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24/05/2016

« La tombe d’Hanoï », Henri Ansroul, 1er BCCP ; « 5e Promo au rapport », Christian Hager, EETAT, ENSOA ; « Des mots, pour des maux », Jean-Louis Martinez, soldat, poète et artiste.

Extraits publiés avec l’aimable autorisation des auteurs. Droits réservés.

 

Tous les soldats n’ont pas l’aura d’un Marcel Bigeard ; tous les soldats n’ont pas la plume d’un Hélie de Saint-Marc…

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C’est un fait. Mais en quoi cela rendrait leurs témoignages moins intéressants ? Peut-on imaginer un récit de vétéran d’Indo « de trop » ? Un texte rapportant la vie dans l’Ecole des Techniciens de l’Armée Terre à la fin des années 60, n’est-ce pas totalement inédit ? Un militaire ne pourrait-il être, également, artiste et poète ?

C’est l’objectif que nous nous fixons avec ces « milibiblis » : sortir de l’ombre des livres écrits sans la moindre prétention mais avec le cœur, souvent autoédités, donc pouvant souffrir d’un manque de « visibilité ».

Ces ouvrages, éminemment personnels, auraient pu rester dans l’imaginaire de leurs auteurs, être confinés au cercle familial, voire sous la forme d’un manuscrit s’empoussiérant dans un tiroir ; cela aurait été fort dommage : le devoir de mémoire ne s’arrête pas à lire et honorer les hommes  que l’Histoire a eu la bienveillance de conserver dans ses tablettes.

« Tout homme est une exception ».

Hélie de Saint-Marc

 *

 « La tombe d’Hanoï », Henri Ansroul, 1er BCCP, éd. Les Archives Dormantes

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Henri Ansroul en Indochine, photo famille Ansroul

La première chose que vous faites en arrivant dans une ville, après si longtemps, c’est d’aller voir les filles. Les Indochinoises nous semblaient si belles, quel dépaysement ! Pousse-pousse, chaleur, bruits, klaxon, cette foule qui bouge sans cesse ; on avait envie de se mettre dans le bain tout de suite, sans penser à ce que nous étions venus faire ici.

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A chaque fois que je bougeais, je me faisais allumer. Je commençais à me faire du mouron. Puis le sergent nous fît des signes devant : dans les arbres. Et de son arme, il envoya une rafale dans le milieu de ces arbres. Je tirai aussi, deux ou trois autres en ont fait autant. Surprise, étonnement, nous avons vu un paquet de branches tomber. Ces salauds camouflés avec des bouts de branches, nous tiraient dessus. On en a vu descendre trois ou quatre (…) Quelques instants plus tard, j’ai reçu une pierre avec un mot : « on décroche » (…) Les copains qui sont partis avant moi se mettaient en position pour couvrir les autres qui n’avaient pas encore reçu l’ordre. Puis ça y est, c’est mon tour. Les fesses serrées, le trou du cul à zéro, j’attendais le signal.

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Beaucoup ont dû croiser Henri Ansroul, humble garagiste breton, sans se douter de son passé de combattant d'Indochine, valeureux commando-para du 1er BCCP. Il a désormais rejoint ses camarades de la tombe d’Hanoï. Le manuscrit qu’il avait pris soin d’écrire aurait pu rester « dans la famille » ; cela aurait été regrettable : sans esbroufe, Henri a un certain talent pour rendre le fracas des combats dans la moiteur indochinoise. Saluons donc l’initiative de ses enfants et petits-enfants qui, avec le soutien de la nouvelle maison d’édition Les Archives dormantes, complète d’une jolie manière la milibibli « Ceux d’Indo ». Disponible chez votre libraire, éventuellement sur commande, ou sur les sites du Net. Par exemple ici. 

Site des éditions Les Archives Dormantes ici.  

Page FaceBook .  

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Hanoï, tombe d’André, camarade d’Henri. Photo famille Ansroul

J’ai trouvé une place pour mettre mon hamac. J’étais tellement faible que je restais des heures dedans, bercé par le roulis. Je me disais que maintenant c’était vrai : je rentrais, le bateau ne ferait pas demi-tour. J’avais encore peur, quand même.

