14/09/2019
« Une femme à Dien Bien Phu », Geneviève de Galard, Convoyeuse de l’Air, éd. Les Arènes
« C’est impossible, dit la Fierté,
C’est risqué, dit l’Expérience,
C’est sans issue, dit la Raison,
Essayons, murmure le Cœur »
William Arthur Ward
En cet après-midi d'avril 1954, Haas, jeune légionnaire allemand, affiche toujours un moral d'acier. Pourtant, s'il veut tenir debout, il est obligé de s'appuyer de son moignon sur mon épaule...
Caporal au 2e BEP, Haas a été blessé il y a trois semaines. Atrocement mutilé par des éclats d’obus, il a dû être amputé des deux bras et d’une jambe. Et pour éviter le risque d’infection, les moignons ont été laissés à vif. Chaque pansement provoque ses hurlements. Avoir dix-huit ans à Dien Bien Phu...
Hôpital souterrain de Diên Biên Phu. Opération du Dr Grauwin
Ce jour-là, profitant d'une accalmie, mon jeune légionnaire avait manifesté le désir de respirer un peu d'air frais à l'entrée de l'antenne chirurgicale qu’il n'a pas quittée depuis le jour de son opération. Il m'avait demandé de l'accompagner. Nous voilà donc partis tous les deux dans le long couloir sombre, moi le soutenant de mon mieux en m’efforçant de ne pas raviver ces douleurs, lui sautant à cloche-pied, s'appuyant sur moi. Sa volonté et son courage me bouleversent plus que je ne peux le laisser paraître.
Geneviève de Galard à Diên Biên Phu
Le jeune garçon contemple à mes côtés le paysage désolé du champ de bataille. La rizière autrefois verdoyante, aujourd'hui poussiéreuse et labourée de débris d'acier ; les pitons si chèrement défendus, mais dont la terre ne renferme plus qu'un vaste cimetière ; les sombres collines où guettent les canons vietminh ; et cet enchevêtrement de tranchées et ce réseau de barbelés qui ont transformé la plaine en une gigantesque toile d'araignée. Il me dit alors :
« - Geneviève, quand tout cela sera terminé, je vous emmènerai danser. ».
***
« Une femme à Dien Bien Phu », Geneviève de Galard, Convoyeuse de l’Air.
Difficile d’aborder ce livre sans émotion. Tout est dit nous semble-t-il avec les quelques extraits de cette humble recension. Nous ne complèterons que par une anecdote, rapportée par Mme de Galard elle-même lors d’une conversation : alors qu’elle visitait les patients de l’Institut des Invalides où elle avait longtemps œuvré, elle y retrouva une amie, notre cousine Anne Broquet, ancienne « reine-mère » des Convoyeuses de l’Air, condamnée par la maladie. Celle-ci lui dit « Geneviève, j’ai égaré ton livre. Pourrais-tu me rapporter un exemplaire ? Sa relecture va me donner du courage ».
Aux éditions Les Arènes.
Paru en 2003 mais se trouve toujours facilement, y compris d’occasion, à des prix très raisonnables.
Avec Geneviève de Galard et son époux le Colonel Jean de Heaulme.
***
Pierre-Noël de Cornulier-Lucinière, 1er BPC, 19 ans, parachuté sur Diên Biên Phu en mai 1954, mort dans les camps vietminh en juillet.
Hommage
Aux morts pour la France à Diên Biên Phu et dans les camps vietminh,
Aux blessés,
A tous « Ceux d’Indo »,
A nos chères Convoyeuses de l’Air, à la mémoire de leur chef la LCL Anne Broquet.
Couchée par terre sur des parachutes, je ferme les yeux mais je ne dors pas. Je suis minute par minute ces heures tragiques. La radio rend tout proche le drame. Je vis avec les combattants les moments d'espoir extraordinaire, lorsqu’un point d’appui est repris, et les moments affreux, lors des adieux émouvants d’un commandant d’unité :
« Les Viets sont à dix mètres. Embrassez nos familles. Terminé pour nous. »
Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu
***
Geneviève de Galard, libérée par le Vietminh
Son visage est recouvert de pansements, ses mains sont bandées comme celles d’une momie. Dès que je le peux, je viens lui glisser un petit mot, lui apporter une boisson ou une cigarette que j’allume moi-même. Le jeune homme, dont le moral est excellent, finit par mettre de l’animation et apporter un peu de gaieté autour de lui. Lorsque son état est stabilisé, il s’essaie, de ses pauvres mains mutilées, à jouer de l’harmonica, et il y réussit, à la plus grande joie de ses camarades.
*
Ces souvenirs continuent de hanter mes songes et mes nuits, chaque fois que j'ai à en parler. Ils portent une part d’enfer. Et pourtant, je parviens toujours à retrouver un coin de lumière en les évoquant. Quand un petit air d'harmonica se met à me trotter dans la tête, je ne pense plus qu'à la tendresse du regard de ces hommes dont j’ai essayé d'atténuer la souffrance.
Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu
17:02 Publié dans Aviateurs, Indochine | Lien permanent | Commentaires (0)
11/03/2019
« 20 ans sans une égratignure », LCL Sylvain Mazzocco, 4e RHCM, EH 01.067 « Pyrénées », éd. Baudelaire
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Droits réservés.
« Toute ombre est fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence, a vraiment vécu »
Stefan Zweig
« Goma est bombardé ! On desserre les Pumas sur Bukavu ! Mazzocco, va débâcher le Puma canon. Quant aux mécanos, vous restez sur site. Si notre camp est bombardé, vous n'avez qu'à vous abriter dans les fossés ! ». Cette dernière remarque me glace le sang mais je m'exécute en silence après un « Reçu ! » de rigueur. Je cours jusqu'au parking des hélicoptères. Au moment où j'enlève les bonnets des pales, je suis surpris par une violente explosion près de moi. Je perçois en même temps le souffle et le claquement sec de l'obus de mortier qui vient de tomber. Je suis surpris et bien sonné. Le goût métallique est celui de mon propre sang qui se répand dans ma bouche tandis qu'un bourdonnement aigu envahit ma tête.
Rwanda, 1994
Sylvain Mazzocco, remise de son brevet de pilote, Dax, 1993
Au moment où je regagne mon P4, je suis interpellé par deux hommes qui en portent un troisième. Ce dernier est terriblement amaigri. Il n'y a pas besoin d'être médecin pour comprendre qu'il est atteint du choléra et que la fin est proche. Ils me supplient de faire quelque chose (…) Par pitié, je me rends dans la file d'attente d’une ONG voisine, afin de plaider sa prise en charge prioritaire. Arrivé devant le médecin, je lui demande de s'occuper de cet homme qui risque de mourir d'un moment à l'autre. Le médecin pose ses affaires sur sa table, se tourne vers moi et prend le temps de réfléchir à sa réponse. Elle est sans appel : « Mais jeune-homme, tout le monde meurt, ici ».
Rwanda, 1994
Opération « Carbet », détachement Armée de l’Air, Haïti 2004
Je vais au cinéma avec des collègues voir un chef d’œuvre inconnu : « Tears of the Sun ». Dix ans après le Rwanda, le thème des « larmes du soleil » m’avaient interpellé. Devant ce film à la gloire des militaires américains, nous ne manquons pas de railler les extraordinaire compétences du soldat Bruce Willis. Nous rigolons beaucoup, au grand dam de nos voisins, jusqu'à l'entrée de notre super héros dans un village. Un massacre est en cours. Instantanément, je reçois une claque, d’une intensité jusqu'alors inconnue. Elle raisonne dans ma tête. Les exactions des génocidaires rwandais ne sont que suggérées. En un flash, je les vois, ou je vois celle que j'ai vues dix ans plus tôt. Femmes éviscérées, nourrissons calcinées. Et aussi violemment qu'elles sont arrivées, ces visions d'horreur disparaissent, me laissant hébété sur mon siège.
ETOM, Martinique, 2004
2010-2011. La 18e promotion « Charles de Gaulle » de l’Ecole de Guerre, dont Sylvain Mazzocco est président
C'est la nuit. Je suis dans mon lit, dans mon studio parisien. Je dors. Des bruits, une Lumière, une odeur. Je me réveille. Je suis trempé de sueur. J'ai froid. Ma tête est vide. Elle était pleine il y a quelques instants, je ne sais déjà plus de quoi. J'ai un goût de sang dans la bouche. J'ai dû me mordre.
C'est l'après-midi. Je ferme les yeux et profite de quelques minutes de solitude pour régénérer mes batteries. Je rêve. On me frappe. Je me réveille en sursaut.
C'est la nuit. Je dors depuis quelques heures. Des bruits. Une lumière, une odeur. Je suis en sueur. J'ai froid. J'ai un goût de sang dans la bouche. Mes oreilles bourdonnent.
C'est l'après-midi. Une claque. C’est la nuit. Le sang coule dans ma bouche. C’est l’après-midi. Une gifle.
C'est la nuit. L'obus de mortier monte sur Goma. Il arrive droit sur moi. C'est l'après-midi. Des coups. C'est la nuit. 17 juillet 1994. Goma. L’obus de mortier monte. Je sais qu'il vient sur moi. Il explose à mes pieds. Non, c'est une roquette afghane. L’odeur de la poudre. Le goût du sang. Après-midi. Gifle. Nuit. Goma. Obus. Roquette. Explosion. Sang.
Ecole de Guerre, Paris, 2011
***
Contrariant une destinée semblant toute tracée devant le mener, comme son père avant lui, à la maçonnerie, Sylvain Mazzocco devient sous-officier pilote de Puma dans l’ALAT. Après l'EMIA et pour continuer à piloter, il rejoint l'Armée de l'Air. Déployé au Tchad, au Rwanda, en Ex-Yougoslavie, en RCA, en Haïti, en RCI, en Afghanistan et au Sahel, son parcours est superbe, son rêve d'ado accompli, son histoire proche du conte de fée. Si ce n'est qu'un jour, après 20 ans de carrière opérationnelle, ayant frôlé la mort mais s’en étant sorti « sans une égratignure », et alors qu'il a intégré la 18e promotion de l'Ecole de Guerre, le LCL Mazzocco est foudroyé par le SSPT.
Cette chronique, qui se concentre sur la cause et les effets de sa blessure psy, ne rend d’ailleurs pas honneur à l’ensemble du livre où nous suivons Sylvain dans toutes ses OPEX.
Tout bonnement passionnant.
Aux éditions Baudelaire, disponible ici.
Sylvain Mazzocco et Mr Jaurand, vétéran de la Grande-Guerre, 1998
En 1998, Sylvain Mazzocco, alors Dolo de la 37e promotion « Grande Guerre », participe avec ses camarades à une œuvre de mémoire, parcourant la France à la rencontre de vétérans de la 1ère guerre mondiale pour recueillir leurs témoignages. Un livre conclura le projet, « Un poilu m’a dit », disponible en version numérique gratuite ici.
LCL Sylvain Mazzocco, Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2018
***
Hommage
A tous les pilotes, navigants et personnels au sol des unités d’hélicoptères des Armées.
A tous les blessés de guerre par SSPT.
*
Ecoute Défense
08 08 800 321
Numéro gratuit accessible à tous les militaires, anciens militaires et civils de la Défense, qui sont confrontés à la difficulté d’exprimer leur souffrance ou sont témoins de celle d’une personne de leur entourage.
***
Sylvain Mazzocco en RCI, 2005
- Les blessures les plus graves ne sont pas forcément celles que l'on voit, mon Colonel. Je pense que vous êtes victime d'un choc post-traumatique suite à votre engagement opérationnel au Rwanda.
Elle s'arrête un Instant pour me laisser le temps de la réflexion et peut-être pour que je fasse un petit commentaire. Je ne sais pas quoi dire. En agitant légèrement la tête droite à gauche et sans me quitter du regard, elle poursuit.
- L'institution que je représente ici ne vous lâchera pas. Cet après-midi vous avez rendez-vous avec un commandant de la Cellule d'Aide aux Blessés, Malades et Familles de l'Armée de l'Air. C'est un type extraordinaire, il va vous plaire. Il s'occupera de vos problèmes matériels et moi je m'occuperai du reste.
Elle pointe son index vers le ciel et lui fait faire un léger cercle.
- Vous allez revoler, mon Colonel.
Hôpital Percy, SMPCAA (Service Médical Psychologie Clinique Appliqué à l'Aéronautique), 2011
19:19 Publié dans ALAT, Aviateurs, Rwanda, SSPT | Lien permanent | Commentaires (0)
10/11/2017
« La naissance d’un pilote – L’enfant qui rêvait d’un Mirage », LCL Marc Scheffler, EC3/3, EC2/3, EPAA, éd. Nimrod
Extraits et photos publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur. Droits réservés.
Il n'y a qu'une façon d'échouer,
c'est d’abandonner
avant d'avoir réussi.
Georges Clémenceau
Il est bien connu que plus on s’en approche, plus un mirage s’éloigne. Il existe cependant des exceptions…
Avec « La naissance d’un pilote », comme un prequel à son remarquable « La guerre vue du ciel », Le Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler revient sur toute la période de sa vie allant des rêves d’un ado à la chambre décorée de posters de Mirage, à son installation effective dans le cockpit d'un 2000D. Et ce ne fût pas facile… Révisions-nuits-blanches de la « prépa » ; virilité des relations au sein de l’Ecole de l’Air ; stress et sueur pour maîtriser ses montures, Tucano et Alphajet ; épuisants « jeux » de chat et de souris aériens avec des instructeurs intraitables ; toutes les étapes qui ont fait du damoiseau un chevalier du ciel.
Récit brillant qui se lit comme un roman d'aventure, aidé par des dialogues percutants (marque de fabrique de l’auteur). Une leçon de vie aussi, celle d’un rêve accompli à force de volonté, courage et abnégation. Absolument passionnant.
Un feulement lointain résonne dans les vallées. J’embrasse du regard toutes les montagnes environnantes. J’aperçois soudain des éclats traînant de minces filets gris. Trois petites flèches sombres disposées en triangle se dessinent au-dessus des sommets et virent vers nous. Un trio de Mirage F1 nous rase dans le rugissement des réacteurs. Je les regarde, rêveur, s’éloigner sur l’horizon.
