29/04/2013
"Afghanistan, Regards d’aviateurs", LTN Charline Redin, SIRPA-Air
A la mémoire du Lieutenant-Colonel Anne Broquet, commandant des Convoyeuses de l’Air
Alors, ils surent ce que les camarades entendaient par équipage. Ils n’étaient pas simplement deux hommes accomplissant les mêmes missions, soumis aux mêmes dangers et recueillant les mêmes récompenses. Ils étaient une entité morale, une cellule à deux cœurs, deux instincts que gouvernait un rythme pareil. La cohésion ne cessait point hors des carlingues. Elle se prolongeait en subtiles antennes, par la vertu d’une accoutumance indélébile à se mieux observer et se mieux connaître. Ils n’avaient fait que s’aimer.
Joseph Kessel, « L’Equipage »
« Cher Monsieur, Merci pour votre mail. Je suis en ce moment au Qatar pour l’exercice Gulf Falcon 2013. Je serai ravie de vous envoyer un ouvrage dédicacé dès mon retour en France». Cool, non ?
« Afghanistan, Regards d’aviateur », par la Lieutenant Charline Redin. Dans mon esprit, de par son format, j’allais avoir entre les mains un beau livre-photo, Rafale, Mirage… mais on est bien au-delà de ça : fruit de plusieurs années de travail, faisant suite à ses déploiements en Afghanistan, Charline Redin, journaliste au SIRPA-Air, nous rapporte une multitude de témoignages, sous forme d’interview. Je ne peux mieux faire que la citer : « Ce livre, même s’il décrit des missions militaires, se veut une sorte de carnet intimiste où l’individu se livre, à travers sa fonction, son ressenti, ses angoisses et ses émotions ».
« Voir les mecs qui vont au charbon, écouter ce qu'ils racontent…»
LTN Charline Redin
« Afghanistan, Regards d’aviateurs » est effectivement un très beau livre - saluons le magnifique travail de l’Adjudant Benoît Arcizet pour la conception graphique - mais en sus, c’est un très bon livre, hommage si mérité aux hommes et femmes de toutes les composantes de l’Armée de l’Air.
Oui, nos Rafale et nos Mirage sont beaux, mais pas autant que les hommes et femmes qui les font voler…
Les équipages de chasse-bombardement
On s’équipe. Notre habit est lourd, mais j’aime le revêtir. Je quitte déjà un peu ce monde et gagne celui du vol (...) A chaque fois, je m’isole un instant pour prendre du recul et me concentrer. Dans ce tourbillon d’activités, le départ en vol de guerre demeure un moment où l’homme, le combattant et le chef se réalisent pleinement. La force de l’engagement, le courage et la valeur sont mis à nu par la violence des faits.
Lieutenant-Colonel M. Chef du 1er détachement Chasse à Kandahar.
L’implication avec le sol est totale. Nos interventions se doivent d’être très rapides. On nous appelle, on se déroute instantanément. Dans le cockpit la tension est immédiatement à son paroxysme. Un déroutement signifie toujours un accrochage qui s’est déroulé peu de temps avant. La moindre minute perdue peut signifier la différence entre la vie et la mort pour un soldat.
Lieutenant-Colonel W. Pilote de Mirage 2000D.
Les équipages de transport et les ravitailleurs en vol, dits les « Lourds »
Chacun des deux Mirage 2000D avait tiré ses deux bombes. Nous les avons ravitaillés une dernière fois pour qu’ils puissent rentrer à Manas [base au Kirghizstan]. A la radio, un des pilotes nous lance « Merci les Lourds pour la mission ! ». Ce ne sont que quelques mots, mais ils nous ont énormément touchés .
Lieutenant-Colonel P. Chef du Groupe de Ravitaillement en Vol 2/91, sur Boeing C135FR.
Les convoyeuses et convoyeurs de l’air, le personnel de santé
A 4h du matin, les réacteurs sont de nouveau en route. Top départ, direction Paris-Orly. Pendant les 7 heures de vol, les équipes médicales sont à pied d’œuvre (…) Je me souviens plus particulièrement d’un soldat grièvement touché, qui était anxieux ; inquiet de son état de santé et d’un handicap futur certain. Il me confie ses craintes. Notre mission prend alors tout son sens.
Capitaine H. convoyeur de l’air.
Le chapitre de Charline dédié aux convoyeuses et convoyeurs m'a touché. C'est l'occasion, me semble-t-il, de rendre mon propre hommage à ma cousine Anne Broquet, chef des convoyeuses de l'Air, disparue, hélas, prématurément.