***

« 5e Promo au rapport », Christian Hager, EETAT, ENSOA, TheBookEdition

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Christian Hager à Issoire.

- Vous n’allez quand même pas prétendre que c’est propre !

- Si, mon Lieutenant.

- Puisque c’est si propre, si je vous donne l’ordre de boire dans les urinoirs. En êtes-vous capable ?

- Non, mon Lieutenant.

- Et pour cause, ils sont dégueulasses !

J’aurais donné cher pour savoir ce qui n’allait pas. J’avais beau scruter les urinoirs à la loupe, je ne voyais rien d’anormal.

- Etes-vous certain d’avoir une bonne vue ? repris le Lieutenant. (…/…)

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Cette autobiographie évoque un contexte atypique : celui  de l'Ecole d'Enseignement Technique de l'Armée de Terre, EATAT/EETAT/ENTSOA d'Issoire, AEETAT de Tulle, mais aussi ENSOA de Saint-Maixent, à la fin des années 60. De l’inédit donc. De plus, Christian, dans un style d’une réjouissante simplicité, rend bien l'ambiance de l'époque à travers les yeux d'un jeune-homme : la découverte de la vie militaire, les profs, les camarades, les trains de nuit, les sorties, les nuits blanches place Clichy, les filles... Le résultat est très sympathique et rappellera bien des souvenirs aux aînés, techniciens passés par l'école, mais plus généralement EVAT et appelés.

Et par tous les Saints ? Vive les techniciens !

Disponible auprès de l'auteur ici. 

Page FaceBook de l’auteur .

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Ecole des Techniciens de l’Armée de Terre

(…/…) Le Lieutenant n’avait pas l’air d’apprécier nos réponses. Il gardait son calme, mais on le sentait prêt à sortir l’artillerie lourde. Il nous montra un léger dépôt de calcaire sur le pourtour d’un trou d’évacuation. C’était l’objet du délit qui nous valut deux tours de consigne et la présentation de la corvée de lavabos et d’urinoirs en tenue de sortie, chemise blanche, cravate noire et gants blancs, chaque matin à 7h35, pendant deux semaines.

***

« Des mots, pour des maux », Jean-Louis Martinez, autoédité

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J’étais, je suis, et je resterai

ce soldat qui saluait lorsque les couleurs étaient hissées.

J’étais, je suis et je resterai

ce soldat qui frissonnait lorsque la Marseillaise était chantée.

J’étais, je suis et je resterai

ce soldat qui se redressait lorsque le respect lui était donné. 

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Autoportrait

Oui je le resterai, je soutiens et soutiendrai

mes camarades si malmenés.

Je le resterai, afin qu’ils restent ancrés dans le cœur des Français.

Je le resterai, pour que leurs proches soient à tout moment protégés.

Pour les protéger d’un monde individualiste exacerbé.

Qui ne se réveille que quand la mort

Vient à sa porte

Le déranger.

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Les dessins et les textes de notre ami Jean-Louis Martinez sont désormais bien connus de la fraternité militaire, étant largement diffusés sur le Net ; mais les avoir sous forme d’un livre, c’est mieux ! "Des mots, pour des maux" est le deuxième opus, dessins-poèmes-textes-coups-de-gueule, tout aussi réussi que le premier, "Soldat protecteur de notre liberté" (abordé dans une milibibli ici). C'est humble, cela parle au cœur, c’est attachant. On aime vraiment beaucoup, tant l’œuvre que l’homme.

Disponible sur le site de Jean-Louis ici. Attention, très peu d’exemplaires encore en stock !

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06/05/2016

« Les combats héroïques du Capitaine Manhès », LCL (r) Max Schiavon, éd. Pierre de Taillac

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur et des éditions Pierre de Taillac. Droits réservés.

A la mémoire de nos arrière-grand-pères, combattants de la Grande-Guerre : Ernest Antoine, 37e RIT, mort pour la France le 1er janvier 1915 à Toul ; Fernand-Gaston Camut, 17e BC, 71e BC ; Abel Préau, 10e RG, 105e RAL, 46e RI ; Colonel Fiodor Zakharevitch Plakoff ; Vassilï Oskarovitch Lampe.