Marc Scheffler ; accueil « musclé » par les anciens, à l’école des Pupilles de l’Air en 1991
- Tes résultats en maths sont catastrophiques. Tu n’as pas le niveau pour suivre une Maths sup, je ne parle même pas de Maths spé. La Fac ouvre ses portes dans quelques semaines. Tu as encore le temps de t’inscrire et d’arrêter ta « Sup » maintenant.
- Nous ne sommes qu’au tout début de l’année…
- Crois-en mon expérience, tu n’iras pas dans la classe supérieure. Vous êtes une soixantaine, nous n’en garderons qu’une quarantaine.
- Je vais progresser, laissez-moi…
- De tout façon, tu n’auras aucune chance aux concours !
1991, « prépa » aux Pupilles de l’Air
Marc Scheffler à Ecole de l’Air, 1994
Le vol, c’est avant tout beaucoup de travail au sol, à emmagasiner et à digérer de la théorie (….) Pour réviser, je me suis construit une cabine de Tucano « made in Marco ». Sur des panneaux en contreplaqué j’ai collé des impressions en couleur de la planche de bord et des banquettes latérales. J’ai poussé le détail jusqu’à reproduire la manette de gaz et à rallonger le manche d’un joystick à l’aide d’un tuyau en pvc. Une simple chaise fait office de siège éjectable et j’ai installé un « flight simulator » sur mon Commodore 64 relié à une bonne vieille télévision cathodique. C’est là que le soir, reproduisant les gestes, je grave dans ma mémoire toutes les procédures (…) Je rabâche les actions réflexes jusqu’à en rêver la nuit.
1994, Ecole de l’Air
Marc Scheffler dans son Tucano, Ecole de l’Air, 1994
Un élève du 1er escadron vient de se faire arrêter de vol et la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre. Pour prendre la température, nous nous rassemblons autour de Ranx, l’une des vedettes de l’unité.
- On n’est pas des bouchers. Si le gars en vaut la peine, on est forcément plus bienveillant. Après, s’il se ramasse complètement, il y a un moment où tu ne peux plus rien faire pour lui (…) On lui laisse une chance, mais s’il se croûte une deuxième fois, on se dit que le jour où il fait ça avec quatre-vingt paras derrière, ça peut mal se terminer (…) Avec notre expérience, on doit vous aider, vous former et décider. On préfère ne pas prendre le risque avec un jeune plutôt que de le voir échouer ensuite, ou pire, se tuer plus tard. C’est dur à entendre pour vous, mais c’est la réalité.
Le discours paraît soudain rude et froid. Conscient que ce n’est pas le message qu’il veut faire passer, Ranx s’empresse d’ajouter :
- Mais ne pensez pas à ça. Foncez, donnez tout ce que vous avez, l’Armée de l’Air a besoin de bons mecs qui se tirent les doigts du cul pour réussir.
Tucano de l’Ecole de l’Air, atterrissage en patrouille serrée ; 1994
[Décollage prématuré…]
Nous sommes alignés sur la piste. Dans un balancement franc de la tête d’arrière en avant, Tong vient toucher sa poitrine avec son menton et libère son Tucano. Sans réfléchir, je l’imite…
- WOW ! WOW ! WOW ! s’écrie Carlis derrière moi, on n’en est pas encore au décollage en patrouille serrée !
Meeeeerrrrrrde ! Je devais décoller dix secondes derrière ! Réflexe, je me jette sur les freins.
- Relâche, relâche ! Hurle Caris, maintenant qu’on est partis, on continue. Tu restes à côté de lui sans converger.
Nos Tucano s’élèvent côte à côte. Une fois remis de sa surprise, Tong lance d’un ton moqueur :
- On ne me l’avait jamais faite celle-là…
1997, Ecole de l’Air
Debriefing, Ecole de l’Air, 1994
De retour dans le box de débriefing, je m’attends à une sérieuse remontée de bretelles (…) Boubou m’expose en détail mes lacunes et conclut :
- Tu dois travailler ta rigueur et ta précision en pilotage, anticiper, analyser et percuter plus rapidement sur l’avion, la radio, etc. C’était mieux à la fin ; au départ, tu étais complètement à la rue …
- J’ai eu du mal…
- Il y a quatre mots de trop ! A la prochaine remarque, je te sors du box à l’horizontal. Sois tu écoutes et tu apprends, soit tu vas aller faire autre chose.
Février 97, Ecole de l’Air
Vol en formation ; Ecole de l’Air, 1994
- Allez Claudia, à toi !
J’empoigne le manche et la manette des gaz. Immédiatement, le Tuc se met à s’agiter. Comme je suis crispé, mes va-et-vient aux gaz sont trop amples et mes coups de manche trop appuyés. Presque à le toucher, le Tucano de Tong danse à quelques mètres devant moi.
- Compense l’appareil, souffle un peu et remets-toi en position souplement, me conseille Caris.
Je bataille sans réussir à trouver le bon dosage sur les gouvernes. Dès que je me rapproche trop, nos deux Tucano se repoussent comme des aimants. Mon leader ne me lâche pas des yeux, prêt à dégager si je m’approche trop. Trop prêt, je suis dangereux. Trop loin, je ne suis pas en place. Mon espace vital s’est soudain rétréci. Jusque-là je n’avais évolué que seul et le ciel était à moi. Là, pendant dix minutes, je fais l’accordéon avec l’avion de Tong. Caris tente de dédramatiser :
- Commence par te calmer un peu, j’entends ton souffle saccadé et j’ai l’impression de voler derrière un asthmatique…
Mai 1997, Ecole de l’Air
Marc Scheffler « sur le toit »
Mon Gadget vibre, à la limite de la perte de contrôle. Tassé sur mon siège par le facteur de charge, je résiste. Le monde tournoie à toute vitesse, en blanc et bleu. Par instants, ma vision se voile. Le cœur dans les chaussettes, les manettes de gaz « dans le phare », j’ai attrapé le manche à deux mains pour lui emboîter le pas et me coller dans son sillage, le plus près possible. Ne pas se laisser distancer, ne pas se laisser déphaser.
Puisqu’il ne parvient pas à se débarrasser de moi, Dalvi change de tactique. Il fonce en bordure de grosses volutes blanches et rondes et s’enroule autour à pleine vitesse. Je le perds quelques secondes avant de le retrouver derrière presque à la verticale, accroché au flanc cotonneux. Tu ne vas pas me baiser aussi facilement ! D’une traction virile, je repars à sa poursuite.
Mars 1998, Ecole de l’Air
Marc Scheffler dans son Alphajet, Ecole de Guerre 1998
Je comprends que Kaman a l’intention de me donner une bonne correction. Piqué au vif, je m’agite en cabine pour retrouver ce putain d’enfoiré… Je m’agrippe à la poignée gauche de la verrière afin de m’aider à tourner encore plus mon buste vers l’arrière, presque à me démancher le cou. Ma nuque me tiraille, j’en chie de plus en plus. Il réapparaît enfin, légèrement plus bas, en retrait, et remonte, le nez pointé vers moi. Il est offensif, en position favorable, et va durcir le combat. Je suis défensif, me voilà contraint à chercher une porte de sortie pour me débarrasser de mon poursuivant et éviter une mort virtuelle. Mais j’ai l’avantage de l’altitude. Mâchoire serrée, je vire en plongeant vers lui et ruiner ses espoirs de me trouer.
Septembre 1998, Ecole de l’air
Je rentre de mon dernier vol sur Alphajet. Mes oreilles sont pleines du bourdonnement du vol et ma tête est encore à des milliers de pieds au-dessus du sol. Pendant une poignée de secondes, je reste là, assis dans mon cockpit, encore coupé du monde par mon casque. Je regroupe calmement les affaires, cartes et documentation diverse et descends de l’avion. Jamais l’air ne m’a paru plus léger.
Novembre 1998, Ecole de l’Air
***
Le Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler entre à l’Ecole de l’Air en 1994, promotion « Lieutenant Pierre Soubeirat ». Il a servi au sein de l’EC 3/3 « Ardennes » et de l’EC 2/3 « Champagne » à Nancy-Ochey comme pilote de Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol. Il a participé à onze détachements opérationnels dont Ex-Yougoslavie, Tchad (2 fois) et RDC, Afghanistan (5 fois) et Lybie (2 fois), cumulant 4700 heures de vol, dont près de 2 200 sur Mirage, et plus de 150 missions de guerre.
Après 10 ans en escadron de Chasse et 6 ans à l’Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air (EPAA), il a été appelé à d’autres fonctions au sein de l’armée de l’Air.
Avec nos camarades Marco et l'éditeur Nimrod au Salon du Livre de Paris 2017
Marc est auteur de deux récits « La guerre vue du ciel », abordé ici, et « La naissance d’un pilote ».
« Naissance d’un pilote – L’enfant qui rêvait d’un mirage », LCL Marc Scheffler
ISBN 978-2915243697 - Prix 21€ - Format 23x15, 244 pages, cahier-photo couleur
Aux éditions Nimrod, disponible ici.
***
Hommage
A tous les aviateurs morts pour la France, au combat et en service commandé,
Aux blessés.
A tous ceux qui transmettent leur savoir aux aiglons.
Monte sans peur vers le soleil.
Le sol pour toi n'est qu'une escale
Et ton royaume, c'est le ciel.
Chant de tradition de l’Ecole de l’Air
***
Je me relâche. Derrière nous, le paysage et la civilisation s’éloignent. Aucune vibration. Je me sens soudain libre, en équilibre au-dessus du vide. Mon cockpit prend des allures de terrasse panoramique. Les champs ne sont plus qu’une mosaïque de carrés verts et jaunes, les lacs deviennent des taches d’encre sur le dégradé vert des forêts. Les routes ne sont bientôt plus qu’un enchevêtrement de veinules grisâtres, la Loire et ses affluents de longs serpentins bleus. Et moi, je suis suspendu dans le ciel, avec pour seul souci de réussir ma mission. Un sentiment extraordinaire m’envahit, un mélange indescriptible de griserie, de plénitude et d’évasion totale.
A part nous, qui peut vivre ça ?
LCL Marc « Claudia » Scheffler
10:57 Publié dans Aviateurs, Ecoles, Cadets, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
08/10/2015
« Les Chemins de Diên Biên Phu », Franck Mirmont, Heinrich Bauer, 2e BEP, Jean Carpentier, 28F, Jean Guêtre, CNV 45, Pierre Latanne, 5e BPVN, Bernard Ledogar, 6e BPC, Jean-Louis Rondy, 1er BEP. Ed. Nimrod.
Extraits et photos (*) publiés avec l’aimable autorisation des auteurs et des éditions Nimrod. Droits réservés. Merci de nous consulter si vous souhaitez en réutiliser.
Ce sera une guerre entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s'arrête, l'éléphant le transpercera de ses puissantes défenses. Seulement le tigre ne s'arrêtera pas. Il se tapit dans la jungle pendant le jour pour ne sortir que la nuit. Il s'élancera sur l'éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux puis il disparaîtra à nouveau dans la jungle obscure. Et lentement l'éléphant mourra d'épuisement et d'hémorragie. Voilà ce que sera la guerre d'Indochine.
Ho Chi Min
Les grandes batailles - en premier lieu les grandes défaites - finissent toujours par s’inscrire dans l’imaginaire collectif parées d’une aura opéra-tragique-aux-accents-wagneriens. Diên Biên Phu ne fait pas exception à la règle : L’Indochine et son mal jaune ; des paras pain-pour-les-canards ; un ange prénommé Geneviève ; des collines-holocaustes portant des noms de fiancées, « Anne-Marie », « Eliane », « Huguette » ; des prisonniers « walking dead »…
Nous inscrivant dans cette dynamique, nous aurions pu aborder le livre de Franck Mirmont et de ses six co-auteurs vétérans d’Indo en mode « romantique » : parachutage charge-chevaleresque à l‘Azincourt, corps à corps à-coup-de-pelle-bêche à l’Alésia, dernier carré on-vous-em* à la Waterloo, crépuscule d’un Empire à la Sedan. Cela aurait certainement « fonctionné » car tout cela est compris dans cette bataille. Cependant, nous l’aurions vécu comme une forme de malhonnêteté : c’est que, voyez-vous, « Ceux de Diên Biên Phu » - en tous cas les rares survivants des combats et des camps - sont là. Nous avons eu l’honneur de croiser leurs regards. Nous avons écouté leurs silences. Nous avons lu « Les Chemins de Diên Biên Phu ». Alors, nous renvoyons tout romantisme aux calendes thermopyliennes pour prendre à notre compte leur part d’effroi, ce qu’eux-mêmes vivent toujours, au jour le jour, 60 ans après ; de prendre notre part de « cela ».
Avant de prendre contact avec chacun de ces « anciens », je ne savais rien de leur vie ni de leurs opérations. Je n’avais pas cherché à rencontrer des héros, des guerriers ou des soldats d’exception. Je voulais juste parler de « gens ordinaires » que le destin avait projetés au cœur de la guerre d’Indochine. J’ai découvert combien la route qu’ils avaient parcourue avait été longue. A plusieurs reprises, ces « gens ordinaires » avaient été confrontés à des événements ou à des drames extraordinaires. A ce que le légionnaire hongrois résumait d’un simple mot : « cela » ; un mot qui lui faisait baisser la tête et noyait ses yeux tant il refermait à lui seul de souvenirs et de violence.
Franck Mirmont
PC du COL Gaucher, 13e DBLE. © Nimrod/Rondy
Le Général Cogny réclame le silence.
« Vous allez être parachutés au-dessus de cette zone reproduite ici en miniature et qui se situe à 300 kilomètres à l’ouest d’Hanoï. Il s’agit de réoccuper cette région au cœur du pays thaï, vide de toute présence française, et d’y créer une base aéroterrestre, un bon point d’amarrage à partir duquel l’Armée pourra rayonner et contrôler, sinon empêcher, les déplacements du Viêt-Minh (…) Imprégnez-vous de la géographie du lieu, de sa topographie, des emplacements et des points caractéristiques qui vous aideront à vous repérer en arrivant au sol.
