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22/05/2014

« Un prêtre à la guerre », padre Christian Venard, aumônier, Ed. Taillandier

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Dirigez-nous dans nos ténèbres. Soyez nos agents de liaison. Soyez nos célestes fourriers. Préparez-nous là-haut le cantonnement. Afin que, lorsque viendra l’heure décisive, l’heure H par excellence, nous puissions vous retrouver dans la lumière et dans la paix. 

Abbé Joseph Bordes, aumônier du 34e RI, fusillé par les Allemands en 1944

Discours à l’ossuaire de Douaumont

 

Ecrire un livre sur sa vie. Y avez-vous songé ? La démarche n’est pas anodine. Volonté de témoigner, de partager, de faire comprendre, voire de se comprendre… De vider son sac. Un peu de tout cela, certainement. Reste qu’il faut un élément déclencheur pour se lancer dans l’aventure.

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Le padre Christian Venard, aumônier parachutiste, parle de « son » élément déclencheur au début d'Un prêtre à la guerre en ces termes : 

Le 15 mars 2012, l’horreur semée par Merah sur le sol montalbanais me touche de plein fouet (…) Cela fait un an et demi que l’essentiel de mon temps et de mon énergie est consacré à l’accompagnement des familles de nos camarades parachutistes tombés en Afghanistan : Morillon, Hugodot, Nunès-Patégo, Técher, Marsol, Gauvain, Guéniat, Tholy… Morts pour la France. Pour vous ce ne sont que des noms… Pour moi des visages dans des cercueils, des camarades connus vivants, des épouses, des mères et des pères, des enfants, des pleurs, des souffrances, des incompréhensions. Et quand je vois mourir dans mes bras deux camarades de plus en ce mois de mars, oui, d’une certaine façon la coupe devient trop pleine.

Oui, sans doute ces quelques larmes débordant de la coupe ont irrigué le terreau de la vie du padre, faisant germer les graines des souvenirs. Ils sont souvent dramatiques, hélas, ces souvenirs  - on n’accompagne pas ses camarades, ses fils soldats, vers leur dernière demeure, sans que le cœur ne saigne ; on ne tient pas la main d’Abel Chennouf, de Mohamed Legouad, ce funeste 12 mars 2012, sans tourner son regard vers le Ciel et demander « Pourquoi ? » - mais la vie est ainsi faite que la tragédie n’est pas omniprésente dans la vie du père Christian et Dieu soit loué ! Alors dans ce récit,  il y a aussi de beaux souvenirs, de beaux moments. On rit même de bon cœur devant ses facéties, car l’homme est taquin. On apprécie aussi son franc-parler, son « dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas », liberté de parole d’aumônier oblige.

Un livre profond, qui interpelle (quelles que soient ses propres croyances) et qui pose les bonnes questions.

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Nota : Le padre a beau être un jeune homme (il est de la génération du Chasseur… J), nous ne pouvons aborder toutes les phases de sa « carrière ». Trois focus donc : sa première OPEX au Kosovo (il existe bien trop peu de témoignages sur ce conflit « compliqué »…), sa dernière au Mali et sa mission, au combien importante et difficile, d’accompagner les familles endeuillées.

 

Kosovo – Le baptême du feu

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Kosovo, à droite le padre Venard.

Les premières images du Kosovo et des villages brûlés sont restées gravées dans ma mémoire. A Mitrovica, ce sont les odeurs surtout qui s’impriment : celle de la mort, celles des cadavres d’animaux en putréfaction, celle du « cramé ». Comme dans une scène de film de guerre, la moitié de la ville brûle encore. Les flammes et la fumée se mêlent à la chaleur d’un été qui s’annonce étouffant. Je n’avais jamais vu une ville en feu à moitié détruite, ni de cadavres humains ou de carcasses de bêtes à l’abandon.

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Manifestation d’Albanais, Mitrovica, 2011. Photo © Reuters

Face aux Albanais, la situation est pénible pour les soldats français. En permanence, des individus nous crachent dessus, nous insultent et nous avons interdiction de répondre. La situation est d’autant plus désagréable qu’en secteur serbe, nous sommes en général fort bien accueillis. Les Serbes nous apportent café, slivovitz, fromages  et fruits à profusion. Ils évoquent en toute circonstance la vieille amitié franco-serbe, les souvenirs de 1916 et les combats communs pour nous montrer qu’ils sont nos vrais amis au Kosovo. Il faut se mettre dans la peau du simple soldat, du sous-officier ou même de l’officier, confronté jour après jour sur ce pont de Mitrovica aux invectives des uns et à l’accueil chaleureux des autres pour comprendre combien il est difficile dans ces conditions d’assurer une mission d’interposition en toute neutralité.