Anne s’engage en 1972. Lieutenant-Colonel, elle commande la division des Convoyeuses de l’Air, escadrille aérosanitaire 6/560 « Etampes ». Elle totalise plus de 10 000 heures de vol, 25 déploiements en Afrique, Moyen-Orient et Asie.
Peintre à ses heures, membre actif de l’ordre de Malte, ses dernières missions humanitaires l’ont menée au Sri Lanka et en Inde, dans le cadre de mesures d’aide urgente pour les survivants du tsunami.
Anne décède prématurément le 17 juillet 2008,à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, luttant courageusement contre la maladie.
Femme humble, très discrète, elle me laisse un grand regret, ne pas avoir assez échangé avec elle, ne pas l’avoir incitée à écrire sur sa vie d’exception…
Quelle belle remontée du Mékong ce fût été…
Photo © Ordre de Malte
LETTRE OUVERTE AUX EQUIPAGES.
La mythologie connut le centaure, monstre moitié homme, moitié cheval. Plus tard vint le mi-ange, mi-démon, bon ou mauvais. Enfin, arriva la convoyeuse de l'air, divinité mi-infirmière, mi-hôtesse !
Comme tout être fabuleux, qu'il soit issu de la mythologie, de la religion ou du transport aérien militaire, il appartient à la légende. Mais, bien qu'invraisemblable, il n'en demeure pas moins vrai. Je le sais puisque je suis leur chef ! Mais comme tout être de légende, il ne peut jamais être rationnellement défini. C'est là notre lot, mais aussi notre spécialité.
Moi, ce que je sais, c'est que lorsque je vois partir Brigitte, Odile, Nathalie, Sophie, Isabelle, Astrid... en tenue verte couleur «combat» avec le masque à gaz, le gilet pare-balles, le casque bleu, je sais qu'elles vont aller sur le terrain pour, s'il en est besoin, vivre leur métier d'infirmière. Et, même si au dernier moment elles glissent tout au fond de leur poche ce petit tube de rouge à lèvres, elles savent que dans leur lot sanitaire il y a ce qu'il faut. Et puis, un dernier réflexe de coquetterie ne nuit en rien aux «guerrières» (à chacun ses peintures de guerre). D'ailleurs messieurs, qui me dit que vous ne glissez pas dans votre poche au dernier moment un petit échantillon d'after-shave !
Pendant ce temps-là, Anne, Emmanuelle, Véronique, Dominique, Yvette, Cathy... en tenue bleue couleur «travail» partent à l'assaut d'un redoutable obstacle : «la mission avec passagers». Cette «mission logistique» est plus scabreuse pour une convoyeuse de l'air qu'une «mission tactique», car là, vous devez affronter ce deuxième rôle pour lequel on vous dit ne pas être «faite» ! C'est-à-dire celui de conforter une maman aux prises avec ses enfants, soutenir un passager faisant un petit malaise vagal ou cet autre ne supportant pas le décalage horaire. Il faut également assister le commandant de bord, le chef de cabine et aider le médecin assurant une évacuation sanitaire.
Ce rôle «d'assistante de bord» plus qu'hôtesse d'ailleurs, sur «avion à moquette», n'est pas non plus pour nous déplaire, car après s'être pris un nombre incroyable de fois nos petits pieds, quoique chaussés d'énormes chaussures, dans les chaînes d'arrimage du Transall et avoir glissé sur les rouleaux des palettes du C130, qu'il est doux de poser nos pieds fragiles chaussés enfin d'escarpins sur la moquette moelleuse d'un DC8 en partance pour l'autre bout du monde ou d'un Falcon effectuant une EVASAN [Evacuation sanitaire]. A chacun son repos ! Mon grand regret il est vrai, c'est de ne pas les poser plus souvent dans nos hélicoptères !
Par ces quelques mots, je n'ai rien voulu prouver. J'existe, c'est tout, et je suis convoyeuse de l'air. Mais ce que je voulais, c'est dire aux équipages du COTAM [Transport] que quel que soit l'avion sur lequel nous volons, nous serons toujours avec eux pour les aider, les assister, partager ensemble les bons et mauvais moments. Nous comptons sur eux, et sans eux, nous ne serions pas convoyeuses de l'air.
CDT Anne BROQUET, Chef des Convoyeuses de l'Air
FAP INFO n° 70 – 2ème semestre 1993.
* * *
Les équipages d’hélicoptère
Il y avait dans le regard de cet enfant toute la misère du monde. Il allait monter pour la première fois dans un hélicoptère, les hommes autour de lui étaient armés (…) de plus, il était très mal en point, les balles lui avaient perforé le corps.
