01/03/2015
« Dans les Griffes du Tigre », CNE Brice Erbland, 1er RHC, Ed. Les Belles Lettres
v2. Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de leurs auteurs. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez les réutiliser.
Le soldat n'est pas un homme de violence.
Il porte les armes et risque sa vie pour des fautes qui ne sont pas les siennes.
Antoine de Saint-Exupéry
Février 2013. Ce blog n’existe pas. Le RER m’emmène au Bourget où se déroule le salon de la formation aéronautique. Je ne m’y rends pas pour une reconversion professionnelle, ni même pour le beau musée de l’air qui l’accueille. Je vais à la rencontre du CNE Brice Erbland. Il y dédicace « Dans les griffes du Tigre » que je viens de terminer. C’est une première : je n’ai jamais rencontré de soldat-auteur. Je n’ai fait que les lire…
Peut-être que la discussion qui s’en est suivie (après avoir repoussé l’équipe de France 2 au grand complet pour arriver à l’atteindre) ; peut-être que la photo prise à ses côtés (- C’est la première fois que je fais un truc pareil :) - Moi aussi :)) ou encore les mots qu’il m’a dit les yeux dans les yeux, remerciements sincères pour mon intérêt envers les soldats, ont-ils été à l’origine de la création de ce blog. C’est même certain, car il y eut comme une étincelle dans ma tête : ces garçons et ces filles sont formidables, ce qu’ils écrivent est formidable, mais on en parle si peu. Comme c’est dommage…
Quelques semaines plus tard, Une Plume pour l’Epée naissait. Brice est donc, d’une certaine manière, notre parrain.
Mais parlons de « Dans les Griffes du Tigre ». Ce récit est l’un des rares témoignages sur l’action des aviateurs « légers » de l’Armée de Terre et sur l’opération Harmattan en Libye. A ce titre, il est incontournable pour tous les fans d’histoire et d’autobiographies mili. Mais ce n’est pas ce qui le classe parmi les beaux-grands témoignages militaires. Brice place en effet son discours dans le registre de l’intimité de l’âme. Il n’aborde pas seulement la vie opérationnelle d’un pilote d'hélicoptère, préparation de mission/mission/debriefing, mais également, et surtout, dans le ressenti du combattant : Tirer. Tirer, oui mais. Ne pas tirer. Tirer malgré tout. Tirer et tuer. Tuer, et après ?...
Un livre profond. Le guerrier se met à nu.
Morceaux choisis :
Photo José Nicolas auteur de « Task Force La Fayette ».
Installée dans le poste de commandement du groupement tactique auquel appartient la compagnie en difficulté, ma patrouille suit le déroulement du combat à la radio et observe minutieusement la carte où sont reportées les positions des nôtres. Cela fait plusieurs dizaines de minutes que nous bouillons intérieurement en ne nous posant qu’une seule question : mais qu’attendent-ils pour nous envoyer là-bas ?
Afghanistan
Photo Thomas Goisque, coauteur de « Haute-Tension » et « D’ombre et de poussière »
Je suis encore à deux ou trois minutes de vol de la zone de combat. Je sais qu’il va falloir faire vite, car chaque seconde qui passe risque de voir un soldat français être blessé ou tué. Mais il est hors de question de faire quoi que ce soit tant que je ne suis pas sûr de voir toutes les positions occupées par la compagnie. Dans le cas contraire il y aurait toujours un risque de tirer sur une position amie. Le tir fratricide, encore plus que le dommage collatéral, est ma hantise.
Afghanistan
Afghanistan. Le Tigre de Brice Erbland [attesté par Brice lui-même d’après le code porté par l’hélico], photo Alphonse-Bernard Seny, auteur de « Le temps de l’action »
Les rafales courtes se succèdent ; j’ai vaguement conscience dans ma vision périphérique des gerbes d’étincelles qui déchirent la nuit à l’avant de mon canon. Je ne vois plus que mon écran, je ne vois plus que le cercle en son centre qui entoure deux paires de jambes et qui soudain ne laisse place qu’à un épais voile de poussière. La scène n’est plus visible et nous avons le temps d’effectuer deux tours supplémentaires avant que le nuage se dissipe. Ma caméra est toujours pointée sur l’objectif, mais les deux paires de jambes n’apparaissent plus à l’écran.
Afghanistan
« Tigre Saint-Michel/ailes d'ange », photo Guilhem, Kaboul 2009.
Je ne regrette absolument rien, car ce soldat aurait pu abattre l’autre Tigre. En quelque sorte, c’était lui ou mes deux camarades. Je n’ai même pas eu à choisir tant la décision était évidente. Dans la pénombre de ma bannette, pourtant, je ressens un certain malaise. Ma victime a beau ne pas être la première, loin de là, elle n’en reste pas moins un être humain. Cette réaction m’apaise, d’une certaine façon, car elle prouve que je reste malgré tout humain, baigné dans la considération et la sacralisation toute occidentale et chrétienne de la vie. Ma spiritualité a d’ailleurs grandement évolué depuis mon passage en Afghanistan. Le contact avec la mort a réveillé en moi un besoin que je croyais absent de mon cœur et de mon esprit. Alors, écoutant mon malaise, je prie pour ce soldat que j’ai tué.