 

 

Ecoutez la clameur qui sort des hécatombes !

Nécropole de Notre-Dame-de-Lorette

  

Marchez dans les champs de croix, à Verdun, en Argonne, en Champagne, dans la Somme, dans les Vosges... Qu’ils sont effroyablement beaux, ces cimetières de la Grande-Guerre…

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Mais devons-nous nous contenter de l’émotion que distille la grandeur d’un Douaumont ? Cette émotion, aussi honnête soit-elle, ne reste-elle pas très abstraite ? C’est là où la lecture des « combats héroïques du Capitaine Manhès » présentés par le LCL (r) Max Schiavon, s’avère une véritable déflagration affective : sous ces alignements parfaits de croix blanches, sous ce gazon bien tondu, derrière la litanie des noms gravés dans le marbre, que de terreur vécue, que de crasse, de pourriture et de puanteur, que de souffrance, que d’effroi, que de hurlements ; et que d’héroïsme aussi, que de valeur et de sacrifices, que d’amour ; et que de grandeur enfin, chez ces jeunes hommes, ces petites gens, ces humbles : nos si valeureux Poilus.

Qu’ils sont effroyablement beaux, ces cimetières de la Grande-Guerre…

Qu’il est effroyablement beau, ce livre.

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Front des Vosges ; l’Hartmannwillerkopf, ou plutôt ce qu’il en reste. Photo issue du livre.

Un sifflement strident, une gifle formidable dans une haleine de four ; je titube un instant et, quand je reprends notion du monde extérieur, je vois à mes pieds un pauvre diable ouvert en deux, du sternum aux cuisses, comme un poisson qu’on vide et qui hurle pendant des secondes, ou des siècles (…) Le fracas continue, immense et trépidant. Je suis assis au pied d’un tronc d’arbre ; un Chasseur tout jeune s’est faufilé sous moi ; il sanglote et je sens son pauvre corps de gosse se soulever avec une cadence saccadée de moteur. D’autres se sont groupés autour de moi, leur sac sur la tête, et me regardent comme si j’étais l’égide protectrice. Il a suffi à ces pauvres diables de voir mes galons d’officier pour chercher d’instinct le salut près de moi. Et moi, qu’est-ce que je pense de cet enfer ?

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Photos issue du site de la Fédération Nationale des Amicales de Chasseurs

Les Allemands attaquent. C’est un soulagement infini.

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Photos issue du site de la Fédération Nationale des Amicales de Chasseurs

Roulé dans ma pèlerine, je me tasse dans un vestige de boyau. Sous un ciel étincelant, clouté d’or, et qui semble se craqueler de froid, je grelotte éperdument. Un âpre vent du nord fait pétiller les étoiles : il me pénètre comme si j’étais nu ; Dieu ! Que j’ai froid. Brusquement, au matin, le vent tourne, le ciel se couvre et, au lever du soleil, une abondante chute de neige efface les déchirures de la terre, ensevelit les morts et les vivants endormis, ouate silencieusement la forêt.

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Le Capitaine Manhès, nouvellement décoré de la Légion d’honneur et Croix de guerre avec palme. Photo issue du livre.

Je bavarde à bâtons rompus avec mes hommes ; encore une fois, comme ces causeries familières, aisées, amusantes et affectueuses sont plus utiles à tout point de vue que les « amphis » prônés dans les écoles et par les états-majors ! Le soir vient. La nuit est d’un calme plat. Une fois de plus, mes chefs s’excitent et mon silence les affole. Je suis assailli de coups de téléphone du capitaine et du commandant : « Que se passe-t-il donc chez vous ? Que signifie ce silence anormal ? ». Pauvres âmes qui ont besoin de beaucoup de bruit pour ne pas avoir peur de la nuit !

