29/09/2013
« Dans la vie d’un Bigor – le 3e RAMa », Marlene Kuhn-Osius, photographe
Toutes les photos © Marlene Kuhn-Osius, publiées avec l’aimable autorisation de l’auteur.
"Les régiments d'artillerie de la Marine, faisant le fond de mon corps d'armée, méritaient beaucoup d'éloges pour leur bravoure et leur bon esprit. Jamais soldats ne se sont exposés de meilleur grâce au canon de l'ennemi et n'y sont restés avec plus de fermeté."
Auguste Viesse de Marmont, Duc de Raguse, Maréchal d’Empire, parlant du comportement héroïque des Bigors aux batailles de Lutzen et Hanau en 1813. Mémoires, 1856.
Suivant l’exemple de leurs aînés, les Bigors du 3e RAMa se sont eux aussi exposés aux canons de nos ennemis, en Côte d’Ivoire, Afghanistan, Mali… rendant coup pour coup. Comme le bruit d’un CAESAR ripostant doit être doux aux oreilles de nos soldats sous le feu…
Mais cette fois, il n’y aura pas de riposte, car c’est un inoffensif « Canon » qui les vise, celui de la photographe Marlene Kuhn-Osius.
Sur une bonne idée du LTN Chems-Eddine Bouriche, officier communication et information du régiment de Canjuers, voici un petit livre-photo qui fait honneur à ce beau régiment. Il est vrai que le projet a été confié à Marlene, photographe de grand talent qui a su saisir de vrais instants d’action.
Et autre bonne idée : le livre est disponible, dans sa version numérique… gratuitement ! (Si !)
Laissons la place aux photos de Marlene, légendées par le texte du COL Cluzel, chef de corps en 2011-2013 (auquel vient de succéder le Colonel Reinbold).
Bigor au 3e de Marine, bien plus qu’une vie…
Une vie sous le signe de l’Ancre d’Or, dévouée au service des armes de France.
Une vie sous les plis d’un étendard glorieux de deux siècles de combats.
Les yeux et la foudre d’une brigade prestigieuse, en appui de Marsouins et de Légionnaires qui opèrent vite, fort et loin, de la mer vers la terre, dans les sables d’Afrique et du Moyen-Orient, comme dans les pierres d’Afghanistan, aux confins des eaux claires du Pacifique et des Caraïbes, jusqu’au cœur de ténèbres s’il le faut.
Une vie au sein de la Nation, ancrée sur la terre qui nous accueille, celle que nos anciens du 3e RAC libérèrent avec le Général Leclerc et que nous continuons de protéger pour le bonheur des nôtres.
Une vie d’effort et de rigueur, de veille et d’action.
Un peu de servitude.
Un peu de grandeur aussi.
Celle des hommes de bonne volonté qui vivent en frères d’armes et sourient avec le calme des vieilles troupes.
Une vie opiniâtre.
A l’affût toujours… Jamais ne renonce.
Notre vie.
Colonel Laurent Cluzel
Commandant le 3e Régiment d’Artillerie de Marine, 2011-2013
***
Marlène Kuhn-Osius est une photographe indépendante.
« Dans la vie d’un Bigor » est sa deuxième collaboration avec l’Armée de Terre, succédant à « Objectif Afghanistan » dédié aux Marsouins du 21e RIMa. Hélas (pour nous), le livre est épuisé L
Vous retrouverez son travail sur son site WEB : ici.
Pour vous procurer le livre numérique gratuitement (que vous pourrez évidemment imprimer), cliquez ici.
Pour un livre « papier », je vous invite à contacter Marlene via son site WEB.
Page FaceBook officielle du 3e RAMa ici.
***
Hommage
Aux Bigors morts pour la France,
Aux blessés.
A l'affût toujours, jamais ne renonce !
Devise du 3e RAMa
Et au nom de Dieu, vive la Coloniale !
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc
Livre, photos sur les Bigors, artilleurs de Marine, 3e RAMa
21:55 Publié dans Marsouins, Bigors, Mili-Livre, Mili-Photo | Lien permanent | Commentaires (0)
22/09/2013
"Au service de l'espoir", CNE Philippe Stanguennec, CoTAM, Ed. L'Esprit du livre
Photos et extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.
“Kabul tower, this is Cognac 05. Gooooooooood morning Kabul !”
Capitaine Philippe Stanguennec, en approche de l’aéroport de Kaboul.
Ah Stang ! Sacré bonhomme ! Dès nos premiers échanges, il me faisait marrer. J’attendais donc avec impatience de me lancer dans son récit « Au service de l’espoir » : 12 ans à parcourir le monde comme pilote de Transall…
Tout y est : l’exotisme, les soirées arrosées au bar du CoTAM (*), la fraternité d’armes, la franche rigolade, les drames aussi…
Le Capitaine Philippe Stanguennec a le chic pour rendre à la perfection cette ambiance, utilisant beaucoup le dialogue, maniant l’humour quand il le faut, distillant le stress lors des vols chaotiques…
« Au service de l’espoir », un bien beau récit, qui va ravir tous les fans de l’Armée de l’Air et au-delà !
(*) Commandement du Transport Aérien Militaire, rebaptisé Force Aérienne de Projection.
Stang aux commandes de son Transall
Bon vol !
Aller, commençons par rigoler de bon cœur…
© P. Stanguennec
A N’Djamena, discussion matinale au mess, avec un serveur tchadien.
- Qu’est ce qui ne va pas ce matin Joseph ?
- Les blancs, vous là, vous n’êtes pas gentils !
- Comment ça pas gentils… mais on ne t’a rien fait.
- Mais ce n’est pas vous, ce sont les gérants, là !
- Pourquoi ils ne sont pas gentils avec vous ?
- Hier soir, ils nous ont réunis dans la grande cuisine et ils nous ont demandés de nous déshabiller.
- Ah bon ? Et pourquoi ?
- Pour quelqu’un qui avait volé du fromage… et ils nous ont tous fouillés un à un. Ils étaient très méchants.
- Et alors ?
- Ils ont trouvé le voleur. Il avait tout caché dans son slip. Mais ce n’est pas une raison.
En Centrafrique, la tourista, ce n’est pas rigolo du tout du tout. On ne se moque pas, hein…
Les maux de ventre déciment un par un l’équipage : consultations à l’infirmerie et régime banane ou riz. Saint-Immodium, Saint-Spasfon et Saint-Ercefuril, priez pour nous !