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Au centre le padre venard

Tout est calme. En un éclair, un caporal-chef se jette sur moi en hurlant « roquette ! ». Sur le moment je ne comprends rien, j’entends juste ce hurlement. Plaqué au sol, je n’ai que le temps de lever la tête et de voir passer un engin volant en forme d’ogive qui s’avère être effectivement une roquette. Le projectile va exploser de l’autre côté du pont contre un véhicule blindé français. Nous ne déplorons ni blessé, ni mort. Avec cette première expérience du feu, je comprends que la peur se manifeste souvent après l’action. Dans l’instant, il est rare que l’on puisse réaliser l’importance du danger. Pour vraiment savoir ce qu’est la guerre, il faut l’avoir connue, comme l’affirment tant d’anciens. Le vrai courage ne vient qu’avec l’expérience du feu.

 

Mali – Le raid vers Tombouctou

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Mali, photo © Ministère de la Défense

Ce raid demeure un souvenir magnifique. Ce que nous vivons au cours de ces journées est mythique. Le métier de soldat n’est pas de prendre des risques pour le plaisir, mais il ne lui est pas interdit de se rendre compte du caractère exceptionnel de ce qu’il vit. Je ne crois pas que dans ma vie je referai le trajet Bamako-Tombouctou dans ces conditions, bien différentes du Paris-Dakar. Certains parachutistes râlent au cours de cette remontée, ce qui est le propre du soldat français. Pour les remotiver, je leur dis de songer qu’ils pourront raconter à leurs enfants qu’ils ont fait le trajet Abidjan-Tombouctou dans une Sagaie ou dans un VAB. Des accueils triomphaux nous sont réservés dans les villages et les petites villes. Les scènes de liesse et les signes de gentillesse se multiplient. Des gens viennent  nous offrir des fruits et nous dire combien ils nous aiment avec la simplicité et l’exubérance que l’on connaît en Afrique. Ce sont des moments très émouvants. Je suis doublement touché, non seulement parce que cette population se sent libre grâce à nous, mais aussi car il n’est pas si fréquent que l’armée française se fasse acclamer, y compris par sa propre population.

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Padre Venard à droite.

Ce mot de « terroriste » permet d’éviter la controverse qu’aurait suscité l’emploi du mot « islamiste », plus exact, mais qui induit une dimension religieuse que recherchent nos ennemis afin d’assimiler cette guerre à un retour des croisades. Eux aussi mettent en œuvre une stratégie en matière de communication et veulent présenter ces opérations comme une guerre menée par l’Occident chrétien (sic !) contre de courageux djihadistes qui n’aspirent qu’à pratiquer la charia sur leurs terres. Or ces fameux djihadistes que nous rencontrons au Mali sont des abrutis finis. « Ils sont très bêtes, ce sont de idiots ! » me confieront plusieurs femmes tombouctiennes ensuite. Ainsi m’a-t-on rapporté que peu après la chute de Tombouctou, un djihadiste arabe avait tué un djihadiste noir. Or la réponse du tribunal islamique temporaire à la famille de la victime qui réclamait une compensation financière fut de ne pas l’accorder car les « nègres », fut-il expliqué par les juges, étaient des esclaves. Cet épisode a suscité de fortes tensions chez les djihadistes. A peine arrivés, ils avaient réalisé la prouesse de se diviser.

 

France – Le porteur de mauvaise nouvelle

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La maman ou l’épouse sort avec un grand sourire. Mais quand elle aperçoit les bérets rouges, le sourire se fige : elle réalise (…) Pas besoin de paroles. C’est l’effondrement. Et c’est très dur à vivre car nous avons l’impression d’être nous-mêmes coupables de ce que nous annonçons, d’autant plus que la personne endeuillée réagit comme si tel était le cas. Nous essayons d’apporter de l’affection, de la compassion, de l’amour à ces personnes et leur première réaction est de nous rendre responsable du drame. C’est normal. Il nous faut l’accepter, mais c’est très douloureux, presque un coup de poignard. Dans la Bible, le porteur de mauvaises nouvelles est tué car il est la mauvaise nouvelle.

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Obsèques d’Abel Chennouf. Sa compagne enceinte de 7 mois. Photo P. Pavani/AFP 

Nous ne pouvons pas dire grand-chose lors de cette première rencontre. Dans les familles, la réaction de déni s’appuie sur de nombreuses explications : « Ce n’est pas possible : je lui ai parlé hier soir », « Ce n’est pas possible car j’ai reçu une lettre de lui ce matin », « Ce n’est pas possible car il m’avait dit qu’il reviendrait ». Ces phrases n’ont l’air de rien mais quand un époux dit à son épouse : « Je reviendrai », je trouve cela infiniment touchant et beau. Quand une épouse est capable de dire « Ce n’est pas possible, il a dit qu’il reviendrait » c’est une preuve poignante de la force de l’amour humain. 