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Combat de l’Hilsenfirst, nouvelle Sidi-Brahim. Les Chasseurs du CNE Manhès sont encerclés et combattent à coup de rochers. Dessin de José Simon publié dans le journal L’Illustration du 31 juillet 1915

Guillermet est toujours debout, resplendissant de vigueur et de jeunesse, souriant, beau comme un jeune dieu. Le petit Martin, en tête de sa section, est très bien lui aussi. Mais le feu ennemi est terrible et nous décime. A ma gauche, le vieux Cardot, sergent de la territoriale venu à sa demande au 7e bataillon, est tué raide d’une balle en pleine tête. Tout autour, je vois tomber des pauvres corps, morts et affaissés. Et devant ces pertes répétées, il y a de nouveau du flottement. Je vois plusieurs hommes se coucher ; il faut intervenir vivement ; je le fais de la voix et du geste. Je repère un petit Chasseur de la classe 15 [20 ans] qui, manifestement, s’est couché. Je veux le faire relever, il refuse. Je l’empoigne alors par le col de sa vareuse et le soulève de force, à bout de bras. Je vois une pauvre figure de gosse, bouleversé, les yeux fous criant : « Non, mon Capitaine, non, je ne peux plus, je ne peux plus ! » Brusquement, son corps cesse de se raidir, de lutter contre moi ; au bout de mon bras, je le sens complètement mou : pendant que je le soulevais, une balle l’a frappé dans la tempe gauche.

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Tranchée allemande conquise par les Chasseurs, front des Vosges. Photos issue du site de la Fédération Nationale des Amicales de Chasseurs

Sur l’ensemble plane une effroyable odeur de cadavre en décomposition ; des centaines de morts jonchent le terrain tout autour de nous. La puanteur vous prend à la gorge à 1500 mètres de la position. Sur place, c’est insoutenable ; mes hommes et moi, le cœur soulevé, nous vomissons à qui mieux mieux depuis notre arrivée. A deux pas de mon trou, un Allemand en vingt morceaux m’empoisonne. Inutile de changer de trou, c’est partout pareil.

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Tranchée allemande conquise par les Chasseurs, front des Vosges. Photos issue du site de la Fédération Nationale des Amicales de Chasseurs

Vers 7 heures, sous la pluie du ciel et la grêle des marmites [obus allemands], je reconnais les emplacements pour l’opération que je fais ce soir. Je rencontre le Général Serret, visiblement fatigué au physique comme au moral, errant comme une âme en peine, paraissant nettement chercher la marmite. Nous nous asseyons un moment au bord d’un trou d’obus et le général promène son regard sur l’effroyable tableau qui s’étend devant nous, un regard d’une indicible tristesse, désespéré.

Puis il me regarde longuement et me dit simplement : « Mon pauvre petit ».

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Le GAL Marcel Serret sur le front des Vosges. Il mourra le 6 janvier 1916 de la gangrène, suite à une blessure reçue quelques jours après sa discussion avec Manhès.

***

DSC00524.JPGJean-Louis Manhès nait en 1888 dans une famille de la bourgeoisie auvergnate. Il intègre Saint-Cyr puis Saumur. Cavalier au 18e RC, 9e RH, il est en Algérie avec le 3e RS lorsque la Grande-Guerre éclate. Craignant « de ne pas participer vraiment  et de toutes [ses] forces à une guerre où étaient engagées les destinées de la patrie et où se jouait cette revanche qui jusque-là avait été l’idée maîtresse de [sa] vie », il demande sa mutation dans l’Infanterie et rejoint le 13e BCA. Sur le front des Vosges, il est chef de compagnie du 7e BCA lorsque sa compagnie est cernée sur l’Hilsenfirst. Il y écrit une page de gloire de l’armée française, nouvelle Sidi-Brahim, en résistant aux allemands à coup de rochers, ce qui lui vaut la Légion d’honneur et la Croix de guerre à 26 ans. Il est blessé le 1 janvier 1916, 5 jours après avoir été nommé capitaine. Remis sur pied mais trop affaibli, à son grand damne, pour rejoindre le front, il est officier de liaison aux 11e et 168e Divisions d’Infanterie. Il retrouve la première ligne en 1917 au 4e BC puis 169e RI où il réalise de nouveaux exploits sur le front belge. Passant l’entre-deux-guerres dans plusieurs postes d’état-major, il est Colonel, chef de corps du 141e RIA pendant la Campagne de France. Nommé Général, il reste fidèle au gouvernement de Vichy, ce qui brisera se carrière militaire. Il est totalement réhabilité en 1961 par Pompidou, qui a été son lieutenant. Il décède en 1974 à l’hôpital du Val-de-Grâce. Ses descendants, ayant précieusement conservé son journal de marche, ont la bonne idée de contacter Max Schiavon pour envisager sa publication…