Un dernier mot. Cette zone a pour nom Diên Biên Phu. »
Lessive dans la rivière Nam Youm. © Nimrod/Rondy
La troupe prend ses habitudes. Très tôt le matin, après la petite sortie équestre à travers le cantonnement du Lieutenant Decours, excellent cavalier, qui a récupéré un petit cheval thaï, c’est le départ vers le « chantier » [construction du camp retranché]. A midi, pause casse-croûte avec le monotone ordinaire de Fleury Michon, jusqu’au jour où, lassé de manger l’éternel bœuf-carottes ou mouton-haricots des boîtes de rations, le caporal-chef F. fait la surprise de ravitailler la section en viande fraîche et de servir de bons biftecks grillés appréciés par tous, même par le Lieutenant Decours. Et ce dernier, d’une naïveté désarmante, se désolera de ne plus trouver son cheval, qu’il ne reverra jamais – et pour cause.
Le médecin Lieutenant Rondy sur l’épaisse couche de remblais constituant le toit de son infirmerie-blockhaus, construite solidement à son initiative, suscitant quelques moqueries (A quoi bon ?). Une des rares constructions du camp à avoir résisté au bombardement viêt-minh. © Nimrod/Rondy
Ignorants du danger qui couve, les officiels viennent se faire prendre en photo à Diên Biên Phu avant de s’émerveiller devant les camps de tente, les alvéoles à découvert de l’artillerie lourde, la piste d’atterrissage et ses avions parfaitement alignés ou encore les quelques abris creusés qui résistent parfaitement aux infiltrations de pluie, mais dont la structure ne saurait arrêter un obus.
(…)
Au cours de cette même période, les tirailleurs annamites reçoivent un nombre incroyable de télégrammes les rappelant dans leurs foyers, pour des raisons de santé. Un père est malade, une mère est souffrante, une grand-mère est en train d’accoucher, une tante est mourante… Parallèlement, les paysans thaïs de la vallée commencent à prendre le large. Au fil des jours, des villages entiers se vident et finissent par être complètement désertés.
Un C119 de transport détruit lors des premiers bombardements. © Nimrod/Rondy
17h10, l’artillerie viêt délivre toute sa puissance de feu. Une véritable grêle d’obus s’abat sur le camp avec précision et de manière ininterrompue. Lorsque les premières salves tonnent, les légionnaires du 1er BEP sont tout d’abord persuadés qu’il s’agit de l’artillerie du point d’appui Isabelle qui a ouvert le feu au sud, tant cette densité de feu leur semble impossible du côté viêt-minh. Mais il faut rapidement se rendre à l’évidence puisque ces tirs pulvérisent leurs propres positions. Les obus tombent par paquets de quatre ou de huit pour une efficacité maximale, à raison d’une dizaine d’obus à la minute pendant plusieurs heures. Plusieurs avions qui n’ont pas le temps de décoller sont foudroyés dans leurs fragiles alvéoles. Un dépôt d’essence s’embrase. L’intensité du feu continue d’augmenter dans un crescendo incroyable jusqu’à ce que la nuit tombe en se teintant de lueurs rouges.
Tandis que le C119 brûle en arrière-plan, les véhicules et les infirmiers ramassent les blessés. © Nimrod/Rondy
Jean-Louis Rondy voit apparaître les premiers « fantômes » de Diên Biên Phu. Ces hommes au visage hagard et au treillis déchiré ou ensanglanté sont les rares légionnaires du 3e bataillon de la 13e DBLE à avoir échappé à la chute de leur point d’appui Béatrice, submergé vers 2 heures du matin à l’issue de combats au corps à corps venus solder cinq assauts successifs. Moins d’une vingtaine d’hommes, sur plus de 400, ont survécu aux vagues de bodoïs [fantassins viêt-minh] qui sont venues s’échouer contre leurs barbelés.
[Le Légionnaire Matzke] a reçu une balle en plein visage qui lui a arraché la moitié de la mâchoire et les caillots de sang qui se forment dans sa gorge risquent désormais de l’étouffer. Le médecin lieutenant Rondy réagit tout de suite. Il sort un fil et une aiguille de sa trousse de secours, perce la langue du blessé et relie celle-ci au treillis de l’homme en tirant sur le fil afin que la langue pende en dehors de la gorge sans entraîner d’étouffement. Le lieutenant Desmaizières, qui assiste à la scène, interroge Rondy sur les soins qu’il vient de prodiguer.
« Il ne fallait surtout pas qu’il avale sa langue ».
[trois jours plus tard]
Alors que Desmaizières se redresse, un obus éclate devant lui. Il s’effondre, porte machinalement la main à son menton et constate que celui-ci a disparu. Sa bouche n’est plus qu’un immense trou, la peau de ses joues déchiquetées pend dans le vide. Il repense alors au geste qu’a fait le médecin lieutenant Rondy quelques jours plus tôt et il tire sur sa langue pour ne pas s’étouffer avec le sang ou les éclats de dents qui inondent sa gorge. Il rejoint un des chars d’appui tout en trouvant la force d’aider un légionnaire à l’épaule fracassées à avancer.
[il sera évacué dans un des derniers avions sanitaires à quitter le camp].
La saison des pluies arrive, transformant les positions et leurs maigres abris en véritables bourbiers. Tout commence à manquer. Les hommes sont en guenilles, d’autres ont vieilli d’un seul coup et d’autres encore ne sont plus capables de résister à la fatigue. Les têtes sont vides, les corps sont épuisés. Un jour, Bernard Ledogar découvre une boîte de ration qu’il dévore aussitôt, tant sa faim est grande. Son repas achevé, il s’endort dans son trou avant d’être bientôt réveillé par une sensation étrange. La boue dans laquelle il est couché semble prendre vie. Des frissons lui parcourent le corps, comme autant de caresses légères et glacées. Il s’agit d’une myriade d’asticots qui viennent d’être libérés par l’explosion du ventre gonflé d’un cadavre, emprisonné dans une gangue de boue, sur lequel il s’était endormi sans s’en rendre compte.
Charge de « bodoïs », image de propagande.
Les explosions des obus laissent la place à quelques coups de sifflet ou sonneries de trompe. C’est le signal adressé aux bodoïs pour qu’ils montent à l’assaut (…) Il faut les laisser venir jusqu’à mi-pente de la colline, attendre l’ordre d’ouverture du feu, garder les poings serrés contre la crosse du fusil-mitrailleur ou le doigt contre la détente tout en espérant que les barbelés fourniront les quelques précieuses secondes nécessaires pour ralentir cette marée humaine et provoquer des ravages dans ses rangs.
(…)
A peine les chargeurs sont-ils vidés qu’ils sont aussitôt remplacés pour que les armes puissent rependre leur assourdissant staccato. Les canons des armes chauffent rapidement, à tel point que cette chaleur se propage jusqu’aux chargeurs qui en viennent à bruler les mains des soldats lorsqu’il leur faut les remplacer. Bernard Ledogar tire, tire et tire encore. Il a l’impression que son FM va lui exploser à la figure tant le canon rougeoie dans l’obscurité. Il voudrait bien pisser dessus pour le refroidir, mais il n’en a pas le temps (…) Il a beau tirer, rien ne paraît ralentir l’avancée de l’ennemi. Bientôt, il est à court de munition (…) Bernard Ledogar empoigne sa pelle-bêche.
Photo ECPAD/Daniel Camus via éd. Nimrod
Un silence de mort règne dans l’abri, avec pour seuls sons insoutenables le grincement lancinant des dents de scie sur la jambe. Subitement, le médecin lieutenant Madelaine ralentit le rythme de son mouvement.
« Heinrich, tu continues ».
Le sergent Bauer s’interroge quelques instants mais, sans poser de question, il prend le relais du médecin en même temps qu’un infirmier le remplace pour continuer à immobiliser le blessé. Tandis que le sergent poursuit l’opération restée en plan, le médecin lieutenant Madelaine va s’adosser contre une paroi de l’abri. Il exhale un long soupir, sort un paquet de cigarettes de sa poche et en allume une. Il tire une première taffe, ferme les yeux en recrachant lentement la fumée, puis renouvelle son geste machinalement.
Le 7 mai, après les grondements de l’artillerie ennemie qui n’ont cessé de se faire entendre dans toute la plaine, un grand silence vient recouvrir le camp comme un linceul.
***
Prisonniers de Diên Biên Phu
Bernard Ledogar s’inquiète de sa blessure au bras. Il n’avait jamais osé soulever le chiffon faisant office de bandage jusque-là, mais la plaie lui occasionne désormais des démangeaisons insupportables et il se résout à défaire le pansement pour voir ce qu’il y a dessous. L’odeur de putréfaction qui émane de la plaie lui fait craindre le pire. Alors qu’il déroule la bande de tissu, un flot d’asticots s’échappe de sa blessure pour tomber par terre.
Jean Carpentier prisonnier au camp 42 (photo issue d’un film de propagande viêt-minh)
Les trois viêts semblent hésiter un moment sur la manière d’utiliser cet appareil, puis ils se décident. Le nouveau venu s’empare des câbles électriques s’achevant par une pince crocodile et vient fixer celle-ci sur l’un des testicules de Jean Carpentier. Il n’y a cependant pas de ressort sur cette pince et l’homme décide d’en refermer les mâchoires de manière artisanale. Il l’enroule dans un fil électrique qu’il passe ensuite autour d’une tige de fer, puis fait tourner cette tige sur elle-même afin de resserrer la pression sur les mâchoires. La douleur se fait de plus en plus grande, emprisonnant le testicule, l’écrasant, puis finissant par le broyer subitement, à la manière d’une coquille d’œuf.
Pour s’assurer qu’un malade est bien mort, il suffit de constater l’immobilité du corps lorsque les mouches viennent pondre dans les plaies, la bouche ou les narines du cadavre. Chaque fois que cela est possible, et tant que l’odeur de putréfaction ne vient pas chasser celles des diarrhées ou de vomissures, les infirmiers gardent les cadavres deux ou trois jours de manière à disposer de quelques rations de riz supplémentaires qui leur auraient été servies de leur vivant. Ces morts ne sont enterrés que lorsque l’odeur devient vraiment trop insupportable.
Jean Carpentier se sent totalement vidé, dépourvu de toute force physique et morale. Il ne voit plus désormais aucune lueur d’espoir, rien qu’un horizon noir peuplé de fantômes décharnés et dévorés par la vermine. Il éprouve une envie irrésistible de se laisser couler, de disparaitre pour ne plus sentir ses boyaux se tordre sous l’effet de la faim, ne plus affronter l’innommable, ne plus espérer en vain, simplement fermer les yeux et oublier.
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Franck Mirmont est le pseudonyme d’une personne bien connue dans le monde de la littérature militaire. Il ne souhaite pas se mettre sur le devant de la scène, nous respecterons ce vœu.
Heinrich Bauer est né en 1930 à Kassel en Allemagne. Elevé dans une « Napola » (les Nationalpolitischen Erziehungsanstalten, internats de l'enseignement secondaire destinés à former l'élite de l’Allemagne nazi), errant de ferme en ferme à la fin de la guerre, il intègre comme nombre de ses compatriotes la Légion. Sergent infirmier, parachuté sur Diên Biên Phu avec le 2e BEP, prisonnier, il survit aux camps. Il quitte la Légion en 1955.
Jean Carpentier naît en 1931 dans la région d’Amiens. Engagé dans la Marine en 1948, il est formé à l’école des apprentis mécaniciens (« Les Arpettes »). Mécanicien volant de la flottille 28F sur Privateer, son avion est abattu lors d'une nouvelle mission sur Diên Biên Phu. Fait prisonnier, il est torturé dans les camps et en conserve de graves séquelles. Il quitte le service actif en 1965, se reconstruisant psychologiquement grâce au soutien de sa chère Josette.
Jean Guêtre est né en 1920 à Amiens. Engagé dès 1939 au 2e RCA, il débarque à Toulon avec la 1er RCuir. Après la reconquête de la France, il est blessé en Autriche. ADC en Indochine il combat dans le delta tonkinois avec le Commando Nord-Vietnam 45 puis 32 « Senée », tentant de desserrer l’étau sur Diên Biên Phu. Jean Guêtre est malheureusement décédé avant le projet de livre, mais avait pris soin d’écrire ses souvenirs et les transmettre à ses enfants.
Pierre Latanne naît en 1929 à Lourdes. EOR, il rejoint successivement les 18e RIPC et 3e BPC. Sous-Lieutenant du 5e BPVN, il est parachuté à deux reprises sur Diên Biên Phu, la seconde fois en plein combat. Gravement blessé, il survit aux camps et poursuit sa carrière dans l’Armée, en particulier au SDECE (Contre-Espionnage) qu’il quitte en 1990 avec le grade de Général.
Bernard Ledogar est né en 1933 en Alsace. Engagé en 1953 au 6e BPC, il est parachuté sur Diên Biên Phu. Force de la nature, combattant valeureux maniant la pelle comme arme de corps à corps, blessé plusieurs fois, il est fait prisonnier et survit aux camps. Il quitte l’armée après la guerre d’Algérie.
Jean-Louis Rondy naît en 1926 à Paris. Il fait le coup de feu en 1944 contre l’occupant et s’engage dans la foulée au Régiment de Marche du Tchad avec lequel il fait la campagne d’Allemagne. Intégrant Santé Navale, il est le médecin du 1er BEP à DBP. Survivant des camps – il pèse 43kg à sa libération - il poursuit sa carrière dans l’Armée, notamment en Afrique.
Conférence (passionnante !) au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan – De gauche à droite le COL Rondy, le SGT Bauer, l’éditeur Nimrod. © UPpL'E
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ISBN 978-2915243628 – Prix 23€ – Format 23x15, 576 pages, cahier-photo
Aux éditions Nimrod, disponible ici.
Le livre est utilement complété par un essai du même auteur : « La Guerre d’Indochine vue par la CIA ».