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Obsèques d’Abel Chennouf. A gauche le padre Kalka - à droite le padre Venard. Photo P. Pavani/AFP.

Alors je L’interroge : « Seigneur, je ne te comprends pas. Toutes les questions que l’on me pose, je ne sais pas y répondre. Comment puis-je faire alors que Tu n’es pas là Seigneur ? » Il est pourtant là, sans aucun doute, mais il m’arrive de Lui en vouloir. Je ne peux absorber ces décharges émotionnelles sans que cela ne m’atteigne dans ma fonction ; cela signifierait sinon que j’ai perdu ma part d’humanité. Il me faut donc vivre avec ces moments de révolte et d’incompréhension et les surmonter.

 

Montauban – Il faisait beau, ce jour-là…

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Montauban. Photo Pascal Pavani/AFP

Une infirmière du régiment, à peine revenue d’Afghanistan, est à mes côtés. Il faut presque la tirer en arrière pour la faire renoncer au massage cardiaque qu’elle pratique en vain. Je prends alors la main encore chaude de Legouad et je suis à nouveau habité par le sentiment qu’il est encore là. Comme pour Chennouf, ni sa mère, ni sa copine, ni son père ne sont là avec lui en ce moment ultime. Et je me dis en mon for intérieur « Tu n’as que moi, ton padre, mais je suis ton padre ». La prière vient ensuite. Plus tard, après avoir découvert qu’il était musulman, je dirai à son père que j’espérais qu’il n’était pas gêné de savoir que c’était un prêtre catholique qui avait accompagné son fils avec des prières catholiques. Et il m’a répondu : « Ah non. Allah est grand ».

***

padre.jpgChristian Venard nait en 1966 dans une famille d’officiers. Fils de Saint-Cyrien, petit-fils  de Légionnaire, ce n’est pourtant pas vers le métier des armes qu’il s’oriente. Etudiant entreprenant, il fonde une PME, mais répondant à l’Appel, il abandonne le business et entre au séminaire à Rome en 1992. Il est ordonné prêtre en 1997. Peu porté vers la vie de paroisse, il rejoint l’armée en 1998, comme aumônier de la 11e Division Parachutiste. Il participe aux principales OPEX de l’armée française, Kosovo, Liban, Tchad, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Mali, attaché notamment aux 14e RPCS,  3e RPIMa, 1er RHC, 3e RG, 1er RCP, 12e RCuir, 501-503e RCC… Après un passage comme aumônier de l’ESM il rejoint le 17e RGP de Montauban. Le 15 mars 2012, entendant les coups de feu de la cour du quartier, il rejoint la scène du drame et accompagne Abel Chennouf et Mohamed Legouad vers leur dernière demeure.

Je songe à une chanson de Barbara : Le mal de vivre. Comme elle, certains matins, en me levant, je sens une pesanteur et une tristesse en moi, venues des épreuves subies, ou de la tristesse que je vois chez les autres. D’autres matins ou d’autres soirs, j’ai le sourire aux lèvres et la joie de vivre. Parfois, je trouve que ce fardeau est lourd, parfois infiniment trop lourd. La foi chrétienne n’est pas un euphorisant. C’est tout le paradoxe du chrétien et plus encore du prêtre qui doit entrer pleinement dans la pâte humaine, avec tout ce que cela implique de souffrances et de pesanteurs, afin d’en devenir le levain. Dans ces conditions, je n’ai pas le droit de baisser les bras. Quelque-chose au fond de moi me dit que si je ne me lève pas pour aller rejoindre l’autre, je ne correspondrai pas à ce que le Christ lui-même a fait, rejoindre l’humanité, et à la charge qu’Il m’a confié, être l’un de ses instruments.

 

***

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 Rencontre avec le padre Venard au salon des Ecrivains-Combattants 2013. Photo CCH Emmanuel Gargoullaud, auteur de « L’Afghanistan en feu » et photographe bénévole pour Une Plume pour L’Epée J

 

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Prix 18,90€ - ISBN 979-10-210-0175-6 – Format 21,4x14,4 304 pages.

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Aux éditions Taillandier.

Disponible ici.