Nous venons sur le théâtre pour évacuer des soldats, des combattants. Evacuer un enfant, qui pourrait être notre fils, c’est toujours une mission noble.
Lieutenant-Colonel C. Chef du détachement hélicoptère de l’Armée de l’Air sur l’Aéroport de Kaboul.
14 heures d’engagement de l’équipage de l’hélicoptère Caracal, pour déposer des troupes en soutien, des infirmiers, évacuer les blessés, ramener les 10 corps.
Au moment de la cérémonie d’hommage aux Invalides pour les dix soldats tombés, les écrans de télévision sont branchés à Kaboul, et tous les militaires sont devant, les yeux humides, le cœur lourd.
Je suis resté dans mon bureau. J’entendais le son, mais je ne pouvais voir les images. Aujourd’hui encore, je suis incapable de regarder cette cérémonie. Devant chaque cercueil, je revois chacun des hommes que nous avons ramenés.
Lieutenant-Colonel C, pilote de Caracal à Uzbin.
Les personnels de l’escadron de drones (avion de surveillance sans pilote)
J’ai remarqué sept hommes à la démarche étrange. Nous avons supposé que ces hommes étaient armés. Nous avons donné leur signalement aux militaires sur place. Nos suspicions étaient fondées.
Sergent C, interpréteur photo, Escadron de drones 1/33.
Les renseignements
[Les hommes du Renseignement préparent, entre autres, les plans de vol, pour éviter au maximum les risques encourus]. Lorsqu’un hélicoptère décollait de l’aéroport de Kaboul, il y avait toujours une forme d’appréhension d’avoir peut-être raté une donnée, ou d’être passé à côté de quelque chose. Mes amis et mes camarades étaient dans la machine. J’avais une lourde responsabilité à chacun de leur départ.
Lieutenant-Colonel F. Officier Renseignement, ED 1/33.
Les Commandos Parachutistes de l’Air
Nous étions en autonomie complète. Nous sommes entrés dans un village dans la zone du Baloutchistan. Il ne restait plus qu’une famille (…) Ils étaient à des lustres de savoir ce qu’il se passait à cette époque en Afghanistan. Ils étaient surpris de voir des militaires dans cette région. Nous dormions dehors, les températures chutant la nuit. Elles pouvaient atteindre -20°c. On se sentait si minuscules dans ce paysage merveilleux. Nous avions l’impression d’être des pionniers.
Lieutenant-Colonel R, dit Jacky, Commando Parachutiste de l’Air, intégré aux Forces Spéciales.
Nous travaillons régulièrement avec les américains. Lorsque nous leur avons montré ce que nous savions faire, ils ont été tout de suite demandeurs. Ils reconnaissent notre expérience de terrain.
Caporal-Chef M. CPA.
Les mécaniciens et armuriers
Les mécaniciens sont arrivés aujourd’hui et commencent d’emblée à installer les centaines de tonnes de matériel, qu’ils vont mettre en œuvre quand les F1 seront là. Ils sont impressionnants de courage et d’énergie, travaillant sans relâche sous un soleil de plomb. Ils sont admirables.
Colonel B. Pilote de Mirage F1CR.
Le personnel de soutien, d’infrastructure
Ces hommes de l’ombre sont souvent les premiers déployés sur les théâtres d’opération. Ils sont maçons, soudeurs, électriciens, spécialistes dans le montage de hangars (…) Ce sont des aviateurs qui font preuve de beaucoup d’abnégation. Quand ils arrivent sur le terrain, il n’y a rien. Tout est à construire, et pour la majorité des missions, il faut le faire vite…
Colonel V. Compagnie d’Infrastructure en Opération.
Les chefs de piste, agents d’escale
Ce que j’aime dans mon métier (…) c’est que nous sommes les derniers avant que la porte de l’avion ne se ferme, à voir les militaires quitter le théâtre pour rejoindre leurs familles. Ils ont tous le sourire aux lèvres. Ca réchauffe le cœur.
Sergent-Chef P. Agent d’escale.
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La Lieutenant Charline Redin est journaliste au Service d’Information et de Relations Publiques de l’Armée de l’Air. Après des études brillantes d’histoire des médias, de journalisme et de chinois, elle s’engage en 2007. Elle ne compte plus ses voyages à titre privé et déploiements en OPEX. Soutenue par le Général Jean-Paul Paloméros, CEMA-Air, accompagnée par l’Adjudant Benoît Arcizet, graphiste de talent, et par toute l’équipe du SIRPA-Air, elle se lance dans ce beau projet qu’est « Afghanistan, Regards d’aviateurs » en 2011.