Au large de la Libye
Capitaine Brice Erbland
La mort est ainsi une comparse imposée lors de ces opérations. Dieu merci, je n’ai jamais eu à affronter la perte d’un camarade ou d’un subordonné, et je prie pour ne jamais avoir à y faire face. De nombreux soldats français y ont malheureusement été confrontés. Sur le terrain, ils doivent côtoyer la mort tous les jours et sont obligés de la provoquer de temps en temps. Mais malgré une préparation psychologique, malgré la conscience que le métier des armes peut impliquer de tels actes, ces derniers représentent de véritables chocs pour ceux qui les vivent. Chacun doit alors gérer ses émotions à sa façon. Certains semblent imperturbables, mais je reste persuadé qu’ils bouillonnent intérieurement, d’autres ont besoin de partager leurs sentiments.
Dans le monde qui a perdu le contact avec la tragédie de la guerre, aucun non-combattant ne peut imaginer la transformation radicale qui s’opère chez nos soldats après avoir vécu de tels moments.
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Saint-Cyrien, le Capitaine Brice Erbland sert au 1er Régiment d’Hélicoptères de Combat de Phalsbourg. Pilote de Gazelle et de Tigre, il participe aux opérations en Afghanistan et Libye. En juillet 2012, pour ses actions au combat, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur.
Actuellement détaché au Ministère de la Défense, Brice est marié et père de 4 enfants.
Nous avons la chance de bien connaître Brice. Nous avons également entendu des mots élogieux sur son compte, de la part de deux amis dont l’un a été son « boss » et l’autre est un padre célèbre ; mais nous ne rapporterons pas ces propos, pour ne pas blesser la modestie du capitaine… Vous pouvez cependant vous faire une idée du « bonhomme » en regardant cette vidéo, reportage de France 2 qui a reçu le prix Schœndœrffer 2014 [hé oui, c’est bien votre serviteur que vous apercevrez fugacement - mais je ne sais pas pourquoi on m'a "collé" en couverture !].
Sur fond bleu cobalt ALAT, nos multiples rencontres avec Brice Erbland, désormais un familier de nos photos de groupies : Salon de la Formation Aéronautique 2013 au Bourget, 20h de France 2, Salon du Livre 2013 à Paris, Festival International du Livre Militaire 2013 à Coët’, Salon des Ecrivains-Combattants 2014 à Saint-Mandé…
ISBN-13: 978-2251310046 – Prix 15,90€ – format 12,5x19, 108 pages, cahier-photo couleur
Aux éditions Les Belles Lettres
Disponible ici.
« Dans les griffes du Tigre » a été distingué en 2013 par le prix spécial de la Saint-Cyrienne, le prix « L’Epée et la Plume » et la mention spéciale du prix Erwan Bergot. Photo ci-dessus : Brice est aux côtés du GAL Patrick Champenois, auteur de « La chamelière de Bouyade », prix de la Saint-Cyrienne 2013 et du SGT Christophe Tran Van Can, 21e RIMa, auteur de « Journal d’un soldat français en Afghanistan », coécrit avec Nicolas Mingasson, prix de la Saint-Cyrienne 2012.
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Hommage
Au LTN Matthieu Gaudin, 3e RHC, mort pour la France en Afghanistan,
Au LTN Damien Boiteux, 4e RHFS, mort pour la France au Mali,
A tous ceux morts pour la France,
Aux morts en service commandé, avec une pensée pour ceux qui ont péri avec leurs camarades Dragons-Paras lors du crash de leur Cougar en 2009, au large du Gabon,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et le la Russe-blanc aux protégés de Sainte-Clothilde.
Photo de Thomas Goisque
Combien d’hommes peuvent se targuer d’écrire l’Histoire, sinon d’en être acteur ?
Qui aujourd’hui vit intensément, non pas au travers d’un écran, mais ressentant les choses réellement ?
Qui est prêt à accepter la peur, le contact de la mort, le sacrifice de sa famille, pour la maigre gloire personnelle qu’est la fierté de servir son pays ?
CNE Brice Erbland
23:12 Publié dans Afghanistan, ALAT, Libye, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Je me posais il y a peu la question relative à l'origine de ce blog, j'ai la réponse. La passion est captivante lorsqu on rencontre des gens extraordinaires (Si on les écoutaient, ils ne font que leur travail, tanpis pour leur modestie), la passion est encore plus grande lorsqu elle est partagée,c'est le cas ici. Merci de nous en faire profiter
"Ce qu’ils écrivent est formidable, mais on en parle si peu."
Écrit par : Gilbert PAINBLANC | 02/03/2015
Merci Gilbert. Tu as tout compris et ton commentaire nous touche beaucoup.
Écrit par : UPpL'E | 02/03/2015
Honte à vous ! A cette armée française qui n'existe plus ! vous faites parti de l'OTAN. vous travaillez contre l'intéret de votre pays, et vous avez attaqué mon pays la libye. que dieu vous punisse !
Écrit par : ZZ | 10/03/2015
Dieu punira ceux qu'il jugera bon de punir, pas ceux que vous, simple humain, souhaitez voir punir. Nous devrions nous rejoindre sur ce point. Quant à attaquer la Libye et son régime, c'est une autre histoire. Qui vous dit que nous étions d'accord sur l'intervention ? L'armée française (qui existe toujours, demandez aux djihadistes qui ont tenté de faire régner la terreur au Mali) n'est pas composée de mercenaires. Elle obéit aux ordres, à l'état. Après, l'état peut se tromper, et dans ce cas, le peuple, par la démocratie, peut changer d'état.
Écrit par : UPpL'E | 10/03/2015
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