« Un prêtre à la guerre » est écrit en collaboration avec Guillaume Zeller, journaliste et historien, petit-fils du GAL André Zeller

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Bibliothèque « Les aumôniers »

(non exhaustif)

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Hommage

Aux Paras, Sapeurs paras,  Paras colos, Légionnaires paras, Chasseurs-paras, Cavaliers paras, Artilleurs paras, Tringlots paras, Infirmiers paras, Paras de l’Air, Commandos Marine, Gendarmes paras, Aumôniers morts pour la France,

Aux blessés,

 

A l’ICS Thibault Miloche, 126e RI, ami du padre Venard, mort pour la France en Afghanistan,

 

Aux CCH Abel Chennouf, CAL Mohamed Legouad, 17e RGP,  ADJ Imad Ibn Ziaten, 1er RTP, morts pour la France, 

A Jonathan, Aryeh, Gabriel Sandler et Myriam Monsonégo assassinés  à Montauban,

Au CAL Loïc Riber, 17e RGP. Nous sommes pas le cœur et l’esprit à ses côtés dans son combat.

 

« Seigneur, malgré-tout, apprenez-moi à aimer ».

Padre Christian Venard, homélie pour les obsèques d’Abel Chennouf.

 

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Remise du béret rouge amarante par le padre Venard

Les militaires ont besoin d’une forme de reconnaissance. Ils doivent savoir que leur action n’est pas vaine, que les sacrifices de leurs camarades ne sont pas inutiles. Mais l’évolution globale de notre société l’amène à ne pas reconnaître ces héros parce qu’elle en a choisi d’autres. On devient plus facilement un héros en tapant dans un ballon pour des dizaines de millions d’euros par an, qu’en tombant pour son pays au fin fond de l’Afghanistan pour une solde réduite.

 Il y a là un désordre.

Padre Christian Venard

 

 

 

 

 

 

 

 

06/05/2014

« Un long oued pas si tranquille… », LTN (h) Alain-Michel Zeller, 12e BCA, éd. Fol’Fer.

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.

 

 

Ecrire et raconter, inlassablement, non pour juger mais pour expliquer. Ouvrir la porte à ceux qui cherchent une trace du passé et qui refusent le silence. Repiquer chaque matin le riz de nos souvenirs. Ne pas lâcher prise, jamais, pour celui qui est demeuré dans le bien et dont l’amour est resté là-bas, en Algérie.

CBA Hélie de Saint-Marc

 

 

Lorsque l’on évoque la Guerre d’Algérie des noms viennent immédiatement à l’esprit : Bigeard, Massu, Salan, Challe, Jouhaud, Saint-Marc, de Gaulle évidemment… et Zeller, n’est-ce-pas ? 

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Zeller. Général Zeller, vétéran des 1ère et 2nde guerres mondiales, l’Algérie française, la rébellion dite le putsch d’Alger, le « quarteron »… mais son prénom est André et non Alain-Michel. Alors, qui est l’auteur d’Un long oued pas si tranquille ? Son fils, appelé de la classe 59, Sous-Lieutenant au 12e BCA, blédard, traquant le fellagha à la frontière tunisienne tandis qu’à Alger et Paris le sort de l’Algérie française se nouait…

Cette situation, peu banale on en conviendra, suffit pour se précipiter sur ce livre. Et là, bonne surprise, car outre l’intérêt historique évident,  « Un long oued pas si tranquille » est un récit autobiographique remarquable. Nous suivons Alain-Michel au 18e RCP pour sa formation parachutiste, à l’école de Cherchell dont il sort Aspirant, à Alger la blanche, où il flâne dans les rues de son enfance, sur la ligne Morice, où il monte des embuscades à la tête de son commando de chasse harki, ses rencontres dont celle au « trou » avec le SLT François d’Orléans, fils du comte de Paris, qui meure au combat en Kabylie quelques mois après, son incompréhension face aux évènements… et, non pas omniprésente, mais en filigrane, la figure bienveillante de son père, qui fait le choix que nous connaissons. Le tout écrit avec une classe certaine, à la fois pétillant de jeunesse, facétieux - esprit Chasseur oblige - et grave de par les évènements vécus.

Passionnant. Attachant. L’un des très beaux témoignages sur la Guerre d’Algérie.

 

L’engagement

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Eté 58, Alain-Michel Zeller alors étudiant à l’IFP, Institut Français du Pétrole - Stage [on ne peut plus] pratique sur un chantier de forage à Coulommes. Photo de Cartier-Bresson pour Paris Match.

La situation en Algérie, après le formidable et enthousiaste mouvement du 13 mai 1958, évoluait plutôt favorablement et je me sentais confusément mal à l’aise de ne pas avoir encore participé à ce qui apparaissait comme la grande cause nationale du moment. Cette « guerre », que l’on n’appelait pas encore ainsi, durait déjà depuis plus de quatre ans. Jeune étudiant, j’avais participé à de nombreuses actions en faveur de l’Algérie française au sein d’associations militantes. La préparation militaire parachutiste était ouvertement un lieu où s’exprimait haut et fort la nécessité de garder la province Algérie à la France sans que cela n’ait eu un caractère séditieux.

