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04/01/2015

« L’espion aux pieds palmés », Bob Maloubier, 11e Choc, Editions du Rocher

Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez en réutiliser.

 

 

Il n’est de vie que grande, arrachée à la facilité et à la torpeur.

Il n’est de vie que volontaire, celle qu’on bâtit de ses mains, sans illusion.

Il n’est de vie que confiante : au loin les pessimistes, les dilettantes, ceux qui doutent.

Il n’est de vie que généreuse : la vie, la vie fraternelle qu’attendent, que réclament les hommes.

Maréchal Lyautey.

 

« Je vous aurais bien donné mon livre mais on me les a tous piqués ! A la place, je vous propose du champagne. Ah non, pas au bar ; j’en ai apporté, regardez.  Je n’ai qu’un verre donc nous boirons tous dedans. Cela ne vous gêne pas, n’est-ce-pas ? Blanc ou rosé ? »

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Nota : la dédicace est un nième trait d’humour de Bob, que nous sommes seuls à pouvoir comprendre…

Quand vous approchez de Bob Maloubier au salon des Ecrivains-Combattants, vous vous demandez comment aborder ce Monsieur qui a tout vu, tout vécu, rencontré le monde entier. Et puis voilà, avec ces quelques mots rapportés plus haut, envolée la timidité naturelle face à une Légende (car Bob en est une, au risque de blesser sa modestie). C’est clair, le bougre a du charme ! Et ce charme, cet humour (toujours bienveillant), cette carrière d’exception, nous les avons retrouvés avec bonheur dans les pages de « L’espion aux pieds palmés », suite de l’autobiographie de Bob, après « Agent secret de Churchill ». A vous d’en juger.

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CNE Maloubier aux Indes en 1945, © collection particulière

A mon retour [du Laos], couturé, paludéen, parasité, décoré, j’étais auréolé de moins de gloire que deux ans auparavant lorsque j’avais libéré Limoges. La défaite des petits hommes jaunes conclue à quinze mille kilomètres d’ici touchait moins les Français que le dernier tirage de la Loterie Nationale ! Après m’avoir serré dans ses bras, mon père m’a dit : « Tu ne possèdes aucun diplôme. Pour tout bagage tu sais sauter en parachute, démolir des ponts et tuer. Ticket non valable dans le civil, mon petit. » 

J’ai donc pris le chemin de la Muette [siège du SDECE , Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage, ancêtre de la DGSE].

 

1946, Création du 11e Bataillon Parachutiste de Choc à Mont-Louis en Cerdagne sur une initiative du COL Fourcaud

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 Saut à Calvi, 1948 - collection Claude Hiroux, 1er et 11e Choc

Le bataillon « spécial » de Fourcaud prend corps, subit un entraînement rude, s’aguerrit, s’épanouit en montagne, en plaine, sur les eaux et s’exerce à la guerre subversive. Nous sommes convoqués à Paris pour les félicitations d’usage, supposons-nous…

« - Vous semez la terreur sur vos Harley Davidson chevauchées, en croupe, par des amazones à moitié nues, m’a-t-on dit. Je n’évoquerai pas le cas du frère du plus célèbre guitariste du monde pourchassant, pistolet au point, l’un d’entre vous qui, semble-t-il, avait fait les yeux doux à sa femme. Et ces parties de 421 au zinc de La Coba, hein ? Vous vous liguez contre un malheureux mari… dont la jolie épouse se morfond. Il perd. Vous le mettez à l’amende : ingurgiter des cocktails de votre invention, explosifs, qui le mettent hors de combat. Pendant ce temps, sa moitié est conviée à une partie de jambe en l’air sous une barque retournée [… ]

- Vous nous avez confié la mission d’établir les bases d’une unité atypique capable de mener une guerre subversive, n’est-ce-pas ? User de moyens classique n’aurait mené à rien. Nous avons adopté des méthodes originales, non conventionnelles… »

 

1951, Fondation des nageurs de combat. Entrainement avec les Britanniques de la SBS

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Canoé de la SBS en 1951

Nous slalomons entre deux croiseurs, six cargos et un pétrolier dont les feux surgissent soudain comme des comètes au-dessus de nos têtes ! Nous prenons du retard et embouquons la Hamble River au renversement de la marée. Avancer à contre-reflux, galère ! Nous touchons enfin au point d’atterrage, à marée basse ou presque. Nous puisons dans nos dernières forces pour tracer notre sillon dans les cents mètres de vase qui nous séparent de la terre ferme, tailler à la machette une cache à notre canot dans un buisson de genêts et nous effondrer. A l’aube, deux heures plus tard, le commandant de l’école en personne nous rend visite ! Il vient s’assurer que nous sommes camouflés suivant  les règles et… que nous sommes rasés.