Lcl_SCHIAVON.jpgLe  Lieutenant-Colonel (r)  Max  Schiavon, intègre l’Armée en 1978 comme élève-officier  de  réserve.  Après  une  première  partie  de  carrière  dans  le Matériel, en Allemagne et en France, il commande une compagnie à l’Ecole Polytechnique. Diplômé en  informatique et en management stratégique, il effectue des missions sur les cinq continents et dirige pendant cinq ans le  bureau  des  télécommunications  et  systèmes d’information  de  la région  terre  Nord-Est à Metz. Docteur en Histoire, il devient en 2010 directeur de la recherche du Service Historique de la Défense. On lui doit de très nombreux livres, historiques sur la Grande-Guerre, la campagne de France, biographies des généraux Georges, Vauthier, Salan, etc. [voir plus bas].

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« Les combats héroïques du Capitaine Manhès - Carnets inédits d'un Chasseur alpin dans les Vosges, 1915-1916 », présenté par Max Schiavon.

Témoignage *exceptionnel*

Prix spécial de la Saint-Cyrienne (ô combien mérité !) 2016

ISBN 978-2364450523 – Prix 19 ,90 € - Format 19 x 14, 352 pages, cahier-photo

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Aux éditions Pierre de Taillac

Disponible ici.

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Avec Max Schiavon au Salon du Livre 2015

Milibibli « Max Schiavon »

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Devant le monument aux Chasseurs et au COL Driant, bois des Caures, avril 2016

Hommage

Aux Chasseurs de la Grande-Guerre,

A tous nos valeureux Poilus !

Quand Madelon vient nous servir à boire…

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Rarissime autochrome d’une compagnie du 13e BCA en 1915. Collection Jules Gervais-Courtellemont - Cinémathèque Robert-Lynen. Crédit photo Francetvéducation ici.

Hier, ma compagnie a perdu 31 tués et 55 blessés. C’est une dure épreuve. Que sera la journée de demain ? Je ne crois pas pouvoir demander à mes hommes la continuation d’un pareil effort. Ce qu’ils ont fait aujourd’hui est surhumain. Ce que je peux les aimer d’une chaude affection, profonde, immense, ces braves gens dont je sens encore peser sur moi ces regards anxieux, mais confiants (…) Tout à l’heure, un brave garçon avec lequel je bavardais sur les durs événements de cette abominable journée, m’a dit avec une charmante candeur, toute simple et sans aucune vanité de ton :

« On est quand même de sacrés bonhommes, mon Capitaine ».

 

 

 

02/05/2016

« Opération Turquoise », GAL Jean-Claude Lafourcade, éd. Perrin

Extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur. Photos issues de la collection de l’association « France-Turquoise ». Droits réservés.

 

 

La seule chose qui permet au mal de triompher

est l’inaction des hommes de bien.

Edmund Burke

 

Le fils d’une de mes amies, rentrant de son célèbre lycée du VII arrondissement de Paris, lui dit : « Comment peux-tu encore fréquenter le général Lafourcade ??? C’est un génocidaire !!! ».

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Cette phrase, issue du livre, est un crève-cœur. Crève-cœur pour le Général, vous le comprendrez aisément en lisant le texte qui suit. Crève-cœur pour nous aussi, de par l’affection que nous portons à « Ceux de Turquoise ».

N’en voulons pas trop, cependant, à ce jeune-homme qui a subi le lavage de cerveau de la propagande, d’où qu’elle vienne. Espérons simplement que, depuis lors, il a lu le livre du Général Lafourcade, ceux du padre Kalka, du Colonel Hogard ou du Caporal-Chef Geoffroy, tous vétérans de Turquoise.