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Avril 59, Alain-Michel Zeller au Centre d’Instruction du 18e Régiment de Chasseurs Parachutistes, Pau.

Les dix-huit mois d’existence sévère que je venais de passer [à l’IFP], alliés à cette expérience prémilitaire antérieure [prépa militaire parachutiste], me poussaient à me porter volontaire pour les paras. Faute d’avoir suivi des chemins plus prestigieux, je choisissais cette voie en plein accord avec mon père, très pris par ses fonctions suprêmes. Je crois qu’il ressentait une certaine fierté à me voir emprunter cette filière, plutôt que de rechercher, ce qui était tout de même courant  à l’époque, une affection « planquée ». De toute façon cela eût été vain car autant mon père aurait favorisé la solution que j’avais adoptée, autant il eût fait la sourde oreille (et il savait le faire !) dans la seconde hypothèse.

 

Juillet 1959, en partance pour l’Algérie

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Le « Ville d’Oran »

Le « Ville d’Oran », doublant le château d’If et les îles du Frioul laissa derrière lui dans un sillage d’écume les rivages de la métropole. Notre contingent d’une quarantaine d’individus fût dirigé en cale, à l’avant du navire où les effets du tangage ne furent pas long à se manifester sur ceux qui n’étaient pas amarinés. Avec quelques camarades, je me souviens avoir emprunté en douce une coursive car nous avions reçu l’ordre de demeurer dans notre entrepont où croupissaient les collègues le teint blafard et le cœur au bord des lèvres… Elle nous mena sur le pont à l’arrière où se trouvaient encore une demi-douzaine de transats aussitôt investis. L’air frais allié à la houle était appréciable et sans trop nous faire remarquer, nous y passâmes une bonne partie de la journée avec nos rations et quelques canettes de bière.

Notre destin, à ce moment-là, se nouait définitivement ; les amarres avaient au propre et au figuré été larguées et nous voguions plein sud sans trop imaginer quelle existence nous attendait dans cette contrée proche et lointaine.

 

Juillet-décembre 59, Ecole des élèves Aspirants de Cherchell, promotion 906 « Georges Clémenceau », 13e section

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Ferme de Brincourt

Ayant été abondamment « cornaquée » et mis en condition, vint le moment où notre section partit pour la première fois vivre la vie de poste à la ferme Brincourt à une dizaine de kilomètres au sud de Cherchell. 

Une nuit, j’avais été placé dans un poste dit de « sonnette ». Cela consistait à se trouver en position de guet en avant des bâtiments dans un repli de terrain, entouré d’un léger réseau de cordes sur lesquelles étaient suspendues des boîtes de conserves censées donner l’alerte en cas d’intrusion. 

Il était un peu plus de minuit, ciel bas, yeux qui commençaient à ciller, sollicités par le sommeil, quand un grand cri déchirant éclata dans la nuit et me glaça le sang. Pleur ou ricanement odieux, il me fallut un bon moment pour déterminer qu’elle en était l’origine. Le doigt sur la détente du Mas 36, je fouillais intensément du regard l’obscurité tout en percevant un mouvement confus. Je finis par comprendre que l’intrus n’était autre qu’un chacal qui déguerpit sous une pluie de caillasses, tout en éructant encore des glapissements stridents.

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Cherchell, défilé du 11 novembre 1959, ici le peloton IMO [Instruction Militaire Obligatoire]

Le 11 novembre 1959 nous donna l’occasion de défiler en ordre serré dans les rues de Cherchell (…) J’avais imaginé une facétie dont j’avais fait part à l’ensemble de ma section (…) Il s’agissait, arrivés à la hauteur de la maison close qui se dénommait « Chez Zizi » (…) de faire sur mon commandement un « tête ! droite ! » qui était en quelque sorte l’hommage des valeureux biffins aux laborieuses hétaïres. Ce qui fut décidé fut fait et je pense que ce fut la seule fois de ma carrière militaire que je donnais un ordre aussi impeccablement exécuté !

 

 Permission à Alger

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Alger, quartier d’enfance d’Alain-Michel Zeller. De droite à gauche : angle du parc de Galland ; patte d’oie rue Edith Clavell/bd du Telemly puis hors champ à gauche : rue Blaise Pascal et chemin de La Rochelle, longeant le musée d’où la photo a été prise.