Cela dure deux ou trois jours. Entre-temps, il faut quand même assurer les vols. C’est ainsi que l’on a déterminé un point équidistant entre deux toilettes : celles de la villa [où nous logeons] et celles de l’aéroport. C’est un carrefour au centre-ville. Avant, on fait demi-tour, après, on continue. Sur la route, en se rapprochant du point de décision, tous les regards se portent sur le maillon faible : il est de couleur cramoisie et transpire à grosses gouttes…
En Martinique, on ne se moque toujours pas, on « compatit » avec les copains restés en métropole :
Face à une mer turquoise, tout l’équipage est attablé au Kontiki. Nous sirotons un jus de banane tout en consultant la carte. En hommage à nos camarades aviateurs restés en métropole et qui viennent de rentrer dans la froidure de l’hiver, nous respectons une minute de silence.
Au Gabon, un petit énergumène manque d’être transformé en steak haché...
Nous survolons la brousse et apercevons le plateau où se trouve l’aéroport. Installé en finale, Pépi réduit sa vitesse, demande la sortie des éléments et du train d’atterrissage. Au seuil, je distingue un point qui se révèle être un gamin sur un vélo. « Mais qu’est-ce qu’il fait celui-là ? Y voit pas qu’on va se poser ? » En courte finale, v’la ti pas notre régional de l’étape qui entame un kilomètre lancé. Il fait la course avec nous ! « Remise des gaz ! » Nouvelle présentation. Le gamin est revenu au point de départ, pied gauche armé, prêt à enfoncer sa pédale. Pas de doute, il s’amuse comme un petit fou. Il va m’entendre celui-là ! En très courte, le gamin est à 200 mètres devant nous, sur la ligne centrale. Impossible de se poser sans l’écrabouiller… « Remise des gaz ! ».
Et toujours au Gabon, on voit que le Contrôleur des armées a lui aussi de l’humour…
Stang doit transférer le contrôleur des armées. Un monsieur important, n’est-ce pas ? Petit souci cependant, ses insignes de grades sont particuliers, peu connus, et peuvent être pris pour ceux d’une autre fonction…
En montant, le contrôleur des armées trébuche sur le chef de soute en train de bricoler. Surpris, le jeune chef se retourne et apercevant subrepticement les insignes sur l’uniforme : « Oh excusez-moi ! Bienvenue à bord mon père ! ». Le contrôleur, un rien surpris mais sans se démonter : « Merci mon fils. Dieu vous bénisse ! ».
Reste que, évidemment, la vie n’est pas un long vol tranquille. Et quand le ciel se met en colère, ça craint…
En Côte d’Ivoire, lors d’un vol Abidjan-Kortego
- Tu as vu devant ?
- Ouais…
Une grosse barrière de cumulonimbus nous barre la route, comme si nous étions au pied de l’Himalaya. Deux solutions : passer à travers ou en dessous. Au-dessus, difficile, les cumus montent très haut. A travers, nous allons givrer et nous faire chahuter.
- On passe dessous !
(…)
Phil se démène avec les contraintes géographiques et météorologiques pour nous trouver une route dans ce merdier.
(…)
La pluie redouble de violence. La visibilité se casse la gueule. La nuit va finir par tomber complètement. Nos zigzags nous retardent. Le carburant s’épuise et nos nerfs aussi.
(…)
- Bon aller, on arrête les conneries, cela ne donnera rien. On remonte en altitude
(…)
Le Transall monte vers la voute céleste. A ce petit jeu les illusions sensorielles sont redoutables. Je me force à croire nos instruments (…) car mes sens me disent que je suis en descente à forte inclinaison…
Au final, l’équipage décide de rebrousser chemin.
Il vaut mieux un beau demi-tour, qu’une belle frayeur, voire pire.
Le crash du R155
Et la grande frayeur, Stang, Patrick et Vincent la vivent en 1996, au retour d’un vol censé être banal [y en-a-t-il ?], de Villacoublay à Orléans
20h 27mn 30s : Arrêt moteur 1.
20h 27mn 34s :
- Le moteur 2 déroule ! Il s’est coupé !
Mon cœur fait un bon. Là, la situation devient extrêmement grave. Nous sommes maintenant en détresse, sans visibilité, sans moteur, à une hauteur d’environ 150 mètres.
(…)
Je lance un message de détresse. Je n’ai pas le temps de le terminer que tous les éclairages, l’ordinateur de bord et les écrans de navigation s’éteignent en même temps.
(…)
Nous nous retrouvons dans l’obscurité. Je regarde dehors, la nuit noire et glaciale me transperce. L’hélice droite mouline sans vie. Le silence de notre appareil en perdition est assourdissant.
Quelques secondes plus tard, le Transall se crashe en bordure d’autoroute, lieu-dit Chevilly. Les trois hommes sont blessés, mais vivants. Dieu a laissé à Stang le temps de profiter de son premier bébé, sa femme devant accoucher peu de temps après.
Afin d’exorciser le crash, le même équipage sera reformé pour un prochain vol. Imaginez les liens unissant désormais les trois miraculés !
Mais il n’y a pas que les éléments et les pannes mécaniques pour faire monter l’adrénaline…
Séquence de leurres
Pour échapper à une menace, un aéronef poursuivi par un missile (guidé par la signature thermique de l’avion) peut éjecter des leurres constitués d'un matériau dégageant une forte chaleur en se consumant. Ceci a pour effet de tromper le missile et le détourner vers les leurres. Le déclenchement est automatique, dès que le système de contre-mesure a repéré une attaque potentielle.
L’équipage, prévenu par une alarme, n’a qu’une poignée de secondes pour réagir avant l’impact et changer brutalement de trajectoire. En sus, en vol de guerre comme au-dessus de l’Afghanistan, deux observateurs scrutent le sol.
Ambiance :
En approche de l’aéroport de Kaboul - © P. Stanguennec
Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!
- Alerte missile ! Alerte missile ! Une séquence [de leurres] est partie !
Topper débraye le pilote automatique et vire à gauche, tentant de s’éloigner du site probable du tir.
Rien d’autre. Les observateurs n’ont rien remarqué.