En une heure, l’amiral Lanxade [CEMA] m’a fait voir l’extrême difficulté de la mission qui nous attend. Des rapports empoisonnés avec le FPR [Front Patriotique Rwandais, tutsi], les « retrouvailles » avec nos anciens alliés [Hutus] qui, pour certains, ont les mains pleines de sang, la forte pression médiatique, l’isolement sur la scène internationale, les soupçons, un drame humanitaire… Intérieurement, je m’inquiète, non pas pour moi et mes hommes, mais pour la réussite de la mission. Il faudra aller vite si nous voulons réussir à sauver encore des survivants. J’ai conscience que nous arrivons bien tard, beaucoup de mal est fait, mais chaque vie compte.

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Depuis qu’on a vu sur toutes les télévisions du monde les cadavres des soldats américains traînés dans les rues de Mogadiscio, les Etats-Unis sont dans une logique « zéro mort ». N’ont-ils pas, en outre, formé eux-mêmes le général Kagamé [leader Tutsi] dans leur académie militaire de Fort Leavenworth ? Et l’attentat contre l’avion du président [Hutu] Habyarimana n’offre-t-il pas une opportunité pour leur allié anglophone de prendre le pouvoir ? Les Anglais considèrent que le Rwanda n’est pas dans leur zone d’intervention. Les Belges, dont dix casques bleus ont été assassinés le lendemain de l’attentat contre Habyarimana sont traumatisés. Ainsi la France, qui est le premier pays à avoir officiellement utilisé par la voix de son ministres des affaires étrangères le mot de génocide le 1er mai, semble la seule nation occidentale prête à intervenir pour que celui-ci cesse.

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Notre hélicoptère Puma file à 240 kilomètres/heure au-dessus du lac Kivu. J’y plonge mon regard et sous les reflets turquoise, les profondeurs sombres me renvoient à mes pensées. Nous sommes en pleine action et nous connaissons son sens. Mais ce que nous découvrons jour après jour ici, nous entraîne dans des abysses jusqu’alors inconnues…

(…)

Les miroitements mirifiques du lac que nous avons survolé d’un bond d’aéronef suffiraient à illuminer notre journée, mais des rivières de sang l’assombrissent bientôt. C’était trop beau. En route, un spectacle macabre se dévoile. L’envers du décor. Nous faisons une halte pour nous enfoncer à pied dans un bois. Là, maintenant, l’odeur si particulière des cadavres nous saisit et nous repousse quelques pas en arrière. Contrastes : splendeur du Rwanda, fureur de la bête humaine. Est-ce possible ? Nous avions vu, tous, à la télévision, les images des massacres. Mais nous ne savions pas, nous n’imaginions pas. Devant nous, des corps éparpillés dans la forêt, au milieu des bosquets, laissés là depuis plusieurs semaines. C’est insoutenable. Ces Tutsis ont été frappés au visage, mutilés, découpés, écrasés. La vie s’arrête là sous nos yeux. La nausée…

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Je repense alors aux colonnes de civils qui nous saluaient à l’instant, au passage de notre véhicule. C’étaient des Hutu, et tous, innocents ou non, craignent que des Tutsis du FPR [Front Patriotique Rwandais] la vengeance et les massacres de représailles. Les tueurs sont parmi eux… Ils fuient par dizaines de milliers vers le Zaïre. Ils ont tout perdu, tout abandonné sauf quelques marmites, des bidons, des morceaux de tôle. Nous regagnons la route et les croisons à nouveau. L’air hagard, désespérés, ils marchent. Certains ont égorgé leur meilleur ami. D’autres ne sont que les victimes d’une guerre larvée qui dure depuis 1990. Elle, avec son fichu rose sur la tête, n’a-t-elle pas dénoncé ses voisins ? Et lui, a-t-il « coupé », comme on dit ? Ils nous regardent. Ils lancent un amahoro, « paix ». Que dois-je faire ? Ils ne sont évidemment pas tous coupables, mais qui est qui ?

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Compte tenu des effectifs dont je dispose sur le terrain, il sera difficile de contrôler l’ensemble de la zone FAR [Hutu], car les réfugiés se cachent et les milices commettent leurs actes la nuit. Cela devrait donc prendre un certain temps avec le risque que les exactions se poursuivent. A des journalistes qui m’interrogent, je dis en substance : « Pourquoi n’avançons-nous pas assez vite ? Parce que nous sommes seuls. Seule la France a eu le courage d’intervenir et nos moyens sont limités. Où sont les Anglais et les Américains qui nous ont mis des bâtons dans les roues avant l’intervention ?