Je profitais de ces quelques heures de liberté pour aller reconnaître un quartier que j’avais habité plus de quinze ans auparavant (…) Je m’aventurai vers le parc de Galland, non loin d’une école que j’avais fréquentée en 1943 (…) Retrouver la rue Blaise-Pascal et les escaliers de La Rochelle à l’angle desquels se trouvait l’immeuble dans lequel nous avions vécu. C’est du balcon de l’appartement au sixième étage que je me rappelais avoir assisté le 8 novembre 1942 au débarquement des Américains. Le spectacle était fantastique pour un petit garçon (…) Cette forme de pèlerinage je la continuais en passant devant l’épicerie mozabite au 175 boulevard du Telemly  au-dessus de laquelle  habitait le Général Hartemann, ami de mes parents, brillant aviateur qui devait mourir à bord d’un B26 en Indochine (…) Je pris ensuite la rue Edith Cavell, en pente sinueuse, comme beaucoup de rues d’Alger, pour arriver à l’église du Sacré-Cœur dans la rue Michelet où j’assistai à la messe célébrée par le chanoine Garganico, déjà curé de cette paroisse dans ma prime jeunesse (…) 

Ce périple me confirmait, s’il en était besoin, que cette ville était partie intégrante de cette France diverse qu’évoquait Bernanos. Oui, décidément, cette province valait la peine que l’on fit tout pour qu’elle demeure française. Il n’était pas possible dans mon esprit qu’une solution généreuse et originale, en faisant appel à notre jeunesse, à notre enthousiasme, à notre courage, ne soit pas trouvée dans l’intérêt de tous.

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Aspirant puis Sous-Lieutenant au 12e Bataillon de Chasseurs Alpins

Du fait de son caractère blagueur, Alain-Michel est classé dans la seconde partie du tableau de Cherchell, ce qui l’empêche de rejoindre les paras. Il opte pour les troupes alpines et le 12e BCA, basé à Blandan, sur la ligne « Morice », frontière tunisienne.

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Alain-Michel Zeller et deux camarades Chasseurs à Bône

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A son arrivée au quartier, le jeune Aspirant a la surprise d’être immédiatement convié à un grand déjeuner, où le chef de corps l’accueille par un déconcertant « Ah ! Z’ai l’air de quoi ? ». S’ensuit toute une série d’évènements déconcertants: aspersion de soupe par un serveur maladroit, pied sous la table d’une bien entreprenante voisine, anisette et Sidi-Brahim à gogo au son du refrain du douzième « Ah c’qu’il est con l’douzième, ah c’qu’il est con c’con là ! », trou noir total et réveil le lendemain dans un lieu inconnu, le bras plâtré ! 

Une « salade de galons » avait été organisée dans les grandes largeurs : Le serveur maladroit n’était autre que le chef de bataillon. Celui à qui je m’étais présenté, le prenant pour le chef de corps, était l’officier de renseignements. La charmante « allumeuse » qui ne m’avait pas du tout laissé insensible était la femme du médecin-major qui, peut-être pour me punir d’avoir été trop entreprenant à l’égard de sa femme, m’avait confectionné ce plâtre dont il me délivra peu après ! Le résultat avait dépassé ce qui était prévu mais m’avait d’emblée fait admettre dans le corps des officiers du 12.

 

A la tête d’un commando de Chasse harki, sur la ligne « Morice », cote 159

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Juin 1960, Blockhaus du PK 919, face au réseau électrifié de la ligne Morice

Le commando s’était installé sur les contreforts d’un épaulement de terrain (…) Le « chouf » s’exerçait avec le maximum d’acuité alors que le jour s’était levé, chacun observant les règles absolues de camouflage, se répétant ou se faisant répéter par chuchotement transmis de bouche à oreille les instructions d’éventuelles ouvertures de feu. Il ne se passa pas très longtemps avant que l’un des guetteurs, placé à l’extrémité du dispositif, me fit savoir qu’il venait de détecter une colonne importante venant de Tunisie dans notre direction. Ordre fut donné de rester totalement silencieux, camouflé et de laisser entrer la colonne le plus possible dans le dispositif…

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1ère Section, 3ème Cie, 12e BCA, côte 159, juin 1960

Même s’ils vivaient un peu à part pour respecter leur mode de vie et leur statut différent de celui de la « régulière », les harkis étaient pleinement intégrés à notre existence. Ils apportaient leur connaissance du terrain et du milieu humain ; leur engagement n’était pas neutre : ils avaient clairement choisi leur camp. La loyauté de ces supplétifs ne fut jamais prise en défaut et le grand malheur fit que la trahison ne vint pas de leur côté mais précisément du côté qu’ils avaient choisi par conviction et à notre demande.