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Avec le COL Rondy et le SGT Bauer au Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan 2015. © UPpL'E
Nous tenons à remercier l’auteur qui nous a mis dans la confidence de son projet dès sa genèse (l’œuvre de sa vie, dixit J), nous donnant l’impression de faire partie de l’aventure (nous avons même tenté d’aider à fouiner dans les archives russes sur DBP (Natachenka a ses entrées J)). Nous n’oublierons pas nos déambulations dans Coët’ aux côtés des beaux Légionnaires Jean-Louis Rondy et Heinrich Bauer, se tenant bien droits, recevant, sourire espiègle et regard pétillant, les hommages des Cadets. Nous nous souviendrons de cette longue et touchante conversation avec Jean Carpentier et sa chère Josette. Nos pensées vont vers Pierre Latanne, dont le témoignage est déchirant ; et vers Jean Guêtre, qui veille désormais sur nous et doit être fier de ses descendants qui ont œuvré pour le devoir de mémoire en partageant ses écrits. Et nous allons conserver précieusement notre livre collector car dédicacé par les cinq co-auteurs survivants (superbe cadeau-surprise des éditions Nimrod qui savent à quel point leur attention nous a touchés) avec une mention spéciale pour Bernard Ledogar, dont l’écriture n’a jamais été le fort, mais a tenu à nous manifester son amitié – certainement l’une des plus belles dédicaces de notre milibibli.
Avec le COL Rondy et le SGT Bauer lors de la remise du prix des Cadets 2015, Saint-Cyr Coëtquidan. © UPpL'E
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Hommage
Aux morts pour la France à Diên Biên Phu et partout ailleurs en Indochine,
Aux victimes de la barbarie viêt-minh dans les camps [taux de mortalité des prisonniers : 70%]
Aux blessés physiques et psychiques,
A tous les combattants de l’Union Française.
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Le 4 octobre 2013, le général viêt-minh Võ Nguyên Giáp, vainqueur de Dien Bien Phu, disparaissait. Le ministre français des affaires étrangères lui a rendu un vibrant hommage :
J’ai appris avec émotion le décès du Général Giap. Ce fut un grand patriote vietnamien, aimé et respecté par tout son peuple pour le rôle éminent et fondateur qu’il a joué pour l’indépendance de son pays.
Il était profondément attaché à la culture française et parlait d’ailleurs parfaitement notre langue. Le Général Giap fut un grand patriote et un grand soldat. Alors que la France et le Vietnam sont devenus désormais des partenaires stratégiques, je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille et au peuple vietnamien.
Nous nous réjouissons, nous aussi, de la réconciliation franco-vietnamienne.
Cependant, il nous semble que le ministre aurait dû modérer son éloge funèbre d'un « mais cela ».
Survivant de Dachau ? Non. Survivant des camps viêt-minh.
Il n’y a qu’une seule chose qui permette à Jean-Louis Rondy de rester en vie. Un sentiment de haine absolu envers ces fanatiques qui, au nom de leur lutte pour l’indépendance et la liberté, cherchent précisément à éradiquer toute indépendance d’esprit et liberté de penser. Il lui arrive parfois de songer au camp de Dachau qu’il avait approché fin avril 1945. Une autre guerre, un autre monde, une autre horreur absolue. Mais au moins, les gardes des camps de concentration n’essayaient pas de convaincre leurs prisonniers de crier « Heil Hitler ! » tandis qu’ils les précipitaient vers la mort.
Franck Mirmont, Les Chemins de Diên Biên Phu.
© Blog Milittéraire - Une Plume pour L'Epée. (*) Certaines photos sont issues du Net, sans que nous ayons été en mesure de retrouver les ayant-droits.
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04/09/2015
Marin sur les fleuves d'Indo & pilote de Corsair en Algérie, chef des FS au Kosovo, Commissaire des armées en CdI, valeureux Poilus et déroute djihadiste au Mali
Poursuivons la visite de notre bibliothèque militaire, entamée ici.
Cette fois-ci, nous revivons les combats d’un grand-ancien d’Indochine et d’Algérie. Nous accompagnons au Kosovo le chef des Forces Spéciales françaises et en Côte d’Ivoire un Commissaire des Armées. Nous visitons la base de Nancy-Ochey, tanière des Muds alias Mirage 2000D. Nous nous posons des questions sur nos valeureux Poilus et nous concluons, grâce à l'assistant militaire du chef des opérations terrestres de Serval, avec la brillante victoire de nos soldats sur les djihadistes au Mali !
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« De Saïgon à Alger », LV Bernard Bachelot, Dinassaut 6, 14F, 12F
LCM en patrouille fluviale, Indochine
Certains hommes se sont finalement endormis couchés les uns sur les autres. A la surface du fleuve, l’eau phosphorescente scintille. Les remous font danser le reflet des étoiles et les lucioles transforment un palmier en arbre de Noël. Un souffle d’air fait vibrer le feuillage. Ce frémissement provoque un malaise. Et toujours le croassement lancinant des crapauds-buffles. Les guetteurs viets, tapis dans ces branchages, doivent écouter le passage du convoi. Les oreilles se tendent. Le bruit sourd d’un tam-tam. Est-ce la peur ? Non, le rythme est plus net maintenant : les Viets donnent l’alerte. Deux coups brefs, un coup sourd. Pam, pam, poum… pam, pam, poum… Les doigts se crispent sur les armes.
Corsair de la 14F partant en mission depuis la base de Telergma dans le Constantinois, Algérie. Photo Bachelot
Le napalm s’enflamme à une vingtaine de mètres au-dessus de la grotte. Bien décidé à réussir ma deuxième attaque, je garde une ligne de vol parfaitement horizontale et attends « le plus tard possible ». J’appuie sur le bouton et tire violemment sur le manche. Le sommet de la falaise apparaît au-dessus du nez de mon appareil, trop haute me semble-t-il pour être franchie. Trop près de la montagne, je ne peux dégager en virage. En un mouvement reflexe, je pousse à fond la manette de gaz et accentue fortement ma pression sur le manche. Ma cellule se met à vibrer violemment, je suis à la limite du décrochage. La falaise fonce sur moi.
L’exode, Alger, 1962.
Un choc, une blessure. En cet instant ma vie bascule. Un monde – le mien – s’effondre. Des valeurs essentielles auxquelles j’avais appris à croire et à être fidèle – patriotisme, honneur, parole donnée… - ont toutes été violées. Ne sont-elles plus désormais respectables ? Terrible déception qu’accompagne un sentiment de révolte qui, des années durant, me rongera et qui, 45 ans après, reste encore vivace.
« De Saïgon à Alger » par le Lieutenant de Vaisseau Bernard Bachelot, EN48. Un monsieur discret, rencontré lors du salon des écrivains-combattants 2013, et pourtant un grand ancien : il a combattu de 51 à 53 sur les fleuves de Cochinchine, au sein de la Dinassaut 6, Flottille Amphibie Indochine Sud, avant de devenir pilote de l'Aéronavale, flottilles 14F puis 12F dont il prend le commandement. Formé aux Etats-Unis, c'est aux commandes de son Corsair qu'il intervient lors de la campagne de Suez puis de la Guerre d'Algérie - époque déchirante pour lui, Bernard étant pied-noir, amené à bombarder sa propre maison de famille… L'issue du conflit sonnera d'ailleurs le glas de son engagement militaire. Très beau récit.
Aux éditions L'Harmattan, disponible ici.
Avec le LV Bernard Bachelot au Salon des Ecrivains-Combattants 2013
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« L’Europe est morte à Pristina », COL Jacques Hogard, Légionnaire
Miliciens de l’UÇK [milice indépendantiste Albano-Kosovare]
Une embuscade vient d’être déclenchée par l’UÇK sur un convoi de civils serbes, deux cents tracteurs emportant hommes, femmes et enfants, sur la route reliant Pec à Mitrovica. Je fais effectuer une reconnaissance par un hélicoptère armé qui me rend compte de la position des éléments de l’UÇK. Je lui demande alors de tirer quelques rafales de semonce afin de les contraindre à décrocher et cesser cette agression inqualifiable sur des civils armés.
Quelques minutes plus tard, je suis, à ma très grande surprise, appelé à la radio par le Général britannique Mason qui m’enjoint de faire cesser les tirs contre ses SAS ! Je réalise alors que les éléments de l’UÇK qui se livrent à cette embuscade (…) sont encadrés – au minimum accompagnés- par mes « frères d’armes » des Forces Spéciales britanniques…
« L’Europe est morte à Pristina » par le COL Jacques Hogard, Légionnaire, commandant le groupement interarmées des Forces Spéciales françaises au Kosovo, GIFS « Grakaniko », vétéran du Rwanda dont il a tiré un premier récit « Les larmes de l’honneur », que nous avons abordé ici.
Dire que le conflit au Kosovo a été « compliqué » est un euphémisme, l’implication occidentale pouvant (devant) faire débat. Jacques ne s’en prive pas, battant en brèche certains choix militaro-politiques Otaniens [il démissionnera d’ailleurs de l’Armée après cette OPEX]. L’Histoire jugera. En attendant, nous ne pouvons qu’espérer que les communautés serbe et albanaise trouvent le chemin d’une coexistence pacifique… Et souvenons-nous des neuf soldats français morts au Kosovo, entre 2000 et 2009. Hommage à eux et aux blessés.
Aux éditions Hugo Doc. A commander chez votre libraire ou sur le Net.
Avec le COL Jacques Hogard, notamment après sa conférence sur le Kosovo à l’IDC en mai 2014
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« La nuit africaine », Commissaire des armées (CNE) Julien Eche
La Vierge aux larmes de sang, œuvre de Sandre Wambeke inspirée du livre de Julien Eche
Les Français nous prennent pour des gosses souriants : l'Afrique heureuse, qu'ils disent. Un peu comme si nous n'étions pas assez civilisés pour avoir l'air grave. C'est qu'ici, jeune homme, nous savons dès la naissance que nous sommes mortels comme tous les hommes, et que la finalité, c'est la cendre. Alors la vie doit être heureuse, joyeuse, rythmée et agréable.
Vous autres Blancs, imaginez repousser sans cesse la mort, elle entre par trop en considération dans vos calculs ; il n'y a pour vous que l'épargne d'une vie, la position sociale, les chimères que votre société a inventé pour plus de richesse qu'il n'est physiquement possible (...) Alors vivez, oui, vivez ! Enchantez la vie des autres et faites en sorte d'être heureux, quoi qu'il vous arrive; Cela n'a rien de primitif. C'est au contraire la plus grande des sagesses.
« La nuit africaine » par le Commissaire des Armées (CNE) Julien Eche est un récit romancé, inspiré de son déploiement en Côte d'Ivoire peu après la guerre civile : Un jeune officier part à la tête d'une petite unité pour montrer la présence française dans la brousse. Un parcours initiatique, vu initialement par le narrateur comme une aventure "à la capitaine Binger" (qui rallia Dakar à Kong à la fin du XIX°), mais qui, au gré des rencontres et évènements, ira bien au-delà de l'imagerie exotique véhiculée par les affiches ventant la Coloniale dans les années 30. Une belle histoire, bien menée et profonde. Pas seulement une autre vision de l'Afrique, une autre vision du soldat aussi...
Aux éditions L'Harmattan. Disponilbe ici.
Avec le Commissaire des Armées Julien Eche
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« Dans le repaire du Mirage 2000D – Nancy-Ochey », Alexandre Paringaux, photographe
Ses équipages sillonnent les cieux des Balkans, de l'Afrique, de l'Asie centrale et de l'Afghanistan. Cette omniprésence repose certes sur des matériels performants, en perpétuelle amélioration, permettant de répondre aux défis technologiques d'engagement toujours plus exigeants. Mais elle repose surtout sur les femmes et les hommes de la base aérienne de Nancy-Ochey qui permettent de répondre en permanence aux sollicitations opérationnelles. Quelle que soit leur spécialité, toutes et tous sont des rouages indispensables dans la performance de la BA 133. Dévoués et pugnaces, ils démontrent au quotidien un engagement sans faille, en dépit d'un environnement difficile. Les opérations menées au Kosovo, en République Démocratique du Congo, en Afghanistan, en Lybie ou encore au Mali attestent de leur engagement militaire et de leur abnégation.
Colonel Louis Péna, Commandant de la Base aérienne 133 « Commandant Henry Jeandet »
« Dans le repaire du Mirage 2000D – Nancy-Ochey » n’est qu’un exemple parmi toute une série de beaux livres publiés par le photographe Alexandre Paringaux et Frédéric Lert, journaliste aéro de référence. On trouve en effet, dans la même collection, des ouvrages dédiés à ER 2/33 « Savoie », EC 3/3 « Ardennes », la Patrouille de France, les bases de Saint-Dizier, Mont-de-Marsan, Salon-de-Provence, les Forces Aériennes Stratégiques, le porte-avions Foch… Des livres-albums où l’on retrouve évidemment de superbes photos d’avions, mais aussi les hommes qui les font voler, les arment et les entretiennent ; ceux qui font fonctionner la base ; ceux qui la protègent. L’ensemble est visuellement remarquable, accompagné d’un texte fouillé et de nombreuses interviews. A chaque fois une petite bible, tant le sujet est traité avec exhaustivité. Attention, les tirages s’épuisent vite…
Aux éditions Zéphir. Disponible ici.
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« Le petit quizz de la Grande-Guerre », Grégoire Thonnat
De qui s’agit-il ?
De nos cinq arrière-grands-pères, combattants de la Grande-Guerre en France et Russie ; Abel, Ernest mort pour la France, Gaston, Fiodor et Vassilï
Si les taxis parisiens sont rentrés dans l’Histoire avec les « taxis de la Marne », qu’ont-ils fait qui écorne un peu le mythe ?
Ils ont mis les compteurs afin que les autorités militaires règlent la course !
Avec « Le petit quizz de la Grande-Guerre » de Grégoire Thonnat, nous sortons évidemment de notre contexte « récit de soldat », mais ce livre mérite un coup de projecteur, bien qu’il soit d’ores et déjà un succès de librairie (25 000 exemplaires vendus). Il est composé d’une centaine de questions/réponses sur des évènements clés, anecdotes, idées reçues... Une manière ludique d’aborder la Première Guerre Mondiale, pour un prix modique (moins de 5€). L'Education Nationale pourrait tout à fait l’utiliser dans la cadre du Centenaire... (puisque l'on parle de pédagogie innovante, passons à l'acte).
Aux éditions Pierre de Taillac. Disponible ici. A noter, dans le même esprit et par le même auteur, le « Petit quizz de la Marine ».