 

1952, Ecole des nageurs de combat

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Bob Maloubier homme grenouille, © collection particulière

A quatre-vingts mètres, légère oppression : l’air se fait rare. Je l’aspire à l’économie, par petites bouffées, avaricieusement. Par bonheur je suis un animal à pouls paresseux, à capacité pulmonaire réduite d’autant plus qu’une balle de Lugger, don d’un Feldengendarmes, a oblitéré le lobe de mon poumon droit. Je palme nonchalamment. Coup de pouce à la tige de réserve d’air en me murmurant les dernières paroles murmurées sur l’échafaud par la toute jeune princesse de Lamballe : « Encore une petite minute, Monsieur le bourreau ! ». 

 

De la théorie à la pratique

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Bob en 1952 inaugurant la première planche de navigation originale. © collection particulière

Furieux, l’amiral :

« - Sous prétexte d’une manœuvre « proche de la réalité », un poste de gendarmes maritimes a été sauvagement attaqué par des nageurs masqués ! Six d’entre eux ont été précipités dans un bassin, les autres, estourbis par des grenades au plâtres ont été couverts d’ecchymoses. Je compte sur vous pour identifier les coupables, n’est-ce-pas Capitaine ? »

A l’occasion du prochain briefing, l’œil sévère, après avoir exprimé les griefs de l’amiral à la classe réunie, je conclus : « Je ne doute pas que l’un d’entre vous se fera un devoir de dénoncer les coupables ! ». Le regard reflétant une absolue candeur, quarante lascars aux pieds palmés hochent le chef à l’unisson. Personne ne pouffe. Les plongées répétées, c’est connu, provoquent des amnésies. Or nous plongeons beaucoup...

 

Notre premier mort

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Simulation en conditions réelles de sabotage, équipement opérationnel Pirreli lourd © collection particulière

Ne vous inquiétez pas pour Floch. Vous l’avez sorti de l’eau si vite que sa petite narcose sera sans conséquence. Demain, il aura une grosse migraine, c’est tout ! »

J’ai perdu une belle occasion de me taire…

Au cirque, lorsqu’un trapéziste s’écrase, le spectacle continue ; en escadrille, lorsqu’un avion s’abat, tous les pilotes décollent. Chez nous, lorsqu’un plongeur se noie, nous nous jetons à l’eau. Un remède pour conjurer le sort, dit-on.

 

1956, le Service 29 et la Main Rouge

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Jo Attia, ancien membre du gang des Tractions de Pierrot-le-fou, enrôlé par Bob comme barbouze pour le compte du SDECE. Dans son bar Le Gavroche. © collection particulière

- Moi tueur à gages ?

- Ah non ! Pas question qu’un officier de l’armée française se fasse prendre la main dans le sac en train de trucider un honorable homme d’affaires étranger… surtout en pays neutre ! Imagine le scandale international, les interventions de l’ONU ! Non, tu driveras, de loin, des opérateurs. Le SR en a dressé une liste : des malfrats condamnés pour une bagatelle et auxquels on offre prime et remise de peine. Pour moins que ça ils tueraient leur vieille maman.

 

1956, Le Caire, malette encombrante devant la Grande Poste, place Tahir

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Base secrète de l’escadrille du Clair de Lune à Persan-Beaumont. A droite Bob. © collection particulière

Lorsque je freine à son approche, d’un geste théâtral, il exhibe la mallette qu’il cachait derrière son dos et la brandie en s’écriant d’une voix hachée :

« - Je n’ai pas pu la laisser… ou plutôt, lorsque je suis sorti, le planton m’a couru après pour me la rendre ! Il l’avait trouvée !

- Mais enfin comment a-t-il fait ? Vous l’aviez bien cachée dans le capharnaüm du couloir, non ? 

- C’est-à-dire… je l’avais laissé sous ma chaise… Enfin, je… »

Il bafouille, mon dynamireto gesticule, puis soudain me balance son fardeau par la fenêtre ouverte de la portière, fait demi-tour et s’éloigne à grands pas, me laissant sur les genoux une machine infernale réglée pour exploser dans une heure au plus. Et au Caire, à l'heure du déjeuner les embouteillages sont inextricables !

 

1960, Françafrique et or noir

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Bob au Nigéria © collection particulière

En 1960, Bob désormais trop « mouillé », Main Rouge oblige, est mis au vert par le SDECE. Alors, élevage de chèvres dans le Bourbonnais ? Il tente bien l’expérience (véridique) mais chassez le naturel, il revient au galop et la suite de sa carrière (purement civile ? hum…) est toute aussi rocambolesque : Forestier au Gabon, il met sur pied la garde personnelle du président M’Ba ; Pour Elf, il prospecte au Nigéria en pleine guerre du Biafra. Cette seconde partie du livre, tout aussi passionnante, nous plonge au cœur de la Françafrique puis de la guerre commerciale pour l’or noir aux pays des mille et une nuits. Golfe Persique, Arabie Saoudite : le marché du pétrole explose et les contrats d'armement avec... 