Charline est aussi photographe. Vous retrouverez son oeuvre sur son site : ici.
Merci Charline pour votre accueil chaleureux. Et pour le futur café ;)
« Afghanistan, Regards d’aviateurs », est édité par le SIRPA-AIR, disponible sur le site de l’ECPAD ici.
Livre multimédias : en scannant les codes à chaque chapitre, vous pouvez visualiser le reportage associé sur votre mobile.
La Lieutenant Redin interviewe un militaire afghan – photo © SIRPA
Tous les aviateurs français présents ici n’ont qu’une idée en tête : celle de vous aider à apporter la paix dans votre pays.
Général Paloméros, Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air, au Général Mohammad Dawran, son homologue afghan.
Mon tout petit. Tu liras ces pages dans quelques années, et elles te sembleront écrites par un étranger. Tu n’auras pas de souvenir de ton papa pilote, mais j’espère que tu seras quand même fier de lui.
Lieutenant-Colonel B. Pilote de Mirage F1CR ; extrait de son journal, destiné à sa femme et ses enfants.
* * *
Hommage
Au Caporal-Chef Sébastien Planelles, CPA 10, mort pour la France en Afghanistan,
Aux hommes et femmes de l’Armée de l’Air morts pour la France,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux aviatrices et aviateurs !
« Mon but n’était pas de tirer des bombes, mais de faire mon devoir. »
Lieutenant G. pilote de Mirage 2000D.
Livre, photos, témoignage, récit biographique, Armée de l'Air, pilotes, personnel au sol
19:01 Publié dans Afghanistan, Aviateurs, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (2)
15/04/2013
« L’Afghanistan en feu », CCH Emmanuel Gargoullaud, RICM, Ed. Economica
A la mémoire du caporal-chef Bracchi, qui n’a pu quitter ses frères marsouins. Qu’il repose en paix.
Nous pouvons être fiers du comportement remarquable des soldats français en Afghanistan.
Général d’Armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre
Ils sont en train de nous bâtir un bien bel édifice, nos soldats-auteurs. Un monument virtuel car littéraire, mais qui rend magnifiquement hommage à leurs camarades morts pour la France, aux blessés, au dévouement de leurs frères d’armes.
Par leurs témoignages, chacun participe à sa façon : les officiers, c’était courant, mais désormais les sous-officiers et militaires du rang. Réjouissant. Et c’est au tour du Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud, marsouin du RICM, d’apporter sa pierre à l’édifice, avec son journal de marche en Afghanistan.
Le Régiment d’Infanterie Chars de Marine ; le plus décoré de l’Armée française… Tout est dit au titre de la gloire et de l’honneur, mais ce livre nous en apprend plus, de par sa vision de l’intérieur.
Devant un VBLL – photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Le Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud appartient au peloton de Commandement et Logistique. C’est un combattant, mais aussi un administratif qui gère la vie de la base. Ce rôle, parfois sous-estimé, est pourtant essentiel : Combien de temps un soldat tiendrait-il, sans retrouver un minimum de confort physique [popote/douche/lit], mais aussi moral, entre deux missions de terrain ? Sans accès internet pour échanger avec sa bien-aimée, sa famille ? Sans pause autour d’une bière raisonnablement fraiche ? Sans la moindre petite fête pour évacuer la pression ?
Je commence ma course pour trouver la Capitaine commissaire, les cartes Internet et téléphoniques, puis le vaguemestre pour le courrier, ainsi que le gérant du foyer pour l’approvisionnement de « La Sirène » [bar du RICM]. Courte nuit marquée par le ronflement de certains et les flatulences des autres.
Devant un T55 ex-soviétique – photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Les parties "action sur le terrain" sont toujours percutantes :
Nous, le groupe 50, avec Centaure et le JTAC, seront installés sur le COP51. Le PAD10 sera en QRF sur la FOB46, avec un groupe Génie de Jaune 30, les EOD. Le peloton AMX10RCR sera en tête du SGTIA et fera la reconnaissance par l’axe Taurus 1.