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L’avancée des troupes de Kagamé vers nos positions a eu les conséquences que nous craignons. L’exode massif est en marche (…) les acteurs du génocide savent qu’ils ne sont pas les bienvenus dans notre zone et que la justice a commencé son travail. Ils se dirigent donc vers Goma. Mêlés à des centaines de réfugiés, comment les identifier et les appréhender ? Paul Kagamé a provoqué le contraire de ce qu’il déclarait vouloir faire et il ne pourra s’emparer des massacreurs, désormais à l’abri au Zaïre.

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Les rues de Goma sont bondées d’une foule errante. Ils déambulent sans but, avec leurs ballots sur la tête, leurs vêtements sales, leurs chaussures abîmées par les kilomètres. Acceptent-ils cette situation ? Leur résignation m’étonne. Tout autour de la ville, sur des terrains où rien ne pousse, ils s’installent, entassés. La terre est noire, la poussière de lave et la pierre ponce ne draine pas les excréments. La puanteur des immondices se répand. Au milieu des détritus, ils ont faim, soif. La menace de l’épidémie plane sur eux. Le choléra fait ses premières victimes.

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La mort fauche par milliers les hommes les femmes, les enfants. Ils tombent sans se plaindre. Le courant de la fatalité les emporte sans qu’ils réagissent.

Après la découverte du génocide d’avril, mai et juin, nous avons atteint de nouveaux sommets dramatiques. Nous sommes tous bouleversés par ce que nous vivons. Il faut voir ces jeunes militaires français, de 18 à 25 ans, aidés par des Zaïrois que nous avons payés, décharger de nos camions des centaines de corps et les jeter dans d’immenses tranchées. Choqués, ils charrient les masses inertes comme des sacs de sable. Je leur en ai donné l’ordre. Ils obéissent dans la générosité et l’abnégation. Je pense à eux, à leur vie à jamais changée. Je pense à leurs familles, mais aussi à celles de toutes les victimes. Tout se fait dans un bruit assourdissant de pelleteuses qui agrandissent toujours plus ces tombes géantes et recouvrent ensuite sans plus de cérémonie les milliers de défunts. Je n’oublierai jamais le visage du caporal conducteur de bulldozer.

***

En août 1994, trois mois après leur déploiement et conformément au mandat de l’ONU, les soldats de Turquoise quittent le Rwanda. Tous reviendront profondément meurtris, combien d’entre eux, comme le CCH Xavier Geoffroy, victime du syndrome de stress post-traumatique. On ne sort pas indemne de « l’apocalypse sur Terre », dixit le padre Kalka.

Dans un premier temps, la communauté internationale applaudit. Certes les hommes de Turquoise n’ont pu empêcher les massacres, perpétrés à plus de 90% avant leur déploiement ; certes des assassinats et exactions ont continué ; la France était seule, ses moyens limités… (2500 hommes…) reste que que des dizaines de milliers de Tutsis ont été sauvés, le travail des ONG facilité, au moins dans la zone contrôlée, un semblant de paix installé, permettant la reconstruction du pays.

Mais tout cela n’est rien pour des  journalistes avides de buzz, une presse anglo-saxonne qui relaie le discours officiel anti-français, un gouvernement Kagamé, désormais 100% tutsi, qui allume des feux francophobes un peu partout, profitant de l’écran de fumée pour liquider à qui mieux mieux les opposants, quand ce n’est pas massacrer les réfugiés hutus au Zaïre. Pour eux, les soldats français présents au Rwanda sont des génocidaires.

Et depuis 20 ans - à nouveau début 2016 - ces soldats sont convoqués devant la justice pour répondre de leur « crime ».

Tristement, et dans une indifférence nationale quasi générale, la chasse aux boucs émissaires se poursuit.

