigade d'origine, je ne fais aucune différence. Tous ont appartenu à la brigade Serval. Ils ont vaincu. Leurs visages ont été noircis par le soleil. Leurs treillis sont délavés, blanchis. Ils ont fondu sous l'effet du soleil et des gastros, mais ils ont un point commun qui se lit dans leur regard, leur attitude. Ils sont victorieux et ils ont libéré un pays. Cela se lit au fond de leurs yeux.

Général Bernard Barrera

 

 

 

 

 

06/09/2016

Milisoutien #22PushUpChallenge : 22 pompes / 22 jours en soutien aux vétérans victimes du syndrome de stress post-traumatique / SSPT