Quant à « l’affaire » du Rainbow Warrior, il en connaît les dessous.

Voilà. Pas simple de résumer une telle vie et si notre texte peut sembler long, nous avons pourtant sabré allègrement dans tous les évènements rapportés par Bob. Nous espérons vous avoir donné l’envie d’en savoir plus et de lire le livre. Et si l’occasion se présente de rencontrer Bob, foncez…

***

 

10471265_716512938433156_5688707116129838177_n.jpgRobert « Bob » Maloubier nait le 2 février 1923 dans une famille aisée, française mais vivant jusqu’en 1920 aux Etats-Unis. En 1941, il s’enrôle dans l’aviation. Il tisse des liens dès 1942 avec le SOE, les services secrets britanniques, et rejoint Londres en 1943. Il est parachuté en France pour aider les réseaux de la Résistance et participer aux sabotages. En décembre il échappe aux Allemands mais est grièvement blessé (il porte toujours la balle logée dans son poumon). Il retourne à Londres, avant d’être parachuté à nouveau en 44, dans la région de Limoges dont il participe à la libération. En 1945, il intègre la Force 136 des SOE et est parachuté au Laos toujours occupé par les Japonais. A son retour en France, il rejoint le SDECE (actuelle DGSE). Il participe à la fondation du Service Action (11e Bataillon Parachutiste de Choc) en 1947 puis développe l’unité des Nageurs de Combat en 1952. Rappelé au SDECE, il enrôle des « barbouses » dont Jo Attia, ancien du gang des Tractions de Pierrot-le-fou, pour exécuter des contrats contre les financiers et vendeurs d’armes du FLN. Quittant officiellement les services secrets en 1960, il devient forestier au Gabon, y forme la garde personnelle du président M’Ba dans un contexte très Françafrique. En 1962 il est recruté par le pétrolier Shell puis Elf pour prospecter, notamment au Nigéria. Il est à Lagos en 1968 lorsqu’est déclenchée la rébellion du Biafra soutenue en sous-main par la France. Il termine sa carrière professionnelle au Moyen-Orient en étant promu Représentant des Français de l’étranger et Conseiller du commerce extérieur. 

Auteur prolifique,  on lui doit 9 livres,  Robert Maloubier est Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1939-1945, Chevalier de la Médaille de la Résistance. Il est décoré des médailles des Evadés, Coloniale agrafe « Extrême-Orient », France-Libre, ainsi que de l’ordre de l'Empire Britannique, 1939-45 Star, France and Germany Star, Distinguished Service Order (DSO) et Member of the British Empire (MBE) et enfin l’un des rares Commandeurs de l’Ordre du Million d’Eléphants du Laos, car décerné par un roi disparu des écrans il y a des lustres. Il a été blessé trois fois.

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Nos rencontres avec Bob. En haut le champagne (cf intro). Au milieu Natachenka sous le charme. En bas, Natachenka, jalouse (voir la conclusion) - nous accompagnant, le COL Thierry Jouan, 1er RCP et DGSE, auteur d’Une vie dans l’ombre

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ISBN-13: 978-2268075129 – prix 21,90 € – format 23x15,2 - 300 pages, cahier-photo

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Aux éditions du Rocher. Site WEB ici

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Hommage

A tous les membres des services secrets morts pour la France. 

Ils n’ont pas reçu les honneurs de la nation, mais nous ne les oublions pas.

Aux blessés.

Avec le salut respectueux du Chasseur et de la Russe-blanc.

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Bibliothèque « Bob Maloubier »

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Scoop : à paraître "Colonel Z"  ou Dansey la Chaussette - chez Albin Michel. 

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Bob fait membre de l’Ordre de l’Empire britannique par la Reine Elisabeth II le 5 juin 2014.

« Mon cher Bob, félicitations pour votre décoration, mais Natachenka est un peu jalouse de votre proximité affichée avec la Reine ».

Bob se tournant vers Nat :

«  Rassurez-vous Mademoiselle, Elisabeth n’est qu’une copine ! »

 

 

 

 

 

 

Commentaires

je te remercie bob pour tous ce que gu as fais pour nous et tous les risques que tu as pris. Respect a toi et repause en paix.et mais s'insère condoléance a toute votre famille. Letellier pierre et fils letellier cedric.

Écrit par : letellier | 21/04/2015

Sinceres condoleances a celui qui avec Dericourt et Clement ont connu mon grand oncle Maurice Dumesnil.
Voir dans Triple Jeu et autres ouvrages de sa main.
Beaucoup de respect pour ce grand personnage de l'histoire. Gros regrets aussi.
Gerard Bion

Écrit par : BION Gerard | 08/08/2017

Merci pour votre commentaire Gérard. Bob était un grand Monsieur pour lequel nous avions grande affection.

Écrit par : UPpL'E | 15/08/2017

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