Comment oublier le vieux Diabi qui ouvrant la piste en zone interdite de nuit lorsque nous tendions des embuscades, se rabattait vers moi pour me faire changer tel itinéraire ou telle halte en me disant : « Pas par-là mon Lieutenant, c’est mauvais ! Les chacals nous attendent ». Ou de façon encore plus imagée : « Pas par-là, on va se faire couper les glaouis ! ».

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Alain-Michel Zeller, avril 1960, Chabet R’tem

Le froissement des branches cassées s’interrompit, de longues minutes s’écoulèrent. Rien, seulement le sang qui afflue au cerveau, le pouls qui bat un peu plus vite surtout au niveau  des tempes. Ce bruit reprit de plus belle une dizaine de minutes après, aucun doute, il ne s’agissait plus de quadrupèdes (…) Il fallait prendre une décision : ne pas nous laisser « allumer » à bout portant ni laisser entailler le barbelé pour nous faire « zigouiller » par un effectif sûrement supérieur au nôtre (…) Cette obscurité totale nous mettait à égalité mais nous avions l’avantage d’être relativement à couvert et de pouvoir prendre l’initiative du déclenchement des hostilités. Ce que je fis d’ailleurs en ordonnant feu à volonté.

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La ligne Morice dans la région de Bône

Permission à Paris

Ma permission correspondit avec les fêtes de fin d’année et se retrouver à Paris dans le grouillement affairé de ces derniers jours de 1960  me procura une curieuse sensation. Malgré la joie de retrouver ma famille, mes amis, je comprenais que la France n’était plus sur la même longueur d’ondes que ses départements d’Algérie. Alors que tout m’incitait à profiter de ce temps de détente, de trêve, de retrouvailles, mon esprit retournait vers mon piton et mes hommes.

C’est ainsi qu’à l’un des offices auquel j’assistai à l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, paroisse fréquentée par une assemblée surtout bourgeoise, le prêtre dans son homélie se transforma en chantre de l’antimilitarisme et de l’objection de conscience. Une soudaine fureur me saisit, je me levai et sortis furibard non sans, dans ma précipitation, renverser quelques prie-Dieu, provoquant un certain émoi parmi les bien-pensants.

Raccompagné par mon père, je reprenais une Caravelle pour Bône. Je sentis chez lui une certaine émotion qu’il ne voulait surtout pas montrer. Je pense qu’étaient mêlés deux sentiments très forts, celui de me voir repartir vers un destin inconnu et peut-être fatal, mais aussi celui de son propre destin qui le pousserait quelques semaines plus tard à accomplir une fois encore son devoir.

La rébellion

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Les généraux André Zeller, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et Maurice Challe, Alger, 23 avril 1961.

Samedi 22 avril 8:30, Communiqué de France 5 : « Les généraux Challe, Jouhaud, Zeller ont pris le pouvoir à Alger avec le concours du 1er REP, d’autres régiments parachutistes : les 14e et 18e RCP, les Commandos de l’Air, le 1er Régiment Etranger de Cavalerie, le 29e Régiment de Dragons ».

Devant l’accélération des événements, le chef de corps du 12e BCA me convoqua et, très neutre dans ses analyses de la situation, m’ordonna de partir avec le commando pour une opération de ratissage et chouf autour du Kef Salah et d’Aïne Bouzwili. Manifestement, cette sortie avait pour but de me mettre en dehors du coup.

Mercredi 26 avril. J’apprends avec abattement et démoralisation totale, alors que je suis rentré tard la veille de mon périple « ratisseur », que tout est fini à Alger.

C’est vraiment avec des rangers de plomb que je repars en embuscade aux abords de Blandan. Le moral n’y est vraiment plus.

Le moral n’y est plus et le cœur non plus. Alain-Michel propose sa démission des commandos de chasse, acceptée par le chef de corps, resté très couleur de muraille pendant les évènements d’Alger et sans doute soulagé de se « débarrasser » d’un élément « devenu gênant ». Pour les quelques semaines de service qui lui restent, le SLT Zeller est « promu » inspecteur en chef des postes de Bouglès et El Bahim, petit bordjs censés protéger la captation des eaux destinées à alimenter la ville de Bône.

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Incarcération du GAL Zeller à la prison de la Santé

Vidéo ici.

Je reçus une lettre de mon père datée du 28 mai, veille de l’ouverture de son procès, écrite de la prison de la Santé. Elle était empreinte d’une rare élévation. Préparé à affronter la peine capitale il me disait que la paix de l’âme était son meilleur soutien et qu’il l’avait entièrement acquise. Il me confiait « aborder l’obstacle avec calme et confiance, ne se sentant rien à se reprocher, son seul souci étant de couvrir ceux qui bravement avaient partagé un idéal commun ». Il ajoutait quelques conseils me recommandant malgré les moments durs que je pourrais traverser de me fixer une ligne de conduite et de m’y tenir : « Les petitesses de ce monde ne sont rien lorsque l’on reste soi-même ». 