Avec Grégoire Thonnat et les éditeurs Pierre de Taillac et Nimrod, aux Invalides pour le centenaire de l’ECPAD
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« Offensive éclair au Mali », CBA Rémi Scarpa, 92e RI
« Rapaces » de la 4e Cie du 92e RI au combat dans les rues de Gao. Photo ECPAD/Jérémy L, issue du livre.
Les « Cent jours » de l’offensive les avaient soudés ; la chaleur étouffante n’avait distingué ni les grades ni les armes d’origine ; l’ennemi, tenace et imprévisible, avait été vaincu par l’effort conjoint des combattants, ceux de l’avant, commandés par des états-majors réactifs, des logisticiens et des transmetteurs, des pilotes et des mécaniciens (…) Cette victoire des armes de la France, c’était celle de l’union, chère au cœur du Général de Monsabert , l’union des armes, des âmes et des cœurs.
« Offensive éclair au Mali » par le CBA Rémi Scarpa, Gaulois du 92e RI. Ouvrage qui restera comme la référence sur Serval. En premier lieu, qui aurait été plus légitime que le CBA Scarpa, assistant militaire du GAL Barrera commandant les forces terrestres, pour écrire un tel livre ? Ensuite, vous y trouverez toutes les informations sur l’organisation de la force, le déroulement de l’opération au jour le jour, les unités impliquées (avec une large place laissée au Soutien, Transmetteurs, Tringlots, Logisticiens…), le matériel employé, les alliés africains, les insignes et fanions, des plans, les hommages à ceux qui sont tombés… le tout accompagné de témoignages. En sus, des clichés *sublimes* de l’ECPAD ou issus des collections particulières de nos combattants (ce qui en fait aussi un beau livre-photo). « Et c’est pas fini… » J En bonus, un film de 55 mn réalisé par l’ECPAD.
Aux éditions Pierre de Taillac. Disponible ici.
Avec le CBA Rémi Scarpa, Salon du Livre de Paris 2015 & Prix littéraire de l’Armée de Terre – Erwan Bergot.
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A suivre…
19:40 Publié dans Algérie, Aviateurs, Commissaires, Administratifs, Côte d'Ivoire, Fantassins, Forces Spéciales, Grande-Guerre, Indochine, Kosovo, Légionnaires, Mali, Marins, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
21/06/2015
Commando de chasse harki, Appelé en Algérie, Ministre-combattant, Léopard de Bigeard, Pilote de Jaguar de Daguet et SBS britannique
Le temps nous manque, mille fois hélas, pour aborder sous forme de recension tous les récits lus et appréciés. En guise de rattrapage, nous lançons une nouvelle rubrique, abordant de manière plus « synthétique » des livres à même de compléter votre milibibliothèque en fonction de vos centres d’intérêt. Cette fois-ci : la Guerre d’Algérie, avec un Zouave, un Fantassin (et ministre), un Chasseur d’Afrique et un Léopard de Bigeard ; la Guerre du Golfe, opération Daguet vécue par un pilote de Jaguar, et enfin les Forces Spéciales britanniques au travers de l’autobiographie d’un SBS.
Nous poursuivrons cette série au fil de l’eau et rien ne dit que certains de ces livres ne seront pas traités plus en profondeur dans le futur.
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« Harkis, mes frères », SCH Jean Hinnerblès, 2e BZ, 94e RI
Algérie, Jean Hinnerblès alias « Gerfaut », 24 avril 1961
Tendant l’oreille, il perçut comme un frôlement de chaussure sur le sol, aussitôt suivi par le bruit d’un caillou qui roule, ce qui confirma la présence du Fell sur la piste ; puis une ombre apparut sur le sentier, puis une autre, puis trois… Ils étaient là, à deux mètres du canon de sa carabine. Gerfaut attendit, le cœur battant, prêt à lui exploser la poitrine. Alors que le premier allait sortir de son champ de vision, reprenant son self-control, il pointa l’arme sur la cible mobile, en hurlant très fort : feu !
« Harkis, mes frères », par le SCH Jean Hinnerblès, 2e BZ, 94e RI. Sept ans de combat en Algérie, à la tête d'un commando de chasse harki. Un récit écrit à la troisième personne, ce qui lui donne un petit côté roman de guerre.
Paru en 2010 chez Amalthée. ISBN 978-2310005050. Livre épuisé, mais nous pouvons mettre en relation avec l’auteur.
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« Il était une fois l’Algérie d’un appelé », Georges Pagé, 9e RCA
Alger, 26 mars 1962
Ce samedi, je décide d’aller me recueillir rue d’Isly. Le drame a eu lieu il y a à peine cinq jours. Tout semble dévasté, gravats sur les trottoirs, impacts sur les murs et sur la chaussée. Des gens viennent des autres quartiers. On commente l’absence de tous ceux qui sont morts. Comme je suis habillé en militaire, certaines personnes me regardent de façon haineuse. Je comprends et ne m’attarde pas dans cette sinistre rue où tant de braves gens ont perdu la vie. L’armée a tiré sur des Français. C’est affreux.
« Il était une fois l’Algérie d’un appelé – 1960-1962 », par Georges Pagé. Historique des dernières années de l'Algérie française, alors que l'auteur, appelé, est rattaché à l'état-major/9e Régiment de Chasseurs d'Afrique : communauté pied-noir du secteur d'Inkermann où Georges est basé, la rue d'Isly où il se trouve après la fusillade du 26 mars, le commando Georges, les SAS, ses rencontres a posteriori avec plusieurs acteurs des évènements (du GAL Massu à Pierre Messmer en passant par Michèle Hervé, grièvement blessée lors de l'attentat de l'Otomatic...), etc.
Paru en 2002 chez PG Editions. ISBN-13: 978-295182190. Il est possible de contacter l’auteur via son site ici.
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« Un seul cœur, un seul drapeau », CDT Hamlaoui Mekachera, 6e RTA, 60e RI
Algérie, 9e Cie du 60e RI, ligne Morice. Au centre, Hamlaoui Mekachera.
Mon intégration au sein du régiment de l’ex-Royal Marine [60e RI] a soulevé une certaine animosité. Je le ressentais quotidiennement, étant considéré comme le « bouc émissaire » de la perte de l’Algérie. Cela occultait le fait que c’était bien moi le plus grand perdant de cette tragédie algérienne.
« Un seul cœur, un seul drapeau », par le CDT Hamlaoui Mekachera. Orphelin de son père officier du 3e RTA, Mekachera intègre l'école des enfants de troupe de Miliana. Sous-officier sorti de Cherchell, il fait la campagne d'Indochine comme radio puis démineur du 6e RTA puis l'Algérie au sein du 60e RI. En 62, il rejoint la France et poursuit sa carrière d'officier dans plusieurs régiments d'infanterie. Quittant l'armée comme CDT, il est directeur de centre hospitalier, s'investit dans la vie associative, notamment auprès des musulmans rapatriés. Nommé délégué ministériel à l'intégration, membre du conseil économique et social, il termine sa carrière d'homme d'état comme ministre délégué aux anciens combattants. La partie "militaire" ne représente qu'un tiers du livre, essentiellement consacrée la période « enfant de troupe et école ». La seconde, «civile », est axée devoir de mémoire.
Paru en 2013 chez L’Harmattan. ISBN 978-2343017013. Disponible ici.
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« Trois ans chez Bigeard », 1CL Albert Bernard, 3e RPC
Schneidenbach mortellement blessé le 21.11.1957 lors de l’opération « Timimoun ». Photo SCH Marc Flament.
[Schneidenbach] atterrit juste derrière le lieutenant Douceur et moi, en plein cœur du groupe rebelle. A peine libéré de son parachute, il part la mitraillette au poing avec d’autres camarades et ils arrosent la crête des dunes qui nous environnent pour dégager la zone de saut. Douceur se souvient avec émotion de cette dernière image qu’il garde de Schneidenbach progressant dans le désert. A la fin de la journée [nous retrouvons] le jeune homme en pleine agonie après avoir reçu une balle tirée à bout portant dans le front : sans doute s’est-il fait surprendre par un de ces redoutables tireurs isolés, enterrés dans le sable. L’infirmier Jacques Robert lui couvre le front d’un bandeau de compresses pour réduire l’hémorragie.
« Trois ans chez Bigeard », récit du 1CL Albert Bernard, 3e RPC. Il n'y a pas plus légitime que le léopard Albert [en photo de couverture avec le CNE Florès] pour évoquer cette ambiance particulière qui régnait au sein du 3e RPC en 56/58 : Radio de la 4e Cie, il est sous les ordres des fameux CNE Florès ou LTN Douceur et en contact constant avec « Bruno », qui le surnomme "Beauté" du fait de sa voix joliment radiophonique...
Le bled, la bataille d’Alger, le « Je vous ai compris », le putsch ... tout cela vu de l'intérieur, suivi d’un document inédit de Bigeard, avec ordres du régiment, ordres du jour et notes de présentation de 1955 à 1957.
Paru en 2012 aux éditions LBM. ISBN 978-2915347913. L’éditeur a malheureusement disparu mais nous pouvons mettre en relation avec l’auteur.
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« Jaguar sur Al Jaber », CNE Alain Mahagne, EC 2/11 « Vosges »
Clip : Jaguar pendant la guerre du Golfe.
Ma verrière était perforée de part et d’autre et au milieu… il y avait mon casque. Dès lors, je réalisais que j’étais blessé. Aucune peur ne m’envahit, je restai lucide et maître de mes moyens. J’annonçais calmement mes problèmes à la radio :
« - Charly. Je suis touché. J’ai un trou dans la tête et je pisse le sang. – Tu confirmes Charly ?! »
« Jaguar sur Al Jaber », par le CNE Alain Mahagne, EC 2/11 « Vosges ». Un des (trop) rares témoignages sur la 1ère guerre du Golfe et l'opération Daguet, et non des moindres, puisqu'Alain a participé au raid des 12 Jaguars, le jour J, sur la base aérienne koweïtie d'Al Jaber, fortement défendue par la DCA irakienne. Pour preuve, une balle a traversé son cockpit, le blessant à la tête...
Paru en 1993 (SHAA), réédité en 2011 aux éditions A4PM. ISBN 978-2-9536496-3-5. Pour se le procurer, contacter l’auteur ici.
N’oublions pas les 12 Français morts lors des opérations Daguet, Libage, MONUIK. Hommage à eux, aux blessés et à tous Ceux du Golfe.
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« En première ligne », Duncan Falconer, SBS, 14 INT
Soldats de l’IRA [Armée Républicaine Irlandaise]
J’entendis un bruit, tout près ; un pied qui écrasait une brindille. Tous les sens en alerte, le front plissé à force de me creuser la cervelle, je retins ma respiration, mon cœur s’arrêta de battre. On aurait dit que tout se passait au ralenti. Le bruit reprit quelques secondes plus tard. Cette fois, j’en étais sûr, c’était un bruit de pas, suivi bientôt par un second. Mon cœur battait à tout rompre, j’avais une chape de plomb sur la poitrine. Quelqu’un s’approchait lentement le long de la haie. Je gardais la bouche entrouverte, réaction instinctive qui améliore la finesse de l’ouïe. Je pris plusieurs respirations profondes, l’adrénaline affluait dans mes veines. Je fis pivoter très lentement mon arme pour pointer le canon sur le bout de la haie, à quelques mètres devant moi. Encore un pas. J’effleurais doucement la détente.
« En première ligne » de Duncan Falconer, plus jeune recrue de l’histoire du Special Boat Service. Une plongée [jeu-de-mot] passionnante dans l’univers du SBS et du « Det »/14 INT, piliers, avec le SAS, des Forces Spéciales de Sa Très Gracieuse Majesté. La sélection et l’entraînement, la lutte contre l'IRA, l’abordage des cargos et plateformes pétrolières… mais aussi, et peut-être surtout, une belle histoire d’homme(s). On peut remercier Nimrod de rendre accessible aux non anglophones des témoignages de cette qualité. A lire en parallèle à « Parcours Commando » de Marius.
ISBN 978-2915243093. Disponible chez Nimrod ici.
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A suivre…
18:00 Publié dans Algérie, Aviateurs, Chasseurs, Fantassins, Golfe, Harkis, Marsouins, Bigors, Paras, Royaume-Uni | Lien permanent | Commentaires (2)
06/10/2013
« La guerre vue du ciel », LCL Marc Scheffler, EC 3/3 « Ardennes », EC 2/3 « Champagne », Ed. Nimrod
Extraits et photos publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.
Porté par ma fougue, je n’ai qu’une envie : être projeté au cœur de l’action. Non pas pour participer de façon obscène à une guerre et son cortège de drames humains effroyable, ni pour la gloire de quelques médailles. Mais un sentiment profond d’injustice me pousse à vouloir combattre pour une cause qui me parait juste. On n’embrasse pas une carrière sous les drapeaux, qui plus est en risquant sa peau au quotidien dans une machine à tuer, sans avoir une certaine idée de son pays et de ses valeurs.
LCL Marc « Claudia » Scheffler
A la Chasse… BORDEL !
« Cri » de tradition des pilotes de Chasse
Les avions de Chasse m’ont toujours fasciné. Je me revois tout gosse, dans notre jardin, lever le nez vers le ciel dès le premier grondement d’un réacteur, chercher des yeux le Mirage IIIE, le Jaguar, en provenance de Reims, Dijon ou Nancy. J’avais même droit, parfois, au « boum » du passage du mur du son. Comme si le pilote me saluait.
Qu’est-ce que j’aurais aimé lire, dès cette époque, « La guerre vue du ciel » du Lieutenant-Colonel Marc « Claudia » Scheffler ! Pensez : le récit d’un chevalier du ciel, 15 ans aux commandes d’un Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol. Missions de guerre au Tchad et Congo, en Libye, six déploiements en Afghanistan… Il y a matière à conter.
Et Marco le fait brillamment, avec un parti pris assumé : coller le plus possible à la réalité (ce qui impose un soupçon de jargon aéronautique, mais très facile à assimiler).
Alors, plongé dans l’action, on se prend à stresser avec « Claudia » : Allons-nous finir par l’enquiller ce foutu panier du Boeing ravitailleur en vol ??!! Mais où sont-ils ces p* de talibans !!?!