(…)
En cabine, la tension monte rapidement à son paroxysme du fait que les actions à entreprendre sont limitées et que le temps pour les réaliser plus que symbolique : nous ne disposons que de 5 secondes avant l’impact.
- C’est notre troisième séquence en cinq missions ! On est partis pour battre un record, lance Topper.
- Ouais, mais c’est quand même pas trop cool, répond Thierry.
(…)
La lumière du roi Soleil fait place à une belle nuit étoilée. Nous attendons la frontière [tadjike] pour pouvoir nous relâcher un peu.
Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!
Tout le monde fait un bond.
Les observateurs nous confirment qu’ils n’ont rien vu venant du sol, mais la séquence de leurres est bien partie.
(…)
Ma résistance nerveuse commence à être éprouvée.
(…)
Enfin la frontière. Je me cale bien dans mon siège pour terminer le plus agréablement possible le vol, lorsqu’une lueur étincelante apparaît sur le côté droit de l’appareil. Elle est énorme et se déplace à une vitesse vertigineuse. Au même moment je gueule « Oh putain ! Putain ! » qui surprend tout le monde. Cette espèce de boule de feu se rapproche rapidement et je la prends pour la flamme d’un missile. La lueur disparait aussi vite qu’elle est apparue. Quelle frousse j’ai eu.
(…)
Ce dernier évènement m’a bien achevé psychologiquement. Je me suis dit qu’il était temps qu’on se pose et qu’on fume une clope, peinards, avec une binoche tadjike, sur un tube de Joe Dassin.
Détachement Transall à Bangui, 1995. © P. Stanguennec
Evidemment, toutes ces "aventures", dans la joie ou la difficulté, soudent les hommes. Et cette solidarité dépasse les grades et les rôles. On rend donc hommage, comme il se doit, au camarade nouvellement promu, en écrivant une citation à l’ordre du bar de l’escadron :
Détachement Air Licorne, à mon commandement, Garde-à-vous !
Sergent Chêne, à genoux. Ouvrez le ban !
Les sergents s’exécutent : papapapa-papapapa-papa-papa-papa.
Si nous sommes réunis ce soir, en toute intimité, c’est pour marquer un instant important dans la carrière du susnommé. Le Sergent Chêne est entré dans l’Armée de l’Air par la porte de la cuisine en novembre 1991. Il est nommé Caporal-Chef la même année. Il n’hésite pas à user de ses charmes pour passer Sergent en 94 (…) En détachement en Asie centrale, a travaillé brillamment sa S2 (*) au bar du Tadjikistan Hôtel, sur l’album de Joe Dassin. (…) Au sein de l’escadron, le Sergent Chêne se démène sans cesse pour faire partir les équipages dans les meilleures conditions. Doté d’un sens critique affirmé sur le système militaire, d’un humour acide apprécié de tous et d’un physique que beaucoup lui envient, le Sergent Chêne, pour toutes ces qualités, mérite d’être cité en exemple.
(*) Sélection 2 - Contrôle d’acquisition des connaissances générales et théoriques permettant l’accès aux stages en école de formation.
Une solidarité qui dépasse évidemment le cadre de l’Armée de l’Air…
- Un soldat français a été grièvement blessé à un check-point. Ils sont en train de le rapatrier sur l’aéroport. Tu peux l’évacuer ?
- Oui, oui, pas de problème. On va préparer le Transall. On l’attend.
(…)
L’avion est prêt. Tout est installé. Nous grillons une cigarette. Le jour se meurt.
(…)
Je raccroche et reste planté là, au milieu du parking. Je glisse mon portable dans la poche de ma combinaison. J’allume une Marlboro. Une vie s’est arrêtée et le reste continue de tourner… Je vivais là la fin tragique d’un de nos p’tits gars de France. J’étais tout à coup vidé.
- Le blessé est décédé. On rentre.
(…)
Nous volons dans la nuit noire. Les instruments scintillent dans l’univers confiné de notre cockpit. Au-dessus, les étoiles brillent de façon insolente. Les gestes se font mécaniquement. Nul ne vient troubler le silence.
In Memoriam
Artilleur de 1ère classe Kevin Ziolkowski, 40ème RA,
mort pour la France en Côte d’Ivoire.
* * *
Suivant les trajectoires aériennes de son papa pilote de transport, Philippe « Stang » Stanguennec s’engage en 1991 après son baccalauréat au Prytanée national militaire de La Flèche. Elève officier du personnel naviguant, il est breveté pilote de transport en 1993. Il pilote le C160 Transall pendant 12 ans, au sein de l’ET 3/61 Poitou. En 2005, il rejoint le ET 3/60 Esterel comme pilote d’Airbus.
Marié et père de quatre enfants, Stang poursuit sa carrière de pilote de ligne, pour une compagnie civile.
Il m’a avoué : « J'ai toujours un peu de nostalgie quand j'entends un Cotam sur la fréquence, qui a le cap au sud vers l'Afrique... »
Prix : 22€ - ISBN 978-2-915960-77-8 - Format 15,5x23,5 - 353 pages dont cahier-photo couleur.
Le livre est disponible chez Prividef ici.
Page FaceBook "Au service de l'espoir" ici.
Le CNE Stanguennec aux commandes de son Airbus A310
Hommage
Aux équipages et passagers des C160 Transall F156 et F209 de la 63ème ET/CIET340, morts en service aérien commandé lors d’une collision en 1984 :
CDT Poincelet, pilote chef de bord,
ADJ Billard, pilote,
CDT Florysiak et LTN Galia, navigateurs,
MAJ Vochelet, mécanicien navigant,
ADC Hermann, photographe SIRPA-AIR,
ADC Hupliez, ADC Natton, SCH Thibault, largueurs BOMAP/1er RTP,
-
LTN Guyot, navigateur chef de bord,
CNA Julien et LTN Sire, pilotes,
MAJ Borie, mécanicien navigant.
A l’équipage et aux passagers du CASA CN235 de l’ET 1/62 Vercors, morts en service aérien commandé en 2003.
A l’équipage et aux passagers du DHC6 Twin-Otter de l’ET 3/62 Ventoux / Multinational Force and Observers in Egypt, morts en service aérien commandé en 2007.
Aux hommes et femmes du transport aérien, morts pour la France, morts en service aérien commandé.
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux navigants et pistards du Transport.
« La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout,
d’unir les hommes. »
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes.