***

220x220-ct.jpgNé en 1943, Jean-Claude Lafourcade intègre Saint-Cyr, promotion « Serment de 14 ». Il fait sa carrière dans les Troupes de Marine, 21e RIMA, 3e RPIMa. En 1974 il est aide de camp du GAL Bigeard au Secrétariat d’état à la Défense, puis  chef de corps du 8e RPIMa. En 1994, alors Général de Brigade, adjoint à la 11e Division parachutiste, il est désigné pour prendre le commandement de l’opération Turquoise au Rwanda, sous mandat de l’ONU. Général de corps d’armée, commandeur de la Légion d’Honneur, il est placé en 2ème section en 2003. Face aux multiples attaques et procès, il fonde l’association France-Turquoise en 2006, destinée à défendre l'honneur de l'armée française au Rwanda. Le GAL Lafourcade est marié et père de deux enfants.

Site de l'association France-Turquoise ici.

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ISBN 978-2262031282 – Format 21,1 x 14,2 216 pages.

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Aux éditions Perrin

Le livre est malheureusement épuisé ; à dénicher sur la marché de l’occasion, par exemple ici.

Pour d’autres livres de « Ceux de Turquoise », voir ici.

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Interview du Général Jean-Claude Lafourcade

7.4.2014

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En novembre 2015, 21 ans après les faits, des associations, autoproclamées défenderesses des droits de l’homme, ont renouvelé leur plainte pour complicité de génocide contre des officiers de Turquoise, pour ne pas avoir sauvé plusieurs centaines de Tutsis à Bisesero.

Le Général Lafourcade a été convoqué une nouvelle fois par la Justice en janvier dernier.

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En 1996, le gouvernement rwandais, désormais exclusivement tutsi, décide de démanteler les camps de réfugiés hutus au Zaïre. Il attaque les campements. L’opération fait de 40 000 à 200 000  morts selon les sources.  Nous n’avons pas connaissance de procédures judiciaires sur ces faits, par les associations susnommées, à l’encontre des soldats de Kagamé.

D’ap. "Perdus dans la forêt", traduction française par Wolfgang Blam - Taz (Allemagne) 28.8.2010.

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Dans cette réalité rwandaise, comme c’est souvent le cas en Afrique, mais aussi ailleurs - on l’a vu en ex-Yougoslavie - il n’y a pas de place pour le manichéisme, pour une vision angélique des uns et diaboliques des autres. Comme l’écrit Jean d’Ormesson dans un article paru dans le Figaro, le 21 juillet 1994. : « S’il faut tirer une leçon du Rwanda, c’est que les hommes sont tous coupables et qu’ils sont tous innocents. Il n’y a pas de bons et de mauvais. Il n’y a que l’engrenage de la haine et de la violence. »

COL Jacques Hogard, commandant la ZHS au Rwanda pendant l’opération Turquoise.

 

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Au Cercle national des Armées, fiers de nous afficher au côté du Général Lafourcade.

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Hommage à Ceux de Turquoise.

« J’ai fait tout ce qu’un soldat a l’habitude de faire.

Pour le reste, j’ai fait ce que j’ai pu. »

Etienne de Vignoles, dit La Hire, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc.

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A la mémoire de toutes les victimes de la guerre civile au Rwanda.

« Si vous cherchez un coupable, commencez par vous demander à qui a profité le crime. »

Bon sens populaire.

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Etre accusé de génocide, c’est être accusé du pire des crimes (…) Ce n’est pas seulement une insulte faite à mon honneur de citoyen. C’est une blessure au plus profond de mon être. Le Rwanda, en 1994, je peux dire : j’y étais. Le génocide, je l’ai touché. Je l’ai côtoyé. Ce que j’ai vu a définitivement changé ma vie. Je sais exactement de quoi je parle. Pas d’un concept, pas d’un crime imaginaire déclaré odieux dans un salon mondain. J’ai en tête les images très précises de ce dont on voudrait m’accuser. Je pense être un homme équilibré ; malgré tout, je sais avoir été définitivement marqué par cette expérience. Aujourd’hui, c’est là, au fond de moi, que l’on vient me meurtrir.

Et je ne suis pas seul. Je pense à tous les soldats de Turquoise. Nous avons agi dans un environnement d’une complexité rare, sans cesse confronté à l’horreur.

Les soldats qui ont servi au Rwanda en 1994 ne méritent pas une telle infamie.

Général Jean-Claude Lafourcade