Comme si nous étions le troisième homme d’équipage…
Marc et son NOSA Jeff, Kandahar, Afghanistan, 2010. © M. Scheffler
Nota : le Mirage 2000D est un avion biplace. L’équipage est constitué du pilote en place avant, et du NOSA, Navigateur Officier Système d’Arme, en place arrière.
Allez. Rugissement du réacteur… Décollage !
Mirage 2000D, © C. Ambroise/Armée de l’Air
Entrainement – exercice Red Flag aux USA
Je maintiens ma position à 0,3 Nm. Soudain, une énorme masse noire accompagnée d’un rugissement jaillit devant moi et remplit ma verrière en une fraction de seconde ! Par réflexe je tire brutalement sur le manche. Trop tard ! Je passe de plein fouet dans le souffle d’un réacteur. La claque est phénoménale. Je lutte à grands coups de manche pour garder le contrôle de l’avion en m’écartant vers le haut et en surveillant dehors, puis je jette un coup d’œil aux paramètres moteurs. Tout est bon. J’expulse un « PUTTAAIN !!! » pour évacuer le trop-plein d’émotion. Je viens de croiser à quelques mètres d’un autre avion je viens surtout de croiser la mort. (…)
Derrière moi, Fioqui, mon navigateur, reste d’abord muet. Puis il rompt le silence :
- C’est pas passé loin…
Ravitaillement en vol, © BA 133 Nancy-Ochey
Ravitaillement en vol « sport » au-dessus du Tchad
L’air est si turbulent et la visibilité si faible que nous avons du mal à rester en position. Par instant, je ne distingue que les saumons d’aile du Boeing qui danse au gré des violents soubresauts. La tenue de place accapare toute mon attention. Mes corrections au manche et aux gaz sont devenues brutales. Les grésillements incessants à la radio me rendent nerveux. (…) L’extrémité de ma perche de ravitaillement se pare subitement d’un panache violacé : les feux de Saint-Elme. L’air est chargé d’électricité statique. (…) Mon appareil fait des bonds de plusieurs mètres. Chaque virage est une torture. Pris de vertiges, je m’acharne à rester en place. Mon oreille interne me joue des tours. J’ai la sensation de voler sur le dos. (…) Après une éternité, j’ai l’impression que ça tabasse un peu moins. Le « boomer » en profite et déroule les deux tuyaux de ravitaillement en vol (…) Je me présente pour une première tentative. Impossible d’enquiller devant les mouvements erratiques du panier. Il se dérobe dans les derniers centimètres et ma perche passe immanquablement à côté. Après plusieurs essais et quelques belles frayeurs, je commence à être sur les nerfs. Les niveaux de carburant deviennent critiques. (…)
[s’adressant à son navigateur]
- Transe, j’opte pour la méthode offensive !
- Tu vas faire quoi ?
Sa voix trahit une certaine appréhension…
(…) Nouvelle tentative.
Le panier part vers le haut. J’envoie un coup de manche vers l’arrière pour remonter le nez et l’attraper au passage. Ma correction est trop brutale. Le gland atterrit au-dessus du panier, qui vient se coincer entre la perche et le radôme.
- Et merde…
- Marco, ta technique c’est pas du 100%...
- Tu veux les commandes ?
- Non, non… je te rappelle juste que j’ai une femme et des enfants.
Sa réponse est un rappel à l’ordre. Je ne suis pas seul à bord. Je réduis légèrement les gaz. L’avion recule de quelques centimètres, mais le panier reste bloqué. L’espace d’un instant, le Boeing traîne le Mirage.
RAAAAAACK !
Le panier se libère et racle l’avant du fuselage. Transe est silencieux.
Appui des troupes au sol par un Mirage 2000D en Afghanistan.
"Armée de l’Air ! Armée de l’Air !"
Avec 40° de piqué, j’ai l’impression de plonger à la verticale. Je redresse au dernier moment, lorsque le sol me saute au visage. Le relief serpente devant moi. Jeff a intégré les coordonnées du point dans les centrales. Elles se matérialisent dans ma VTH par une petite croix. En transparence, je devine parfaitement la petite bâtisse rectangulaire est ses quatre murs d’enceinte crénelés.
Du fond de la vallée, je remonte vers la crête le long de la pente. Une centaine de mètres du sol, lancé à 1000 km/h. (…) Une seconde avant le passage, je distingue les cinq silhouettes des insurgés sur le toit…
Expulsion de leurres pour un « show of force ». Un Mirage 200D du Champagne « montre ses muscles ». Photo © EMA
Soudain, c’est l’apocalypse dans la VTL. Des crépitements lumineux clignotent depuis les toits des véhicules italiens. Ce sont des tirs de riposte. Les mitrailleuses font feu de tout bois et les canons dansent sur les tourelles en arrosant les rangées d’arbres de part et d’autre de la chaussée. Gladiator 17 [homme du convoi, en liaison radio avec Marc] s’est jeté sur la fréquence et crie pour se faire entendre :
- Rage 31 de Gladiator 17, nous sommes tombés dans une embuscade, nous prenons des tirs des deux côtés de la route et nous ripostons. Je vous demande immédiatement…
Plus rien. Sa voix s’est arrêtée net. L’intensité du silence nous étouffe. La boule au ventre, je peux sentir battre mon pouls jusque dans les tympans. J’ai un mauvais pressentiment. J’écrase l’alternat pour un check radio. Pas de réponse. Tataï a compris comme moi :
- Marco, là, ça craint…
- Cherche sur les bas-côtés, sous les arbres !!! Et trouve-moi des types qui tirent !!!
Marc et son NOSA Axel, avant un vol de nuit sur la Libye, 2011 © M. Scheffler
Moteur coupé, tout redevient calme. J’ouvre la verrière. J’enlève mon casque. Une légère brise me frappe le visage, et je frissonne dans ma sueur. Le calme après la tempête. Je savoure ce moment de plénitude. Much est déjà en bas de l’échelle. Les traits tirés, souriant, il rayonne de fierté.
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Le Lieutenant-Colonel Marc Scheffler, dit « Claudia », sort breveté de l’Ecole de l’Air en 1998. Il est affecté à l’EC 3/3 « Ardennes », puis à l’EC 2/3 « Champagne » de Nancy-Ochey comme pilote de Dassaut Mirage 2000D, chasseur-bombardier biplace optimisé pour les frappes au sol de précision (bombes guidées laser ou GPS). Il a participé à dix détachements opérationnels dont Tchad/RDC, Afghanistan (6 fois) et Lybie, cumulant plus de 3 800 heures de vol, dont 2 200 sur Mirage, et plus de 150 missions de guerre.
Après 15 ans en escadron de Chasse, Marco rejoint Cognac et l’Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air (EPAA), où il avait déjà été instructeur en 2006-2009. Il transmet désormais sa grande expérience du vol et du combat à nos futurs pilotes de chasse.
Marc est marié et père de deux enfants.
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« La guerre vue du ciel » a été écrit en collaboration avec Frédéric Lert, que nous n’oublions pas. Frédéric est un journaliste indépendant, référence dans le monde de l’aéronautique militaire. On lui doit de nombreux articles dans la presse spécialisée (Air Fan, DSI…) et une vingtaine d’ouvrages, dont « Mirage 2000D » aux éditions Histoire et Collections.
Prix : 23€ € - Format 15x23, 480 pages, cahier-photo couleur - ISBN 978-2915243567
Disponible sur le site de l’éditeur Nimrod ici.
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Page FaceBook de la Base Aérienne 133 Nancy-Ochey ici.
Site et page FaceBook de l'EC 3/3 Ardennes ici et ici.
Site de l'EC 2/3 Champagne ici.
Site et page FaceBook de l'EC 1/3 Navarre ici et ici.
Nous saluons évidemment les autres composantes de la BA 133 : ETD 2/7 Argonne, CFAA, ESTA, et tous ceux qui interviennent dans le cadre du soutien et de la sécurité.
Profitons de cette occasion pour présenter "Dans le repaire du Mirage 2000D - Nancy-Ochey", beau livre photo d'Alexandre Paringaux, en collaboration avec... Frédéric Lert (again).
Il le trouve facilement, sur tous les sites du Net. Ou mieux : directement sur celui de l'EC 1/3 Navarre où il fait figure de collector, car dédicacé par l'auteur et le commandant de l'escadron.
Voir ici.
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Nous avons eu la joie de rencontrer Marco lors du Festival International du Livre Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Comme c’est souvent le cas avec nos amis militaires, il y a une certaine dualité chez l’homme : du « Dr Jekyll et Mr Hyde ». D’un côté, le pilote, exigeant, engagé, pas commode *du tout* quand les choses ne vont pas comme elles devraient. Et de l’autre, dans un contexte civil, un garçon éminemment sympathique, disponible, qui respire la gentillesse, très tourné vers les autres, ce qui transparaît d’ailleurs dans son livre, car il ne cache pas ses doutes et remords lorsqu’il impose à sa famille des choix de carrière qui vont rendre la vie de famille compliquée. Pas d’esbroufe chez Marco, pas de fausse modestie non plus, mais une saine humilité, que l’on retrouve chez la majorité des militaires.
[Lors de sa première affectation, présentation aux pilotes et navigateurs du 3/3. La tradition veut que chaque pilote possède un sobriquet]
« - C’est quoi ton surnom ?
- Claudia.
Silence général. Je précise :
- Claudia, comme Claudia Scheffler.
Hilarité générale… »
© CedT
Piloter un avion de chasse était mon rêve de gosse, ma vie. A chaque fois que je pars en vol, je m’offre un petit plaisir qui n’a pas de prix : j’admire mon mirage pendant quelques instants. Année après année, il m’a emmené partout sans jamais me décevoir. Mon bureau se trouve là, à quelques mètres du sol. Immobile. C’est encore une masse sans âme. Mais il raisonnera bientôt de la fureur de son réacteur. Je suis toujours subjugué par son air martial. Dans quelques minutes, je serai installé aux commandes, entièrement absorbé par la mission. Des milliers de jeunes rêveraient d’être à ma place. Ils ont raison.
LCL Marc « Claudia » Scheffler
EC 3/3 Ardennes, EC 2/3 Champagne
Hommage
Aux Pilotes et Navigateurs morts pour la France, morts en service aérien commandé,
Aux blessés
Avec le salut fraternel du Chasseur (à pied...) et de la Russe-blanc
Que fais-tu dans la vie ? Ce que j’ai toujours rêvé de faire ! Tu n’as pas été déçu ? Non, la réalité a dépassé mes rêves… Tu as bien de la chance, vivre sa passion n’a pas de prix. Et tu fais quoi ? Je suis pilote de chasse.
LCL Marc « Claudia » Scheffler
Livre, récit biographique d'un pilote de Chasse, Mirage 2000D, Afghanistan, Lybie, EC 2/3 Champagne, EC 3/3 Ardennes, BA 133 Nancy-Ochey, Armée de l'Air
11:22 Publié dans Afghanistan, Aviateurs, Bosnie, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (4)
22/09/2013
"Au service de l'espoir", CNE Philippe Stanguennec, CoTAM, Ed. L'Esprit du livre
Photos et extraits publiés avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.
“Kabul tower, this is Cognac 05. Gooooooooood morning Kabul !”
Capitaine Philippe Stanguennec, en approche de l’aéroport de Kaboul.
Ah Stang ! Sacré bonhomme ! Dès nos premiers échanges, il me faisait marrer. J’attendais donc avec impatience de me lancer dans son récit « Au service de l’espoir » : 12 ans à parcourir le monde comme pilote de Transall…
Tout y est : l’exotisme, les soirées arrosées au bar du CoTAM (*), la fraternité d’armes, la franche rigolade, les drames aussi…
Le Capitaine Philippe Stanguennec a le chic pour rendre à la perfection cette ambiance, utilisant beaucoup le dialogue, maniant l’humour quand il le faut, distillant le stress lors des vols chaotiques…
« Au service de l’espoir », un bien beau récit, qui va ravir tous les fans de l’Armée de l’Air et au-delà !
(*) Commandement du Transport Aérien Militaire, rebaptisé Force Aérienne de Projection.
Stang aux commandes de son Transall
Bon vol !
Aller, commençons par rigoler de bon cœur…
© P. Stanguennec
A N’Djamena, discussion matinale au mess, avec un serveur tchadien.
- Qu’est ce qui ne va pas ce matin Joseph ?
- Les blancs, vous là, vous n’êtes pas gentils !
- Comment ça pas gentils… mais on ne t’a rien fait.
- Mais ce n’est pas vous, ce sont les gérants, là !
- Pourquoi ils ne sont pas gentils avec vous ?
- Hier soir, ils nous ont réunis dans la grande cuisine et ils nous ont demandés de nous déshabiller.
- Ah bon ? Et pourquoi ?
- Pour quelqu’un qui avait volé du fromage… et ils nous ont tous fouillés un à un. Ils étaient très méchants.
- Et alors ?
- Ils ont trouvé le voleur. Il avait tout caché dans son slip. Mais ce n’est pas une raison.
En Centrafrique, la tourista, ce n’est pas rigolo du tout du tout. On ne se moque pas, hein…
Les maux de ventre déciment un par un l’équipage : consultations à l’infirmerie et régime banane ou riz. Saint-Immodium, Saint-Spasfon et Saint-Ercefuril, priez pour nous !
Cela dure deux ou trois jours. Entre-temps, il faut quand même assurer les vols. C’est ainsi que l’on a déterminé un point équidistant entre deux toilettes : celles de la villa [où nous logeons] et celles de l’aéroport. C’est un carrefour au centre-ville. Avant, on fait demi-tour, après, on continue. Sur la route, en se rapprochant du point de décision, tous les regards se portent sur le maillon faible : il est de couleur cramoisie et transpire à grosses gouttes…
En Martinique, on ne se moque toujours pas, on « compatit » avec les copains restés en métropole :
Face à une mer turquoise, tout l’équipage est attablé au Kontiki. Nous sirotons un jus de banane tout en consultant la carte. En hommage à nos camarades aviateurs restés en métropole et qui viennent de rentrer dans la froidure de l’hiver, nous respectons une minute de silence.
Au Gabon, un petit énergumène manque d’être transformé en steak haché...