Le ronron rassurant et lénifiant de nos moteurs nous berce. Nous nous installons dans une ambiance reposante. David s’est calé confortablement et observe les étoiles (…) Olivier gratte sur sa table de navigation (…) de son petit hublot au-dessus de sa tête, il observe la Lune qui continue sa course, relayant celle du Soleil qui a poursuivi sa route vers l’ouest. Patrick est allongé sur la banquette. Il a enlevé ses chaussures et somnole, le casque sur les oreilles. Inconsciemment, son cerveau reste en alerte, guettant le moindre bruit inhabituel. Il sourit. Il est heureux d’être là, en première classe, sur une banquette, au milieu de ses potes, à 6000 mètres d’altitude (…)
- Quelqu’un prend un café ?
(…)
Je descends dans la soute. L’éclairage est au minimum. La carcasse métallique de notre avion vibre à la fréquence de nos deux Tyne 22.
(…)
Patrick remplit les gobelets et me suit jusqu’au fond de l’avion. Je soulève le rideau du cadre 40 et je passe derrière. Un frisson me parcourt l’échine : le chauffage ne vient pas jusque-là. Patrick me tend un café et je lui tends une cigarette (…) On se sourit. Le café me réchauffe et me revigore. Nous profitons de chaque bouffée.
- On n’est pas bien là, mon canard ?
- On est bien là, mon canard.
C’est un métier d’homme, rude et exigeant. Mais quand on a fait corps avec cet univers où, le temps d’une mission, la machine et les hommes qui composent son équipage ne font plus qu’un : quelle jouissance !
Saluons les camarades de Stang ! Patrick, Vincent, JP, Coco, Thierry, Topper, Jérôme, Higgins, Poupougne, Laurent, Stéphane, Willy, Nestor, Cédrik, Yves, etc.
Douchanbe, Tadjikistan - © P. Stanguennec
Il n’y a pas de belles missions. Il n’y a que de bons équipages.
Capitaine Philippe Stanguennec
Livre, récit biographique d'un pilote de Transport, Transall
17:47 Publié dans Afghanistan, Aviateurs, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (4)
16/09/2013
Mili-poème : "Petit fleur blanc" du Légionnaire Kurt
2013 a été riche en témoignages de Légionnaires : "Une vie de Légionnaire" de l'ADC Jean-Claude Saulnier, "La Légion" de l'ADJ Thomas Gast, "Combattants sans passé" du SGT Robert Markus, récits auxquels il convient d'associer le superbe "Légionnaires - Portraits" du photographe Jean-Baptiste Degez.
Pour conclure cette belle quadrilogie, nous vous proposons une incursion dans la poésie Legio Patria Nostra.
"Petit fleur blanc" parait en 1953 dans le magazine Képi Blanc. Il est dit que l'auteur, le Légionnaire Kurt, meurt au combat peu après.
Lors de la lecture, quelques personnes se remémoreront leurs cours de français et verront que oui, ce sont bien des alexandrins, et que oui, chaque hémistiche fait six pieds...
Certains souriront.
Mais au final, lorsque l'on s'est bien imprégné du texte, s’il y a eu sourire, il laisse place à une belle émotion.
Un petit chef d'œuvre de poésie.
Défilé du 14 juillet 2013, photo © Natachenka
Petit fleur blanc
Petit fleur qui fait blanc sur le bord du chemin,
Petit fleur qui t'en fout que partout c'est la guerre,
Petit fleur, ton maman c'est madame la Terre,
Ton maman, petit fleur, il te tient par la main.
Mon maman, il est loin, aujourd'hui et demain,
Je marchais en avant car moi c'est militaire,
Mon papa il est mort et moi, seul, légionnaire,
Képi blanc, godillots, fusil et quart de vin.
Petit fleur tu parler pour moi maman la Terre,
Tu parler que moi, Kurt, toujours c'est faire la guerre,
Que peut-être bientôt, c'est fini ma saison.
Petit fleur, moi soldat, même chose mon frère,
Moi aussi c'est fait blanc : képi blanc légionnaire,
Et bientôt habiter chez toi dans ton maison.
Légionnaire Kurt
Poème de Légionnaire
10:18 Publié dans Légionnaires, Mili-Poème | Lien permanent | Commentaires (0)
07/09/2013
"La Légion - Avec le 2e REP au cœur des crises internationales", ADC Thomas Gast, Epee Edition
Photos et extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Photo du CPL Christophe Gobin transmise par sa maman. Droits réservés.
Ce qui importe n'est pas que nous vivions,
mais qu'il redevienne possible de mener dans le monde
une vie de grand style
et selon de grands critères.
Ernst Jünger, Légionnaire, écrivain allemand.
Et de trois ! Après « Une vie de Légionnaire », du légendaire ADC Jean-Claude Saulnier et « Combattants sans passé », de notre ami slovène le SGT Robert Markus, nous revenons au 2e REP avec l’ADC (e.r) Thomas Gast et son récit biographique « La Légion – Avec le 2e REP au cœur des crises internationales ». Et nous en sommes ravis...
...d'autant plus que ce récit est passionnant, très bien illustré, tout couleur, complété par d’utiles annexes (insignes, devises, chants des différentes entités de la Légion…). Nous le recommandons aux non-initiés car il est très facile d’accès.
Le récit de l’ADC Gast est si riche, que le résumer en quelques paragraphes est un challenge difficile à relever. Tchad, RCA, Bosnie, Djibouti… Nous ferons donc deux focus : ses premières années de jeune Légionnaire au 3e REI en Guyane, et ses dernières missions, comme Adjudant du 2e REP, où il est acteur des incidents dramatiques, trop méconnus, du Congo-Brazzaville.
3e REI, Guyane
Les petits monstres.
La forêt de Mana était pire que la peste. Les moustiques nous déchiquetaient carrément. Ni les produits anti-moustiques, ni le Tafia [alcool de canne], ni les jurons, n’étaient d’une quelconque utilité. J’aurais préféré avoir un jaguar en face de moi que ces petits monstres invisibles qui piquaient même à travers les vestes et les ponchos.
Il y a bois et bois.
« Vous avez deux heures pour construire un radeau ! » dit l’un des instructeurs, « Puis vous ferez la traversée pour aller sur l’autre berge où un délicieux déjeuner vous attendra »
Ce seul message aurait dû nous donner des soupçons, mais nous étions amaigris et morts de faim.