Je vois d’ici les lecteurs néophytes en jargon militaire : « Heeuuu... ». Ne vous effrayez pas. J’ai cherché dans le livre le paragraphe qui cumulait le plus d'abréviations :)
Emmanuel se parle à lui-même, il utilise donc la langue du soldat ; mais ce vocabulaire a aussi son mérite : il donne du rythme, voire crée un style littéraire original (Mili-Style ?) et, évidemment, tous les acronymes sont expliqués.
photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Entre les chapitres où il décrit sa vie au quotidien, sur la base ou le terrain, Emmanuel prend le temps d’approfondir sa vision de l’engagement de nos troupes en Afghanistan : Il nous parle de l’ennemi Taliban, souvent un groupe d’une dizaine de combattants, connaissance parfaite du terrain, mobilité extrême, réseau de renseignements on ne peut plus efficace (dans tous les récits publiés, les soldats parlent d’Afghans les observant, tout en parlant dans un portable...), possibilité de se fondre immédiatement dans la population, n’ayant que peu (pas ?) de respect pour la vie des femmes et des enfants, n’hésitant pas à en faire des boucliers humains, sachant pertinemment que les occidentaux ne tireront pas…
Il s’intéresse même à la géopolitique, la famille Ben Laden ou l’économie basée sur la culture de l’opium (drogue de Tintin et le Lotus bleu, mais aussi la matière-première de la morphine).
L’opium fait vivre plus de deux millions d’afghans et génère des recettes estimées à 2,5 milliards de dollars, soit 35% du PIB de l’économie afghane en 2005. En 2009, on estimait à 1,6 millions le nombre de personnes impliquées dans ce secteur d’activité. 8% des Afghans sont dépendants de drogue, que ce soit l’opium ou l’héroïne. Le pays produit plus de 80% de l’opium de la planète.
Un fermier indique qu’il peut obtenir, sur une même superficie, 8kg d’opium qui lui rapportent 300€, au lieu de 850 à 1100kg de blé, de culture plus aléatoire, et ne lui rapportant que 200€.
Dans son VAB. photo © CCH Emmanuel Gargoullaud
Nous l’avons dit, notre secrétaire est avant tout un combattant. Pilote de VAB, il est intégré régulièrement à la QRF : Quick Reaction Force/Force de Réaction Rapide, qui intervient en soutien des troupes au contact.
Une explosion assourdissante retentit. Je suis tout d’abord sonné. Mon véhicule est envahi de pierres et de poussière. Je suis recouvert d’une fine couche de terre, lorsque je réalise, au bout de quelques secondes, que nous venons de subir une attaque. Dans l’obscurité, avec mon [dispositif de vision nocturne] OB70, je regarde autour de moi, puis palpe mes bras et mes jambes. Tout va bien.
Tout va bien heureusement pour Emmanuel, mais…
Le Caporal-Chef Hervé Guinaud, descendu pour guider l’un des trois VAB du convoi, a disparu.
Au bout d’interminables minutes, j’aperçois une lampe qui s’agite à une vingtaine de mètres de mon VAB. Aussitôt je réagis, allume ma lampe torche Surfire pour les éclairer et, dans le halo de lumière, j’aperçois un corps.
(…)
C’est bien Hervé.
(…)
Le souffle de l’explosion l’a projeté à 50 mètres du cratère laissé par l’IED.
Il n’a pas souffert.
* * *
Avec « L’Afghanistan en feu », son journal, le Caporal-Chef Emmanuel Gargoullaud s’est parlé à lui-même, mais il l’a fait suffisamment fort pour que nous l’entendions haut et clair. C’est heureux. Une indispensable pierre à l’édifice.
« La guerre peut parfois sembler monotone, jusqu’au jour où elle rappelle à chacun de nous que nous sommes payés pour tuer, et mourir. »
* * *
Engagé en 1995, Emmanuel Gargoullaud intègre le 1er Régiment de Hussards Parachutistes. Neuf ans plus tard, il rejoint le Régiment d’Infanterie Chars de Marine de Poitiers. Il a été déployé en République Centrafricaine, ex-Yougoslavie, Côte d’Ivoire et Afghanistan. Emmanuel est marié et père de deux enfants. Envisageant une carrière civile au retour d'Afghanistan, il a finalement décidé de poursuivre sa vie de marsouin.
Emmanuel, je tiens à te remercier chaleureusement pour l’accueil réservé à mes sollicitations et l’envoi de tes photos perso. Vraiment sympa !
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Hommage
Au Caporal-Chef Hervé Guinaud, mort pour la France en Afghanistan,
A tous les marsouins du Régiment d’Infanterie Chars de Marine, né Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc, morts pour la France,
Aux blessés.
Avec le salut fraternel du Chasseur et de la Russe-blanc aux Marsouins du RICM.
« Recedit immortalis certamine magno »,
Il revint immortel de la grande bataille !
Devise du RICM
photo © CCH E. Gargoullaud
Livre, récit biographique d'un Marsouin, RICM, Afghanistan
10:28 Publié dans Afghanistan, Marsouins, Bigors, Mili-Livre | Lien permanent | Commentaires (1)