Nous survolons la brousse et apercevons le plateau où se trouve l’aéroport. Installé en finale, Pépi réduit sa vitesse, demande la sortie des éléments et du train d’atterrissage. Au seuil, je distingue un point qui se révèle être un gamin sur un vélo. « Mais qu’est-ce qu’il fait celui-là ? Y voit pas qu’on va se poser ? » En courte finale, v’la ti pas notre régional de l’étape qui entame un kilomètre lancé. Il fait la course avec nous ! « Remise des gaz ! » Nouvelle présentation. Le gamin est revenu au point de départ, pied gauche armé, prêt à enfoncer sa pédale. Pas de doute, il s’amuse comme un petit fou. Il va m’entendre celui-là ! En très courte, le gamin est à 200 mètres devant nous, sur la ligne centrale. Impossible de se poser sans l’écrabouiller… « Remise des gaz ! ».
Et toujours au Gabon, on voit que le Contrôleur des armées a lui aussi de l’humour…
Stang doit transférer le contrôleur des armées. Un monsieur important, n’est-ce pas ? Petit souci cependant, ses insignes de grades sont particuliers, peu connus, et peuvent être pris pour ceux d’une autre fonction…
En montant, le contrôleur des armées trébuche sur le chef de soute en train de bricoler. Surpris, le jeune chef se retourne et apercevant subrepticement les insignes sur l’uniforme : « Oh excusez-moi ! Bienvenue à bord mon père ! ». Le contrôleur, un rien surpris mais sans se démonter : « Merci mon fils. Dieu vous bénisse ! ».
Reste que, évidemment, la vie n’est pas un long vol tranquille. Et quand le ciel se met en colère, ça craint…
En Côte d’Ivoire, lors d’un vol Abidjan-Kortego
- Tu as vu devant ?
- Ouais…
Une grosse barrière de cumulonimbus nous barre la route, comme si nous étions au pied de l’Himalaya. Deux solutions : passer à travers ou en dessous. Au-dessus, difficile, les cumus montent très haut. A travers, nous allons givrer et nous faire chahuter.
- On passe dessous !
(…)
Phil se démène avec les contraintes géographiques et météorologiques pour nous trouver une route dans ce merdier.
(…)
La pluie redouble de violence. La visibilité se casse la gueule. La nuit va finir par tomber complètement. Nos zigzags nous retardent. Le carburant s’épuise et nos nerfs aussi.
(…)
- Bon aller, on arrête les conneries, cela ne donnera rien. On remonte en altitude
(…)
Le Transall monte vers la voute céleste. A ce petit jeu les illusions sensorielles sont redoutables. Je me force à croire nos instruments (…) car mes sens me disent que je suis en descente à forte inclinaison…
Au final, l’équipage décide de rebrousser chemin.
Il vaut mieux un beau demi-tour, qu’une belle frayeur, voire pire.
Le crash du R155
Et la grande frayeur, Stang, Patrick et Vincent la vivent en 1996, au retour d’un vol censé être banal [y en-a-t-il ?], de Villacoublay à Orléans
20h 27mn 30s : Arrêt moteur 1.
20h 27mn 34s :
- Le moteur 2 déroule ! Il s’est coupé !
Mon cœur fait un bon. Là, la situation devient extrêmement grave. Nous sommes maintenant en détresse, sans visibilité, sans moteur, à une hauteur d’environ 150 mètres.
(…)
Je lance un message de détresse. Je n’ai pas le temps de le terminer que tous les éclairages, l’ordinateur de bord et les écrans de navigation s’éteignent en même temps.
(…)
Nous nous retrouvons dans l’obscurité. Je regarde dehors, la nuit noire et glaciale me transperce. L’hélice droite mouline sans vie. Le silence de notre appareil en perdition est assourdissant.
Quelques secondes plus tard, le Transall se crashe en bordure d’autoroute, lieu-dit Chevilly. Les trois hommes sont blessés, mais vivants. Dieu a laissé à Stang le temps de profiter de son premier bébé, sa femme devant accoucher peu de temps après.
Afin d’exorciser le crash, le même équipage sera reformé pour un prochain vol. Imaginez les liens unissant désormais les trois miraculés !
Mais il n’y a pas que les éléments et les pannes mécaniques pour faire monter l’adrénaline…
Séquence de leurres
Pour échapper à une menace, un aéronef poursuivi par un missile (guidé par la signature thermique de l’avion) peut éjecter des leurres constitués d'un matériau dégageant une forte chaleur en se consumant. Ceci a pour effet de tromper le missile et le détourner vers les leurres. Le déclenchement est automatique, dès que le système de contre-mesure a repéré une attaque potentielle.
L’équipage, prévenu par une alarme, n’a qu’une poignée de secondes pour réagir avant l’impact et changer brutalement de trajectoire. En sus, en vol de guerre comme au-dessus de l’Afghanistan, deux observateurs scrutent le sol.
Ambiance :
En approche de l’aéroport de Kaboul - © P. Stanguennec
Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!
- Alerte missile ! Alerte missile ! Une séquence [de leurres] est partie !
Topper débraye le pilote automatique et vire à gauche, tentant de s’éloigner du site probable du tir.
Rien d’autre. Les observateurs n’ont rien remarqué.
(…)
En cabine, la tension monte rapidement à son paroxysme du fait que les actions à entreprendre sont limitées et que le temps pour les réaliser plus que symbolique : nous ne disposons que de 5 secondes avant l’impact.
- C’est notre troisième séquence en cinq missions ! On est partis pour battre un record, lance Topper.
- Ouais, mais c’est quand même pas trop cool, répond Thierry.
(…)
La lumière du roi Soleil fait place à une belle nuit étoilée. Nous attendons la frontière [tadjike] pour pouvoir nous relâcher un peu.
Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!
Tout le monde fait un bond.
Les observateurs nous confirment qu’ils n’ont rien vu venant du sol, mais la séquence de leurres est bien partie.
(…)
Ma résistance nerveuse commence à être éprouvée.
(…)
Enfin la frontière. Je me cale bien dans mon siège pour terminer le plus agréablement possible le vol, lorsqu’une lueur étincelante apparaît sur le côté droit de l’appareil. Elle est énorme et se déplace à une vitesse vertigineuse. Au même moment je gueule « Oh putain ! Putain ! » qui surprend tout le monde. Cette espèce de boule de feu se rapproche rapidement et je la prends pour la flamme d’un missile. La lueur disparait aussi vite qu’elle est apparue. Quelle frousse j’ai eu.
(…)
Ce dernier évènement m’a bien achevé psychologiquement. Je me suis dit qu’il était temps qu’on se pose et qu’on fume une clope, peinards, avec une binoche tadjike, sur un tube de Joe Dassin.
Détachement Transall à Bangui, 1995. © P. Stanguennec
Evidemment, toutes ces "aventures", dans la joie ou la difficulté, soudent les hommes. Et cette solidarité dépasse les grades et les rôles. On rend donc hommage, comme il se doit, au camarade nouvellement promu, en écrivant une citation à l’ordre du bar de l’escadron :
Détachement Air Licorne, à mon commandement, Garde-à-vous !
Sergent Chêne, à genoux. Ouvrez le ban !
Les sergents s’exécutent : papapapa-papapapa-papa-papa-papa.
Si nous sommes réunis ce soir, en toute intimité, c’est pour marquer un instant important dans la carrière du susnommé. Le Sergent Chêne est entré dans l’Armée de l’Air par la porte de la cuisine en novembre 1991. Il est nommé Caporal-Chef la même année. Il n’hésite pas à user de ses charmes pour passer Sergent en 94 (…) En détachement en Asie centrale, a travaillé brillamment sa S2 (*) au bar du Tadjikistan Hôtel, sur l’album de Joe Dassin. (…) Au sein de l’escadron, le Sergent Chêne se démène sans cesse pour faire partir les équipages dans les meilleures conditions. Doté d’un sens critique affirmé sur le système militaire, d’un humour acide apprécié de tous et d’un physique que beaucoup lui envient, le Sergent Chêne, pour toutes ces qualités, mérite d’être cité en exemple.
(*) Sélection 2 - Contrôle d’acquisition des connaissances générales et théoriques permettant l’accès aux stages en école de formation.
Une solidarité qui dépasse évidemment le cadre de l’Armée de l’Air…
- Un soldat français a été grièvement blessé à un check-point. Ils sont en train de le rapatrier sur l’aéroport. Tu peux l’évacuer ?
- Oui, oui, pas de problème. On va préparer le Transall. On l’attend.
(…)
L’avion est prêt. Tout est installé. Nous grillons une cigarette. Le jour se meurt.
(…)
Je raccroche et reste planté là, au milieu du parking. Je glisse mon portable dans la poche de ma combinaison. J’allume une Marlboro. Une vie s’est arrêtée et le reste continue de tourner… Je vivais là la fin tragique d’un de nos p’tits gars de France. J’étais tout à coup vidé.
- Le blessé est décédé. On rentre.
(…)
Nous volons dans la nuit noire. Les instruments scintillent dans l’univers confiné de notre cockpit. Au-dessus, les étoiles brillent de façon insolente. Les gestes se font mécaniquement. Nul ne vient troubler le silence.
In Memoriam
Artilleur de 1ère classe Kevin Ziolkowski, 40ème RA,
mort pour la France en Côte d’Ivoire.
* * *
Suivant les trajectoires aériennes de son papa pilote de transport, Philippe « Stang » Stanguennec s’engage en 1991 après son baccalauréat au Prytanée national militaire de La Flèche. Elève officier du personnel naviguant, il est breveté pilote de transport en 1993. Il pilote le C160 Transall pendant 12 ans, au sein de l’ET 3/61 Poitou. En 2005, il rejoint le ET 3/60 Esterel comme pilote d’Airbus.
Marié et père de quatre enfants, Stang poursuit sa carrière de pilote de ligne, pour une compagnie civile.
Il m’a avoué : « J'ai toujours un peu de nostalgie quand j'entends un Cotam sur la fréquence, qui a le cap au sud vers l'Afrique... »
Prix : 22€ - ISBN 978-2-915960-77-8 - Format 15,5x23,5 - 353 pages dont cahier-photo couleur.
Le livre est disponible chez Prividef ici.
Page FaceBook "Au service de l'espoir" ici.
Le CNE Stanguennec aux commandes de son Airbus A310
Hommage
Aux équipages et passagers des C160 Transall F156 et F209 de la 63ème ET/CIET340, morts en service aérien commandé lors d’une collision en 1984 :
CDT Poincelet, pilote chef de bord,
ADJ Billard, pilote,
CDT Florysiak et LTN Galia, navigateurs,
MAJ Vochelet, mécanicien navigant,
ADC Hermann, photographe SIRPA-AIR,
ADC Hupliez, ADC Natton, SCH Thibault, largueurs BOMAP/1er RTP,
-
LTN Guyot, navigateur chef de bord,
CNA Julien et LTN Sire, pilotes,
MAJ Borie, mécanicien navigant.
A l’équipage et aux passagers du CASA CN235 de l’ET 1/62 Vercors, morts en service aérien commandé en 2003.
A l’équipage et aux passagers du DHC6 Twin-Otter de l’ET 3/62 Ventoux / Multinational Force and Observers in Egypt, morts en service aérien commandé en 2007.
Aux hommes et femmes du transport aérien, morts pour la France, morts en service aérien commandé.
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux navigants et pistards du Transport.
« La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout,
d’unir les hommes. »
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes.
Le ronron rassurant et lénifiant de nos moteurs nous berce. Nous nous installons dans une ambiance reposante. David s’est calé confortablement et observe les étoiles (…) Olivier gratte sur sa table de navigation (…) de son petit hublot au-dessus de sa tête, il observe la Lune qui continue sa course, relayant celle du Soleil qui a poursuivi sa route vers l’ouest. Patrick est allongé sur la banquette. Il a enlevé ses chaussures et somnole, le casque sur les oreilles. Inconsciemment, son cerveau reste en alerte, guettant le moindre bruit inhabituel. Il sourit. Il est heureux d’être là, en première classe, sur une banquette, au milieu de ses potes, à 6000 mètres d’altitude (…)
- Quelqu’un prend un café ?
(…)
Je descends dans la soute. L’éclairage est au minimum. La carcasse métallique de notre avion vibre à la fréquence de nos deux Tyne 22.
(…)
Patrick remplit les gobelets et me suit jusqu’au fond de l’avion. Je soulève le rideau du cadre 40 et je passe derrière. Un frisson me parcourt l’échine : le chauffage ne vient pas jusque-là. Patrick me tend un café et je lui tends une cigarette (…) On se sourit. Le café me réchauffe et me revigore. Nous profitons de chaque bouffée.
- On n’est pas bien là, mon canard ?
- On est bien là, mon canard.
C’est un métier d’homme, rude et exigeant. Mais quand on a fait corps avec cet univers où, le temps d’une mission, la machine et les hommes qui composent son équipage ne font plus qu’un : quelle jouissance !
Saluons les camarades de Stang ! Patrick, Vincent, JP, Coco, Thierry, Topper, Jérôme, Higgins, Poupougne, Laurent, Stéphane, Willy, Nestor, Cédrik, Yves, etc.
Douchanbe, Tadjikistan - © P. Stanguennec
Il n’y a pas de belles missions. Il n’y a que de bons équipages.
Capitaine Philippe Stanguennec
Livre, récit biographique d'un pilote de Transport, Transall
17:47 Publié dans Afghanistan, Aviateurs, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (4)
29/04/2013
"Afghanistan, Regards d’aviateurs", LTN Charline Redin, SIRPA-Air
A la mémoire du Lieutenant-Colonel Anne Broquet, commandant des Convoyeuses de l’Air
Alors, ils surent ce que les camarades entendaient par équipage. Ils n’étaient pas simplement deux hommes accomplissant les mêmes missions, soumis aux mêmes dangers et recueillant les mêmes récompenses. Ils étaient une entité morale, une cellule à deux cœurs, deux instincts que gouvernait un rythme pareil. La cohésion ne cessait point hors des carlingues. Elle se prolongeait en subtiles antennes, par la vertu d’une accoutumance indélébile à se mieux observer et se mieux connaître. Ils n’avaient fait que s’aimer.