(…)
Moins de deux heures plus tard, le radeau se trouvait sur le bord sablonneux de la rivière. Une embarcation impressionnante ! Le travail nous avait rendu encore plus affamés et nous avions déjà l’eau à la bouche en pensant au délicieux repas qui attendait de l’autre côté. « A l’eau ! » criaient les instructeurs ! En unissant nos forces, nous arrivâmes à trainer le radeau jusqu’à l’eau… où il coula immédiatement ! Nous étions paralysés par la stupeur et la déception.
« Si à l’avenir vous voulez construire un radeau, coupez d’abord un bout de l’arbre que vous avez l’intention d’utiliser, et jetez-le à l’eau. S’il flotte, tant mieux… »
Miam miam.
Un instructeur du CEFE accrocha un serpent vivant avec un fil, la tête en haut. Ensuite, il le laissa perdre tout son sang. Quand cela fut terminé, il lui fit une coupe circulaire autour du cou, ensuite une coupe longitudinale de la tête jusqu’à la pointe la plus extrême de son corps. Il saisit des deux mains la peau du cou du serpent et la lui retira lentement du corps. Pourtant, le serpent bougeait encore. Ce fût trop pour une journaliste qui préféra se retirer dans l’obscurité protectrice d’un évanouissement.
Jour de solde. Le Capitaine est joueur.
« Bon, Gast ! dit le Capitaine. Ce serait donc 2300 francs ? Correct ? » Je hochais la tête avidement « Oui mon Capitaine ! » C’était pas mal d’argent pour un simple soldat. Il comptait lentement les billets et les poussait dans ma direction. Je les saisis, mais soudain, comme si cela lui venait justement à l’esprit, il remit sa main sur la liasse. « Oh ! J’avais presque oublié ! Tu dois 350 francs au club de la compagnie ». Il prit l’argent, pendant que je comptais désespérément dans ma tête. « Et puis tu avais payé à crédit au bordel. 1200 francs ». L’imposante pile d’argent initiale diminuait dangereusement. « En plus, je déduis à chaque soldat les billets pour la tombola annuelle de Noël. »….
Pas civilisés ?
J’étais encore couché dans mon hamac (…) lorsque des voix me réveillèrent. En me redressant je vis autour de moi une bonne douzaine de petits indiens [Oyampis], garçons et filles. Ils étaient assis et me regardaient fixement. Je n’oublierai pas leurs grands yeux magnifiques. Je ne sais ce qui me passa par la tête, mais je me levais, fouillais dans mon sac à dos, et trouvais quelque chose pour chacun : mon miroir, un couteau, un foulard, un savon… Je fis cadeau de choses qui m’étaient chères et qui avaient de la valeur, et j’en ressenti un immense bonheur. Ils prirent mes cadeaux et disparurent, en silence, sans un merci, sans un mot. (…) Un quart d’heure plus tard, j’entendis à nouveau des voix derrière moi, celles des enfants. Ils étaient revenus, et chacun avait un cadeau pour moi, des bananes, des mangues, un collier en corne (…) J’acceptais leurs cadeaux avec les larmes aux yeux.
La vie, quoi.
Mon cœur se mit à frapper staccato. Je savais que je parcourais des chemins qu’aucun autre parmi les mortels européens n’avait foulés avant moi. Nous étions au cœur de la Guyane. Il y avait des ruisseaux si purs qu’on pouvait y voir scintiller de la poussière d’or. Il y avait des collines et des voies navigables qui ne portaient aucun nom (…) Il y avait ici, dans la jungle profonde, des anacondas, des mygales et des serpents venimeux d’une taille inimaginable (…) C’était un sentiment écrasant, mais aussi libérant. Indescriptible. Je me sentais si proche de la Terre, comme je ne l’avais jamais été avant. Je vivais !
*
Djibouti, Intermède musical
Extrait de « Beau Travail », film de Claire Denis, 2000.
Les filles étaient camouflées en barmaids, timides et honorables. Elles venaient d’Ethiopie, de Somalie et d’Afrique noire. Les bars portant les noms de Tour Eiffel, Mic Mac, Chez Mama Fanta, Joyeux Noël, l’Amsterdam se réveillaient seulement bien après le coucher du soleil, et les barmaids oubliaient peu à peu leur « timidité »…
*
1997, Opération Pélican, Congo-Brazzaville.
Au printemps 1997, une partie du 2e REP, dont la compagnie de Thomas, est envoyée à Brazzaville, pour relever le 8e RPIMa dans sa mission d’éventuelle évacuation des ressortissants occidentaux du Zaïre : Brazzaville, capitale du Congo, et Kinshasa capitale du Zaïre, (désormais République Démocratique du Congo), ne sont séparés que par le fleuve Congo.
Fleuve Congo - Evacuation d’occidentaux
La situation reste calme à Kinshasa, un désengagement des forces est envisagé, malheureusement c’est à Brazzaville, autre poudrière, que les choses se gâtent… Le 5 juin, à l’approche des élections opposant le président sortant Lissouba à son rival Nguesso, une flambée de violence éclate. La ville devient le théâtre de violents affrontements entre les forces armées congolaises et les milices « Cobra » de Nguesso.
La sécurité des ressortissants occidentaux n’est plus assurée. Ces derniers, menacés par les soldats ou miliciens incontrôlés, restent terrés à domicile et sont souvent victimes de pillages, de vols ou de brutalités physiques.
Le 7 juin, en soirée, des appels angoissés de Français menacés, voire violentés, conduisent le commandement à décider de procéder aux premières extractions afin de mettre les personnes à l’abri. À 19 h, le REP reçoit pour mission, en accord avec les autorités congolaises, d’extraire les civils en difficulté à proximité de la Présidence.
Le Capitaine alla droit au but : « Bon, Gast, (…) La situation est la suivante » Il se tourna vers la carte accrochée au mur de son bureau et pointa son doigt « Ici, exactement dans cette rangée de maisons, des Français se sont barricadés. Ils nous ont demandé de l’aide et il me semble qu’ils en ont besoin ! » Il leva les yeux de la carte « Gast, vous venez avec moi. Notre mission est de sortir les Français de là et de les amener ici ». Je lui jetais un regard interrogatif. Ce n’était certainement pas tout (…) « Tous ceux qui nous feront obstacle sur place et qui essayeront de nous empêcher d’accomplir notre mission seront à considérer comme ennemis et devront être traités comme tels ».