Le 15 juin 1961, après 28 mois de service, Alain-Michel Zeller embarque à Bône sur le « Ville de Marseille ». 

Au loin disparait l’Algérie française, à jamais.

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 photo © Rue des Archives

 

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portait.jpgAlain-Michel Zeller nait en 1937 à Lyon dans une vieille famille aux racines alsaciennes, très honorablement connue. Fils du Général André Zeller, combattant de 14-18 et 39-45, neveu du gouverneur militaire de Paris dont le fils, le LTN Jacques Zeller, est tué en 1950 en Cochinchine, ce n’est pourtant pas vers la carrière militaire qu’Alain-Michel s’oriente. Il rejoint l’Institut Français du Pétrole ou il est formé au rude métier de foreur pétrolier. Très engagé dans la cause de l’Algérie française, après une préparation militaire parachutiste, il devance l’appel en 1959 (Classe 59/1A) et rejoint successivement le Centre d’Instruction du 18e RCP, le peloton EOR de la Base Ecole des Troupes Aéroportées (BETAP) de Pau et l’Ecole des Elèves Aspirants de Cherchell. Il est affecté au 12e BCA à Blandan, sur la ligne « Morice ». Aspirant puis Sous-Lieutenant, il est à la tête de commandos de chasse harkis, traquant les fellaghas tentant de traverser la frontière tunisienne. Il vit la rébellion des Généraux d’avril 1961 à Alger, dans laquelle on connaît la part importante prise par son père, entre oreille collée au transistor et mission  sur le terrain, volonté d’éloignement de sa hiérarchie. Quelques semaines après l’échec du « putsch », il quitte l’Algérie, son temps de service terminé (28 mois). Il poursuit dès lors une brillante carrière civile dans le transport international.

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André-Michel Zeller est marié, père de 6 enfants et grand-père de nombreux petits enfants. Homme de conviction mais aussi plein d’humour, il est fier de deux distinctions spécifiques : vice-consul de Patagonie et chevalier du Tastevin.

 

 

 

 Site des anciens de l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell ici.

Site de la Fédération Nationale des Amicales des Chasseurs ici.

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Déjeuner avec Alain Zeller

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Prix : 20 € - ISBN 978-2-9527663-0-2 – Format 14x20 - 234 pages – cahier photo

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Aux éditions Atelier Fol’Fer

Disponible ici.

 

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Alain-Michel Zeller reçoit le Prix Algérianiste 2008, distinction Prix Témoignage, pour « Un long oued pas si tranquille »

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Pour en savoir plus sur le GAL André Zeller, père d’Alain-Michel.

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Hommage

Aux Chasseurs alpins du 12e  et Chasseurs-Parachutistes du 18e morts pour la France en Algérie,

Aux élèves officiers et sous-officiers de Cherchell morts pour la France,

A tous les soldats français, des deux rives de la Méditerranée, morts pour la France,

Aux Harkis,

Aux blessés.

Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc

 

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Alain-Michel Zeller, mars 1960, Cote 159

Peut-être estimes-tu que tes vieux copains, moi du moins, s’associent à la colère publique et déversent autour de ton nom des torrents de hargne et de haine ? Tu te tromperais grandement. Chapeau très bas à ton paternel ! A mon avis « cette révolution d’Alger » a été montée par tout ce qu’il restait de noble et beau dans la nation. Si elle n’a pas été suivie, c’est la confirmation pure et simple du fait que notre nation se barre en couille !

Lettre de François de Rauglaudre, camarade d’Alain-Michel Zeller au 18e RCP.

 

Sainte-Jeanne, donnez-nous une aventure à la mesure de la France, comme celle que vous nous avez donnée à l’époque de la guerre d’Algérie et que nous n’avons pas su apprécier. Faites que nous courrions des dangers, que la vie devienne exaltante et dure, que nous oubliions nos comptes en banque, nos livrets de compte d’épargne, nos chaînes hi-fi, nos vacances, notre bougeotte, nos coucheries, nos barbituriques, nos prud’hommes, nos normes européennes, notre train-train plan-plan et revenez, alors, revenez Sainte Jeanne, brandir votre étendard et vous mettre à la tête de ceux qui vous suivront.

Il y en aura, Sainte Jeanne, il y en aura peut-être plus que nous ne pensons.

Vladimir Volkoff, prière à Jeanne d’Arc.