Joseph Kessel, « L’Equipage »
« Cher Monsieur, Merci pour votre mail. Je suis en ce moment au Qatar pour l’exercice Gulf Falcon 2013. Je serai ravie de vous envoyer un ouvrage dédicacé dès mon retour en France». Cool, non ?
« Afghanistan, Regards d’aviateur », par la Lieutenant Charline Redin. Dans mon esprit, de par son format, j’allais avoir entre les mains un beau livre-photo, Rafale, Mirage… mais on est bien au-delà de ça : fruit de plusieurs années de travail, faisant suite à ses déploiements en Afghanistan, Charline Redin, journaliste au SIRPA-Air, nous rapporte une multitude de témoignages, sous forme d’interview. Je ne peux mieux faire que la citer : « Ce livre, même s’il décrit des missions militaires, se veut une sorte de carnet intimiste où l’individu se livre, à travers sa fonction, son ressenti, ses angoisses et ses émotions ».
« Voir les mecs qui vont au charbon, écouter ce qu'ils racontent…»
LTN Charline Redin
« Afghanistan, Regards d’aviateurs » est effectivement un très beau livre - saluons le magnifique travail de l’Adjudant Benoît Arcizet pour la conception graphique - mais en sus, c’est un très bon livre, hommage si mérité aux hommes et femmes de toutes les composantes de l’Armée de l’Air.
Oui, nos Rafale et nos Mirage sont beaux, mais pas autant que les hommes et femmes qui les font voler…
Les équipages de chasse-bombardement
On s’équipe. Notre habit est lourd, mais j’aime le revêtir. Je quitte déjà un peu ce monde et gagne celui du vol (...) A chaque fois, je m’isole un instant pour prendre du recul et me concentrer. Dans ce tourbillon d’activités, le départ en vol de guerre demeure un moment où l’homme, le combattant et le chef se réalisent pleinement. La force de l’engagement, le courage et la valeur sont mis à nu par la violence des faits.
Lieutenant-Colonel M. Chef du 1er détachement Chasse à Kandahar.
L’implication avec le sol est totale. Nos interventions se doivent d’être très rapides. On nous appelle, on se déroute instantanément. Dans le cockpit la tension est immédiatement à son paroxysme. Un déroutement signifie toujours un accrochage qui s’est déroulé peu de temps avant. La moindre minute perdue peut signifier la différence entre la vie et la mort pour un soldat.
Lieutenant-Colonel W. Pilote de Mirage 2000D.
Les équipages de transport et les ravitailleurs en vol, dits les « Lourds »
Chacun des deux Mirage 2000D avait tiré ses deux bombes. Nous les avons ravitaillés une dernière fois pour qu’ils puissent rentrer à Manas [base au Kirghizstan]. A la radio, un des pilotes nous lance « Merci les Lourds pour la mission ! ». Ce ne sont que quelques mots, mais ils nous ont énormément touchés .
Lieutenant-Colonel P. Chef du Groupe de Ravitaillement en Vol 2/91, sur Boeing C135FR.
Les convoyeuses et convoyeurs de l’air, le personnel de santé
A 4h du matin, les réacteurs sont de nouveau en route. Top départ, direction Paris-Orly. Pendant les 7 heures de vol, les équipes médicales sont à pied d’œuvre (…) Je me souviens plus particulièrement d’un soldat grièvement touché, qui était anxieux ; inquiet de son état de santé et d’un handicap futur certain. Il me confie ses craintes. Notre mission prend alors tout son sens.
Capitaine H. convoyeur de l’air.
Le chapitre de Charline dédié aux convoyeuses et convoyeurs m'a touché. C'est l'occasion, me semble-t-il, de rendre mon propre hommage à ma cousine Anne Broquet, chef des convoyeuses de l'Air, disparue, hélas, prématurément.
Anne s’engage en 1972. Lieutenant-Colonel, elle commande la division des Convoyeuses de l’Air, escadrille aérosanitaire 6/560 « Etampes ». Elle totalise plus de 10 000 heures de vol, 25 déploiements en Afrique, Moyen-Orient et Asie.
Peintre à ses heures, membre actif de l’ordre de Malte, ses dernières missions humanitaires l’ont menée au Sri Lanka et en Inde, dans le cadre de mesures d’aide urgente pour les survivants du tsunami.
Anne décède prématurément le 17 juillet 2008,à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, luttant courageusement contre la maladie.
Femme humble, très discrète, elle me laisse un grand regret, ne pas avoir assez échangé avec elle, ne pas l’avoir incitée à écrire sur sa vie d’exception…
Quelle belle remontée du Mékong ce fût été…
Photo © Ordre de Malte
LETTRE OUVERTE AUX EQUIPAGES.
La mythologie connut le centaure, monstre moitié homme, moitié cheval. Plus tard vint le mi-ange, mi-démon, bon ou mauvais. Enfin, arriva la convoyeuse de l'air, divinité mi-infirmière, mi-hôtesse !
Comme tout être fabuleux, qu'il soit issu de la mythologie, de la religion ou du transport aérien militaire, il appartient à la légende. Mais, bien qu'invraisemblable, il n'en demeure pas moins vrai. Je le sais puisque je suis leur chef ! Mais comme tout être de légende, il ne peut jamais être rationnellement défini. C'est là notre lot, mais aussi notre spécialité.
Moi, ce que je sais, c'est que lorsque je vois partir Brigitte, Odile, Nathalie, Sophie, Isabelle, Astrid... en tenue verte couleur «combat» avec le masque à gaz, le gilet pare-balles, le casque bleu, je sais qu'elles vont aller sur le terrain pour, s'il en est besoin, vivre leur métier d'infirmière. Et, même si au dernier moment elles glissent tout au fond de leur poche ce petit tube de rouge à lèvres, elles savent que dans leur lot sanitaire il y a ce qu'il faut. Et puis, un dernier réflexe de coquetterie ne nuit en rien aux «guerrières» (à chacun ses peintures de guerre). D'ailleurs messieurs, qui me dit que vous ne glissez pas dans votre poche au dernier moment un petit échantillon d'after-shave !
Pendant ce temps-là, Anne, Emmanuelle, Véronique, Dominique, Yvette, Cathy... en tenue bleue couleur «travail» partent à l'assaut d'un redoutable obstacle : «la mission avec passagers». Cette «mission logistique» est plus scabreuse pour une convoyeuse de l'air qu'une «mission tactique», car là, vous devez affronter ce deuxième rôle pour lequel on vous dit ne pas être «faite» ! C'est-à-dire celui de conforter une maman aux prises avec ses enfants, soutenir un passager faisant un petit malaise vagal ou cet autre ne supportant pas le décalage horaire. Il faut également assister le commandant de bord, le chef de cabine et aider le médecin assurant une évacuation sanitaire.
Ce rôle «d'assistante de bord» plus qu'hôtesse d'ailleurs, sur «avion à moquette», n'est pas non plus pour nous déplaire, car après s'être pris un nombre incroyable de fois nos petits pieds, quoique chaussés d'énormes chaussures, dans les chaînes d'arrimage du Transall et avoir glissé sur les rouleaux des palettes du C130, qu'il est doux de poser nos pieds fragiles chaussés enfin d'escarpins sur la moquette moelleuse d'un DC8 en partance pour l'autre bout du monde ou d'un Falcon effectuant une EVASAN [Evacuation sanitaire]. A chacun son repos ! Mon grand regret il est vrai, c'est de ne pas les poser plus souvent dans nos hélicoptères !
Par ces quelques mots, je n'ai rien voulu prouver. J'existe, c'est tout, et je suis convoyeuse de l'air. Mais ce que je voulais, c'est dire aux équipages du COTAM [Transport] que quel que soit l'avion sur lequel nous volons, nous serons toujours avec eux pour les aider, les assister, partager ensemble les bons et mauvais moments. Nous comptons sur eux, et sans eux, nous ne serions pas convoyeuses de l'air.
CDT Anne BROQUET, Chef des Convoyeuses de l'Air
FAP INFO n° 70 – 2ème semestre 1993.
* * *
Les équipages d’hélicoptère
Il y avait dans le regard de cet enfant toute la misère du monde. Il allait monter pour la première fois dans un hélicoptère, les hommes autour de lui étaient armés (…) de plus, il était très mal en point, les balles lui avaient perforé le corps.
Nous venons sur le théâtre pour évacuer des soldats, des combattants. Evacuer un enfant, qui pourrait être notre fils, c’est toujours une mission noble.
Lieutenant-Colonel C. Chef du détachement hélicoptère de l’Armée de l’Air sur l’Aéroport de Kaboul.
14 heures d’engagement de l’équipage de l’hélicoptère Caracal, pour déposer des troupes en soutien, des infirmiers, évacuer les blessés, ramener les 10 corps.
Au moment de la cérémonie d’hommage aux Invalides pour les dix soldats tombés, les écrans de télévision sont branchés à Kaboul, et tous les militaires sont devant, les yeux humides, le cœur lourd.
Je suis resté dans mon bureau. J’entendais le son, mais je ne pouvais voir les images. Aujourd’hui encore, je suis incapable de regarder cette cérémonie. Devant chaque cercueil, je revois chacun des hommes que nous avons ramenés.
Lieutenant-Colonel C, pilote de Caracal à Uzbin.
Les personnels de l’escadron de drones (avion de surveillance sans pilote)
J’ai remarqué sept hommes à la démarche étrange. Nous avons supposé que ces hommes étaient armés. Nous avons donné leur signalement aux militaires sur place. Nos suspicions étaient fondées.
Sergent C, interpréteur photo, Escadron de drones 1/33.
Les renseignements
[Les hommes du Renseignement préparent, entre autres, les plans de vol, pour éviter au maximum les risques encourus]. Lorsqu’un hélicoptère décollait de l’aéroport de Kaboul, il y avait toujours une forme d’appréhension d’avoir peut-être raté une donnée, ou d’être passé à côté de quelque chose. Mes amis et mes camarades étaient dans la machine. J’avais une lourde responsabilité à chacun de leur départ.
Lieutenant-Colonel F. Officier Renseignement, ED 1/33.
Les Commandos Parachutistes de l’Air
Nous étions en autonomie complète. Nous sommes entrés dans un village dans la zone du Baloutchistan. Il ne restait plus qu’une famille (…) Ils étaient à des lustres de savoir ce qu’il se passait à cette époque en Afghanistan. Ils étaient surpris de voir des militaires dans cette région. Nous dormions dehors, les températures chutant la nuit. Elles pouvaient atteindre -20°c. On se sentait si minuscules dans ce paysage merveilleux. Nous avions l’impression d’être des pionniers.
Lieutenant-Colonel R, dit Jacky, Commando Parachutiste de l’Air, intégré aux Forces Spéciales.
Nous travaillons régulièrement avec les américains. Lorsque nous leur avons montré ce que nous savions faire, ils ont été tout de suite demandeurs. Ils reconnaissent notre expérience de terrain.
Caporal-Chef M. CPA.
Les mécaniciens et armuriers
Les mécaniciens sont arrivés aujourd’hui et commencent d’emblée à installer les centaines de tonnes de matériel, qu’ils vont mettre en œuvre quand les F1 seront là. Ils sont impressionnants de courage et d’énergie, travaillant sans relâche sous un soleil de plomb. Ils sont admirables.
Colonel B. Pilote de Mirage F1CR.
Le personnel de soutien, d’infrastructure
Ces hommes de l’ombre sont souvent les premiers déployés sur les théâtres d’opération. Ils sont maçons, soudeurs, électriciens, spécialistes dans le montage de hangars (…) Ce sont des aviateurs qui font preuve de beaucoup d’abnégation. Quand ils arrivent sur le terrain, il n’y a rien. Tout est à construire, et pour la majorité des missions, il faut le faire vite…
Colonel V. Compagnie d’Infrastructure en Opération.
Les chefs de piste, agents d’escale
Ce que j’aime dans mon métier (…) c’est que nous sommes les derniers avant que la porte de l’avion ne se ferme, à voir les militaires quitter le théâtre pour rejoindre leurs familles. Ils ont tous le sourire aux lèvres. Ca réchauffe le cœur.
Sergent-Chef P. Agent d’escale.
* * *
La Lieutenant Charline Redin est journaliste au Service d’Information et de Relations Publiques de l’Armée de l’Air. Après des études brillantes d’histoire des médias, de journalisme et de chinois, elle s’engage en 2007. Elle ne compte plus ses voyages à titre privé et déploiements en OPEX. Soutenue par le Général Jean-Paul Paloméros, CEMA-Air, accompagnée par l’Adjudant Benoît Arcizet, graphiste de talent, et par toute l’équipe du SIRPA-Air, elle se lance dans ce beau projet qu’est « Afghanistan, Regards d’aviateurs » en 2011.
Charline est aussi photographe. Vous retrouverez son oeuvre sur son site : ici.
Merci Charline pour votre accueil chaleureux. Et pour le futur café ;)
« Afghanistan, Regards d’aviateurs », est édité par le SIRPA-AIR, disponible sur le site de l’ECPAD ici.
Livre multimédias : en scannant les codes à chaque chapitre, vous pouvez visualiser le reportage associé sur votre mobile.
La Lieutenant Redin interviewe un militaire afghan – photo © SIRPA
Tous les aviateurs français présents ici n’ont qu’une idée en tête : celle de vous aider à apporter la paix dans votre pays.
Général Paloméros, Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air, au Général Mohammad Dawran, son homologue afghan.
Mon tout petit. Tu liras ces pages dans quelques années, et elles te sembleront écrites par un étranger. Tu n’auras pas de souvenir de ton papa pilote, mais j’espère que tu seras quand même fier de lui.
Lieutenant-Colonel B. Pilote de Mirage F1CR ; extrait de son journal, destiné à sa femme et ses enfants.
* * *
Hommage
Au Caporal-Chef Sébastien Planelles, CPA 10, mort pour la France en Afghanistan,
Aux hommes et femmes de l’Armée de l’Air morts pour la France,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux aviatrices et aviateurs !
« Mon but n’était pas de tirer des bombes, mais de faire mon devoir. »
Lieutenant G. pilote de Mirage 2000D.
Livre, photos, témoignage, récit biographique, Armée de l'Air, pilotes, personnel au sol
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