Dans de simples camions, les Légionnaires s’engagent sur l’avenue Schœlcher et prennent contact avec les différentes milices. La 3e section de la 1e compagnie, commandée par Thomas, marque un temps d’arrêt pour prendre contact, comme convenu, avec les autorités militaires congolaises chargées de la sécurité sur zone, tandis que le GCP [Groupe de Commandos Parachutistes] reste en appui.
Après avoir obtenu l’accord des autorités, les Français reprennent leur progression. A environ 1 km de l’objectif, lorsque les éléments de tête s’engagent sur un rond-point, la colonne est délibérément prise à partie à courte portée par des miliciens congolais, embusqués sur le côté nord-ouest de l’avenue. Les Légionnaires sautent des camions et se retrouvent fixés par les tirs, dans une configuration peu propice à la riposte. Laissons désormais la parole à Thomas :
L’angle était trop aigu pour pouvoir toucher une des positions ennemies avec une grenade LRAC [Lance-Roquette Anti-Char]. Les grenades auraient peut-être ricoché et mis en danger nos propres hommes. Ce dont nous avions un besoin urgent, c’était un écran de fumée, mais il était inutile d’y penser : toutes nos grenades fumigènes étaient dans un des véhicules qui étaient exposé aux tirs massifs. Même la nuit ne nous offrait aucune protection, il faisait trop clair.
(…)
Tout mouvement, soit une tentative de décrochement, soit une contre-attaque pour nous dégager de là aurait signifié inévitablement de lourdes pertes.
(…)
Tandis que les renforts sont envoyés de la base, je fus informé par radio que l’un de mes chefs de groupe et un légionnaire avaient été grièvement blessés.
Je leur ordonnais de rester là où ils étaient, de protéger le périmètre proche et d’empêcher par des tirs sporadiques que l’ennemi n’attaque nos positions.
(…)
Des mouvements de troupe avaient lieu sur notre droite et nous n’avions aucune idée de quels éléments il s’agissait et quels étaient leurs intentions. Tous les scénarios étaient possibles ! Nous disposions seulement des munitions que chacun avait emportées sur lui (…) la plus grande partie des munitions était restée dans les véhicules qui se trouvaient sous le feu ennemi.
Quand les Légionnaires de la CEA (Compagnie d'Eclairage et d'Appui - le renfort envoyé par la base) arrivèrent sur la zone de combat, j’entendis enfin à ma gauche notre lourde mitrailleuse 7,62 mm : une vraie musique à mes oreilles.
(…)
Des éléments du GCP [Commandos Paras du 2e REP] commandés par le Capitaine Desmeules avaient réussi à s’avancer jusqu’à mes hommes blessés. Lors de cette action brillante et intrépide, qui montra une fois de plus ce dont cette unité était capable, l’un des leurs tomba sous une pluie de balles et fût tué sur le coup. Si les soldats du GCP n’avaient pas été là, mon soldat et mon sous-officier auraient certainement succombé à leurs blessures.
(…)
Le renfort (CEA) prit position à gauche de ma section, face à l’ennemi. Ses éléments les plus avancés se retrouvèrent immédiatement sous les tirs adverses. Lors de cette action, un officier, deux sous-officiers et trois Légionnaires furent blessés, certains grièvement. Mais les bleus [couleur de la Cie] sont parvenus à renverser la situation en attaquant immédiatement et efficacement l’adversaire.
Le 2e REP perd un homme, et compte une dizaine de blessés, donc cinq grièvement. On estime à 25 le nombre de miliciens Congolais tués.
Brazzaville est désormais en guerre. L’Etat-Major renforce considérablement le dispositif, par l’envoi d’hommes des 2e REI et 1er REC, de blindés VAB, VBL, ERC90 Sagaie… matériel qui a cruellement manqué à Thomas et ses hommes le 7 juin.
De fait, dans les jours qui suivent, le rapport de force change de camp :
Quand j’arrivais au carrefour et que je formais avec le VAB sur sorte de bouclier entre les Légionnaires et l’ennemi, je fus immédiatement pris sous le feu. Je répondu avec la 12,7 et fis signe au chef de groupe de décrocher. Pendant que mon VAB reculait lentement, avec le groupe à l’abri derrière, je tirais systématiquement sur tout ce qui me semblait dangereux. Soudain, la voix de mon conducteur, un Polonais rouquin, m’interpella : « Un heure, deux cents, un véhicule léger Toyota avec un canon antichar sans recul nous tire dessus ». Il avait prononcé ces mots d’une voix calme qui m’épatait, car j’étais moi-même essoufflé et en nage. (…) je pointais la 12,7 dans la direction et ouvrit le feu (…) je vis monter face à nous un nuage de fumée, qui voulait dire qu’une roquette avait été tirée sur nous. Juste à côté ! J’entendis l’impact derrière moi, ce qui me donna la chair de poule (…) une seconde plus tard, la Toyota explosa.
Il était temps de mettre en avant ces Légionnaires-Paras impliqués dans cet événement dramatique du Congo-Brazzaville, trop peu connu du grand public.
Hommage
Au Caporal Christophe Gobin,
alias André Gilles,
mort pour la France au Congo-Brazzaville,
Aux blessés.
Le CPL Christophe Gobin, photo aimablement transmise par sa maman à laquelle nous renouvelons toute notre sympathie.
*
Message reçu en octobre 2016 :
Brazzaville Juin 1997.
Un bond dans le passé. Nous y étions avec notre fille de 2 ans.
Presque vingt ans pour oublier la peur, le sifflement des balles, les tirs des obus qui tombaient non loin de la maison, les impacts sur le fuselage du Transall qui nous amenait à Libreville.
4 jours 3 nuits d'angoisse avant d'être exfiltrés de notre maison, escortés, libérés de cette prison de peur, évacués par nos militaires français jusqu’à l’aéroport où nous avons passé une nuit supplémentaire sous le feu incessant de Kalachnikov, sous la protection si rassurante des Légionnaires.
Un soulagement, une reconnaissance à vie ; s'ils n'étaient pas intervenus nous ne serions pas là aujourd'hui.
Jamais nous n'oublierons le regard courageux de ces hommes, d'un professionnalisme incroyable, d’un calme impressionnant, presque froid dans des situations d’extrêmes tensions, qui nous ont protégés durant ces événements, pour certains gravement blessés ou comme votre fils en échange de sa vie.
Nous leur devons d'être là, nous le lui devons. Nous n’oublions pas.
Nous sommes partis de Brazzaville sans pouvoir dire Merci à nos militaires. Mais comment et qui remercier? Nous ne connaissions rien d’eux, jusqu’à la publication de cette page où nous pouvions enfin découvrir un nom, un visage et une adresse.
Sachez Madame que nous avons un profond respect pour votre fils, qui représente pour nous le porte drapeau de tous ces hommes qui partent en mission dans des pays compliqués.
Nous n’oublierons jamais Christophe, qui est mort pour nous mais qui vit depuis dans nos mémoires, ni ses frères d’armes qui sont, comme lui, volontairement partis loin de chez eux pour nous sauver au péril de leurs vies.
Oui ce jeune légionnaire continuera à vivre en nous ; il a maintenant un nom, un visage, une histoire, et en plus il est beau !
Avec presque 20 ans de retard nous présentons toutes nos condoléances à la Maman de Christophe GOBIN et à sa famille, qui peuvent être fières de lui,
Avec le même retard nous présentons nos condoléances à sa deuxième famille, le 2eme REP, qui fait la fierté de notre pays et qui est venue nous porter secours un jour de printemps 1997 à Brazzaville.
Avec tout notre respect et toute notre gratitude.
Famille BELMUDES, Coopération française, en poste à Brazzaville en juin 1997.
* * *
Thomas nait dans une famille modeste de Haute-Franconie, RFA. En 1985, après plusieurs années passées dans un régiment para allemand, il succombe à l’appel du Képi Blanc. Engagé au 3e REI, il passe trois ans en Guyane puis rejoint le 2e REP de Calvi fin 1987. Légionnaire puis Sergent, Sergent-Chef et Adjudant, il participe à un nombre considérable d’OPEX : Tchad, RCA, Gabon, Djibouti, Bosnie, Congo-Brazzaville... Il quitte la Légion après 17 ans de service, marié et papa d’une fille. Certes, il a rejoint son pays d’origine, mais dans son cœur la France et la Légion ont une place immense.
Dès les premières syllabes « Allons enfants de la Patrie », j’ai pris conscience que j’avais signé un contrat et que je devais le remplir. Je commençais à chanter de manière hésitante (…) Je me posais la question : « Est-ce que j’étais prêt à combattre pour la Légion étrangère, donc pour la France et ses intérêts ? Et laisser ma vie, au cas où ? ». La réponse était oui, à cent pour cent. Autrement, je n’avais pas ma place ici. Je chantais donc plus fort : « égorger vos fils et vos compagnes… ». Et soudain je chantais à gorge déployée et je me sentais bien ! (…) Quelque chose qui pesait sur mon âme m’avait été enlevé. Je me sentais tout à coup libéré et sans contraintes ! Oui, cet hymne était devenu le mien. Vive la Légion !
Prix : 19,90€ - ISBN 978-3-943288-04-9 - Format 16x23,5 - 353 pages - Tout couleur.
Livre disponible chez l'éditeur Epee Edition ici.
Site de l'auteur ici.
Page FaceBook du livre ici.
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Vor der Kaserne
Vor dem großen Tor
Stand eine Laterne
Und steht sie noch davor
So woll'n wir uns da wieder seh'n
Bei der Laterne wollen wir steh'n
Wie einst Lili Marleen,
Wie einst Lili Marleen.
Lili Marleen, version originale par Lale Andersen
« La Légion » de Thomas Gast. Comme un écho dans ma mémoire.
Le GAL commandant les Forces françaises à Berlin vient de nous passer en revue.16e Chasseurs, chef de corps COL Muriel, quartier Napoléon, Tegel, Berlin-Ouest
1987. Thomas est Allemand ; je suis Français. Il porte fièrement le Képi blanc. Je suis tout fier de ma tenue bleue et jonquille. Il s’envole pour un morceau de France par-delà l’Atlantique, perdu sur le grand continent américain : la Guyane. Je rejoins un confetti d’Allemagne libre, au-delà du Rideau de fer : Berlin-Ouest. Alors qu’il crapahute dans la forêt amazonienne, c’est une autre jungle qui m’attend, urbaine, avec sa vie trépidante, tourbillon pour oublier que nous ne sommes qu’une muraille de torses face aux divisions soviétiques (combien de temps aurions-nous tenu ?). Son regard est arrêté par un mur végétal ; moi, c’est un mur de béton couvert de graffitis qui me barre l’horizon. Les petits indiens l’émeuvent. Dans ma Solferino, en descendant d’un bus mili sur Unter den Linden, alors que nous venions de transmettre l’ordre de ne pas parler aux est-allemands, pour leur propre sécurité, un jeune homme s’approche de moi : « Franzose ? » « Ja » et là avec un grand sourire, il sert le point, le pouce en l’air… Ça m’a ému.
Au Ku’dorf : le pianiste, le Chasseur jeunot (bière et Craven A), le bitter.
Le soir, avec les copains, j’allais au Ku’dorf, une cave située à deux pas du Ku'damm. Il y régnait un rien d’ambiance « Berlin des années 20 ». Un vieux pianiste jouait. Il avait vite repéré la petite bande de Chasseurs. Entre deux chansons, on lui payait des coups. Une pinte de bière / une mini-bouteille de bitter / une pinte de bière / une mini-bouteille de bitter, qu’il avalait cul sec, la tête en arrière, la coinçant entre ses dents…
Et tandis qu’à Cayenne, Thomas écoutait « Mon Légionnaire » de Piaf, à Berlin, chaque soir, nous demandions au pianiste de jouer pour nous « Lili Marleen »…
Lili Marleen, par Marlène Dietrich
Edith la Française et Marlène l’Allemande étaient sœurs de cœur.
Une partie du cœur de Thomas est restée en France, une partie du mien en Allemagne. Jenseits des Rheins, Ich grüße meinen Bruder Thomas.
Cette tendre histoire
De nos chers vingt ans
Chante en ma mémoire
Malgré les jours, les ans.
Il me semble entendre ton pas
Et je te serre entre mes bras,
Lily, Lily Marlène,
Lily, Lily Marlène.
Lily Marlène, version française par Suzy Solidor, chant du 3e REI.
Sachant que je ne reverrai sans doute jamais plus cet endroit et que les horloges sonnaient déjà la dernière ligne droite dans la Légion, j’emportais, la nuit tombée, une demi-douzaine de bières, une couverture et des cigarettes et j’allais, ainsi équipé, sous les regards étonnés des sentinelles, dans un lieu tranquille à l’écart du camp, au beau milieu du désert. C’était une nuit douce, qui n’en finissait pas. Mais je voulais aller jusqu’au bout de cette nuit magnifique (…) Je récapitulais la vie dans la Légion, avec un sourire sur les lèvres et accompagné d’une voix qui me chuchotait à l’oreille « Tu as tout fait comme il fallait ».
Adjudant Thomas Gast, Djibouti.
Livre, récit biographique d'un Légionnaire, 3e REI Guyane, 2e REP, embuscade de Brazzaville, Congo
17:15 Publié dans Congo, Légionnaires, Mili-Livre, Paras | Lien permanent | Commentaires (10)
02/09/2013
Hommage au CBA Hélie de Saint-Marc, Légionnaire-para, écrivain.
Sans conscience, pas d'honneur.
Sans devoir d'obéir à sa conscience, pas d'honneur.
Honneur brille au drapeau avant Patrie.
Capitaine Magniez, "Sois bon soldat", 1904.
Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant à 19 ans, arrêté par les nazis sur dénonciation et interné au camp de Buchenwald. Est l’un de 30 survivants d’un convoi de plus de 1000 déportés. Saint-Cyrien. Légionnaire. Guerre d’Indochine avec le 3e REI et le 2e BEP. Guerre d’Algérie avec le 1er REP qu’il commande par intérim. Entre en opposition avec la politique menée par le gouvernement. Refuse d’abandonner les français d’Algérie et les harkis. Passe 5 ans en prison avant d’être gracié. Réhabilité dans ses droits civils et militaires en 1978. Ecrivain. Prix littéraire de l'Armée de Terre Erwan Bergot en 1995 et prix Fémina en 1996 pour « Les champs de braises ». Grand-croix de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation, Croix de guerre des TOE avec 8 citations, Croix de la valeur militaire avec 4 citations, Médaille de la résistance, Croix du combattant volontaire de la Résistance, Croix du combattant, Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient », Médaille commémorative de la guerre 1939-1945, Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de Résistance, Médaille commémorative de la campagne d'Indochine, Médaille commémorative des opérations du Moyen-Orient (1956), Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord (1958) avec agrafes « Algérie » et « Tunisie », Insigne des blessés militaires (2), Officier dans l'ordre du mérite civil Taï Sip Hoc Chau. Décède le 26 août 2013.
Ce soir-là, je regarde le journal de 20h et les chaînes d'information. Combien de secondes accordées au CBA Hélie de Saint-Marc ? Les avez-vous comptées ?
Alors que les tambours de la guerre ne cessent de gronder, Afghanistan, Libye, Mali… Syrie. A quoi est dû ce silence assourdissant des médias ? Est-ce de l’indifférence ? Indifférence des médias seulement, ou indifférence de la France ?
Si la France détourne son regard lors du dernier voyage d'un vieux soldat, peut-elle encore regarder dans les yeux les jeunes gens qu’elle envoie combattre, pour elle, au bout du monde ? Peut-elle regarder dans les yeux la maman de Jean-Nicolas Panezyck, mort en Afghanistan ? Peut-elle regarder dans les yeux la fille d’Alexandre van Dooren, mort au Mali ?
J'écris cela sans rancœur : Sur le Net, où la parole n'est pas muselée, j'ai vu fleurir des milliers d'hommages. Mots simples de vieux soldats, certes, mais aussi de "ménagères de moins de 50 ans", de jeunes mamans, d'adolescents... Une multitude d'anonymes qui ont salué le Commandant, les yeux dans les yeux. Une France au regard franc. La vraie France.
« Reposez en paix Monsieur Hélie Denoix de Saint-Marc...
L’hommage que le journal télé ne vous donne pas, prenez-le de ces quelques lignes.
Merci d’avoir été.
Merci du fond du cœur. »
Commentaire d'une jeune-femme lectrice de La Plume & L’Epée, sur notre page FaceBook.
***
Œuvres d'Hélie de Saint-Marc
Les Champs de braises. Mémoires avec Laurent Beccaria, Ed. Perrin.
Les Sentinelles du soir, Ed. Les Arènes.
Indochine, notre guerre orpheline, Ed. Les Arènes.
Notre histoire (1922-1945) avec August von Kageneck, conversations recueillies par E. de Montety, Ed. Les Arènes
Toute une vie, en collaboration avec Laurent Beccaria, Ed. Les Arènes.
L’Aventure et l’Espérance, Ed. Les Arènes.
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Le CBA de Saint-Marc a été inhumé le 30 août dernier.
Lors de la cérémonie religieuse en la primatiale Saint-Jean de Lyon, devant plus d'un millier de personnes rassemblées pour un dernier hommage, l'une de ses filles s'est ainsi exprimée :
"Tu as préféré l'honneur aux honneurs".
Un homme doit garder la capacité de résister, de s'opposer, de dire "non". Ensuite, il n'a pas à s'excuser. Trop d'hommes agissent selon la direction du vent. Leurs actes disjoints, morcelés, n'ont plus aucun sens.
CBA Hélie de Saint-Marc
"Le dernier saut du para"
Dessin publié sur la page FB des « amis d’Hélie de Saint-Marc »
«J’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan. J’ai choisi la discipline, j’ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la nation française la honte de l’abandon. Ceux qui comme moi ont vécu, ont combattu en Afrique du nord ressentent davantage cette honte, mais j’espère que beaucoup de Français qui se renseignent la ressentent également et je pense que ceux –là garderont quelque indulgence pour celui et pour ceux qui n’ont pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle.
L’Histoire dira peut-être que leur crime fut moins grand que le nôtre ».
Général de Pouilly, déposant au procès du Général Salan.
Livres, commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, 1er REP
11:45 Publié dans Algérie, Indochine, Légionnaires, Mili-Hommage | Lien permanent | Commentaires (1)